par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. soc., 15 avril 2015, 13-22044
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Cour de cassation, chambre sociale
15 avril 2015, 13-22.044

Cette décision est visée dans la définition :
Licenciement




LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 28 mai 2013), que Thierry X..., salarié de la société Omnium gestion et financement (OGF), licencié pour faute grave le 7 avril 2008, est décédé le 19 avril suivant ; que ses ayants droit ont saisi la juridiction prud'homale pour obtenir le paiement de diverses sommes et notamment de dommages-intérêts à la suite du refus de l'assureur de verser le capital décès au motif qu'il n'était plus présent dans l'entreprise au moment du décès ;

Sur le second moyen du pourvoi principal de l'employeur, pris en sa seconde branche :

Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt d'accueillir cette demande, alors, selon le moyen, que l'erreur commise par l'employeur dans son droit de licencier n'est pas de nature à remettre en cause la date de licenciement du salarié, sauf le cas de nullité du licenciement ; qu'en l'espèce, il était constant entre les parties que le capital décès n'était dû que pour les salariés appartenant à l'effectif de l'entreprise au jour de leur décès et que Thierry X... avait été licencié avant son décès ; qu'il en résultait que, quelque soit la cause du licenciement de Thierry X..., les ayants droit de ce dernier ne pouvaient prétendre au capital décès ; que, pour condamner la société OGF à verser aux consorts X... le montant du capital décès, la cour d'appel a jugé que dans la mesure où le licenciement du salarié était en réalité fondé sur une cause réelle et sérieuse, Thierry X... aurait dû effectuer un préavis et faire partie des effectifs de l'entreprise le jour de son décès ; qu'en statuant de la sorte, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil ;

Mais attendu qu'ayant, d'une part, constaté que l'employeur qui avait souscrit une assurance décès au bénéfice des ayants droit de ses salariés présents dans les effectifs de l'entreprise au moment de leur décès, avait licencié pour faute grave Thierry X..., décédé douze jours plus tard, et d'autre part, retenu que la faute grave n'était pas caractérisée de sorte que le salarié avait été privé du bénéfice du préavis et ainsi d'être présent dans les effectifs de l'entreprise à la date de son décès, la cour d'appel en a exactement déduit que l'employeur devait réparer le préjudice subi ; que le moyen n'est pas fondé ;

Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le premier moyen et sur la première branche du second moyen du pourvoi principal de l'employeur ni sur le moyen unique du pourvoi incident des ayants droit du salarié, ci-après annexés, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE les pourvois principal et incident ;

Laisse à chacune des parties la charge des dépens afférents à son pourvoi ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quinze avril deux mille quinze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits au pourvoi principal par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour la société Omnium gestion et de financement.

PREMIER MOYEN DE CASSATION

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR jugé que le licenciement de Monsieur Thierry X... par la société OMNIUM GESTION ET FINANCEMENT (OGF) n'était pas fondé sur une faute grave mais sur une cause réelle et sérieuse, et en conséquence, d'AVOIR condamné la société OGF à verser aux consorts X... les sommes de 27. 170, 94 € à titre de préavis et 2. 717, 09 à titre de congés payés afférents, 24. 923, 10 € à titre d'indemnité de licenciement ainsi que les sommes de 3. 565 € à titre de salaire de mise à pied et 356, 50 € à titre de congés payés afférents, d'AVOIR condamné la société OGF à verser aux consorts X... la somme de 2. 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

AUX MOTIFS QUE « Considérant que les griefs formulés dans la lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, sont précis ;
Considérant que les attestations versées aux débats par chacune des parties au litige sont contraires en fait ;
Qu'ainsi les consorts X... produisent des attestations faisant l'éloge de M. Thierry X... et mentionnant qu'il s'agissait à la fois d'un bon professionnel et d'un homme courtois (attestations B..., I..., J..., K..., L..., M..., N.......) ;
Mais considérant que, comme l'a justement fait observer le premier juge, ce n'est pas parce que certaines personnes n'ont pas eu à se plaindre du comportement de M. Thierry X..., que d'autres ne se sont pas trouvées dans une situation inverse ;
Qu'il ressort ainsi d'un grand nombre d'attestations (qui même si elles ne sont pas conformes à l'article 208 du code de procédure civile constituent un commencement de preuve) et surtout de l'audition sur plusieurs jours des mêmes témoins (O..., Y..., P..., Q..., R..., S..., T..., U..., V..., H......) par la responsable des ressources humaines de la société (Mme Maeva Z...) que M. Thierry X... était'malpoli'et coutumier, envers les personnes en question, de vulgarité, utilisant un vocabulaire de salle de garde ('vous me faites chier', 'vous me gonflez', 'vous m'emmerdez', les traitant à l'occasion de 'condamné' et de 'burne'; que certaines personnes ont eu un ressenti tel qu'elles se sont trouvées dans l'obligation de consulter et de se faire prescrire un traitement anxiolytique, d'autres personnes indiquant que seul leur tempérament fort leur avait permis de surmonter la situation ; Que ce comportement indéniablement vulgaire et grossier, s'il est répréhensible et en tous cas inadapté de la part d'un responsable envers ses collaborateurs, ne s'analyse toutefois pas en harcèlement au sens de l'article L. 1152-1 du code du travail qui énonce que :'aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.', dès lors qu'il était cantonné à des mots, certes malvenus, mais exempts de faits concrets (d'agissements), de menaces ou de voies de faits envers les personnes en question ;
Qu'il s'ensuit que ledit comportement, à l'évidence fautif et certes mal ressenti par certaines personnes, est insuffisant pour justifier un licenciement pour faute, mais justifie à lui seul un licenciement pour cause réelle et sérieuse, ceci sans qu'il y ait matière à examiner les deux autres séries de griefs qui ne sont pas précisément établis au vu des éléments du dossier résultant de simples allégations dont la matérialité n'est pas rapportée ;
Considérant que le fait de retenir que le licenciement de M. Thierry X... était fondé sur une cause réelle et sérieuse prive ses ayants droit des dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et des dommages intérêts pour licenciement vexatoire ;
Considérant que les consorts X... sont toutefois fondés à solliciter les indemnités de rupture à savoir :
- Le préavis, à hauteur de 27. 170, 94 €, et les congés payés afférents à hauteur de 2. 717, 09 €,
- l'indemnité de licenciement à hauteur de 24. 923, 10 €, ainsi que :
- Le salaire de mise à pied à hauteur de 3. 565 € et les congés payés afférents à hauteur de 356, 50 € ».

1°) ALORS QUE caractérise des agissements de harcèlement moral le fait pour un salarié, occupant un poste de responsable, de tenir vis-à-vis de ses collaborateurs, de façon coutumière, des propos vulgaires, grossiers et humiliants, ayant pour effet de porter atteinte à la santé des salariés visés ; qu'il importe peu qu'un tel comportement se soit cantonné à des mots et soit exempt de menaces ou de voies de fait ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel a expressément constaté que Monsieur X... était, envers ses collaborateurs, « malpoli » et « coutumier de vulgarité », utilisant un vocabulaire de salle de garde (« vous me faites chier », « vous me gonflez », « vous m'emmerdez »), les traitant à l'occasion de « condamné » et de « burne » ; qu'il résulte encore de l'arrêt attaqué que certains de ses salariés s'étaient trouvés dans l'obligation de consulter et de se faire prescrire un traitement anxiolytique, seuls les salariés au tempérament fort ayant pu surmonter la situation ; qu'en jugeant néanmoins que le comportement du salarié ne relevait pas du harcèlement moral motif pris qu'il s'était cantonné à des mots exempts de menaces ou de voies de faits en vers les salariés en question, la Cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles L. 1152-1, L. 1154-1 du code du travail ;

2°) ALORS en tout état de cause QUE constitue une faute grave le fait pour un salarié, exerçant des fonctions de direction, de tenir de façon coutumière à l'égard de ses collaborateurs des propos vulgaires et grossiers tels que certains se sont trouvés dans l'obligation de consulter et de se faire prescrire un traitement anxiolytique ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel a expressément constaté que le comportement coutumier de Monsieur X... était « indéniablement vulgaire et grossier », « répréhensible », « inadapté de la part d'un responsable envers ses collaborateurs » et que « certaines personnes se sont trouvées dans l'obligation de consulter et de se faire prescrire un traitement anxiolytique » ; qu'en affirmant qu'un tel comportement était insuffisant pour justifier un licenciement pour faute grave, la Cour d'appel a violé les articles L. 1234-1 et L. 1234-5 du code du travail ;

SECOND MOYEN DE CASSATION

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la société OGF à verser aux consorts X... la somme de 155. 077, 10 € pour perte du capital décès, d'AVOIR condamné la société OGF à verser aux consorts X... la somme de 2. 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

AUX MOTIFS QUE « Considérant que, s'agissant de la demande au titre du capital décès, force est de constater que le licenciement pour faute et mise à pied conservatoire de M. Thierry X... l'a empêché d'effectuer son préavis ce dont il résulte qu'à la date de son décès il ne faisait plus partie des effectifs de la société ;
Que le fait par l'employeur de choisir d'initier une procédure de licenciement pour faute grave avec mise à pied immédiate a eu pour effet de sortir M. X... des effectifs de l'entreprise et de priver ses ayants droit du capital décès qu'ils auraient perçus dans le cas contraire ;
Que le licenciement étant jugé par la cour comme étant fondé sur une cause réelle et sérieuse, ce dont il résulte que le salarié aurait dû effectuer un préavis et continuer à faire partie des effectifs de la société, rend ces ayants droit fondés à solliciter le paiement de l'équivalent du capital décès auprès de l'employeur ;
Que celui-ci sera donc condamné à leur payer 155. 077, 10 € pour perte du capital décès ;
Considérant que l'équité commande de condamner la SA OMNIUM GESTION ET FINANCEMENT (OGF) à payer aux consorts Y... une indemnité de 2. 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile »

1°) ALORS QUE la cassation à intervenir sur le premier moyen relatif au chef de dispositif ayant jugé que le licenciement pour faute grave de Monsieur X... ne reposait pas sur une telle faute, mais seulement sur une cause réelle et sérieuse, emportera, par voie de conséquence, la censure du chef de dispositif ayant fait droit à la demande des consorts X... de versement du capital-décès refusé aux ayants droits au motif que le licenciement pour faute grave avait empêché le salarié d'effectuer son préavis, et ce, en application de l'article 624 du Code de procédure civile ;

2°) ALORS subsidiairement QUE l'erreur commise par l'employeur dans son droit de licencier n'est pas de nature à remettre en cause la date de licenciement du salarié, sauf le cas de nullité du licenciement ; qu'en l'espèce, il était constant entre les parties que le capital décès n'était dû que pour les salariés appartenant à l'effectif de l'entreprise au jour de leur décès et que Monsieur X... avait été licencié avant son décès ; qu'il en résultait que, quelque soit la cause du licenciement de Monsieur X..., les ayants droits de ce dernier ne pouvaient prétendre au capital décès ; que, pour condamner la société OGF à verser aux consorts X... le montant du capital décès, la Cour d'appel a jugé que dans la mesure où le licenciement du salarié était en réalité fondé sur une cause réelle et sérieuse, Monsieur X... aurait dû effectuer un préavis et faire partie des effectifs de l'entreprise le jour de son décès ; qu'en statuant de la sorte, la Cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil.

Moyen produit au pourvoi incident par Me Foussard, avocat aux Conseils pour les consorts X....

L'arrêt attaqué encourt la censure ;

EN CE QU'il a débouté les consorts X... de leur demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et pour licenciement vexatoire ;

AUX MOTIFS QUE « les attestations versées aux débats par chacune des parties au litige sont contraires en fait ; qu'ainsi les consorts X... produisent des attestations faisant l'éloge de M. Thierry X... et mentionnant qu'il s'agissait à la fois d'un bon professionnel et d'un homme courtois (attestations B..., I..., J..., K..., L..., M..., W......) ; mais que, comme l'ajustement fait observer le premier juge, ce n'est pas parce que certaines personnes n'ont pas eu à se plaindre du comportement de M. Thierry X..., que d'autres ne se sont pas trouvées dans une situation inverse ; qu'il ressort ainsi d'un grand nombre d'attestations (qui même si elles ne sont pas conformes à l'article 208 du code de procédure civile constituent un commencement de preuve) et surtout de l'audition sur plusieurs jours des mêmes témoins (O..., Y..., P..., Q..., R..., S..., T..., U..., V..., H......) par la responsable des ressources humaines de la société (Mme Maeva Z...) que M. Thierry X... était " malpoli " et coutumier, envers les personnes en question, de vulgarité, utilisant un vocabulaire de salle de garde (" vous me faites chier ", " vous me gonflez ", " vous m'emmerdez "), les traitant à l'occasion de " condamné " et de " burne " ; que certaines personnes ont eu un ressenti tel qu'elles se sont trouvées dans l'obligation de consulter et de se faire prescrire un traitement anxiolytique, d'autres personnes indiquant que seul leur tempérament fort leur avait permis de surmonter la situation ; que ce comportement indéniablement vulgaire et grossier, s'il est répréhensible et en tous cas inadapté de la part d'un responsable envers ses collaborateurs, ne s'analyse toutefois pas en harcèlement au sens de l'article L. 1152-1 du code du travail qui énonce que : " aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ", dès lors qu'il était cantonné à des mots, certes malvenus, mais exempts de faits concrets (d'agissements), de menaces ou de voies de faits envers les personnes en question ; qu'il s'ensuit que ledit comportement, à l'évidence fautif et certes mal ressenti par certaines personnes, est insuffisant pour justifier un licenciement pour faute, mais justifie à lui seul un licenciement pour cause réelle et sérieuse, ceci sans qu'il y ait matière à examiner les deux autres séries de griefs qui ne sont pas précisément établis au vu des éléments du dossier résultant de simples allégations dont la matérialité n'est pas rapportée ; que le fait de retenir que le licenciement de M. Thierry X... était fondé sur une cause réelle et sérieuse prive ses ayants droit des dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et des dommages intérêts pour licenciement vexatoire » ;

ALORS QUE les consorts X... soulignaient que Mesdames C..., B... et Y... et Monsieur D... témoignaient des pressions exercées par la directrice des ressources humaines et le directeur régional pour obtenir les attestations des salariés défavorables à Monsieur X... produites par l'employeur, que Monsieur E..., propre supérieur hiérarchique de Monsieur X..., expliquait en détails pourquoi celui-ci était la victime d'une véritable machination afin de le licencier, que Monsieur F..., voisin immédiat du bureau de Madame H..., laquelle prétendait avoir été harcelée par les propos grossiers de Monsieur X..., déniait qu'il y eût la moindre altercation entre elle et ce dernier, et que le délégué du personnel, Monsieur G..., attestait n'avoir jamais reçu une quelconque plainte pour harcèlement (conclusions, p. 4 et 5) ; qu'en ne répondant pas à ces chefs des conclusions des exposants en se bornant à relever que les attestations qu'ils produisaient faisant l'éloge de Monsieur X... n'empêchaient pas que d'autres personnes aient eu à se plaindre de son comportement et qu'il résultait des attestations versées aux débats par l'employeur que Monsieur X... avait tenu des propos vulgaires et grossiers, constitutifs d'une cause réelle et sérieuse de licenciement, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.



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Licenciement


Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 29/04/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.