par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. civ. 1, 14 avril 2010, 09-12477
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Cour de cassation, 1ère chambre civile
14 avril 2010, 09-12.477

Cette décision est visée dans la définition :
Incompétence




LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


Attendu que, par convention du 27 avril 2001, les sociétés TECA et MDI entreprises ont confié la construction d'une usine à la société Baudin Châteauneuf qui a sous-traité les lots fondations, gros oeuvre, maçonnerie, terrassement et VRD à la société exploitation établissements Trève Abel (SEETA) ; que le contrat prévoyait que les litiges qui pourraient survenir entre les parties relativement à son interprétation ou à son exécution seraient de la compétence de la cour d'appel d'Orléans alors que le cahier des clauses administratives particulières (CCAP), signé par les parties, contenait deux clauses compromissoires ; que, des désordres ayant été constatés dans le dallage, les maîtres de l'ouvrage n'ont pas payé le solde du prix et, après expertise, ont été assignés devant le tribunal de grande instance de Grasse par la société Baudin Châteauneuf pour voir prononcer la réception judiciaire de l'ouvrage et condamner les sociétés TECA et MDI entreprises au paiement de diverses sommes ; que ce tribunal a écarté des débats les conclusions signifiées par la SCI TECA et la société MDI contenant une exception d'incompétence au profit du tribunal arbitral et a fait droit aux demandes ;


Sur le pourvoi incident de la société Baudin Châteauneuf qui est préalable :

Vu l'article 74 du code de procédure civile ;

Attendu que le défendeur représenté en première instance, qui aurait pu invoquer, à ce stade de la procédure, l'incompétence de la juridiction saisie et qui ne l'a pas valablement fait, est irrecevable à soulever une telle exception pour la première fois en cause d'appel ;

Attendu que, pour déclarer recevable l'exception d'incompétence des juridictions étatiques, l'arrêt attaqué relève que les appelantes n'ont pas régulièrement soumis l'exception au tribunal de grande instance qui, sans être critiqué sur ce point, a rejeté comme tardives les conclusions qui l'invoquaient et qu'il s'ensuivait que, soumise pour la première fois à l'examen des juges d'appel, l'exception était recevable par application de l'article 74 du code de procédure civile ;

Qu'en statuant ainsi, alors que les sociétés TECA et MDI entreprises n'étaient pas défaillantes en première instance, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Sur le pourvoi principal des sociétés TECA et MDI entreprises, pris en ses trois branches, ci-après annexé :

Attendu que la cassation intervenue sur le pourvoi incident rend sans objet l'examen du pourvoi principal ;

Et sur le pourvoi provoqué de la société SEETA, pris en ses cinq branches, ci-après annexé :

Attendu que ces griefs ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;

Vu l'article L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire ;

Et attendu que la Cour de cassation est en mesure de mettre fin au litige en déclarant l'exception d'incompétence irrecevable ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a déclaré recevable et a rejeté l'exception d'incompétence soulevée pour la première fois en cause d'appel par les sociétés TECA et MDI entreprises, l'arrêt rendu le 27 novembre 2008, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

Déclare cette exception irrecevable ;

Dit sans objet le pourvoi principal des sociétés TECA et MDI entreprises ;

Déclare non admis le pourvoi provoqué de la société SEETA ;

Laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze avril deux mille dix.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Lesourd, avocat des sociétés TECA et MDI entreprises, demanderesses au pourvoi principal

Il est fait grief à la décision attaquée d'AVOIR rejeté l'exception d'incompétence soulevée, in limine litis et avant toute défense au fond, par les Sociétés SCI TECA et MDI ENTREPRISES, au profit du tribunal arbitral,

AUX MOTIFS QUE les sociétés appelantes invoquent des clauses compromissoires attribuant compétence à un tribunal arbitral ou au tribunal de grande instance d'ORLÉANS ; (…)Que l'annexe 3 au protocole du 27 avril 2001, relatif à la construction de l'usine litigieuse à CARROS, attribue compétence à des arbitres en deux clauses distinctes, d'une part pour le prononcé de la réception en cas de désaccord des parties, d'autre part pour toute difficulté quelconque, qu'encore que les annexes soient stipulées indissociables du protocole, ces clauses se trouvent neutralisées par une clause générale contenue dans le protocole lui-même qui, sans distinguer entre l'objet propre de ce dernier et celui des annexes qu'il englobe, et alors qu'y sont détaillées les obligations essentielles des parties quant à la construction de l'usine de CARROS, attribue compétence à la cour d'appel d'ORLÉANS ; Que cette clause générale, équivoque en ce qu'elle n'attribue pas explicitement compétence au tribunaux du ressort de la cour d'appel d'ORLÉANS, mais seulement à cette dernière qui ne peut connaître des litiges en première instance, ne peut en toute hypothèse, par application des dispositions de l'article 48 du code de procédure civile, être opposée aux maîtres de l'ouvrage appelants dont les intérêts et obligations sont indissociables, alors que la société TECA n'est pas commerçante; Que n'étant pas contesté que le tribunal saisi est celui du domicile des défendeurs, compétent par application des dispositions de l'article 42 du code de procédure civile, l'exception sera en conséquence rejetée.» (arrêt p 4 et 5).

1°) ALORS QUE il appartient à l'arbitre de statuer sa propre compétence, la compétence des tribunaux étatiques étant limitée au cas très résiduel où la convention d'arbitrage est manifestement nulle, que la juridiction étatique en présence d'une clause compromissoire qui n'est pas manifestement nulle ou inapplicable, n'a pas le pouvoir de se livrer à son interprétation sans excéder ses pouvoirs ; que la Cour d'appel d'AIX EN PROVENCE, qui, interprétant la convention des parties, a décidé que les clauses d'arbitrage figurant à l'annexe 3 au protocole du 27 avril 2001, se trouvaient neutralisées par la clause générale contenue dans le protocole lui-même, laquelle devait en outre être déclarée équivoque, et s'est déclarée compétente en vertu de l'article 42 du code de procédure civile, a excédé ses pouvoirs en violation du principe compétence – compétence et des articles 1458 et 1466 du code de procédure civile,

2°) ALORS QUE l'appréciation de la validité de la clause compromissoire en présence d'une partie non commerçante, relève de la seule compétence de la juridiction arbitrale, qu'en décidant que la clause attribuant compétence à la cour d'appel d'Orléans, ne peut, en toute hypothèse, par application des dispositions de l'article 48 du code de procédure civile, être opposée aux maîtres de l'ouvrage appelants dont les intérêts et obligations sont indissociables alors que la Société TECA n'est pas commerçante, la Cour d'appel d'AIX EN PROVENCE a encore excédé ses pouvoirs en violation du principe compétence – compétence et des articles 1458 et 1466 du code de procédure civile,


3°) ALORS QUE la Société TECA, appelante, revendiquait l'application de la clause d'arbitrage puisqu'elle avait soulevé à cette fin une exception d'incompétence de la juridiction étatique, qu'en relevant que la clause attribuant compétence à la Cour d'appel d'Orléans, ne peut, en toute hypothèse, par application des dispositions de l'article 48 du code de procédure civile, être opposée aux maîtres de l'ouvrage appelants dont les intérêts et obligations sont indissociables alors que la Société TECA n'est pas commerçante, La Cour d'appel d'AIX EN PROVENCE a dénaturé l'objet du litige en violation de l'article 4 du code de procédure civile.

Moyen produit par la SCP Baraduc et Duhamel, avocat de la société Baudin Châteauneuf, demanderesse au pourvoi incident

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir dit recevable l'exception d'incompétence soulevée par les sociétés TECA et MDI Entreprise devant la Cour d'appel

AUX MOTIFS QUE les sociétés appelantes invoquent des clauses compromissoires attribuant compétence à un tribunal arbitral ou au tribunal de grande instance d'Orléans ; que par une ordonnance non frappée de recours, le conseiller de la mise en état s'est déclaré incompétent pour connaître de l'exception au motif que le premier juge l'avait écartée et que seule la cour pouvait statuer sur cette question ; qu'il faut constater que les appelantes n'ont pas régulièrement soumis l'exception au tribunal de grande instance qui, sans être critiqué sur ce point, a rejeté comme tardives les conclusions qui l'invoquaient ; qu'il s'ensuit que, soumise pour la première fois à l'examen des juges d'appel, l'exception est recevable par application de l'article 74 du code de procédure civile, comme constaté en substance par le juge de la mise en état ;

ALORS QUE le défendeur, non défaillant, qui en première instance n'a pas conclu ou a déposé des conclusions tardives est irrecevable à se prévaloir d'une exception de procédure devant la cour d'appel ; qu'en considérant que les sociétés TECA et MDI Entreprise, qui n'étaient pas défaillantes devant le tribunal de grande instance de Grasse étaient recevables à exciper de l'incompétence du juge étatique pour la première fois en appel, la cour d'appel d'Aix-en-Provence a violé l'article 74 du code de procédure civile.

Moyen produit par la SCP Le Bret-Desaché, avocat de la société SEETA, demanderesse au pourvoi provoqué

- IL EST FAIT GRIEF A l'arrêt attaqué d'avoir condamné la société SEETA à garantir la société BAUDIN CHATEAUNEUF à concurrence de 87.451,52 € et en conséquence de l'avoir condamné à lui payer cette somme.


- AU MOTIF QUE l'expert judiciaire, dont l'opinion ne peut être mise en doute au vu d'un rapport privé contraire moins documenté, a émis l'avis, au terme d'investigations approfondies et au vu des essais effectués par le CEBTP, que la dalle accuse une fissuration généralisée localement traversante due à un retrait gêné du béton, conséquence de l'absence de joints d'isolation par rapport aux structures, d'un excès d'eau de gâchage et du coulage local ouvert, mais que la résistance à la compression, dans la limite d'une tonne au mètre carré revendiquée par les maîtres de l'ouvrage pour la pose de machines-outils, ne s'en trouve aucunement compromise ;

Attendu que le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu'il a prononcé la réception judiciaire avec des réserves d'ordre esthétique ; que les conclusions des maîtres de l'ouvrage tendant au rejet de la demande au motif que l'ouvrage doit être entièrement refait et que rien n'est dû, permettant implicitement de retenir qu'est réclamé à tout le moins le coût des frais de réfection de 87.451,52 €uros déterminé par l'expert pour parvenir à l'aspect et à l'usage auxquels ils étaient en droit de s'attendre, les sommes non discutées réclamées par la société BAUDIN CHATEAUNEUF seront minorées de ces frais ; que le solde de 2.106.011,42 €uros portera intérêts au taux contractuel euribor au jour le jour + 2 % dans les conditions du décompte non critiqué au 31 octobre 2003 ; que la capitalisation sera ordonnée à la date de l'assignation du 11 décembre 2003 à laquelle elle a été réclamée pour la première fois ; que contrairement à ce que soutient la société SEETA, sa garantie a été réclamée en première instance par la société BAUDIN CHATEAUNEUF et fait en conséquence l'objet en appel d'une demande recevable ; qu'elle sera limitée au coût des réfections de 87.451,52 €uros qui lui est imputable au vu des constatations de l'expert que la société BAUDIN CHATEAUNEUF a réglé par voie de compensation

- ALORS QUE D'UNE PART il résulte de l'article 4 du Code de procédure civile que les juges sont liés par les conclusions prises devant eux et ne peuvent modifier les termes du litige dont ils sont saisis ; qu'en l'espèce, il résulte des propres constatations de la cour que les maîtres de l'ouvrage, qui concluaient au débouté de toutes les demandes de la société BAUDIN CHATEAUNEUF, avait sollicité, dans leurs dernières conclusions du 27 septembre 2006 réenrolées le 31 juillet 2008, la condamnation de cette dernière à effectuer une démolition totale de la dalle, le compactage du remblai, la mise en place d'une isolation technique thermique et d'une isolation contre les remontées capillaires, le coulage de la dalle, le positionnement correct du treillis soudés au 1/3 de l'épaisseur de la dalle et de diamètre 8/15/15, opérer une finition de surface à l'aide d'une truelle mécanique avec des produits à base de corindon, le tout conforme à la charge que doit supporter la dalle du fait de la présence de machines-outils vibrantes ; que les maîtres de l'ouvrage avaient également réservé la réclamation des préjudices qu'ils prétendaient avoir subi, ladite réclamation ne pouvant selon eux être estimée qu'après réalisation desdits travaux ; qu'en estimant cependant que les maîtres de l'ouvrage réclamaient implicitement et à tout le moins le coût des frais de réfection de 87.451,52 €
déterminé par l'expert pour parvenir à l'aspect et à l'usage auxquels ils étaient en droit de s'attendre et condamner en conséquence la SEETA à garantir de cette condamnation la société BAUDIN CHATEAUNEUF à concurrence de cette somme, la Cour d'Appel a méconnu les termes du litiges en violation des articles 4 et 7 du Code de procédure civile.

- ALORS QUE D'AUTRE PART et en tout état de cause, en statuant comme elle l'a fait sans avoir provoquer au préalable les explications des parties sur ce point, la Cour d'Appel a méconnu le principe du contradictoire en violation de l'article 16 du Code de procédure civile.

- ALORS QUE DE TROISIEME PART dans ses conclusions d'appel, la société SEETA s'était bornée à invoquer l'irrecevabilité des demandes formulées contre elle (cf p 3 et 4° ; que de leurs côtés, les maîtres de l'ouvrage, qui concluaient au débouté de toutes les demandes de la société BAUDIN CHATEAUNEUF, avait sollicité, dans leurs dernières conclusions du 27 septembre 2006 réenrolées le 31 juillet 2008, la condamnation de cette dernière à effectuer une démolition totale de la dalle, le compactage du remblai, la mise en place d'une isolation technique thermique et d'une isolation contre les remontées capillaires, le coulage de la dalle, le positionnement correct du treillis soudés au 1/3 de l'épaisseur de la dalle et de diamètre 8/15/15, opérer une finition de surface à l'aide d'une truelle mécanique avec des produits à base de corindon, le tout conforme à la charge que doit supporter la dalle du fait de la présence de machines-outils vibrantes ; que les maîtres de l'ouvrage avaient également réservé la réclamation des préjudices qu'ils prétendaient avoir subi (cf leurs conclusions p 16 et s) : que de son côté, la société BAUDIN CHATEAUNEUF n'avait sollicité la garantie de la SEETA qu'au cas où à la suite d'une demande reconventionnelle des maîtres de l'ouvrage, elle serait condamnée à leur payer une partie du coût de la remise en état de la dalle (cf ses dernières conclusions p 27) ; que dès lors en condamnant la SEETA à garantir la société BAUDIN CHATEAUNEUF de la condamnation à prononcer à son encontre alors que la SEETA n'avait ni conclu sur le fond, ni reçu injonction à cette fin, la Cour d'Appel a violé les articles 16 du Code de procédure civile et 6 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme.

- ALORS QUE DE QUATRIEME PART en condamnant la société SEETA à garantir la société BAUDIN CHATEAUNEUF de la condamnation mise à sa charge sans expliciter le fondement juridique de la demande dont elle était saisie, la Cour d'Appel a violé l'article 12 du Code de procédure civile.

- ALORS QU'ENFIN le juge doit préciser et analyser les éléments de preuves sur lequel il fonde sa décision ; que pour décider que la SEETA devait être condamnée à garantir la société BAUDIN CHATEAUNEUF de la condamnation mise à sa charge, le juge s'est borné à énoncer que la demande sera limitée au coût des réfections de 87.451,52 euros qui lui est imputable au vu des constatations de l'expert ; qu'en statuant de la sorte sans analyser les raisons pour lesquelles l'expert avait considéré que les désordres étaient imputables à la société exposante, la Cour d'Appel a violé les articles 455 et 458 du Code de Procédure Civile.



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Cette décision est visée dans la définition :
Incompétence


Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 10/05/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.