par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. civ. 1, 15 décembre 2010, 09-70834
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Cour de cassation, 1ère chambre civile
15 décembre 2010, 09-70.834

Cette décision est visée dans la définition :
Testament




LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


Sur le moyen unique, pris en ses deux branches :

Vu les articles 1131 et 1039 à 1043 du code civil ;

Attendu que, par acte notarié du 19 mai 1994, Jean-Marie X... et Marie-Dominique Y... ont fait donation à deux de leurs enfants, Marie-Jeanne et Jean-Dominique (les consorts X...), d'un fonds de commerce ; que, par testaments authentiques du 5 avril 1995, ils ont pris les dispositions suivantes : "En 1994, j'ai donné à mes deux enfants Marie-Jeanne et Jean-Dominique mes droits sur un fonds de commerce de restauration sis à Ajaccio (...). Dans l'acte de donation ce bien a été évalué pour sa totalité à six cent mille francs (600 000 francs). Conscient(e) que la valeur de ce bien est beaucoup plus importante et ayant le souci de conserver l'équilibre entre mes enfants, je lègue à Paul-Joseph X... et à Pascal X..., mes deux fils, la plus forte quotité disponible dont la loi me permet de disposer en leur faveur (...)" ; que, par acte notarié des 20 mars et 18 avril 1996, les consorts X... ont fait donation à leurs parents, Jean-Marie et Marie-Dominique X..., du fonds de commerce dont ceux-ci les avaient précédemment gratifiés en 1994 ; que ces derniers sont décédés respectivement en 1998 et 2004 ; que, par acte du 22 juin 2004, les consorts X... ont fait assigner leurs frères, Paul-Joseph et Pascal, en caducité des testaments dressés le 5 avril 1995 en raison de l'absence de cause résultant de la restitution à leurs parents du fonds de commerce dont ils avaient été gratifiés par donation du 19 mai 1995 et qu'ils ont restitué en 1996 ;

Attendu que, pour dire que les testaments des parents X... étaient caducs l'arrêt retient que ces actes indiquent expressément que la volonté de leurs auteurs est d'assurer l'égalité entre leurs quatre héritiers, que les consorts X... ayant restitué à leurs parents le fonds de commerce objet de la donation du 19 mai 1994, au décès de leurs auteurs ils n'étaient donc plus gratifiés d'aucune libéralité et, en conséquence, que les testaments du 5 avril 1995, dont la seule cause avait disparu avec la restitution de la donation précitée, étaient devenus caducs ;

Qu'en statuant ainsi alors qu'il appartient exclusivement au testateur, capable, de tirer les conséquences de la disparition prétendue de la cause qui l'a déterminé à disposer, la cour d'appel a ajouté aux cas légaux de caducité du testament, violant ainsi par fausse application les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a dit que les testaments de Jean-Marie X... et Marie-Dominique Y..., épouse X... étaient caducs, l'arrêt rendu le 25 février 2009, entre les parties, par la cour d'appel de Bastia ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bastia, autrement composée ;

Condamne Mme Marie-Jeanne X...-Z... et M. Jean-Dominique X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;


Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quinze décembre deux mille dix.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Potier de La Varde et Buk-Lament, avocat aux Conseils pour M. Paul-Joseph X....

M. Paul Joseph X... fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit que les testaments effectués par M. Jean-Marie X... et Marie Dominique Y... épouse X... étaient caducs.

AUX MOTIFS QUE les deux testaments du 5 avril 1995 par lesquels Jean Marie X... d'une part, Marie Dominique Y... épouse X... d'autre part, ont chacun légué à leurs enfants Paul Joseph et Pascal la plus forte quotité disponible dont la loi leur permet de disposer en leur faveur sont chacun ainsi libellés : « Je révoque tous testaments antérieurs ; en 1994, j'ai donné à mes deux enfants Marie Jeanne et Jean Dominique mes droits sur un fonds de commerce de restauration sis à Ajaccio, route des Sanguinaires, dénommée Auberge de la Terre Sacrée ; que dans l'acte de donation le bien a été évalué pour sa totalité à 600.000 francs, consciente que la valeur de ce bien est beaucoup plus importante et ayant le souci de conserver l'équilibre entre mes enfants, je lègue à Paul Joseph X... et à Pascal X..., mes deux fils la plus forte quotité disponible dont la loi me permet de disposer en leur faveur ; que pour bénéficier de ce legs, ils auront le choix des biens sur lesquels s'exercera la quotité disponible » ; que ces testaments indiquent donc expressément que la volonté de leurs auteurs est d'assurer l'égalité entre leurs quatre héritiers ; que par acte authentique des 20 mars et 18 avril 1996, soit postérieurement aux testaments du 5 avril 1995, Marie Jeanne X... épouse Z... et Jean Dominique X... ont restitué à leurs parents le fonds de commerce objet de la donation du 19 mai 1994 ; qu'au décès de leurs auteurs ils n'étaient donc plus gratifiés d'aucune libéralité ; qu'en conséquence les testaments du 5 avril 1995 dont la seule cause a disparu avec la restitution de la donation précitée sont devenus caducs.

ALORS QU'un testament n'est caduc qu'en cas de prédécès et d'incapacité du légataire, de perte de la chose léguée ou de renonciation du légataire ; que dès lors, en prononçant la caducité des testaments effectués par les époux X... le 5 avril 1995 au bénéfice de deux de leurs enfants pour disparition de leur cause, la cour d'appel a ajouté à la loi et a ainsi méconnu les articles 1039 et suivants du code civil.


ALORS QUE, SUBSIDIAIREMENT, l'existence de la cause d'un acte unilatéral ayant pour fonction de protéger la volonté de celui qui s'engage, sa disparition ne peut entraîner la caducité d'un testament que lorsque le maintien de la libéralité aurait pour effet de porter atteinte aux droits et intérêts du testateur ; que dès lors en se fondant, pour prononcer la caducité des testaments, sur la circonstance inopérante que Marie Jeanne et Jean Dominique X..., frère et soeur des légataires, n'étaient plus gratifiés d'aucune libéralité, la cour d'appel qui a ainsi prononcé la caducité d'un testament pour protéger la vocation héréditaire des cohéritiers ab intestat des légataires et non les intérêts des testateurs, a violé l'article 1131 et 1039 et suivants du code civil.



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Testament


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