par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. civ. 1, 12 octobre 2011, 09-72439
Dictionnaire Juridique

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Cour de cassation, 1ère chambre civile
12 octobre 2011, 09-72.439

Cette décision est visée dans la définition :
Recours en annulation (arbitrage)




LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu que la société libanaise Groupe Antoine Tabet (GAT), qui a pour activité le financement de travaux publics, notamment en Afrique, a passé, en 1992 et 1993, des conventions de financement avec la République du Congo ; que celle-ci a chargé une société pétrolière, qui l'a accepté, de payer les échéances du prêt ; qu'un différend est né, la République du Congo estimant avoir trop payé ; que la société pétrolière, qui avait cessé de payer, a été condamnée, par les juridictions judiciaires suisses, à payer à GAT une somme supérieure à 64 millions de francs suisses ; que ces décisions ont été déclarées exécutoires en France, les pourvois ayant été rejetés par deux arrêts du 4 juillet 2007 (05-14.918, 05-17.433 et 05-16.585) ; que, parallèlement, la République du Congo a mis en oeuvre une procédure d'arbitrage à Paris, sous l'égide de la Chambre de commerce internationale (CCI), sollicitant le remboursement par GAT des sommes versées, selon elle, sans cause ; que, par une première sentence du 30 mars 2000, le tribunal arbitral a statué sur sa compétence ; que, par une deuxième sentence du 4 juin 2002, le tribunal arbitral a notamment dit y avoir lieu à intérêts, les parties devant les calculer dans un certain délai, condamné la République du Congo au paiement d'une somme supérieure à 16 millions d'euros, sans astreinte ; que l'arrêt du 14 mai 2009 rejetant le recours en annulation de GAT fait l'objet du pourvoi n° S 09-66.567 ; qu'une troisième sentence du 8 décembre 2003, ordonnant en particulier à GAT de verser sur un compte séquestre les sommes qui pourraient lui être versées par la société pétrolière excédant la provision de 16 millions d'euros a été frappée d'un recours en annulation rejeté par arrêt irrévocable de la cour d'appel de Paris du 11 mai 2006 ; que par ordonnance de procédure du 11 décembre 2003, le président du tribunal arbitral a ordonné à GAT, en l'attente de la signature de la convention de séquestre, de consigner les sommes versées au-delà de la somme de 16 millions d'euros entre les mains du Bâtonnier ;

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Attendu que Gat fait grief à l'arrêt attaqué (Paris, 29 octobre 2009) d'avoir déclaré le recours en annulation contre cette décision du 11 décembre 2003 irrecevable, alors, selon le moyen, que constitue une sentence la décision par laquelle l'arbitre tranche définitivement tout ou partie du litige au fond ou un incident de procédure qui met fin à l'instance ; que constitue ainsi une sentence la décision par laquelle les arbitres condamnent l'une des parties à consigner, dès réception du paiement, une somme qui doit lui être payée ; que l'ordonnance arbitrale n° 10 du 11 décembre 2003, en son point 2, a condamné la société GAT à consigner entre les mains du bâtonnier de l'Ordre des avocats de Paris, agissant en qualité de séquestre, toute somme qui lui serait payée par la société Total Fina E&P Congo excédant celle de 16 007 146,81 euros, avant même que la convention de séquestre visée par la sentence provisoire du 8 décembre 2003 ne soit conclue ; que cette décision, qui emportait à la charge de la société GAT une obligation de consigner qui n'avait pas été décidée par la sentence du 8 décembre 2003, constituait ainsi une sentence partielle, tranchant une partie du principal ; qu'en déclarant néanmoins irrecevable le recours en annulation formé contre cette sentence, la cour d'appel a violé les articles 1504 et 1502 du Code de procédure civile ;

Mais attendu qu'après avoir énoncé à bon droit que seules peuvent faire l'objet d'un recours en annulation les véritables sentences arbitrales, c'est-à-dire les actes des arbitres qui tranchent de manière définitive, en tout ou en partie, le litige qui leur est soumis, que ce soit sur le fond, sur la compétence ou sur un moyen de procédure qui les conduit à mettre fin à l'instance, l'arrêt relève que la sentence arbitrale partielle du 8 décembre 2003 prévoit que GAT donne instruction à la société pétrolière Total Fina Elf E&P Congo , dans un certain délai, de verser sur un compte séquestre à ouvrir toute somme excédant 16 millions d'euros payée à GAT en vertu d'une décision des juridictions suisses ; qu'il retient exactement que l'ordonnance du 11 décembre 2003, annoncée par la sentence arbitrale, ordonnant la consignation par GAT de l'excédent éventuel des sommes reçues de la société pétrolière entre les mains du bâtonnier en l'attente de la conclusion de la convention de séquestre, ne fait qu'aménager la période transitoire entre le prononcé de la sentence arbitrale et la conclusion de la convention de séquestre, pour assurer l'effectivité de la sentence, en évitant que les sommes excédentaires qui pourraient être versées à GAT durant cette période échappent à l'obligation de séquestre ; que, dès lors que le président du tribunal arbitral n'a pas ajouté aux obligations résultant de la sentence du 8 décembre 2003 et n'a pas tranché tout ou partie du litige, la cour d'appel en a justement déduit qu'il n'y avait lieu à requalification de l'ordonnance en sentence arbitrale de sorte que le recours était irrecevable ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le moyen unique, pris en sa seconde branche, ci-après annexé :

Attendu que le reproche fait à l'arrêt constitue une omission de statuer qui peut être réparée dans les formes de l'article 463 du code de procédure civile et qui n'emporte pas ouverture à cassation ; que le moyen n'est pas recevable ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société GAT aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze octobre deux mille onze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt.

Moyen produit par Me Spinosi, avocat aux Conseils, pour la société Groupe Antoine Tabet.

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré irrecevable le recours en annulation de l'ordonnance de procédure n°10 du 11 décembre 2003 ;

Aux motifs que « GAT qui rappelle que par arrêt du 22 novembre 2007 la chambre de la cour d'appel de Paris a assorti la sentence arbitrale du 8 décembre 2003 d'une astreinte de 100.000€ par jour de retard à la charge de GAT et que par jugement du 8 juillet 2008 le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Paris a liquidé l'astreinte à 1.000.000€ pour la période du 2 février au 17 juin 2008 en retenant l'inexécution du point 2 de l'ordonnance de procédure prise comme faisant partie intégrante de la sentence partielle du 8 décembre 2003, soutient que le point 2 de l'ordonnance de procédure constitue en réalité une sentence arbitrale mettant à sa charge une obligation nouvelle non prévue par la sentence arbitrale du 8 décembre 2003 ; que seules peuvent faire l'objet d'un recours en annulation les véritables sentences arbitrales, c'est-à-dire les actes des arbitres qui tranchent de manière définitive, en tout ou partie, le litige qui leur a été soumis, que ce soit sur le fond, sur la compétence ou sur un moyen de procédure qui les conduit à mettre fin à l'instance ; que le point 3 de la sentence arbitrale partielle du 8 décembre 2003 prévoit que GAT donne instruction à Total Fina Elf E&P Congo dans les quinze jours de la sentence de verser sur le compte séquestre qui sera ouvert auprès du bâtonnier de l'Ordre des avocats parisiens toute somme excédant 16.007.146,81€ payée à GAT en vertu d'une décision des juridictions suisses ; que l'ordonnance de procédure du président du tribunal arbitral du 11 décembre 2003, au demeurant prévue par le point 3 de la sentence arbitrale, ordonnant la consignation par GAT de l'excédant éventuel des sommes reçues de Total Fina EIf E&P Congo entre les mains du bâtonnier avant que la convention de séquestre ne soit conclue ne fait qu'aménager la période transitoire entre le prononcé de la sentence arbitrale et la conclusion de la dite convention de séquestre, pour assurer l'effectivité de la sentence arbitrale en évitant que les sommes excédant 16.007.146,81 € qui pourraient être versées à GAT par Total Fina Elf E&P Congo dans cette période échappent à l'obligation de séquestre ; que ce faisant le président du tribunal arbitral qui a agi en accord avec les dispositions de l'article 23 1 du règlement d'arbitrage de la CCI n'a nullement ajouté aux obligations résultant de la sentence arbitrale et n'a pas tranché tout ou partie du litige ; que cette ordonnance qu'il n'y a donc pas lieu de requalifier n'est pas en conséquence susceptible du recours prévu par l'article 1502 du CPC ; que le recours est par suite irrecevable » ;

Alors que, d'une part, constitue une sentence la décision par laquelle l'arbitre tranche définitivement tout ou partie du litige au fond ou un incident de procédure qui met fin à l'instance ; que constitue ainsi une sentence la décision par laquelle les arbitres condamnent l'une des parties à consigner, dès réception du paiement, une somme qui doit lui être payée ; que l'ordonnance arbitrale n°10 du 11 décembre 2003, en son point 2, a condamné la société GAT à consigner entre les mains du bâtonnier de l'Ordre des avocats de Paris, agissant en qualité de séquestre, toute somme qui lui serait payée par la société TOTAL FINA E&P CONGO excédant celle de 16.007.146,81 €, avant même que la convention de séquestre visée par la sentence provisoire du 8 décembre 2003 ne soit conclue ; que cette décision, qui emportait à la charge de la société GAT une obligation de consigner qui n'avait pas été décidée par la sentence du 8 décembre 2003, constituait ainsi une sentence partielle, tranchant une partie du principal ; qu'en déclarant néanmoins irrecevable le recours en annulation formé contre cette sentence, la cour d'appel a violé les articles 1504 et 1502 du Code de procédure civile ;

Alors que, d'autre part, la société GAT faisait valoir, dans ses conclusions d'appel (p. 23 in fine et p. 24, § 1 et 2), qu'à supposer que la décision du 10 décembre 2003 ne soit pas considérée comme une sentence, il appartenait alors à la cour d'appel de lui donner acte de ce que l'ordonnance arbitrale de procédure ne pouvait recevoir exéquatur et serait par conséquent dépourvue de toute force exécutoire ; qu'en ne répondant pas à ces conclusions, la cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile.



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Cette décision est visée dans la définition :
Recours en annulation (arbitrage)


Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 10/05/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.