par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles
Cass. crim., 15 mars 2016, 14-85328
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Cour de cassation, chambre commerciale
15 mars 2016, 14-85.328
Cette décision est visée dans la définition :
Avocat
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
- M. Antoine X..., partie civile,
contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de PARIS, 2ème section, en date du 26 juin 2014, qui, dans l'information suivie, sur sa plainte, contre personne non dénommée, du chef de travail dissimulé, a confirmé l'ordonnance de non-lieu rendue par le juge d'instruction ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 26 janvier 2016 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin, président, M. Barbier, conseiller rapporteur, M. Straehli, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : M. Bétron ;
Sur le rapport de M. le conseiller référendaire BARBIER, les observations de la société civile professionnelle BOULLOCHE, avocat en la Cour, et les conclusions de M. le premier avocat général CORDIER ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles L. 8211-1, L. 8221-1, L. 8221-5, L. 8224-1 du code du travail, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a dit n'y avoir lieu à suivre des chefs de travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié ;
" aux motifs qu'un contrat de collaboration libérale fut signé le 1er mai 2007 entre le cabinet Lowells LPP, représenté par Me Ph. Z..., associé, et Me Antoine X..., conformément à la loi du 31 décembre 1971 et au décret du 27 novembre 1991 et au règlement intérieur national de la profession d'avocat, qu'il s'agissait d'une collaboration à temps complet, Me X...pouvant recevoir ses clients personnels au cabinet et disposer du temps nécessaire à la gestion et au développement de sa clientèle personnelle (article l), pour une durée indéterminée, sachant que Me X...avait rejoint le cabinet le 1er décembre 2003 (article 2), que la constitution et le développement de sa clientèle personnelle devaient se faire sans contrepartie financière (article 3), l'ensemble des moyens du cabinet étant mis à sa disposition tant pour les besoins de sa collaboration que pour le développement et le traitement de sa clientèle personnelle (article 3. 4), l'organisation de l'activité professionnelle et celle de la collaboration au cabinet étant laissée à son appréciation (article 4) ; que la rémunération de la collaboration était assurée par une rétrocession d'honoraires d'un montant annuel fixe de 105 000 euros pour une collaboration à temps complet, montant révisable annuellement (article 7), moyennant un remboursement prorata temporis de ses cotisations, et que les litiges concernant l'interprétation de ce contrat seront soumis à l'arbitrage du bâtonnier de l'ordre des avocats de la cour d'appel de Paris ; qu'il a été mis fin à ce contrat et à l'initiative de Me X...le 31 mai 2010 ; que le 25 août 2011, le procureur de la République de Paris ouvrait, au vu de la plainte avec constitution de partie civile, une information judiciaire contre X du chef de travail dissimulé par dissimulation de salarié ; que M. X...a été entendu par les services de police, au vu de sa plainte le 17 octobre 2011 (D52), qu'il résulte de ses déclarations que devenu avocat en 1998, il a exercé à titre libéral dans différents cabinets parisiens, avant d'intégrer, sous ce statut, le cabinet Lowells en novembre 2003, le premier contrat de collaboration signé en 2003 étant substitué par celui sus évoqué en 2007, suite à la modification de la forme sociale du cabinet ; qu'il doit être dès lors observé qu'entre 2003 et 2007, M. X...a accepté les conditions d'exercice de son contrat de collaboration sans protester, puisqu'il a accepté de signer un second contrat après quatre ans d'expérience, période déjà suffisamment longue pour apprécier les conditions d'exécution du contrat pour chacune des parties, que l'exécution de ce contrat se poursuivra jusqu'en mai 2010 sans protestation de part ou d'autre ; que le grief essentiel formulé par M. X...à l'encontre du cabinet a consisté à soutenir que le ratio entre les heures facturables au client et les heures travaillées (1/ 3) ne permettait pas de développer une clientèle personnelle distincte, que toutefois M. X...ne s'est pas ouvert, ni verbalement ni par écrit, auprès de ses collaborateurs soumis au même régime admet-il, de cet état de fait dont il n'a pu justifier ; que le litige soumis au Bâtonnier de Paris selon les dires de la partie civile, n'aurait pas abouti, qu'il n'est produit aucune pièce à l'appui, bien que Me Y... ait proposé une indemnité de 50 000 euros, que M. X...convient avoir déclinée ; que devant le juge d'instruction, M. X...a expliqué son choix de la voie pénale plutôt que prud'homale par l'attitude habituelle du bâtonnier en matière de requalification d'un contrat de collaboration en contrat de salarié, encore qu'il évoque la condamnation du cabinet Lowells prononcée en 2009 pour un litige de même nature, que mis en demeure de justifier de ses conditions de travail, en tant que salarié de fait, et non de celles de collaborateur, M. X...en fut incapable, sauf à décrire des conditions matérielles habituelles dans le cadre de l'exercice d'une profession libérale ; que la note technique de l'assistant spécialisé versée à la procédure a fait le même constat quant à l'inconsistance des griefs formulés ; qu'en conséquence, tant les déclarations de la partie civile que les investigations et les déclarations recueillies sur commission rogatoire n'ont pas permis de mettre en exergue les éléments matériels constitutifs de l'infraction pénale de travail dissimulé par dissimulation d'un salarié, que le litige exposé apparaît de nature civile et relève de la compétence de la juridiction prud'homale et que dès lors l'ordonnance de non-lieu sera confirmée ;
" 1°) alors que, est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur de se soustraire intentionnellement aux obligations légales en matière d'emploi salarié ; que tel est le cas du cabinet d'avocat qui conclut avec un avocat un contrat de collaboration au lieu d'un contrat de travail dès lors qu'il est établi que les conditions réelles de l'activité du collaborateur ne lui permettaient pas de développer une clientèle personnelle, qu'il ne disposait d'aucune autonomie dans son travail et qu'il était tenu d'agir conformément aux directives des associés du cabinet ; qu'en l'espèce, M. X...a fait valoir que tout travail qu'il réalisait, sur les directives d'un associé, était nécessairement supervisé et contresigné par un associé du cabinet et que si son contrat de collaboration faisait état de la possibilité de développer une clientèle personnelle, ses conditions de travail le lui interdisaient ; qu'en écartant la requalification du contrat de collaboration en contrat de travail aux motifs que son contrat lui permettait de développer sa propre clientèle, sans rechercher si, en pratique, les horaires impartis à M. X...lui laissaient la possibilité matérielle d'exercer une activité personnelle, la chambre de l'instruction a privé sa décision de base légale et violé les textes susvisés ;
" 2°) alors que l'absence de contestation quant aux conditions de travail imposées par l'employeur ne saurait démontrer une quelconque acceptation de ces conditions ou une renonciation à en dénoncer l'irrégularité ; qu'en se fondant, pour écarter la qualification d'emploi salarié, sur le fait que M. X...n'aurait pas demandé à pouvoir développer une clientèle personnelle et n'aurait pas critiqué ses conditions de travail, la chambre de l'instruction, qui s'est déterminée par des motifs inopérants, a violé les textes cités au moyen ;
" 3°) alors que, par ailleurs, M. X...faisait état dans sa plainte d'exemples concrets d'horaires pratiqués au cabinet Hogan Lovells établissant un horaire hebdomadaire de plus de 50 heures, outre plusieurs heures le dimanche, et fournissait à cet égard les « fiches temps », démontrant ainsi l'impossibilité matérielle dans laquelle il s'était trouvé de développer une clientèle personnelle ; qu'en estimant que le délit de travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié n'était pas établi, sans prendre en considération ces éléments de preuve, la chambre de l'instruction n'a pas justifié sa décision et violé les textes susvisés ;
" 4°) alors que M. X...a soutenu dans sa plainte qu'il n'y avait aucune différence entre son statut et celui d'un avocat salarié tel qu'il était pratiqué au sein du cabinet ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen et de démontrer en quoi le statut réel, effectif, de M. X..., le distinguait du statut d'un avocat salarié, par ailleurs en pratique au sein du cabinet, ce qui justifiait le refus de requalification de son contrat en contrat de travail, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision au regard des textes visés au moyen ; "
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué, de l'ordonnance qu'il confirme et des pièces de la procédure, que M. Antoine X...a exercé la profession d'avocat au sein du cabinet d'affaires Hogan Lovells, filiale du cabinet international Logan Hovells International LLP, spécialisé dans la propriété intellectuelle, le droit des licences et brevets, du 1er décembre 2003 au 31 mai 2010 ; qu'il a signé avec ce cabinet un contrat de collaboration libérale le 1er mai 2007 ;
Attendu que M. X...a déposé plainte auprès du procureur de la République à l'encontre du cabinet Hogan Lovells International LLP du chef de travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié ; que sa plainte ayant fait l'objet d'une mesure de classement sans suite, l'intéressé s'est constitué partie civile auprès du juge d'instruction ; que celui-ci a rendu une ordonnance de non-lieu ; que la partie civile a interjeté appel de cette décision ;
Attendu qu'au soutien de son appel, le demandeur a principalement fait valoir qu'il n'avait été employé, en fait, qu'en qualité de salarié, faute d'indépendance dans la prise de ses décisions, toujours soumises au contrôle préalable de l'un des associés du cabinet, mais également faute de disponibilité, en raison de la lourdeur de ses horaires, de 8 h 00 à 20 h 00 pour le moins, et de la nature des dossiers qui lui étaient confiés, qui ne concernaient que de grands groupes internationaux ; qu'il a ajouté que sa subordination se déduisait également du caractère fixe de sa rémunération ;
Attendu que pour confirmer l'ordonnance entreprise et écarter l'argumentation de la partie civile, l'arrêt, d'une part, énonce que l'instruction n'a pas permis de caractériser la subordination effective dans ses conditions de travail de M. X..., d'autre part, relève que l'intéressé n'établit pas s'être trouvé dans l'impossibilité de développer une clientèle personnelle ; que les juges ajoutent que le contrat n'ayant pas lieu d'être requalifié, le délit de travail dissimulé allégué n'est pas établi ;
Attendu que par ces motifs, et dès lors qu'il incombe au demandeur lié par un contrat de collaboration libérale qui entend établir sa qualité de salarié au sens de l'article 7 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, de rapporter la preuve de ce qu'ayant manifesté la volonté de développer une clientèle personnelle, il en a été empêché en raison des conditions d'exercice de son activité, la chambre de l'instruction a justifié sa décision ;
Que, dès lors, le moyen ne saurait être accueilli ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le quinze mars deux mille seize ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.
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Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 29/04/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.