par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. plen., 17 février 2012, 10-24282
Dictionnaire Juridique

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Cour de cassation, assemblée plénière
17 février 2012, 10-24.282

Cette décision est visée dans la définition :
Brevet




Arrêt n° 604 P + B + R + I
Pourvoi n° A 10-24. 282

LA COUR DE CASSATION, siégeant en ASSEMBLÉE PLÉNIÈRE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par M. Réginald X..., domicilié..., 63960 Veyre-Monton,

contre l'arrêt rendu le 8 juin 2010 par la cour d'appel de Grenoble (1re chambre civile), dans le litige l'opposant à :

1°/ Monsieur Louis Paul Y..., domicilié...,...,

2°/ la société LPG Systems, société anonyme, dont le siège est Technoparc de la Plaine, NP 35, 30 rue du Docteur Abel, 26902 Valence cedex,

défendeurs à la cassation ;

La chambre commerciale, financière et économique a, par arrêt du 4 octobre 2011, décidé le renvoi de l'affaire devant l'assemblée plénière ;

Le demandeur invoque, devant l'assemblée plénière, le moyen de cassation annexé au présent arrêt ;

Ce moyen unique a été formulé dans un mémoire déposé au greffe de la Cour de cassation par la SCP Delaporte, Briard et Trichet, avocat de M. X... ;

Un mémoire en défense a été déposé au greffe de la Cour de cassation par la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat de M. Y... et de la société LPG Systems ;

Le rapport écrit de M. André, conseiller, et l'avis écrit de M. Le Mesle, premier avocat général, ont été mis à la disposition des parties ;

Sur quoi, LA COUR, siégeant en assemblée plénière, en l'audience publique du 3 février 2012, où étaient présents : M. Lamanda, premier président, Mme Favre, MM. Lacabarats, Louvel, Charruault, Loriferne, Terrier, présidents, M. André, conseiller rapporteur, MM. Blondet, Le Corroller, Pluyette, Bailly, Bizot, Petit, Mmes Bellamy, Geerssen, Mandel, MM. Maunand, Girardet, conseillers, M. Le Mesle, premier avocat général, Mme Tardi, directeur de greffe ;

Sur le rapport de M. André, conseiller, assisté de M. Régis, auditeur au service de documentation, des études et du rapport, les observations de la SCP Delaporte, Briard et Trichet, de la SCP Boré et Salve de Bruneton, l'avis de M. Le Mesle, premier avocat général, auquel, parmi les parties invitées à le faire, la SCP Delaporte, Briard et Trichet a répliqué, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 8 juin 2010), que M. X... a été condamné au paiement de diverses sommes par un arrêt irrévocable du 10 septembre 2001 pour contrefaçon par reproduction des revendications 1, 3, 4 et 5 du brevet, enregistré sous le n° 87-03865 et déposé par M. Y... qui en avait concédé l'exploitation exclusive à la société LPG Systems ; que ces revendications ayant été annulées par un arrêt du 21 février 2002, irrévocable, M. X... a assigné M. Y... et la société LPG Systems en restitution de ces sommes ;

Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande, alors, selon le moyen, que la décision d'annulation d'un brevet d'invention, qui a un effet à la fois rétroactif et absolu, prive de fondement juridique la condamnation précédemment prononcée, même à l'encontre d'un tiers à l'instance en annulation, pour contrefaçon du brevet annulé ; qu'elle rend donc indu le paiement fait en exécution d'une telle condamnation, serait-elle irrévocablement passée en force de chose jugée, et ouvre droit à la répétition des sommes versées ; qu'en rejetant la demande de M. X... tendant à obtenir la restitution de la somme totale de 6 000 euros versée en exécution des condamnations pour contrefaçon des revendications 1, 3, 4 et 5 du brevet n° 87-03865 prononcées à son encontre par le jugement du tribunal de grande instance de Limoges du 13 mars 1997, et confirmée par l'arrêt de la cour d'appel de Limoges du 10 septembre 2001, après avoir pourtant constaté l'annulation des revendications précitées par un jugement du tribunal de grande instance de Lyon du 15 juin 2000, et la confirmation de cette annulation par un arrêt de la cour d'appel de Lyon du 21 février 2002, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles 1235 et 1376 du code civil, ensemble l'article L. 613-27 du code de la propriété intellectuelle ;

Mais attendu qu'ayant relevé que M. X... avait été condamné comme contrefacteur par une décision irrévocable, la cour d'appel en a exactement déduit que l'anéantissement rétroactif et absolu du brevet dans la mesure de l'annulation des revendications prononcée par une décision postérieure n'était pas de nature à fonder la restitution des sommes payées en exécution de sa condamnation du chef de contrefaçon ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, le condamne à payer à M. Y... et à la société LPG Systems la somme globale de 2 500 euros ; rejette la demande présentée par M. X... ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, siégeant en assemblée plénière, et prononcé par le premier président en son audience publique du dix sept février deux mille douze.


MOYEN UNIQUE DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir, par confirmation du jugement entrepris, débouté M. X... de sa demande tendant à la condamnation in solidum de M. Y... et de la société LPG Systems à lui restituer, avec intérêts légaux, la somme de 6 000 euros correspondant aux montants versés en exécution des condamnations prononcées à son encontre pour contrefaçon des revendications 1, 3, 4 et 5 du brevet n° 87-03865 ultérieurement annulées ;

Aux motifs propres qu'« il convient de rappeler que l'existence d'une contrefaçon par M. X... et M. G... de la tête de massage de forme basse objet du brevet numéro 87 03865 (reproduction des revendications 1 à 5) de M. Y... a été reconnue par un jugement du tribunal de grande instance de Limoges du 13 mars 1997 confirmé par un arrêt de la cour d'appel de Limoges du 10 septembre 2001 et qu'entre temps le tribunal de grande instance de Lyon par un jugement du 15 juin 2000 a prononcé la nullité des revendications 1 à 5 du brevet enregistré sous le numéro 87 03865, cette annulation étant confirmée par un arrêt du 21 février 2002 ; que M. X... soutient qu'il a réglé une somme totale de 6 000 euros en exécution du jugement du tribunal de grande instance de Limoges et de l'arrêt de la cour d'appel de Limoges ; que la portée de la décision d'annulation est définie par l'article L. 613-27 du code de la propriété intellectuelle d'après lequel " la décision d'annulation d'un brevet d'invention a un effet absolu sous réserve de la tierce opposition … " ; qu'il en résulte que dès que la décision d'annulation est passée en force de chose jugée, le brevet est anéanti de manière définitive à l'égard de tous ; que cependant, celui qui a été condamné comme contrefacteur par une décision passée en force de chose jugée ne peut échapper aux condamnations encourues en invoquant de manière rétroactive le jugement d'annulation obtenu plus tard par une autre personne, ni obtenir la restitution des indemnités qu'il a versées ; que l'appelant invoque une jurisprudence récente d'après laquelle " dès lors que l'annulation d'un brevet entraîne son anéantissement au jour du dépôt de la demande de brevet c'est à bon droit qu'une cour d'appel retient que la procédure d'indemnisation du préjudice se trouve privée de tout support juridique " ; que cependant, dans cette espèce l'indemnisation n'avait pas fait l'objet d'une décision définitive, elle n'était même pas jugée, seul le principe de la contrefaçon étant acquis de façon définitive ; que dès lors que l'indemnisation a été effectuée de façon définitive, la motivation relative à la privation d'un support juridique n'est pas applicable et il convient de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a rejeté la demande en répétition de l'indu formée par M. X... en raison de l'autorité de la chose jugée » (arrêt attaqué, p. 8, dernier § à p. 9, antépénultième §) ;

Et aux motifs éventuellement adoptés des premiers juges qu'« aux termes de l'article L. 613-27, alinéa 1er, du code de la propriété intellectuelle " la décision d'annulation d'un brevet d'invention à un effet absolu sous réserve de la tierce opposition " ; que cette règle, dont il résulte l'anéantissement du brevet et des actes d'exploitation accomplis sur ce brevet pour défaut d'objet, de manière définitive et à l'égard de tous, ne saurait toutefois remettre en cause les effets des décisions portant condamnation de tiers pour contrefaçon passées en force de chose jugée (en ce sens notamment : cour d'appel de Paris- 4e chambre, 29 septembre 1995 et Cour de cassation, chambre commerciale, 27 janvier 1998 ; Cour de cassation, chambre commerciale, 28 janvier 2003) ; qu'en l'espèce M. X... a été condamné de façon irrévocable pour contrefaçon par l'arrêt de la cour d'appel de Limoges en date du 10 septembre 2001 ; que l'annulation postérieure des revendications 1 à 7 du brevet détenu par M. Y..., par arrêt de la cour d'appel de Lyon en date du 21 février 2002, ne peut remettre en cause les effets qui s'attachent à l'autorité de la chose jugée » (jugement entrepris, p. 6, § 3 à 6) ;


Alors que la décision d'annulation d'un brevet d'invention, qui a un effet à la fois rétroactif et absolu, prive de fondement juridique la condamnation précédemment prononcée, même à l'encontre d'un tiers à l'instance en annulation, pour contrefaçon du brevet annulé ; qu'elle rend donc indu le paiement fait en exécution d'une telle condamnation, serait-elle irrévocablement passée en force de chose jugée, et ouvre droit à la répétition des sommes versées ; qu'en rejetant la demande de M. X... tendant à obtenir la restitution de la somme totale de 6 000 euros versée en exécution des condamnations pour contrefaçon des revendications 1, 3, 4 et 5 du brevet n° 87-03865 prononcées à son encontre par le jugement du tribunal de grande instance de Limoges du 13 mars 1997, et confirmées par l'arrêt de la cour d'appel de Limoges du 10 septembre 2001, après avoir pourtant constaté l'annulation des revendications précitées par un jugement du tribunal de grande instance de Lyon du 15 juin 2000, et la confirmation de cette annulation par un arrêt de la cour d'appel de Lyon du 21 février 2002, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles 1235 et 1376 du code civil, ensemble l'article L. 613-27 du code de la propriété intellectuelle.



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Brevet


Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 09/05/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.