par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. com., 6 décembre 2016, 15-12320
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Cour de cassation, chambre commerciale
6 décembre 2016, 15-12.320

Cette décision est visée dans la définition :
Donneur d'ordre




LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 27 novembre 2014), que la société Groupe Bigard, spécialisée dans la transformation de viande, entretenait des relations commerciales, pour des opérations de seconde transformation dans quatre sites du Nord de la France, avec la société Nordesosse, laquelle faisait intervenir, en qualité de sous-traitant, la société Meat Desoss ; qu'afin de se conformer aux recommandations de la convention nationale relative à la labellisation sociale des prestations de services dans le domaine du travail à façon de la viande, la société Groupe Bigard a demandé, en décembre 2011, à la société Nordesosse d'engager des démarches en vue de l'obtention du label social ; que l'audit social réalisé en mai 2012 à la demande la société Nordesosse, par la société Bureau Veritas (la société Veritas), ayant relevé des non-conformités à la législation sociale et conclu à un refus de labellisation, la société Nordesosse a sollicité un délai auprès de la société Groupe Bigard ; que, le 31 août 2012, la société Groupe Bigard a informé la société Nordesosse qu'elle mettait fin à leurs relations commerciales pour trois sites ; que le 1er octobre suivant, elle l'a informée de la cessation de leurs relations pour le quatrième site, avec un préavis de deux mois ; que les sociétés Nordesosse et Meat Desoss ont assigné la société Groupe Bigard en réparation de leurs préjudices :

Sur le premier moyen du pourvoi principal :

Attendu que la société Groupe Bigard fait grief à l'arrêt de dire qu'elle a rompu brutalement la relation commerciale la liant à la société Nordesosse alors, selon le moyen :

1°/ que la crainte légitime d'un risque de condamnation pénale au regard du non-respect, par le prestataire, de la législation sociale, justifie la rupture de la relation commerciale établie sans préavis ; qu'au cas présent, il est constant que l'audit mené par la société Veritas avait révélé trois non-conformités majeures et treize rédhibitoires pour la société Meat Desoss, et quatre majeures et douze rédhibitoires pour la société Nordesosse, et que « beaucoup de points [étaient] à revoir en terme de respect du droit et de la CCN ; [que] la pratique de la sous-traitance entre les sociétés du même groupe [devait] être revue complètement » ; qu'il en résultait que la société Groupe Bigard ne pouvait que s'inquiéter d'un risque de condamnation pénale au regard des articles L. 8231-1 et L. 8241-1 du code du travail (délits de marchandage et de prêt illicite de mains-d'oeuvre), le juge pénal n'octroyant jamais de délais de régularisation ; qu'en jugeant, malgré l'existence de cette peur causée par la société Nordesosse, que la société Groupe Bigard avait rompu brutalement les relations commerciales la liant à la société Nordesosse, la cour d'appel a violé l'article L. 442-6, I, 5, du code de commerce ;

2°/ que les rapports Veritas versés aux débats mentionnaient expressément plusieurs infractions des sociétés Nordesosse et Meat Desoss à la Convention collective nationale de l'industrie et des commerces en gros de viandes (CCN) et notamment que « les accords de branche, notamment en matière de salaires, ne sont pas appliqués au sein de l'entreprise », que « le temps d'habillage/déshabillage ne fait pas l'objet d'une compensation au bénéfice des salariés conformément aux dispositions conventionnelles de branche », que « la prime de fin d'année n'est pas conforme aux dispositions de la CCN N°3179 », que « les dispositions de la convention collective sur le versement de la prime d'ancienneté ne sont pas respectées », que « les montants des salaires de base mensuels minimums prévus par les avenants salariaux de la branche ne sont pas respectés » ; qu'en retenant, pour rejeter le moyen développé par la société Groupe Bigard, suivant lequel les sociétés Nordesosse et Meat Desoss ne respectaient pas le droit social, que « le rapport concluait seulement que la labellisation n'était pas possible en l'état », la cour d'appel a dénaturé lesdits rapports, et ainsi violé l'article 1134 du code civil ;

3°/ que l'objectif de l'audit confié à Veritas, l'obtention du label social, n'empêchait pas que les non-conformités constatées puissent constituer, au-delà des obstacles à la labellisation, de véritables infractions à la législation sociale, révélées à la société Groupe Bigard à cette occasion ; qu'en relevant, pour juger que le rapport Veritas ne révélait pas d'infraction à la législation sociale, qu'il avait pour « objectif » de « relever les obstacles à l'obtention de la labellisation et non à rechercher des infractions ou des manquements contractuels de la société Nordesosse », la cour d'appel a statué par un motif inopérant et, en conséquence, privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 442-6, I, 5, du code de commerce ;

4°/ qu'au cas présent la société Groupe Bigard invoquait, s'agissant des frais professionnels remboursés par les sociétés Nordesosse et Meat desoss, non pas le dépassement du seuil de 18 % du salaire, préconisé seulement par la Commission de labellisation, mais le taux prohibitif de 31 % d'indemnités non imposables, révélant un salaire déguisé permettant à l'employeur d'échapper aux cotisations sociales ; qu'en retenant, pour juger que le rapport Veritas ne révélait pas d'infraction au droit social, que le remboursement des frais de déplacement supérieur à 18 % du salaire « ne constitue pas une infraction », sans rechercher, comme elle y était invitée, si le paiement d'indemnités non imposables représentant 31% de la rémunération des salariés ne caractérisait pas une violation de la législation sociale, la cour d'appel a statué par un motif inopérant, et partant, violé l'article 455 du code de procédure civile ;

5°/ qu'aux termes de l'article 3 de l'avenant n° 75 du 17 mars 2009 à la Convention collective nationale des entreprises de l'industrie et des commerces en gros des viandes « aucun salaire de base ne peut être inférieur aux montants des salaires définis chaque année dans la convention collective nationale, qui excluent donc tout autre élément de rémunération (pauses, habillages, primes diverses...) » ; que la société Groupe Bigard faisait valoir dans ses écritures que les sociétés Nordesosse et Meat Desoss ne respectaient pas la CCN du commerce en gros des viandes en versant à leur personnel, et notamment à Mme X..., des salaires inférieurs aux minimas conventionnels fixés par l'avenant n° 78 du 4 février 2011, et que « la rémunération de base (minima conventionnel) se calcule par rapport au niveau et à l'échelon du salarié, à laquelle s'ajoute la prime d'ancienneté, la prime de 13ème mois, et une éventuelle prime de production » ; qu'en retenant que « il résulte de la lecture de ce bulletin de salaire qu'elle a perçu en plus de son salaire de base une prime de production de sorte que son salaire était supérieur au minimum conventionnel » , la cour d'appel, qui a intégré dans le salaire de base la prime de production, a violé l'article 3 de l'avenant n° 75 du 17 mars 2009 à la Convention collective nationale des entreprises de l'industrie et des commerces en gros des viandes ;

6°/ que la société Groupe Bigard faisait valoir dans ses écritures d'appel que les salariés de la société étrangère Yellow Word, détachés sur les sites Bigard par la société Nordesosse, percevaient un salaire mensuel inférieur aux minima conventionnels, qu'elle insistait sur la distinction entre le salaire minimum légal et le salaire minimum conventionnel, indiquant que l'attestation produite par la partie adverse visait seulement le salaire minimum légal ; que la cour d'appel, pour estimer que les salaires en cause étaient conformes à la législation sociale, a retenu que l'expert comptable de la société Nordesosse avait attesté que quatre des salariés de la société Yellow word avaient perçu « des salaires supérieurs au salaire minimum » ; qu'en s'abstenant de préciser s'il s'agissait du salaire minimum légal (SMIC) ou du salaire minimum conventionnel, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'avenant n° 78 du 4 février 2011 à la Convention collective nationale des entreprises de l'industrie et des commerces en gros des viandes ;

Mais attendu que l'arrêt relève que l'audit réalisé par la société Veritas n'avait pas pour objet de rechercher des infractions ou des manquements contractuels et que les non-conformités constatées constituaient seulement des obstacles à la labellisation de la société Nordesosse, le rapport d'audit indiquant que "beaucoup de points sont à revoir en termes de respect du droit et de la convention collective nationale de l'industrie et des commerces en gros de viande" et que "la pratique de la sous-traitance entre les sociétés du même groupe doit être revue complètement" et se bornant à conclure que la labellisation n'était pas possible en l'état ; qu'il relève encore qu'à la suite de l'audit, la société Nordesosse a rendu compte à la société Groupe Bigard de l'ensemble de ces éléments, l'avisant qu'elle allait demander à être de nouveau auditée le plus rapidement possible afin de pouvoir obtenir le label pour la fin de l'année ou le début 2013 ; qu'il ajoute que la société Groupe Bigard, qui avait laissé mettre en oeuvre ce processus dont la société Nordesosse pouvait espérer qu'il lui permettrait d'être labellisée, a mis fin aux relations sans permettre à cette société de conduire pleinement le processus à son terme ; qu'il constate que la société Nordesosse n'a commis aucun manquement contractuel et que la société Groupe Bigard ne lui avait fixé aucun délai pour l'obtention du label social ; qu'il constate encore que, concernant le site de Saint-Pol, la société Groupe Bigard a fait application du préavis contractuel de deux mois ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, faisant ressortir que la société Groupe Bigard, elle-même, n'avait pas considéré les non-conformités constatées par la société Veritas, qui s'étaient prolongées dans le temps, comme suffisamment graves pour justifier une rupture immédiate de ses relations commerciales avec la société Nordesosse, la cour d'appel, qui n'a pas dénaturé le rapport d'audit et qui n' avait pas à effectuer la recherche inopérante invoquée à la quatrième branche, a pu retenir, abstraction faite des motifs surabondants critiqués par les cinquième et sixième branches, que la rupture était brutale ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le second moyen du même pourvoi :

Attendu que la société Groupe Bigard fait grief à l'arrêt de fixer à un an le préavis dont aurait dû bénéficier la société Nordesosse alors, selon le moyen :

1°/ qu'une relation commerciale établie ne peut être considérée comme poursuivie en l'absence de reprise expresse des engagements par le nouveau partenaire, que si les circonstances permettaient d'établir une volonté des parties au nouveau rapport de s'inscrire dans la continuité des rapports précédents ; qu'en retenant seulement, pour juger que la société Groupe Bigard avait repris la relation commerciale établie par la société Arcadie, et, avant elle, par la société Vianor, avec la société Nordesosse, que cette dernière était devenue le fournisseur du groupe après le rachat de la société Arcadie par le Groupe Bigard, sans caractériser les éléments tangibles permettant d'établir une volonté des parties de se situer dans la continuité des relations précédemment établies, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 442-6, I, 5, du code de commerce ;

2°/ que la société Groupe Bigard soutenait dans ses écritures d'appel que sa propre relation commerciale avec la société Nordesosse avait débuté, ainsi qu'en attestaient les factures produites par Nordesosse, en 1997, soit deux ans après le rachat de la société Arcadie, et s'étalait sur quinze ans ; que la cour d'appel a retenu, pour dire que la relation commerciale avec la société Nordesosse était restée ininterrompue depuis 1989, d'une part, que la société Groupe Bigard faisait valoir que son partenariat avec la société Nordesosse avait débuté en 1995 (donc l'année du rachat de la société Arcadie par le Groupe Bigard), et, d'autre part, qu'il résultait des journaux de ventes que la relation commerciale avait commencé avec Vianor, rachetée en 1992 par Arcadie, elle-même rachetée en 1995 par le Groupe Bigard, de sorte que, bien qu'aucune facture antérieure à 1997 ne soit versée aux débats, une relation commerciale continue entre 1989 et 2011 était établie ; qu'en retenant ainsi une relation commerciale ininterrompue, au motif que la société Groupe Bigard soutenait que le partenariat avait débuté en 1995, cependant que cette dernière soutenait que ses propres relations commerciales avec la société Nordesosse avaient débuté en 1997, ce dont il résultait une interruption de deux ans entre la relation établie entre les sociétés Arcadie et Nordesosse, et celle établie entre les sociétés Groupe Bigard et Nordesosse, la cour d'appel a méconnu les termes du litige et ainsi violé l'article 4 du code de procédure civile ;

Mais attendu, en premier lieu, que c'est sans méconnaître les termes du litige que la cour d'appel, interprétant les conclusions ambiguës de la société Groupe Bigard, a retenu que celle-ci soutenait que son partenariat avec la société Nordesosse avait commencé en 1995 et non en 1997, ainsi que l'affirme le moyen ;

Et attendu, en second lieu, qu 'ayant constaté que la société Nordesosse avait noué en 1989 des relations commerciales avec la société Vianor, l'arrêt relève que cette société a été cédée en 1992 à la société Arcadie, laquelle a été à son tour acquise, en 1995, par la société Groupe Bigard ; qu'il relève, encore, que la société Nordesosse est ensuite restée le fournisseur de la société Groupe Bigard et en déduit que la relation commerciale initialement nouée entre la société Nordesosse et la société Vianor, puis la société Arcadie, s'est poursuivie, de manière ininterrompue, avec la société Groupe Bigard ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, la cour d'appel a légalement justifié sa décision de retenir l'existence d'une relation commerciale établie, depuis l'année 1989 ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le premier moyen du pourvoi incident :

Attendu que la société Nordesosse fait grief à l'arrêt de limiter l'indemnité qui lui a été allouée au titre des préavis non exécutés alors, selon le moyen :

1°/ qu'après avoir estimé que les relations commerciales avaient débuté en 1989 pour être rompues en octobre 2012, ce qui correspondait à une durée de 23 années, la cour d'appel ne pouvait, sans se contredire et violer l'article 455 du code de procédure civile, retenir une durée de relations établies de 22 ans ;

2°/ qu'en cas d'insuffisance du préavis, le préjudice en résultant est évalué en fonction de la durée du préavis jugé nécessaire ; que la durée du préavis suffisant tient compte de l'état de dépendance économique du partenaire commercial ; qu'en ne recherchant pas, malgré l'invitation qui lui a été faite, si la société Nordesosse ne se trouvait pas dans un état de dépendance économique à l'égard de la société Groupe Bigard, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article L. 442-6, I, 5° du code de commerce ;

Mais attendu, d'abord, que l'erreur de calcul invoquée est sans influence sur la solution du litige ;

Attendu, ensuite, que la dépendance économique s'apprécie en tenant compte de la possibilité, pour une entreprise, de disposer d'une solution techniquement et économiquement équivalente aux relations commerciales qu'elle a nouées avec une autre entreprise ; que si la société Nordesosse invoquait, dans ses écritures d'appel, son état de dépendance économique, elle se bornait à faire état de la part que représentait le Groupe Bigard dans son chiffre d'affaires ainsi que de la notoriété de cette dernière, sans fournir aucune indication sur l'état du marché sur lequel elle opérait ni sur ses perspectives de reconversion ; qu'en cet état, la société Nordesosse ne peut utilement reprocher à la cour d'appel, qui n'était pas en mesure d'apprécier son état de dépendance économique, de ne pas avoir effectué la recherche invoquée à la seconde branche ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le deuxième moyen du même pourvoi :

Attendu que la société Nordesosse fait grief à l'arrêt du rejet de sa demande d'indemnisation du coût des licenciements économiques alors, selon le moyen, qu'en se bornant à affirmer que la société Nordesosse ne justifie ni des licenciements allégués, ni de leur coût, sans analyser, fût-ce sommairement les justificatifs des tentatives de reclassement interne et externe, les lettres de licenciement économiques, l'attestation de l'expert-comptable indiquant le coût de ces licenciements, la cour d'appel n'a pas donné de réelle motivation à sa décision, en violation des exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;

Mais attendu que, sous le couvert du grief non fondé de violation de la loi, le moyen ne tend qu'à remettre en cause l'appréciation souveraine, par les juges du fond, de la valeur et de la portée des éléments de preuve soumis à leur appréciation dont ils ont déduit qu'aucune justification n'était apportée ni de l'existence ni du coût des licenciements ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur les troisième et quatrième moyens de ce pourvoi, réunis :

Attendu que la société Meat Desoss fait grief à l'arrêt du rejet de sa demande de dommages-intérêts alors, selon le moyen :

1°/ qu'un tiers peut obtenir, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, la réparation du préjudice que lui a causé la rupture brutale d'une relation commerciale; qu'après avoir constaté que la société Groupe Bigard avait rompu les relations commerciales qu'elle a établies avec la société Nordesosse, ce dont il résultait que cette dernière avait, du fait de cette rupture brutale, subi un préjudice correspondant au manque à gagner au titre de son intervention sur ces deux chantiers, la cour d'appel ne pouvait débouter la société Meat Desoss de sa demande sans violer l'article 1382 du code civil ;

2°/ qu'en retenant que la situation de la société Meat desoss était précaire, la cour d'appel a statué par un motif impropre à exclure tout préjudice qu'aurait subi cette dernière du fait de la rupture brutale des relations commerciales établies avec la société Nordesosse et privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil ;

3°/ qu'en se bornant à affirmer que la société Meat Desoss ne justifie pas des licenciements économiques allégués, sans analyser, fût-ce sommairement les justificatifs des tentatives de reclassement interne et externe, les lettres de licenciements économiques, l'attestation de l'expert-comptable indiquant le coût de ces licenciements, la cour d'appel n'a pas donné de réelle motivation à sa décision, en violation des exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;

Mais attendu qu'ayant constaté que la société Groupe Bigard avait demandé, le 30 novembre 2011, à ses directeurs de sites d'interrompre toute collaboration avec les prestataires ne disposant pas du label social, l'arrêt relève que la société Nordesosse, qui avait entrepris les démarches pour l'obtention de ce label, s'était vu opposer un refus de labellisation, au terme de l'audit social réalisé en mai 2012 par la société Veritas, qui avait mis en exergue un problème de sous-traitance, et qu'elle s'était aussitôt engagée à prendre les mesures utiles à l'obtention du label, demandant un délai pour se conformer aux préconisations contenues dans le rapport d'audit ; qu'il constate que la société Meat Desoss était dans une situation de sous-traitance avec la société Nordesosse, essentiellement sur le site de Feignies, depuis 2009, et relève que ce site était l'objet d'un contrat signé avec la société Groupe Bigard, en 2012, qui visait la nécessité d'obtenir la labellisation ; qu'il en déduit que la situation de la société Meat Desoss était précaire ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, la cour d'appel a pu rejeter la demande de la société Meat Desoss en réparation du préjudice qui serait résulté, pour elle, de la rupture de la relation établie entre son donneur d'ordre et la société Groupe Bigard ; que le moyen, inopérant en sa troisième branche, qui critique des motifs surabondants, n'est pas fondé pour le surplus ;

Et sur le cinquième moyen du même pourvoi :

Attendu que la société Meat Desoss fait grief à l'arrêt du rejet de sa demande de dommages-intérêts au titre du "débauchage déloyal" de ses quatorze salariés alors, selon le moyen :

1°/que le tiers peut, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, se prévaloir d'un manquement contractuel dès lors que ce manquement lui a causé un préjudice ; qu'en retenant que la société Meat Desoss ne pouvait se prévaloir, en tant que tiers, de la clause de non-sollicitation figurant au contrat conclu entre la société Nordesosse et la société Groupe Bigard, quand elle se prévalait du préjudice que lui causait le non-respect de cette clause par la société Groupe Bigard, la cour d'appel a violé les articles 1165 et 1382 du code civil, le premier par fausse application, le second par refus d'application ;

2°/ qu'après avoir constaté que la société Groupe Bigard, qui ne le contestait pas, avait repris quatorze salariés de la société Meat Desoss, la cour d'appel ne pouvait, sans violer l'article 1382 du code civil, refuser de réparer le préjudice résultant de ce débauchage déloyal ;

Mais attendu, d'une part, qu'ayant constaté que la société Groupe Bigard, qui ne contestait pas être liée par une clause de non-sollicitation figurant dans l'un des contrats de prestation la liant à la société Nordesosse, n'avait repris aucun des salariés de cette société, c'est à bon droit que la cour d'appel a rejeté la demande de la société Meat Desoss, fondée sur la violation de cette clause ;

Et attendu, d'autre part, qu'il ne résulte ni de l'arrêt ni de ses conclusions que la société Meat Desoss ait soutenu devant la cour d'appel qu'elle avait été victime d'actes de débauchage de son personnel de la part de la société Groupe Bigard, la demande qu'elle qualifiait, dans son dispositif, de demande de dommages-intérêts pour " débauchage déloyal de 14 salariés" correspondant en réalité à sa demande au titre de la violation de la clause de sollicitation ; que le moyen est nouveau et mélangé de fait et de droit ;

D'où il suit que le moyen, non fondé en sa première branche, est irrecevable en sa seconde branche ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE les pourvois principal et incident ;

Laisse à chacune des parties la charge de ses dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du six décembre deux mille seize.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, avocat aux Conseils, pour la société Groupe Bigard, demanderesse au pourvoi principal


PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir, infirmant le jugement entrepris, dit que la société GROUPE BIGARD avait rompu brutalement les relations commerciales la liant à la société NORDESOSSE, d'avoir fixé à un an le préavis dont aurait dû bénéficier la société NORDESOSSE, et d'avoir en conséquence condamné la société GROUPE BIGARD à payer à la société NORDESOSSE les sommes de 548.611€ et de 142.140€ au titre des préavis non exécutés ;

Aux motifs que « Sur l'existence alléguée de fautes graves commises par la société NORDESOSSE : la société GROUPE BIGARD affirme que la société NORDESOSSE n'a pas respecté son obligation d'intervenir avec son propre personnel sur le site de Feignies et n'a pas respecté les obligations qui résultent de la législation sociale sur les trois autres sites : que la société NORDESOSSE fait valoir qu'aucune disposition des contrats relatifs aux sites d'Ailly, de Formerie et de Saint-Pol ne lui interdisait le recours à la sous-traitance et que, pour le site de Feignies, elle avait été autorisée par un avenant du 19 juillet 2010 à recourir à du personnel intérimaire ; que l'article 7 des contrats pour les sites de Saint-Pol du 21 octobre 2002 et Formerie du 28 juillet 2009 stipulent que « l'entrepreneur est seul responsable du respect des obligations découlant de la législation sociale applicable à son propre personnel », et qu'il « s'engage notamment à faire inscrire tous ses travailleurs dans le registre de son personnel...à délivrer à son personnel des fiches individuelles » ; que, si l'article 7 du contrat en date du 26 décembre 2007 concernant le site d'Ailly a été modifié par les parties en ce que la mention « personnel propre » a été barrée et qu'il a été ajouté de façon manuscrite « l'ensemble du personnel qu'il a en place sur le site d'Ailly », cette insertion permet d'inclure du personnel intérimaire ; que, concernant le site de Feignies, les parties avaient signé un avenant en date du 19 juillet 2010 autorisant la société NORDESOSSE à recourir à du personnel intérimaire « afin de pallier le manque de personnel pour raison de congés, maladie, autre, surcroît d'activité dû aux promotions rentrées » ; que le contrat en date du 4 janvier 2012 stipule en revanche en son article 2.1 « pour la réalisation de sa mission, le prestataire sera amené à intervenir avec ses propres salariés, essentiellement pour des raisons sanitaires d'agrément des produits contractuels, au sein des locaux professionnels du donneur d'ordre dans un espace qui lui sera affecté et désigné par ce dernier », mettant en évidence que les parties avaient décidé d'y renoncer ; qu'il résulte de ces éléments que la société Groupe Bigard a autorisé le recours à du personnel intérimaire de façon ponctuelle sur le site de Feignies, les parties ayant convenu à partir de 2012 que seul le personnel de la société NORDESOSSE interviendrait sur ce site ce qui excluait le recours à des intérimaires ; qu'aucun des quatre contrats, ni l'avenant conclu pour le site de Feignies, ne stipulent une interdiction pour la société NORDESOSSE de recourir à la sous-traitance, dès lors que le contrat de sous-traitance exigeait l'agrément de la société Bigard. ; que la société NORDESOSSE ne conteste pas avoir eu recours à la société MEAT DESOSS en qualité de sous traitant, la société GROUPE BIGARD en étant parfaitement informée, ce que celle-ci conteste, affirmant au demeurant qu'il ne s'agissait pas d'une situation de sous-traitance mais d'un prêt de main-d'oeuvre illicite, les salariés de la société MEAT DESOSS étant sous l'autorité de ceux de la société NORDESOSSE ; que le contrat de sous-traitance s'analyse en un contrat portant sur une prestation spécifique, le sous traitant gardant à cette occasion son autonomie et le contrôle de ses salariés ; que la société NORDESOSSE indique avoir sous-traité tout le site de Feignies à la société MEAT DESOSS de sorte que celle-ci a bénéficié sur ce site d'une totale autonomie concernant les salariés et leur encadrement ; qu'elle verse d'ailleurs une attestation de Y..., salarié de la société MEAT DESOSS et responsable de chantier sur ce site qui indique « Je remettais au représentant de la société BIGARD tous les documents sociaux et contrats de travail des salariés qui travaillaient sur le site de Feignies. La société BIGARD faisait régulièrement des contrôles ... » ; qu'il résulte de cette attestation que la société MEAT DESOSS encadrait elle-même son personnel sur ce chantier et que son responsable était en relation directe avec la société Groupe Bigard ; que la relation entre la société NORDESOSSE et MEAT DESOSS s'analyse donc bien en une relation de sous-traitance et non de prêt de main d'oeuvre ; que la société VERITAS a effectué une visite sur le site de Feignies et a constaté que la société MEAT DESOSS était le sous traitant de la société NORDESOSS ; qu'elle a donc nécessairement pris connaissance du panneau d'affichage au nom de la société MEAT DESOSS et des contrats de travail signés par elle ; que la société groupe BIGARD, qui avait quotidiennement un représentant permanent sur place depuis quatre ans, ne pouvait ignorer l'existence de cette sous-traitance ; que l'attestation de M. Y... démontre que la société Groupe BIGARD était parfaitement au courant des mouvements de personnel ; que la société NORDESOSSE produit aussi l'attestation de M. Z..., ancien salarié de la société NORDESOSSE et responsable de chantier sur le site de Formerie, depuis lors embauché par le nouveau prestataire de la société BIGARD qui indique que celle-ci « était parfaitement informée des mouvements du personnel que ce soit pour NORDESOSSE ou YELLOW WORD » ; que par courrier du 30 juillet 2010, la société groupe BIGARD a réclamé pour les ressortissants étrangers « une attestation complémentaire concernant la régularité de leur situation à résider et à travailler en France » ; que la société BIGARD verse l'attestation qui lui a été adressée par la société NORDESOSSE le 30 mars 2011 dans laquelle elle indique que « tous les ressortissants étrangers sont en règle avec la législation pour résider et travailler en France » ; qu'en conséquence la société BIGARD était parfaitement au courant de la présence des salariés de la société YELLOW WORD sur ses sites et en contrôlait la régularité ; qu'il résulte de ces éléments que la société groupe BIGARD avait une parfaite connaissance du recours par la société NORDESOSSE aux sociétés MEAT DESOSS dans le cadre d'une sous-traitance et à la société YELLOW WORD CARNES dans le cadre de l'intérim et qu'elle l'a accepté quand bien même il était contraire aux dispositions contractuelles écrites liant les parties ; que, concernant les salariés de la société LDS, la société NORDESOSSE produit aux débats l'avenant au contrat de prestations qui liait la société LDS au groupe BIGARD et la facture de prestations adressée pour le mois de décembre 2009, mois au cours duquel la société Groupe BIGARD prétend que la société NORDESOSSE aurait fait travailler des salariés de la société LDS, notamment M. A... ; que la société Groupe BIGARD n'apporte aucun élément pour démontrer une telle affirmation alors qu'elle-même a employé des salariés de la société LDS ; que la société Groupe BIGARD soutient qu'il résulte de l'audit de la société VERITAS que tant la société MEAT DESOSS que la société NORDESOSSE ne respectaient pas le droit social, et qu'il avait été relevé pour la première trois non conformités majeures et 13 rédhibitoires, et pour la seconde quatre majeures et 12 rédhibitoires ; que toutefois ces non conformités étaient destinés à relever des obstacles à l'obtention de la labellisation et non à rechercher des infractions ou des manquements contractuels de la société NORDESOSSE ; que d'ailleurs il indique « Beaucoup de points sont à revoir en terme de respect du droit et de la CCN ; la pratique de la sous-traitance entre les sociétés du même groupe doit être revue complètement » ; que la société NORDESOSSE fait valoir que les non conformités, quand bien même elles sont qualifiées de rédhibitoires, sont hors du champ contractuel, citant le fait que les bulletins de salaire des salariés des sociétés NORDESOSSE et MEAT DESOSS mentionnent des remboursements de frais de déplacement supérieurs à 18% du salaire ce qui résulte, selon elle, des distances particulièrement longues parcourues chaque jour par certains salariés pour se rendre sur les sites BIGARD ce qui ne constitue pas une infraction ; que par courrier du 12 juillet 2012, elle en a fait part à la société groupe BIGARD, qui ne fera aucune observation en réponse, admettant dès lors cette réalité; qu'il résulte de ces éléments que le rapport concluait seulement que la labellisation n'était pas possible en l'état ; que la société Groupe BIGARD affirme avoir découvert à l'occasion de cet audit que le dirigeant de la société NORDESOSSE était actionnaire et co-gérant de la société YELLOW WORD CARNES, qui a mis à la disposition des salariés étrangers pour venir travailler sur ses sites, lesquels n'étaient pas rémunérés conformément aux minima sociaux français ; que l'article L.1262-4 du code du Travail prévoit que lorsqu'une société étrangère réalise une prestation en France, les salariés qu'elle détache temporairement sont soumis aux dispositions législatives, réglementaires et conventionnelles françaises; que constitue le délit de marchandage la sous-traitance qui cause du tort aux salariés ; que la société groupe BIGARD fait valoir que la société NORDESOSSE a commis ce délit en ce qui concerne les salariés de la société MEAT DESOSS et que si le tribunal correctionnel d'Amiens a prononcé une relaxe à son profit et à celui de la société NORDESOSS, la prévention ne visait que des faits commis en 2008 et jusqu'au 26 mars 2009, période au cours de laquelle la société NORDESOSSE n'a pas eu recours à la sous-traitance ; que la société groupe BIGARD affirme également que les salariés de la société YELLOW WORD étaient payés aux deux tiers du salaire minimum et se réfère aux contrats de travail de cinq d'entre eux ; que les contrats produits sont des contrats portugais, ayant été conclus entre la société portugaise YELLOW WORD et des ressortissants portugais ; que, pour autant, ils ne démontrent pas que le salaire stipulé au regard de la législation portugaise, a été celui perçu lors du détachement de ces salariés en France sur les sites BIGARD ; que la société NORDESOSSE produit une attestation de son expert comptable qui, pour quatre d'entre eux, atteste qu'ils ont perçu des salaires supérieurs au salaire minimum et qu'ils ont bénéficié d'un logement gratuit ; que la société groupe Bigard fait valoir que la société MEAT DESOSS ne respectait pas les dispositions de la CCN pour son propre personnel, exposant que Mlle X... n'aurait pas perçu le minimum conventionnel, s'appuyant sur son bulletin de salaire d'avril 20 12 ; que pour autant il résulte de la lecture de ce bulletin de salaire qu'elle a perçu en plus de son salaire de base une prime de production de sorte que son salaire était supérieur au minimum conventionnel ; que, si la société Groupe BIGARD fait état d'autres griefs, à savoir le non-paiement du 13ème mois, le non respect de la classification des emplois, le non-paiement des heures supplémentaires, elle procède par affirmation sans démontrer que des salariés auraient subi un préjudice à ce titre ; qu'aucun des 100 salariés des sociétés NORDESOSSE et MEAT DESOSS ne se sont plaints de leurs salaires ou de leur situation sociale et ces deux sociétés n'ayant eu aucun redressement de l'Inspection du travail depuis 1989 » (arrêt attaqué, p. 8 à 11) ;

Et aux motifs que « la société groupe BIGARD ne démontre aucun manquement de la société NORDESOSSE qui aurait été d'une gravité telle qu'il aurait justifié une rupture immédiate des relations commerciales d'autant que concernant le site de Saint Pol, elle a fait application du préavis contractuel de deux mois » (arrêt, p. 12, § 4) ;

1° Alors que la crainte légitime d'un risque de condamnation pénale au regard du non-respect, par le prestataire, de la législation sociale, justifie la rupture de la relation commerciale établie sans préavis ; qu'au cas présent, il est constant que l'audit mené par la société VERITAS avait révélé trois non-conformités majeures et treize rédhibitoires pour la société MEAT DESOSS, et quatre majeures et douze rédhibitoires pour la société NORDESOSSE (arrêt, p.10, §1), et que « beaucoup de points [étaient] à revoir en terme de respect du droit et de la CCN ; [que]la pratique de la sous-traitance entre les sociétés du même groupe [devait] être revue complètement » (arrêt, p.10, §1) ; qu'il en résultait que la société GROUPE BIGARD ne pouvait que s'inquiéter d'un risque de condamnation pénale au regard des articles L.8231-1 et L.8241-1 du code du travail (délits de marchandage et de prêt illicite de mains-d'oeuvre), le juge pénal n'octroyant jamais de délais de régularisation ; qu'en jugeant, malgré l'existence de cette peur causée par la société NORDESOSSE, que la société GROUPE BIGARD avait rompu brutalement les relations commerciales la liant à la société NORDESOSSE, la cour d'appel a violé l'article L.442-6, I, 5, du code de commerce ;

2° Alors qu'en tout état de cause les rapports VERITAS versés aux débats (pièces d'appel NORDESOSSE n° 49 et 50) mentionnaient expressément plusieurs infractions des sociétés NORDESOSSE et MEAT DESOSS à la Convention Collective Nationale de l'Industrie et des Commerces en Gros de Viandes (CCN) (p. 3, 4, 5, 6, 8, 11 12, 13), et notamment que « les accords de branche, notamment en matière de salaires, ne sont pas appliqués au sein de l'entreprise », que « le temps d'habillage/déshabillage ne fait pas l'objet d'une compensation au bénéfice des salariés conformément aux dispositions conventionnelles de branche », que « la prime de fin d'année n'est pas conforme aux dispositions de la CCN N°3179 », que « les dispositions de la convention collective sur le versement de la prime d'ancienneté ne sont pas respectées », que « les montants des salaires de base mensuels minimums prévus par les avenants salariaux de la branche ne sont pas respectés » ; qu'en retenant, pour rejeter le moyen développé par la société GROUPE BIGARD, suivant lequel les sociétés NORDESOSSE et MEAT DESOSS ne respectaient pas le droit social, que « le rapport concluait seulement que la labellisation n'était pas possible en l'état », la cour d'appel a dénaturé lesdits rapports, et ainsi violé l'article 1134 du code civil ;

3° Alors que l'objectif de l'audit confié à VERITAS, l'obtention du label social, n'empêchait pas que les non-conformités constatées puissent constituer, au-delà des obstacles à la labellisation, de véritables infractions à la législation sociale, révélées à la société BIGARD à cette occasion ; qu'en relevant, pour juger que le rapport VERITAS ne révélait pas d'infraction à la législation sociale, qu'il avait pour « objectif » de « relever les obstacles à l'obtention de la labellisation et non à rechercher des infractions ou des manquements contractuels de la société NORDESOSSE », la cour d'appel a statué par un motif inopérant, et en conséquence privé sa décision de base légale au regard de l'article L.442-6, I, 5, du code de commerce ;

4° Alors qu'au cas présent la société GROUPE BIGARD invoquait, s'agissant des frais professionnels remboursés par les sociétés NORDESOSSE et MEAT DESOSS, non pas le dépassement du seuil de 18% du salaire, préconisé seulement par la Commission de labellisation, mais le taux prohibitif de 31% d'indemnités non imposables, révélant un salaire déguisé permettant à l'employeur d'échapper aux cotisations sociales ; qu'en retenant, pour juger que le rapport VERITAS ne révélait pas d'infraction au droit social, que le remboursement des frais de déplacement supérieur à 18% du salaire « ne constitue pas une infraction » (p. 10, §1), sans rechercher, comme elle y était invitée, si le paiement d'indemnités non imposables représentant 31% de la rémunération des salariés ne caractérisait pas une violation de la législation sociale, la cour d'appel a statué par un motif inopérant, et partant, violé l'article 455 du code de procédure civile ;

5° Alors que, aux termes de l'article 3 de l'avenant n°75 du 17 mars 2009 à la Convention collective nationale des entreprises de l'industrie et des commerces en gros des viandes « aucun salaire de base ne peut être inférieur aux montants des salaires définis chaque année dans la convention collective nationale, qui excluent donc tout autre élément de rémunération (pauses, habillages, primes diverses...) » ; que la société GROUPE BIGARD faisait valoir dans ses écritures (p. 17 et 18) que les sociétés NORDESOSSE et MEAT DESOSS ne respectaient pas la CCN du Commerce en gros des viandes en versant à leur personnel, et notamment à Melle X..., des salaires inférieurs aux minimas conventionnels fixés par l'avenant n°78 du 4 février 2011, et que « la rémunération de base (minima conventionnel) se calcule par rapport au niveau et à l'échelon du salarié, à laquelle s'ajoute la prime d'ancienneté, la prime de 13ème mois, et une éventuelle prime de production » (conclusions GROUPE BIGARD, p.18, avant-dernier §) ; qu'en retenant que « il résulte de la lecture de ce bulletin de salaire qu'elle a perçu en plus de son salaire de base une prime de production de sorte que son salaire était supérieur au minimum conventionnel » (arrêt attaqué, p.10, avant-dernier §), la cour d'appel, qui a intégré dans le salaire de base la prime de production, a violé l'article 3 de l'avenant n°75 du 17 mars 2009 à la Convention collective nationale des entreprises de l'industrie et des commerces en gros des viandes ;

6° Alors que la société GROUPE BIGARD faisait valoir dans ses écritures d'appel (p. 16 et 17) que les salariés de la société étrangère YELLOW WORD, détachés sur les sites BIGARD par la société NORDESOSSE, percevaient un salaire mensuel inférieur aux minima conventionnels, qu'elle insistait sur la distinction entre le salaire minimum légal et le salaire minimum conventionnel, indiquant que l'attestation produite par la partie adverse visait seulement le salaire minimum légal (p. 17, §4) ; que la cour d'appel, pour estimer que les salaires en cause étaient conformes à la législation sociale, a retenu que l'expert comptable de la société NORDESOSSE avait attesté que quatre des salariés de la société YELLOW WORD avaient perçu « des salaires supérieurs au salaire minimum » ; qu'en s'abstenant de préciser s'il s'agissait du salaire minimum légal (SMIC) ou du salaire minimum conventionnel, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'avenant n° 78 du 4 février 2011 à la Convention collective nationale des entreprises de l'industrie et des commerces en gros des viandes.


SECOND MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir, infirmant le jugement entrepris, fixé à un an le préavis dont aurait dû bénéficier la société NORDESOSSE, et d'avoir en conséquence condamné la société GROUPE BIGARD à payer à la société NORDESOSSE les sommes de 548.611€ et de 142.140€ au titre des préavis non exécutés ;

Aux motifs que « la société NORDESOSSE a fait état d'une relation qui a commence en 1989 avec la société VIANOR qui a été reprise par la société ARCADIE en 1992, elle-même rachetée par la société groupe BIGARD en 1995 ; que la société Groupe BIGARD conteste cette durée, faisant valoir que ces deux sociétés n'ont aucun lien de droit avec elle de sorte que le partenariat avec la société NORDESOSSE n'a débuté qu'en 1995 ; que, si la société NORDESOSSE ne verse aux débats aucune facture antérieure à 1997, son expert comptable atteste qu'il résulte des journaux de ventes qu'elle a commencé des relations commerciales avec la société VIANOR qui a été rachetée en 1992 par la société ARCADIE qui a été rachetée en 1995 par le groupe BIGARD ; qu'il en résulte que la relation commerciale est restée ininterrompue, la société NORDESOSSE étant restée le fournisseur du groupe, la société BIGARD venant aux droits des deux sociétés précitées par leur rachat successif ; que, en conséquence, la Cour retiendra l'existence de relations commerciales établies d'une durée de 22 ans ; que la société groupe Bigard a donné un préavis de 2 mois à la société NORDESOSSE concernant le site de Saint Pol correspondant au préavis contractuellement stipulé ; que les relations entre les parties étaient de 22 ans et en progression constante, passant de 242.705€ en 1995 à plus de 3 millions en 2008 ; que les parties avaient signé un nouveau contrat à durée indéterminée sur le site de Saint Pol le 4 janvier 2012 ; qu'en conséquence la Cour fixera le délai de préavis qui aurait dû être raisonnablement accordé à un an » (arrêt attaqué, p. 12 , § 5, à p. 13, § 1) ;

1° Alors qu'une relation commerciale établie ne peut être considérée comme poursuivie en l'absence de reprise expresse des engagements par le nouveau partenaire, que si les circonstances permettaient d'établir une volonté des parties au nouveau rapport de s'inscrire dans la continuité des rapports précédents ; qu'en retenant seulement, pour juger que la société GROUPE BIGARD avait repris la relation commerciale établie par la société ARCADIE, et, avant elle, par la société VIANOR, avec la société NORDESOSSE, que cette dernière était devenue le fournisseur du groupe après le rachat de la société ARCADIE par le GROUPE BIGARD, sans caractériser les éléments tangibles permettant d'établir une volonté des parties de se situer dans la continuité des relations précédemment établies, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L.442-6, I, 5, du code de commerce ;

2° Alors que la société GROUPE BIGARD soutenait dans ses écritures d'appel (p.32, in fine) que sa propre relation commerciale avec la société NORDESOSSE avait débuté, ainsi qu'en attestaient les factures produites par NORDESOSSE, en 1997, soit deux ans après le rachat de la société ARCADIE, et s'étalait sur quinze ans ; que la cour d'appel a retenu, pour dire que la relation commerciale avec la société NORDESOSSE était restée ininterrompue depuis 1989, d'une part, que la société GROUPE BIGARD faisait valoir que son partenariat avec la société NORDESOSSE avait débuté en 1995 (donc l'année du rachat de la société ARCADIE par le GROUPE BIGARD), et, d'autre part, qu'il résultait des journaux de ventes que la relation commerciale avait commencé avec VIANOR, rachetée en 1992 par ARCADIE, elle-même rachetée en 1995 par le GROUPE BIGARD, de sorte que, bien qu'aucune facture antérieure à 1997 ne soit versée aux débats, une relation commerciale continue entre 1989 et 2011 était établie ; qu'en retenant ainsi une relation commerciale ininterrompue au motif que la société GROUPE BIGARD soutenait que le partenariat avait débuté en 1995 (arrêt attaqué, p. 12, § 6), cependant que cette dernière soutenait que ses propres relations commerciales avec la société NORDESOSSE avaient débuté en 1997, ce dont il résultait une interruption de deux ans entre la relation établie entre les sociétés ARCADIE et NORDESOSSE, et celle établie entre les sociétés GROUPE BIGARD et NORDESOSSE, la cour d'appel a méconnu les termes du litige et ainsi violé l'article 4 du code de procédure civile.

Moyens produits par de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat aux Conseils, pour les sociétés Nordesosse et Meat Desoss, demanderesses au pourvoi incident


PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir limité la condamnation de la société Groupe Bigard envers la société Nordesose aux sommes de 548 611 € et 142 140 € au titre des préavis non exécutés ;

AUX MOTIFS QUE :

« La société Nordesosse a fait état d'une relation qui a commencé en 1989 avec la société Vianor qui a été reprise par la société Arcadie en 1992, elle-même rachetée par la société Groupe Bigard en 1995 ; que la société Groupe Bigard conteste cette durée faisant valoir que ces deux sociétés n'ont aucun lien de droit avec elle, de sorte que le partenariat avec la société Nordesosse n'a débuté qu'en 1995 ; que si la société Nordesosse ne verse aux débats aucune facture antérieure à 1997, son expert-comptable atteste qu'il résulte des journaux de ventes qu'elle a commencé des relations commerciales avec la société Vianor qui a été rachetée en 1992 par la société Arcadie qui a été rachetée en 1995 par le Groupe Bigard ; qu'il en résulte que la relation commerciale est restée ininterrompue, la société Nordesosse étant restée le fournisseur du groupe, la société Bigard venant aux droits des deux sociétés précitées par leur rachat successif ; qu'en conséquence, la cour retiendra l'existence de relations commerciales établies d'une durée de 22 ans ; que la société Groupe Bigard a donné un préavis de 2 mois à la société Nordesosse concernant le site de Saint-Pol correspondant au préavis contractuellement stipulé ; que les relations les parties étaient de 22 ans et en progression constante, passant de 242 705 € en 1995 à plus de 3 millions en 2008 ; que les parties avaient signé un nouveau contrat à durée indéterminée sur le site de Saint-Pol le 4 janvier 2012 ; qu'en conséquence, la cour fixera le délai de préavis qui aurait dû raisonnablement être accordé à un an » ;

ALORS, d'une part, QU'après avoir estimé que les relations commerciales avaient débuté en 1989 pour être rompues en octobre 2012, ce qui correspondait à une durée de 23 années, la cour d'appel ne pouvait, sans se contredire et violer l'article 455 du code de procédure civile, retenir une durée de relations commerciales établies de 22 ans ;

ALORS, d'autre part, QU'en cas d'insuffisance du préavis, le préjudice en résultant est évalué en fonction de la durée du préavis jugé nécessaire ; que la durée du préavis suffisant tient compte de l'état de dépendance économique du partenaire commercial ; qu'en ne recherchant pas, malgré l'invitation qui lui a été faite (p. 38), si la société Nordesosse ne se trouvait pas dans un état de dépendance économique à l'égard de la société Groupe Bigard, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article L. 442-6, I, 5° du code de commerce.


DEUXIEME MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté la société Nordesosse de sa demande tendant à voir condamner la société Groupe Bigard à lui verser une somme au titre du coût des licenciements économiques ;

AUX MOTIFS QUE :

« La société Nordesosse ne justifie pas ni des licenciements allégués, ni de leur coût » ;

ALORS QU'en se bornant à affirmer que la société Nordesosse ne justifie ni des licenciements allégués, ni de leur coût, sans analyser, fût-ce sommairement les justificatifs des tentatives de reclassement interne et externe, les lettres de licenciement économiques, l'attestation de l'expert-comptable indiquant le coût de ces licenciements (Pièces n° 41, 44, 45 et 70 du bordereau de pièces annexé aux conclusions), la cour d'appel n'a pas donné de réelle motivation à sa décision, en violation des exigences de l'article 455 du code de procédure civile.


TROISIEME MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté la société Meat Desoss de sa demande de dommages-intérêts dirigée contre la société Groupe Bigard au titre de la rupture brutale des relations commerciales établies avec la société Nordesosse ;

AUX MOTIFS QUE :

« La société Meat Desoss n'étant liée par aucun contrat avec la société Groupe Bigard, elle ne peut demander la réparation d'un préavis qui aurait dû lui être accordé par la société Bigard ; qu'en revanche, elle est fondée à demander réparation du préjudice résultant de la faute commise par cette dernière ; que la société Meat Desoss était dans une situation de sous-traitance, essentiellement sur le site de Feignies, objet du dernier contrat conclu entre la société Nordesosse et la société Groupe Bigard lequel visait à obtenir l'obtention du label social par la société Nordesosse ; que le rapport d'audit a mis en exergue le problème de la sous-traitance ; qu'à la suite de celui-ci, la société Nordesosse s'était engagée à prendre les mesures utiles à l'obtention de ce label afin de maintenir ses relations commerciales avec le groupe Bigard ; qu'en conséquence, la situation de la société Meat Desoss était précaire » ;

ALORS, d'une part, QU'un tiers peut obtenir, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, la réparation du préjudice que lui a causé la rupture brutale d'une relation commerciale ; qu'après avoir constaté que la société Groupe Bigard avait rompu les relations commerciales qu'elle a établies avec la société Nordesosse, sans préavis pour le site de Feignies et avec un préavis insuffisant de deux mois pour le site de Saint-Pol, sites sur lesquels intervenait la société Meat Desoss, ce dont il résultait que cette dernière avait, du fait de cette rupture brutale, subi un préjudice correspondant au manque à gagner au titre de son intervention sur ces deux chantiers, la cour d'appel ne pouvait débouter la société Meat Desoss de sa demande sans violer l'article 1382 du code civil ;

ALORS, d'autre part, QU'en retenant que la situation de la société Meat Desoss était précaire, la cour d'appel a statué par un motif impropre à exclure tout préjudice qu'aurait subi cette dernière du fait de la rupture brutale des relations commerciales établies avec la société Nordesosse et privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil.


QUATRIEME MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté la société Meat Desoss de sa demande tendant à voir condamner la société Groupe Bigard à lui verser une somme au titre du coût des licenciements économiques ;

AUX MOTIFS QUE :

« La société Groupe Bigard a repris les 14 salariés de la société Meat Desoss qui ne justifie pas avoir subi un préjudice du fait de licenciements économiques » ;

ALORS QU'en se bornant à affirmer que la société Meat Desoss ne justifie pas des licenciements économiques allégués, sans analyser, fût-ce sommairement les justificatifs des tentatives de reclassement interne et externe, les lettres de licenciement économiques, l'attestation de l'expert-comptable indiquant le coût de ces licenciements (Pièces n° 35, 42, 45 et 70 du bordereau de pièces annexé aux conclusions), la cour d'appel n'a pas donné de réelle motivation à sa décision, en violation des exigences de l'article 455 du code de procédure civile.


CINQUIEME MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté la société Meat Desoss de sa demande de dommages-intérêts dirigée contre la société Groupe Bigard du fait du débauchage déloyal de ses quatorze salariés ;

AUX MOTIFS PROPRES ET ADOPTES QUE :

« La société Groupe Bigard ne conteste pas l'existence d'une clause de non-sollicitation sauf à faire valoir qu'elle ne concernerait que le contrat de prestations de la société Nordesoss sur le site de Feignies ; que la société Groupe Bigard n'a repris que des salariés de la société Meat Desoss qui n'étaient pas concernés par cette clause contractuelle dont elle ne saurait, en tant que tiers au contrat, se prévaloir » ;

ALORS, d'une part, QUE le tiers peut, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, se prévaloir d'un manquement contractuel dès lors que ce manquement lui a causé un préjudice ; qu'en retenant que la société Meat Desoss ne pouvait se prévaloir, en tant que tiers, de la clause de non-sollicitation figurant au contrat conclu entre la société Nordesosse et la société Groupe Bigard, quand elle se prévalait du préjudice que lui causait le non-respect de cette clause par la société Groupe Bigard, la cour d'appel a violé les articles 1165 et 1382 du code civil, le premier par fausse application, le second par refus d'application ;


ALORS, d'autre part, QU'après avoir constaté que la société Groupe Bigard, qui ne le contestait pas, avait repris quatorze salariés de la société Meat Desoss, la cour d'appel ne pouvait, sans violer l'article 1382 du code civil, refuser de réparer le préjudice résultant de ce débauchage déloyal.



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Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 28/04/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.