par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. civ. 2, 5 novembre 2015, 13-28373
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Cour de cassation, 2ème chambre civile
5 novembre 2015, 13-28.373

Cette décision est visée dans la définition :
Accident du travail




LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu les articles L. 411-1, L. 452-1 et R. 441-14 du code de la sécurité sociale, ce dernier dans sa rédaction issue du décret n° 2009-938 du 29 juillet 2009 ;

Attendu que si la décision de prise en charge de l'accident du travail, de la maladie professionnelle ou de la rechute, motivée et notifiée dans les conditions prévues par le dernier de ces textes, revêt à l'égard de l'employeur, en l'absence de recours dans le délai imparti, un caractère définitif, elle ne fait pas obstacle à ce que celui-ci conteste, pour défendre à l'action en reconnaissance de la faute inexcusable, le caractère professionnel de l'accident ou de la maladie ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'employé en qualité d'électromécanicien intérimaire par la société MCTI (l'employeur), mis à disposition de la société Art industrie Bourgogne par contrat du 22 novembre 2010, M. X... a été victime le même jour d'un accident vasculaire cérébral alors qu'il se rendait à Séoul dans le cadre de sa mission ; que la caisse primaire d'assurance maladie de Saône-et-Loire (la caisse) ayant pris en charge cet accident au titre de la législation professionnelle, l'intéressé a saisi une juridiction de sécurité sociale d'une action en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur ;

Attendu que pour retenir la faute inexcusable de l'employeur, l'arrêt se borne à constater que les demandes d'inopposabilité de la décision de prise en charge de l'accident du travail sont irrecevables, faute de contestation dans le délai de deux mois à compter de la notification ;

Qu'en statuant ainsi, alors que l'opposabilité de cette décision ne privait pas l'employeur, dont la faute inexcusable était recherchée, de contester le caractère professionnel de l'accident, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il confirme le jugement entrepris en ce qu'il a dit irrecevables les demandes d'inopposabilité de la décision de prise en charge au titre de la législation professionnelle de l'accident survenu à M. X... le 22 novembre 2010, l'arrêt rendu le 24 octobre 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Dijon ; remet, en conséquence, sauf sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ;

Condamne M. X..., la caisse primaire d'assurance maladie de Saône-et-Loire et la société Art industrie Bourgogne aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société MCTI ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;


Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du cinq novembre deux mille quinze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Lévis, avocat aux Conseils, pour la société MCTI

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que l'accident dont a été victime M. X... le 22 novembre 2010 est dû à la faute inexcusable de la société MCTI, dit que M. X... a le droit d'obtenir les majorations prévues par l'article L.452-2 du code de la sécurité sociale et de se voir indemniser de ses chefs de préjudice visés par l'article L. 452-3 dans les conditions prévues par ce même code, et des préjudices non visés par ce code dans les conditions de droit commun, et d'AVOIR alloué à M. X... la somme de 10.000 euros à titre de provision à valoir sur l'indemnisation de ses divers chefs de préjudice personnels, renvoyé M. X... devant la caisse pour liquidation des droits qui lui ont été reconnus, dit que la CPAM de Saône-et-Loire devait payer les sommes dues à M. X..., charge à elle d'en récupérer le montant auprès de la société MCTI et condamné la société MCTI à payer à M. X... une indemnité de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

AUX MOTIFS QUE sur la contestation du caractère professionnel de l'accident, par lettre recommandée avec accusé de réception du 20 avril 2011, reçue par la société MCTI le 21 avril 2011, l'entreprise a été informée par la caisse qu'elle avait la possibilité, l'instruction étant terminée, de venir consulter les pièces du dossier, la décision de l'organisme devant intervenir le 10 mai suivant ; que la société concernée n'a pas donné suite à cette invitation ; que, par une nouvelle lettre recommandée datée du 10 mai 2011, reçue le 12 mai 2011 par l'employeur, il a été notifié à celui-ci la prise en charge de l'accident survenu à Monsieur Roland X..., au titre de la législation professionnelle ; que la même correspondance l'informait qu'en cas de contestation de la décision de l'organisme, il devait saisir la commission de recours amiable, dont l'adresse lui était précisée, de préférence par lettre recommandée avec accusé de réception, dans un délai de deux mois à compter de la réception du courrier de notification ; qu'ayant négligé d'élever toute contestation, la société MCTI est irrecevable à le faire pour la première fois dans le cadre de cette procédure contentieuse, étant forclose dans son recours ; que, sur le principe de la faute inexcusable, en vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l'employeur est tenu envers celui-ci d'une obligation de sécurité de résultat, notamment en ce qui concerne les accidents du travail ; que le manquement à cette obligation a le caractère d'une faute inexcusable, au sens de l'article L.452-1 du code de la sécurité sociale, lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé son salarié et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver ; qu'en l'espèce, pour obtenir que soit reconnue la faute inexcusable de son employeur et de l'entreprise utilisatrice, le salarié fait valoir que constitue une faute inexcusable le fait pour l'employeur de ne l'avoir fait soumettre ni à la visite médicale d'embauche, ni à celle prévue par l'article 3 de l'accord du 2 décembre 1986 sur les conditions de détachement des salariés temporaires à l'étranger ; que cette faute inexcusable est encore caractérisée, selon lui, par le fait que son employeur, comme la société utilisatrice, ayant connaissance de ses troubles apparents lors de son arrivée à l'aéroport n'ont pris aucune initiative pour différer son départ et le faire préalablement examiner par un médecin ; que cependant, ni l'employeur ni l'entreprise utilisatrice n'ayant eu le jour d'embarquement de contact avec Monsieur Roland X... autre que téléphonique, ce dernier ne peut soutenir que ses troubles d'élocution étaient de nature à les avertir de la gravité de son état ; qu'il ressort en effet des pièces aux débats qu'il a fallu trois jours aux médecins, lorsque Monsieur Roland X... est arrivé à Séoul, pour apprécier la réalité de son problème de santé, sans que quiconque ne les taxe d'incompétence ou de négligence ; que cependant, aux termes de l'article R. 4624-10 du code du travail, l'employeur est tenu de soumettre ses salariés à une visite médicale avant l'embauche ou au plus tard avant l'expiration de la période d'essai ; qu'en application de l'article D. 4625-1 du code du travail, les entreprises de travail temporaire sont soumises aux mêmes obligations ; que l'accord du 2 décembre 1986 sur les conditions de détachement des salariés temporaires à l'étranger, étendu par arrêté ministériel du 22 juin 1987, prévoit en son article 7 que la visite médicale d'embauche ainsi que, le cas échéant, les examens complémentaires relevant de la surveillance médicale spéciale, au sens de la réglementation relative à la médecine du travail, doivent être effectués avant le départ du salarié lorsque celui-ci est détaché dans des conditions ne lui permettant pas de se rendre à une convocation ultérieure ; qu'à l'évidence, le départ du salarié en extrême orient interdisait que la visite médicale d'embauche fût réalisée pendant sa période d'essai fixée au contrat à deux jours ; qu'elle devait nécessairement être réalisée avant son départ à l'étranger ; que, c'est par une interprétation erronée de l'obligation pesant sur l'employeur de soumettre ses salariés à une visite médicale d'embauche que les premiers juges ont retenu que pouvait en tenir lieu une visite médicale passée le 8 septembre 2008 ; qu'il ressort de l'examen de cette pièce, d'une part que cette visite d'embauche a été passée au service médical du travail de Saône-et-Loire, non à l'occasion de l'embauche par la société MCTI mais à celle d'une embauche de Monsieur Roland X... par la société A.R.T. INDUSTRIE ; que d'autre part et superfétatoirement, cette visite était ancienne de plus de deux ans lorsque est survenu l'accident du travail ; que dès lors, quand bien même, ce qui nécessairement n'est pas le cas, Monsieur Roland X... serait demeuré salarié de A.R.T INDUSTRIE sans discontinuer depuis cette date, elle n'est pas de nature à démontrer que l'employeur a satisfait à ses obligation en matière de protection de la santé de ses salariés puisqu'une visite médicale est obligatoire tous les deux ans ; qu'enfin la société MCTI n'excipe d'aucun des cas de dispense de visite médicale d'embauche visés à l'article R. 4625-10 du code du travail ; qu'au regard de ces circonstances, il est sans emport qu'une telle visite n'ait probablement pas permis de pronostiquer l'affection dont Monsieur Roland X... a été atteint, étant observé qu'elle aurait peut-être permis de mettre en évidence des facteurs de risque chez le sujet, susceptibles d'affecter son aptitude au poste pour lequel il était embauché (Soc. 14 mars 2013, 11-27989) ; qu'en conséquence, la cour juge que l'employeur a manqué à son obligation de sécurité de résultat ; qu'infirmant le jugement entrepris, elle juge que la société MCTI a commis une faute inexcusable causale à laquelle peut être imputée l'accident survenu à son salarié ;

1/ ALORS QUE les rapports entre la caisse et l'employeur sont indépendants des rapports entre la caisse et le salarié et des rapports entre le salarié et l'employeur ; que le fait que la décision de prise en charge de l'accident par la caisse soit définitive à l'égard de l'employeur ne prive pas ce dernier de la possibilité d'opposer au salarié, qui invoque l'existence d'une faute inexcusable, l'absence de caractère professionnel de l'accident ; qu'en statuant comme elle l'a fait, sans rechercher si le caractère professionnel de l'accident était établi à l'égard de l'employeur qui le contestait, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 411-1 et L. 452-1 du code de la sécurité sociale ;

2/ ALORS, subsidiairement, QU'il résulte de l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale que pour engager la responsabilité de l'employeur, la faute inexcusable commise par celui-ci doit être la cause nécessaire de l'accident dont le salarié a été victime ; qu'en retenant qu'il n'y avait pas lieu d'établir le lien de causalité entre l'absence d'organisation de la visite médicale d'embauche et l'AVC diagnostiqué le 22 novembre 2010, la cour d'appel a violé les articles L. 452-1 du code de la sécurité sociale et 1147 du code civil ;


3/ ALORS, encore subsidiairement, QUE l'auteur d'une faute ne peut être condamné à réparation que si sa faute a contribué de façon directe à la production du dommage ; qu'en énonçant, pour retenir l'existence d'une faute inexcusable de la société MCTI, qu'une visite médicale d'embauche « aurait peut-être permis de mettre en évidence des facteurs de risque chez le sujet, susceptibles d'affecter son aptitude au poste », sans caractériser un lien de causalité direct entre le manquement de l'employeur et le dommage invoqué par le salarié, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 452-1 du code de la sécurité sociale et 1147 du code civil.



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Cette décision est visée dans la définition :
Accident du travail


Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 29/04/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.