par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. civ. 3, 16 février 2011, 09-71158
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Cour de cassation, 3ème chambre civile
16 février 2011, 09-71.158

Cette décision est visée dans la définition :
Propriété commerciale




LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


Donne acte aux époux X... du désistement de leur pourvoi en ce qu'il est dirigé contre M. Y... et contre la société XP consult ;

Sur le moyen unique :

Vu l'article 25 de la loi du 13 juillet 1983 dans sa rédaction antérieure à la loi du 2 février 2007, ensemble l'article L. 145-1 du code de commerce ;

Attendu que les fonctionnaires consacrent l'intégralité de leur activité professionnelle aux tâches qui leur sont confiées, qu'ils ne peuvent exercer à titre professionnel une activité privée lucrative de quelque nature que ce soit ;

Attendu selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 8 septembre 2009) rendu sur renvoi après cassation (Civ III, 11 juin 2008 R 07-14 256), que Mme Z... a, le 26 mars 1994, donné à bail à Mme A... un local commercial ; qu'elle a cédé aux époux X... le 29 novembre 2002 l'immeuble dans lequel était exploité le fonds donné à bail ; que Mme A... a demandé le renouvellement de son bail le 17 juillet 2003 ; que les époux X... lui ont, le 22 octobre 2003, donné congé avec refus de renouvellement et refus d'indemnité d'éviction ; que Mme A... a saisi le tribunal d'une demande de renouvellement du bail ; qu'elle a cédé le 23 février 2004, le fonds de commerce à la société XP consult ; qu'en cause d'appel les bailleurs ont invoqué l'incompatibilité entre l'activité professionnelle de Mme A... et le statut de commerçante propriétaire d'un fonds de commerce ;

Attendu que pour dire que le refus de renouvellement du bail n'était pas justifié, l'arrêt retient qu'il n'est pas démontré que l'activité salariée de Mme A..., agent d'entretien à temps partiel à la Mairie de Beziers, était incompatible avec l'exploitation du commerce de Valras Plage, rien ne s'opposant en outre à ce que le fonds soit exploité par un parent mandataire ;

Qu'en statuant ainsi, alors que la qualité de fonctionnaire est incompatible avec celle de commerçant, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 8 septembre 2009, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier, autrement composée ;

Condamne Mme A... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne Mme A... à payer à M. et Mme X... la somme de 2 500 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;


Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du seize février deux mille onze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils pour M. et Mme X....

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir déclaré sans effet le congé délivré le 22 octobre 2003 par les époux X... et d'avoir dit que le bail commercial consenti le 26 mars 1994 à Melle Alexandra A... et dont bénéficie actuellement la SARL XP Consult s'est régulièrement renouvelé;

AUX MOTIFS QUE le refus de renouvellement du bail notifié à Mademoiselle A... le 15 octobre 2003 invoque comme motif le fait que « Mademoiselle Alexandra A... a, sans raison sérieuse et légitime, cessé depuis le mois de mars 1996 toute exploitation du fonds, lequel est exploité par Monsieur Gérard A..., son père, qui s'est prétendu bénéficiaire d'un bail qui s'est avéré être un faux (bail du 21 mars 1996 enregistré le 29 mars 1996) » ; qu'il résulte cependant des dispositions de l'article L 145-17 du Code de commerce que le bailleur peut refuser le renouvellement du bail sans être tenu au paiement d'aucune indemnité « s'il justifie d'un motif grave et légitime à l'encontre du locataire sortant. Toutefois, s'il s'agit de l'inexécution d'une obligation soit de la cessation sans raison sérieuse et légitime de l'exploitation du fonds compte tenu des dispositions de l'article L 145-B, l'infraction commise par le preneur ne peut être invoquée que si elle s'est renouvelée plus d'un mois après mise en demeure du bailleur o'evoir à la faire cesser. Cette mise en demeure doit, à peine de nullité, être effectuée par acte extra judiciaire, préciser le motif invoqué et reproduire les termes du présent alinéa» ; qu'aucune mise en demeure d'exploiter n'a été adressée à Mademoiselle A... avant le refus de renouvellement du bail notifié le 15 octobre 2003 ; que la mise en demeure n'a été adressée à Mademoiselle A... que le 30 avril 2004, alors que la cession du fonds de commerce intervenue le 23 février 2004 au profit de la Sarl XP Consult avait été signifiée le 31 mars 2004 aux époux X... ; qu'il n'est pas invoqué un défaut d'exploitation du fonds de commerce par la Sarl XP Consult ; que dès lors, les époux X... ne peuvent se prévaloir du congé délivré le 22 octobre 2003 et le bail s'est régulièrement renouvelé par l'effet de la demande faite par Melle A... le 17 juillet 2003 ; qu'il convient au surplus de relever: - que si les époux X... produisent la copie d'un bail commercial au profit de Monsieur Gérard A... (père de Mademoiselle Alexandra A...) daté du 21 mars 1996 qui, selon l'expertise en écriture diligentée à la requête des époux X..., n'avait pas été signé de la main de la propriétaire des locaux, Madame Z..., il n'est justifié d'aucun écrit par lequel Monsieur Gérard A... se serait prévalu de ce bail; que l'acte d'achat du bien immobilier par les époux X... du 29 novembre 2002 ne fait état que du bail commercial consenti à Melle Alexandra A... le 26 mars 1994; - que Mademoiselle A... a toujours été inscrite au registre du commerce et des sociétés pour l'exploitation de ce fonds de commerce ; que tous les bons de livraison, factures, documents comptables ont été libellés au nom exclusif de Mademoiselle A...; que celle-ci a réglé les charges sociales et la TVA et a déclaré chaque année à l'administration fiscale les bénéfices de l'exploitation ; que des témoins attestent de sa présence sur les lieux; que si Monsieur Gérard A... a réglé les loyers de janvier et février 2003, il n'est produit aucun document à son nom concernant l'exploitation du fonds de commerce ; qu'entendus par un huissier le 11 juin 2003, Monsieur Gérard A... et son épouse n'ont jamais prétendu qu'ils exploitaient le commerce à titre personnel et ont précisé qu'il s'agissait d'une affaire au nom de Melle A...; qu'il n'est pas démontré que l'activité salariée de Mademoiselle A... (agent d'entretien à temps partie à la Mairie de Béziers) était incompatible avec l'exploitation du commerce de Valras Plage, rien ne s'opposant en outre à ce que le fonds soit exploité par un parent mandataire; que la seule lettre du 19 mars 2004 de Madame Jacqueline B..., agent immobilier qui serait intervenue lors de l'acquisition de l'immeuble par les époux X..., ne saurait établir que M. Gérard A... était l'exploitant du fonds de commerce ;

ALORS D'UNE PART QUE le refus de renouvellement du bail et de paiement d'une indemnité d'éviction fondé sur la dénégation du droit au statut des baux commerciaux en raison du défaut d'exploitation effective du fonds par le locataire au cours des trois dernières années précédant la date d'expiration du bail n'a pas à être précédée d'une mise en demeure; qu'en l'espèce, l'arrêt attaqué constate que le refus de renouvellement du bail notifié à Melle A... le 15 octobre 2003, en réponse à sa demande de renouvellement, est motivé par le fait que celle-ci a « sans raison sérieuse et légitime, cessé depuis le mois mars 1996 cessé toute exploitation du fonds» et qu' « elle ne remplit pas les conditions prévues par l'article L 145-8 du Code de commerce », et qu'il est ainsi fondé sur la dénégation du droit au statut des baux commerciaux; qu'en se fondant sur l'absence de notification à Melle A... par les bailleurs d'une mise en demeure d'exploiter avant le refus de renouvellement du bail notifié le 15 octobre 2003, pour statuer comme elle l'a fait, la Cour d'appel a violé l'article L 145-8 du Code de commerce, ensemble les articles L 145-1-1, L 145-9 et L 147-17-1 du Code de commerce ;

ALORS D'AUTRE PART QUE le juge, saisi de la contestation d'un refus de renouvellement sans indemnité d'éviction, doit apprécier la gravité et la légitimité de chacun des motifs invoqués par le bailleur à l'appui de son refus de renouvellement ; qu'en l'espèce, le refus de renouvellement notifié le 15 octobre 2003 à Melle A... ensuite de sa demande de renouvellement, était expressément fondé sur le fait que son père, Gérard A..., qui exploitait effectivement le fonds, s'est prétendu bénéficiaire d'un bail qui s'est avéré être un faux (bail du 21 mars 1996 enregistré le 29 mars 1996) ; que ce motif avait été repris dans le congé avec refus de renouvellement délivré le 22 octobre 2003 à Melle A...; que la Cour de cassation, dans son arrêt du 11 juin 2008 qui a renvoyé la présente affaire devant la Cour d'appel de Montpellier, a rappelé que le motif grave et légitime du refus de renouvellement sans indemnité peut être constitué par une faute imputable au locataire ou aux personnes dont il répond; qu'en ne s'expliquant pas sur la validité du refus de renouvellement sans indemnité au regard de la faute ainsi invoquée qui constituait un motif grave et légitime, comme le rappelaient les bailleurs dans leurs conclusions d'appel, la Cour d'appel a violé l'article L 145-17-1 du Code de commerce ;

ALORS ENSUITE QUE le fait pour une personne dont répond le preneur d'établir un faux bail à son nom, de le faire publier et de s'en prévaloir à l'encontre du nouveau bailleur venant d'acquérir l'immeuble à la suite du décès du bailleur initial constitue un motif grave et légitime justifiant le non renouvellement du bail sans indemnité d'éviction ; qu'en l'espèce, les bailleurs faisaient valoir que M. Gérard A..., qui exploitait effectivement le fonds de commerce dans les lieux loués par sa fille, avait établi à son profit un faux bail commercial en date du 21 mars 1996, qu'il l'avait fait enregistrer par les services fiscaux de Béziers Ouest le 29 mars 1996, qu'il s'en était prévalu à leur encontre le 1er décembre 2002, en présence de Mme B..., gérante de l'agence immobilière chargée de la cession des murs qui en a attesté, pour prétendre que le bail de 1994 au profit de sa fille Alexandra A... était devenu caduc et que le seul bail en vigueur était celui qui lui avait été consenti le 21 mars 1996, qu'il s'est de nouveau prévalu de ce bail de 1996 devant l'huissier de Justice désigné par ordonnance du président du tribunal de grande instance de Béziers avec pour mission de déterminer les conditions d'exploitation du fonds de commerce litigieux en juin 2003 et qu'il a commencé à exécuter ce faux bail en remettant aux nouveaux bailleurs les loyers de janvier et février 2003 par deux chèques établis à son nom et à l'adresse des lieux loués; qu'en se bornant à relever, pour statuer comme elle l'a fait, qu'il n'est justifié d'aucun écrit par lequel Monsieur Gérard A... se serait prévalu de ce bail, la Cour d'appel, qui a statué par un motif inopérant, a violé l'article L 145-17-1 du Code de commerce ;

ALORS, EN OUTRE, QU'un fonctionnaire doit consacrer l'intégralité de son activité professionnelle aux tâches qui lui sont confiées et ne peut exploiter un fonds de commerce, fût-ce par un mandataire interposé ou par un prête-nom; qu'en l'espèce, les exposants invoquaient la règle du non cumul d'activités et faisaient valoir que Mademoiselle A... faisait partie de la fonction publique territoriale depuis 1992 et avait été titularisée le 1er juillet 1998 (conclusions d'appel des exposants, p. 4 et 5, et procès-verbal de constat du 8 janvier 2004); qu'en affirmant « qu'il n'est pas démontré que l'activité salariée de Melle A... (agent d'entretien à temps partiel à la mairie de Béziers) était incompatible avec l'exploitation de commerce de Valras Plage, rien ne s'opposant, en outre, à ce que le fonds soit exploité par un parent mandataire» la Cour d'appel a violé l'article 25 de la loi du 13 juillet 1983, ensemble l'article 136 de la loi du 26 janvier 1984 ;

ALORS DE SURCROIT QU'en retenant d'un côté que le fonds de commerce était exploité par Melle A... (arrêt attaqué p. 8) et de l'autre que ce fonds était exploité par un parent mandataire (arrêt attaqué p. 9), la Cour d'appel a entaché sa décision d'une contradiction de motifs en violation de l'article 455 du Code de procédure civile ;


ALORS ENFIN ET EN TOUTE HYPOTHESE QUE le congé, même s'il est délivré pour un motif erroné ou sans avoir été précédé d'une mise en demeure, met fin au bail; qu'en l'espèce, la Cour d'appel qui a déduit de l'absence de mise en demeure d'exploiter avant le refus de renouvellement du bail que les bailleurs ne pouvaient se prévaloir du congé délivré le 22 octobre 2003 et qui a jugé que le bail s'était régulièrement renouvelé par l'effet de la demande faite par Melle A... le 17 juillet 2003, a violé l'article L 145-17 du Code de commerce, ensemble l'article L 145-14 du même Code.



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Cette décision est visée dans la définition :
Propriété commerciale


Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 10/05/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.