par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. civ. 1, 16 mars 2016, 15-14822
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Cour de cassation, 1ère chambre civile
16 mars 2016, 15-14.822

Cette décision est visée dans la définition :
Divorce / séparation de corps




LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, rendu sur renvoi après cassation (1re Civ., 25 septembre 2013, pourvoi n° 12-22-972), qu'un jugement a prononcé le divorce de M. X... et de Mme Y... ;

Sur le premier et le deuxième moyens, ci-après annexés :

Attendu que ces moyens ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Sur le troisième moyen, en ce qu'il critique le chef de l'arrêt rejetant la demande de Mme Y... tendant à l'attribution préférentielle au profit de M. X... de l'immeuble situé à Saint-Ellier-du-Maine, ci-après annexé :

Attendu que Mme Y..., qui n'avait pas qualité pour demander qu'un immeuble soit attribué préférentiellement à son époux, est sans intérêt à critiquer le chef de l'arrêt rejetant cette demande ; qu'en ce qu'il critique ce chef de l'arrêt, le moyen est irrecevable ;

Mais sur le troisième moyen, en ce qu'il critique le chef de l'arrêt rejetant la demande de Mme Y... tendant à l'attribution préférentielle à son profit de l'immeuble de Longjumeau, qui est recevable :

Vu l'article 267 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2015-1288 du 15 octobre 2015 ;

Attendu qu'en prononçant le divorce, le tribunal ordonne la liquidation et le partage des intérêts patrimoniaux et statue s'il y a lieu sur les demandes d'attribution préférentielle ;

Attendu que, pour rejeter la demande de Mme Y... tendant à l'attribution préférentielle de l'immeuble de Longjumeau, l'arrêt retient qu'en l'absence de nouvelle estimation de l'un des biens immobiliers, dans un contexte de crise financière ayant une incidence directe sur les prix du marché, la cour d'appel ne dispose pas d'informations suffisantes pour l'accueillir ;

Qu'en statuant ainsi, alors que l'évaluation de l'immeuble est sans incidence sur le principe même de l'attribution préférentielle, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande de Mme Y... tendant à l'attribution préférentielle de l'immeuble de Longjumeau, l'arrêt rendu le 4 décembre 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Rouen ;

Condamne M. X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du seize mars deux mille seize.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt.

Moyens produits par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour Mme Y....

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement déféré en ce qu'il a débouté Madame Michelle Y... de sa demande principale en divorce pour faute aux torts exclusifs de Monsieur Bernard X... et en ce qu'il a prononcé le divorce entre les époux sur le fondement de l'article 237 du Code civil ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE, sur la demande en divorce formée par Madame Y..., elle invoque la relation adultérine de son époux et son départ du domicile conjugal ; qu'elle soutient que Monsieur X... a indiqué qu'il allait vivre dans leur résidence secondaire alors qu'en réalité, il se rendait chez Madame Z..., sa collègue de travail avec laquelle il entretenait une relation extraconjugale ; que Monsieur X... réfute ces allégations et soutient que les pièces produites par Madame Y... n'établissent en aucune façon la relation adultère, Madame Z... étant une amie qu'il a connue sur son lieu de travail ; que, par ailleurs, il affirme qu'il n'a quitté le domicile conjugal que lorsqu'il a été autorisé par l'ordonnance de non-conciliation ; qu'à l'appui de sa demande, Madame Y... verse aux débats le rapport d'un détective privé au terme duquel, le 17 janvier 2007, Monsieur X... s'est rendu au domicile de Madame Z... à ATHIS MONS où il était présent de 10H55 à 12 heures, heure à laquelle la mission de surveillance s'est arrêtée ; que, par ailleurs, elle produit quatre attestations de Mesdames A..., B..., C... et de Monsieur D..., datées du mois de janvier et février 2010, dans lesquelles les témoins indiquent que Monsieur X... a quitté le domicile conjugal ; que, de son côté, Monsieur X... produit une dizaine d'attestations au terme desquelles il vit seul à SAINT ELLIER du MAINE, en particulier celle de Madame Z... précisant qu'elle est une amie de Monsieur X..., lequel lui rend des services, mais qu'en aucune manière, elle n'est sa « maîtresse » ; que les pièces produites par Madame Y... ne relatent aucun fait précis en ce qui concerne la relation extra conjugale alléguée, la seule présence de Monsieur X... au domicile de Madame Z... ou à proximité étant insuffisante à qualifier l'adultère ; que, par ailleurs, s'agissant du grief relatif à l'abandon du domicile conjugal, les quatre témoignages produit par Madame Y... ne précisent aucune date quant au départ de Monsieur X... du domicile conjugal, étant rappelé que l'ordonnance de non-conciliation date du 1er février 2007 ; qu'en conséquence, les griefs invoqués par Madame Y... à l'encontre de Monsieur X... n'étant pas établis, sa demande en divorce fondée sur l'article 242 du Code civil sera rejetée ; que, sur la demande en divorce formée par Monsieur X..., il est constant que les époux sont séparés depuis plus de deux ans ; qu'en conséquence, en application de l'article 237 et 238 du Code civil, le divorce sera prononcé pour altération définitive du lien conjugal et le jugement confirmé sur ce point ;

ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES DU PREMIER JUGE QUE, sur la demande principale pour faute aux torts exclusifs de Monsieur Bernard Jacques Georges X..., Madame Michelle Mauricette Y..., épouse X..., allègue qu'elle a découvert que son mari, qui indiquait qu'il allait vivre dans la résidence secondaire que la communauté possède en MAYENNE, lorsqu'il quittait le domicile conjugal, allait en fait à ATHIS-MONS au domicile de Madame Sylvie Z... ; que Monsieur Bernard Jacques Georges X... conteste l'existence de cette relation adultère, même s'il est contraint d'admettre au moins une relation amicale avec Madame Z... ; qu'il est démontré que Monsieur Bernard Jacques Georges X... passe ses journées et des week-ends entiers au domicile de Madame Z... et le fait de « lui rendre des services » s'inscrit dans un contexte plus général qui est communément appelé « relation adultère » ; que Monsieur Bernard Jacques Georges X... dénie intégralement les assertions fallacieuses de Madame Michelle Mauricette Y..., épouse X... ; qu'à l'appui de ses prétentions, Madame Michelle Mauricette Y..., épouse X..., produit le rapport d'investigation du cabinet SARL GROUPE AS en date du 17/ 01/ 2007 ; que cette pièce ne permet pas d'établir ses allégations ; que Madame Michelle Mauricette Y..., épouse X..., ne justifie pas de la réalité des griefs invoqués ; que sa demande sera rejetée ; que, sur la demande reconventionnelle sur le fondement de l'article 237 du Code civil, Monsieur X... déclare que le lien conjugal entre les époux est définitivement altéré ; que Maître E..., Notaire expert désigné sur le fondement des articles 255-9 et 255-10 du Code civil par ordonnance de non-conciliation en date du 01/ 02/ 2007, précise dans son rapport déposé au greffe le 27/ 04/ 2009 que « selon les dires des époux, ils se seraient séparés le 1er janvier 2006 » ; qu'il résulte de cette pièce que les époux vivaient séparément depuis deux ans à la date de l'assignation en divorce ; qu'il est donc établi qu'il existe une altération définitive du lien conjugal ; qu'il y a lieu de prononcer le divorce par application des articles 237 et 238 du Code civil ;

ALORS, D'UNE PART, QUE Madame Y... avait versé aux débats un rapport d'investigations établi par le Groupe AS (pièce n° 7) aux termes duquel il avait été constaté que non seulement Monsieur X... s'était rendu au domicile de Madame Z... le janvier 2007, mais qu'il y avait passé au moins la matinée, qu'il ne s'était pas comporté en simple collègue de travail, puisqu'il nettoyait la boîte aux lettres, que Monsieur X... était également présent au domicile de Madame Z... le samedi 21 octobre 2006 et qu'il connaissait bien la fille de cette dernière ; qu'en énonçant « qu'à l'appui de sa demande, Madame Y... verse aux débats le rapport d'un détective privé au terme duquel, le 17 janvier 2007, Monsieur X... s'est rendu au domicile de Madame Z... à ATHIS MONS où il était présent de 10H55 à 12 heures, heure à laquelle la mission de surveillance s'est arrêtée », la Cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de cette pièce régulièrement versée aux débats et a, dès lors, violé l'article 1134 du Code civil ;

ALORS, D'AUTRE PART, QUE Madame Y... versait aux débats le rapport d'expertise judiciaire de Maître E... (pièce n° 6, p. 5) aux termes duquel il était expressément constaté que « selon les dires des époux, ils se seraient séparés le 1er janvier 2006 » et qu'il résultait des constatations du jugement déféré « que la séparation des époux est intervenue le 1er janvier 2006 » ; qu'en se bornant à énoncer, pour juger que le grief relatif à l'abandon du domicile conjugal n'était pas établi, que les témoignages ne précisaient pas la date de départ du mari du domicile conjugal, sans rechercher, comme elle y était pourtant expressément invitée, s'il ne résultait pas des autres pièces régulièrement versées aux débats que les époux s'étaient séparés le 1er janvier 2006, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 242 du Code civil ;

ALORS, ENFIN, QUE la Cour d'appel qui a considéré qu'il n'était pas établi que Monsieur X... avait quitté le domicile conjugal avant l'ordonnance de non conciliation du 1er février 2007, tout en confirmant le jugement déféré en ce qu'il avait prononcé le divorce des époux pour altération définitive du lien conjugal en retenant que les époux étaient séparés depuis le 1er janvier 2006, la Cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a, dès lors, violé les dispositions de l'article 242 du Code civil.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement déféré en ce qu'il a débouté Madame Y... de sa demande en dommages et intérêts fondée sur l'article 266 du Code civil et de sa demande de dommages et intérêts sur le fondement de l'article 1382 du Code civil ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE Madame Y... sollicite la somme de 30. 000 euros à titre de dommages et intérêts sur le fondement de l'article 266 du Code civil et de l'article 1382 du Code civil ; qu'elle invoque le fait que son mari l'a abandonnée de façon éhontée à la date de l'ordonnance de non conciliation pour aller vivre avec une femme plus jeune, après 36 ans de mariage, alors qu'elle pensait terminer sa vie avec lui ; que l'article 266 du Code civil prévoit l'attribution de dommages et intérêts à un époux en réparation des conséquences d'une particulière gravité qu'il subit du fait de la dissolution du mariage soit lorsqu'il était défendeur à un divorce prononcé pour altération du lien conjugal et qu'il n'avait lui-même formé aucune demande en divorce, soit lorsque le divorce est prononcé aux torts exclusifs de l'autre conjoint ; que les éléments invoqués par Madame Y... sont insuffisants pour établir que le comportement de son conjoint a eu pour elle des conséquences d'une exceptionnelle gravité ; que, dès lors, la décision du premier juge qui a rejeté sa demande sur ce point sera confirmée ; que, sur le fondement de l'article 1382 du Code civil, il n'y a pas lieu de faire droit à cette demande, la preuve d'un préjudice matériel ou moral susceptible d'être réparé par l'allocation d'une indemnité pécuniaire n'étant pas rapportée ;

ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES DU PREMIER JUGE QUE, sur le fondement de l'article 266 du Code civil, Madame Michelle Mauricette Y... épouse X... ne justifie pas de ce que la dissolution du mariage a pour elle des conséquences d'une particulière gravité ; que, sur le fondement de l'article 1382 du Code civil, l'article 1382 du Code civil dispose que tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ; qu'il en résulte donc qu'un époux qui invoque un préjudice étranger à celui résultant de la dissolution du mariage peut demander réparation à son conjoint dans les conditions du droit commun de la responsabilité civile ; qu'en l'espèce, Madame Michelle Mauricette Y... épouse X... ne justifie pas de la réalité d'un préjudice en lien direct avec le comportement fautif de son conjoint ; qu'il n'y a pas lieu de faire droit à sa demande ;

ALORS Qu'en application de l'article 1382 du Code Civil, selon lequel « tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer », l'un des époux peut demander, dans les conditions du droit commun, la réparation d'un préjudice distinct de celui résultant de la dissolution du mariage ; qu'en se bornant à énoncer, pour rejeter la demande de dommages intérêts formée par Madame Y... sur le fondement de l'article 1382 du Code civil, que « la preuve d'un préjudice matériel ou moral susceptible d'être réparé par l'allocation d'une indemnité pécuniaire n'était pas rapportée », sans répondre aux conclusions de Madame Y... qui avait fait état de l'abandon du domicile conjugal et de l'infidélité de son époux, après plus de trente années de mariage, la Cour d'appel a méconnu les dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement déféré en ce qu'il a débouté Madame Y... de ses demandes d'attribution préférentielle ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE (...) en l'absence de toute nouvelle estimation depuis mars 2009 du bien sis à SAINT ELLIER du MAINE dans un contexte de crise financière ayant une incidence directe sur les prix du marché immobilier et d'une évaluation actualisée des indemnités d'occupation de chacun des biens, la Cour ne dispose pas d'informations suffisantes pour répondre aux demandes respectives des parties tant sur les demandes d'attribution préférentielle que sur la liquidation du régime matrimonial ; que, dès lors, le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté les parties de leurs demandes respectives et a ordonné la liquidation et le partage de leurs intérêts pécuniaires et patrimoniaux ;

ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES DU PREMIER JUGE Qu'il convient de rappeler que Maître E..., Notaire expert, a été désigné sur le fondement des articles 255-9 et 255-10 du Code civil par ordonnance de non conciliation en date du 01/ 02/ 2007 ; qu'elle a déposé son rapport dans le cadre de la liquidation des intérêts patrimoniaux de Madame Michelle Mauricette Y... épouse X... et Monsieur Bernard Jacques Georges X... au greffe en date du 27/ 04/ 2009 ; que, dans la mesure où les époux ne sont pas d'accord sur le montant des valeurs d'actifs de communauté, indemnités d'occupation locatives, que le rapport déposé le 27/ 04/ 2009 ne contient pas d'informations suffisantes pour statuer sur les demandes ; qu'il convient de rejeter les demandes de Madame X... et de Monsieur X... de ces chefs et de renvoyer les parties à faire valoir ces demandes lors des opérations de liquidation ;

ALORS Qu'en prononçant le divorce, le juge ordonne la liquidation et le partage des intérêts patrimoniaux des époux et statue, s'il y a lieu, sur les demandes d'attribution préférentielle ; que la Cour d'appel qui, pour rejeter les demandes d'attribution préférentielle formées par les époux, s'est fondée sur « l'absence de toute nouvelle estimation depuis mars 2009 du bien sis à SAINT ELLIER du MAINE dans un contexte de crise financière ayant une incidence directe sur les prix du marché immobilier », a méconnu l'étendue de sa compétence et a violé, par refus d'application, les dispositions de l'article 267 du Code civil.



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Cette décision est visée dans la définition :
Divorce / séparation de corps


Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 28/04/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.