par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. civ. 2, 7 avril 2011, 10-15918
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Cour de cassation, 2ème chambre civile
7 avril 2011, 10-15.918

Cette décision est visée dans la définition :
Réparation




LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


Attendu, selon l'arrêt attaqué, que le 28 septembre 2005, Michel X... est décédé dans un accident de la circulation impliquant le véhicule conduit par M. Y..., assuré auprès de la société L'Equité (l'assureur) ; que le 4 juin 2007, sa veuve, Mme Irène X..., ses deux fils majeurs, Quentin et Bertrand X..., et ses parents, M. et Mme Alain X... (les consorts X...) ont assigné l'assureur en indemnisation devant un tribunal de grande instance, en présence de la caisse primaire d'assurance maladie de la Creuse (la caisse) ;

Sur le premier moyen, pris en sa première branche :

Vu les articles L. 434-8 du code de la sécurité sociale, 31 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 modifiée, ensemble le principe de la réparation intégrale ;

Attendu que la rente viagère prévue au premier de ces textes indemnise les pertes de revenus des proches ; que ce poste de préjudice patrimonial subi par l'ensemble de la famille proche du défunt doit être évalué en prenant en compte comme élément de référence le revenu annuel du foyer avant le dommage ayant entraîné le décès de la victime directe en tenant compte de la part de consommation personnelle de celle-ci et du salaire que continue à percevoir le conjoint, le partenaire d'un pacte civil de solidarité ou le concubin survivant ;

Attendu que pour allouer à Mme X... une certaine somme en réparation de son préjudice patrimonial, l'arrêt retient que le revenu de référence est constitué de la perte de revenus professionnels et de celle de l'industrie de Michel X... qu'il évalue ; que du montant de cette évaluation il déduit une somme au titre de la part de consommation personnelle du mari et au titre des revenus de l'épouse, avant capitalisation de cette différence, puis imputation de la rente viagère servie par la caisse ;

Qu'en statuant ainsi, alors que la rente viagère prévue à l'article L. 434-8 du code de la sécurité sociale n'indemnisant que la perte de revenus subie par Mme veuve X... du fait du décès de son époux, la perte d'industrie de Michel X... ne pouvait entrer dans la définition du revenu de référence pour le calcul de ce poste de préjudice, la cour d'appel a violé les textes et le principe susvisés ;

Et sur le second moyen :

Vu les articles 455 et 458 du code de procédure civile, ensemble le principe de la réparation intégrale ;

Attendu que pour allouer aux consorts X... une certaine somme en réparation de leurs préjudices moraux, l'arrêt retient que les sommes allouées par le tribunal sont conformes à la jurisprudence habituelle de la cour d'appel ;

Qu'en se déterminant ainsi, par des motifs impropres à justifier la réparation intégrale des préjudices moraux dont elle constatait l'existence, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes et du principe susvisés ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du premier moyen :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 23 septembre 2009, entre les parties, par la cour d'appel de Riom ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ;

Condamne la société L'Equité aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société L'Equité ; la condamne à payer aux consorts X... la somme globale de 2 500 euros ;.

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;


Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du sept avril deux mille onze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt


Moyens produits par Me Balat, avocat aux Conseils, pour les consorts X...

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir fixé le préjudice patrimonial de Mme Irène A..., veuve X..., à la somme de 162.089,35 € et d'avoir condamné la compagnie L'Equité à payer à celle-ci, après déduction de la rente accident du travail servie par la Caisse primaire d'assurance maladie de la Creuse, la somme de 26.410,88 € ;

AUX MOTIFS QUE la victime, âgée de 49 ans au moment de l'accident, était chef d'équipe d'une entreprise de plâtrerie – peinture et percevait des ressources annuelles de 13.389 € lire : 18.389 € ; que son épouse occupait un emploi d'assistante prothésiste et percevait un salaire annuel de 17.608 €, soit un total de revenus professionnels du ménage de 35.997 € ; que les époux avaient acquis une propriété à la campagne impliquant des charges d'entretien importantes que le mari bricoleur assumait pour partie, devenues trop lourdes pour la veuve ; que la cour retiendra de ce chef au titre de l'industrie apportée par M. X... un capital complémentaire de 1.500 € par an ; que les revenus du couple au titre professionnel et de l'industrie personnelle s'élèvent donc à la somme de 37.497 € arrondie à 37.500 € sur laquelle il doit être retenu une part de 30 % pour l'auto consommation du mari, soit 11.250 €, soit un solde restant de 26.250 € duquel doivent être déduits les revenus de Mme X... de 17.608 € donnant une perte annuelle de 8.642 € sur laquelle il sera procédé à la capitalisation sur la base du franc de rente viager d'un homme de 49 ans ; que la cour retiendra pour ce calcul le barème de capitalisation actualisé paru à la Gazette du Palais du 7 novembre 2004 qui prend en compte l'évolution plus réaliste de la table de mortalité et du taux d'intérêt ; qu'au vu de ces éléments, le préjudice patrimonial de Mme X... sera donc fixé à la somme de 162.089,35 € (soit 8.642 x 18,756), de laquelle il convient de déduire la rente accident du travail servie par la Caisse primaire d'assurance maladie de la Creuse s'élevant à 135.678,47 € (constituée des arrérages échus au 15 mars 2009 et du capital au 16 mars 2009 représentatif des arrérages à échoir), soit un solde de 26.410,88 € revenant à la veuve ;

ALORS, D'UNE PART, QUE la rente versée à la victime d'un accident du travail indemnise, d'une part, les pertes de gains professionnels et l'incidence professionnelle de l'incapacité et, d'autre part, le déficit fonctionnel permanent ; que lorsque, en cas de décès de la victime, la rente est versée à l'ayant-droit de celle-ci, cette rente indemnise exclusivement une perte de gains professionnels et son montant ne peut s'imputer que sur les indemnités réparant la perte de revenus salariaux ; que dès lors, en faisant masse de la somme correspondant à la perte de revenus salariaux et de la somme allouée au titre de l'entretien de la maison (35.997 € + 1.500 €), pour évaluer une perte annuelle globale de revenus et pour procéder sur cette base à l'imputation de la créance de la Caisse primaire d'assurance maladie de la Creuse correspondant au versement à Mme X... de la rente viagère accident du travail (arrêt attaqué, p. 3), cependant que cette rente, évaluée sur le seul fondement des salaires que percevait M. X..., n'avait ni pour objet ni pour effet d'indemniser le préjudice né de ce que Mme X... devra désormais avoir recours à un tiers pour assurer l'entretien de sa maison, la cour d'appel a méconnu le principe susvisé et a violé l'article 31 de la loi du 5 juillet 1985, l'article 1382 du code civil et l'article L.434-8 du code de la sécurité sociale ;

ALORS, D'AUTRE PART, QUE le préjudice de la victime doit faire l'objet d'une réparation intégrale, sans perte ni profit ; qu'en déduisant, au titre de la réparation du préjudice lié à l'entretien de la maison, une part «d'auto consommation du mari» (arrêt attaqué, p. 3), cependant que cette notion n'a en l'occurrence aucun sens, la cour d'appel a violé le principe susvisé et l'article 1382 du code civil.


SECOND MOYEN DE CASSATION

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la compagnie L'Equité à payer, au titre de la réparation du préjudice moral, 25.000 € à Mme A..., veuve X..., 12.000 € à MM. Bernard et Quentin X..., les deux fils majeurs de la victime, et 10.000 € à Mme B... épouse X... et à M. Alain X..., les parents de la victime ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE Michel X... qui avait 27 ans de mariage au moment de l'accident, avait eu de cette union deux enfants majeurs nés en 1980 et 1983, vivant hors du foyer, ainsi que des parents âgés ; que les sommes allouées de ce chef aux proches de la victime sont conformes à la jurisprudence habituelle de la cour et seront confirmées ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QU' au regard de la jurisprudence de la Cour d'appel de Riom résultant des arrêts rendus en 2007, cette indemnisation peut être la suivante : - indemnisation du préjudice moral de : Mme A..., veuve X..., 25.000 € ; M. Bernard X... (fils majeur), 12.000 € ; M. Quentin X... (fils majeur), 12.000 € ; Mme B..., épouse X... (mère de la victime), 10.000 € ; M. Alain X... (père de la victime), 10.000 € ;


ALORS QUE le préjudice de la victime doit faire l'objet d'une réparation intégrale, sans perte ni profit ; que dans leurs conclusions d'appel (signifiées le 1er avril 2009, p. 14), les consorts X... sollicitaient une meilleure indemnisation de leur préjudice moral, en demandant le paiement d'une somme de 60.000 € pour Mme A..., veuve X..., 30.000 € pour chacun des deux fils majeurs de la victime et 20.000 € pour ses deux parents ; qu'en confirmant le montant des sommes allouées par les premiers juges aux consorts X..., au seul motif que ces sommes sont «conformes à la jurisprudence habituelle de la cour» (arrêt attaqué, p. 3), la cour d'appel, qui n'a pas examiné le préjudice effectivement subi par les victimes, a privé sa décision de toute base légale au regard du principe susvisé et de l'article 1382 du code civil.



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Cette décision est visée dans la définition :
Réparation


Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 10/05/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.