par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. soc., 27 mai 2009, 08-43137
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Cour de cassation, chambre sociale
27 mai 2009, 08-43.137

Cette décision est visée dans la définition :
Licenciement




LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Lyon, 30 avril 2008), que Mme X..., engagée le 10 septembre 2001 par la société Artscan en qualité de technico-commerciale, a adhéré, le 19 avril 2006, à la convention de reclassement personnalisé qui lui avait été proposée lors de l'entretien préalable du 7 avril 2006 ; que par lettre du 31 juillet 2006, l'employeur lui a notifié la rupture de son contrat de travail ;

Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner au paiement de sommes pour licenciement sans cause réelle et sérieuse alors, selon le moyen, qu'aucune obligation légale ne pèse sur l'employeur de préciser par écrit au salarié le motif économique de la rupture lorsqu'il lui propose une convention de reclassement personnalisé ; que lorsque le salarié accepte la convention de reclassement personnalisé, le contrat de travail est réputé rompu du commun accord des parties, excluant par là même le prononcé et la notification d'un licenciement ; qu'en jugeant néanmoins que l'employeur devait notifier par écrit au salarié ayant accepté une convention de reclassement personnalisé, les motifs économiques de la rupture de son contrat de travail, à peine de priver celle-ci de cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a violé ensemble les articles L. 1233-67 du code du travail, 4 de la convention du 27 avril 2005 et L. 1233-16 du code du travail ;

Mais attendu que la rupture du contrat de travail résultant de l'acceptation par le salarié d'une convention de reclassement personnalisé doit avoir une cause économique réelle et sérieuse ; que l'appréciation de cette cause ne peut résulter que des motifs énoncés par l'employeur ;

Et attendu qu'ayant constaté que l'employeur n'avait adressé à la salariée aucun document écrit énonçant le motif économique de la rupture, la cour d'appel a exactement décidé que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse ;


PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Artscan aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Artscan à payer à Mme X... la somme de 2 500 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept mai deux mille neuf.


MOYEN ANNEXE à l'arrêt n° 1117 (SOC.) ;

Moyen produit par la SCP Gatineau et Fattaccini, Avocat aux Conseils, pour la société Artscan ;

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que le licenciement de Madame X... ne repose sur aucune cause réelle et sérieuse et d'avoir en conséquence condamné la société ARTSCAN à payer à Madame X... 27 000 euros à titre de dommages et intérêts et 2000 euros au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile


AUX MOTIFS QUE Sur la recevabilité de la contestation de son licenciement par Madame Chantal X...

L'article L.321 -4-2 du code du travail dispose que, "dans les entreprises non soumises aux dispositions de l'article L. 321-4-3, l'employeur est tenu de proposer à chaque salarié dont il envisage de prononcer le licenciement pour motif économique le bénéfice d'une convention de reclassement personnalisé lui permettant de bénéficier, après la rupture de son contrat de travail, d'actions de soutien psychologique, d'orientation, d'accompagnement, d'évaluation des compétences professionnelles et de formation destinées à favoriser son reclassement (...)".
Ce texte précise qu' "en cas d'accord du salarié, le contrat de travail est réputé rompu d'un commun accord des parties". Il n'est pas contestable que Madame Chantai X... a accepté le 20 avril 2005 la convention de reclassement personnalisé qui lui avait été proposée par l'employeur lors de l'entretien préalable II convient de relever cependant que, contrairement à ce que soutient l'employeur, l'acceptation par le salarié de la convention de reclassement personnalisé ne saurait priver ce dernier de son droit de contester le caractère réel et sérieux de la rupture du contrat de travail.
En effet, aux termes mêmes de l'article L 321-4-2 précité, le bénéfice de la convention de reclassement personnalisé est réservé aux salariés dont l'employeur envisage le licenciement pour motif économique. En outre, l'article 1er de l'accord national interprofessionnel du 5 avril 2005, conclu en application de l'article L 321-4-2, précise expressément qu'il est institué des conventions de reclassement personnalisé dont l'objet est de permettre aux salariés licenciés pour motif économique de bénéficier après la rupture de leur contrat de travail d'un ensemble de mesures leur permettant un reclassement accéléré. Il résulte de ces dispositions que la convention de reclassement personnalisé s'analyse comme une modalité du licenciement économique permettant aux salariés concernés de bénéficier d'un meilleur reclassement. Si la rupture du contrat de travail est réputée par la loi, en cas d'accord du salarié, résulter du commun accord entre les parties, il n'en reste pas moins qu'elle a pour origine la volonté de l'employeur de mettre un terme au contrat. La cause déterminante qui a incité le salarié à adhérer est nécessairement l'existence d'un motif réel et sérieux de licenciement, son accord portant, en réalité, non sur la rupture elle-même mais sur les mesures de reclassement dont il peut bénéficier, étant précisé qu'à défaut d'accord, le licenciement est prononcé. Il s'ensuit que la convention de reclassement personnalisé implique l'existence d'un motif économique de licenciement et qu'en l'absence de cause réelle et sérieuse de licenciement, la convention de reclassement personnalisé est privée de cause. II convient de relever enfin que l'article L 321-1 du code du travail, relatif au licenciement économique dans son alinéa 2, énonce que « les dispositions du présent chapitre sont applicables à toute rupture du contrat de travail résultant de l'une des causes énoncées à l'alinéa précédent ».
Le régime propre aux licenciements économiques s'applique donc à des ruptures du contrat de travail qui ne procèdent pas d'un licenciement mais dont la cause répond à la définition du motif économique telle qu'elle est énoncée au premier alinéa de l'article L.321-1. Le salarié qui a accepté de bénéficier d'une convention de reclassement personnalisé est, en conséquence, recevable à agir pour contester le caractère réel et sérieux du motif économique de la rupture de son contrat. Il convient donc d'examiner le bien fondé de la contestation de Madame Chantal X...

Sur le licenciement:
L'article L.321-1 du Code du Travail dispose:
"Constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérent à la personne du salarié, résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification refusée par le salarié d'un élément essentiel du contrat de travail consécutives notamment à des difficultés économique ou à des mutations technologiques. (...)
Le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts déformation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu 'il occupe ou sur emploi équivalent ou à défaut, et sous réserve de l'accord exprès du salarié, sur un emploi d'une catégorie inférieure ne peut être réalisé dans le cadre de l'entreprise ou, le cas échéant, dans les entreprises du groupe auquel l'entreprise appartient. Les offres de reclassement proposées au salarié doivent être écrite et précises "
En application de l'article L. 122-14-2 du Code du Travail, la lettre de licenciement doit comporter d'une part l'énoncé du motif économique au sens strict (difficultés économiques, restructuration, mutation technologique) et d'autre part la mesure concrète à l'origine du licenciement (suppression d'emploi, transformation d'emploi, modification du contrat de travail). Alors que l'appréciation du caractère réel et sérieux du motif de licenciement ne peut résulter que des motifs énoncés par l'employeur, il convient de relever en l'espèce que la Société ARTSCAN, estimant à tort que l'adhésion de Madame Chantai X... à la convention de reclassement personnalisé constituait un mode de rupture du contrat de travail, n'a adressé à cette dernière après l'entretien préalable, aucun document écrit énonçant le motif économique au sens strict et la mesure concrète à l'origine du licenciement. Cette absence d'énonciation de motifs équivalant à une absence de motif, le licenciement de Madame Chantai X... doit être jugé sans cause réelle et sérieuse.
Il convient compte tenu de l'effectif de la Société ARTSCAN de faire application de l'article L. 122-14- 5 du Code du Travail et d'accorder à Madame Chantai X... en réparation du préjudice qu'elle a subi du fait de ce licenciement injustifié, la somme de 27.000,00 à titre de dommages et intérêts. En application de l'article 700 du Code de Procédure Civile, la Société ARTSCAN doit être condamnée à lui payer la somme de 2.000,00 »

ALORS QU'aucune obligation légale ne pèse sur l'employeur de préciser par écrit au salarié le motif économique de la rupture lorsqu'il lui propose une convention de reclassement personnalisé; que lorsque le salarié accepte la convention de reclassement personnalisé, le contrat de travail est réputé rompu du commun accord des parties, excluant par là même le prononcé et la notification d'un licenciement ; qu'en jugeant néanmoins que l'employeur devait notifier par écrit au salarié ayant accepté une convention de reclassement personnalisé, les motifs économiques de la rupture de son contrat de travail, à peine de priver celle-ci de cause réelle et sérieuse, la Cour d'appel a violé ensemble les articles L 321-4-2 (devenu L 1233-67) du code du travail, 4 de la convention du 27 avril 2005 et L 122-14-2 (devenu L1233-16) du code du travail.



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Cette décision est visée dans la définition :
Licenciement


Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 10/05/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.