par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles
Cass. civ. 1, 28 avril 2011, 10-15056
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Cour de cassation, 1ère chambre civile
28 avril 2011, 10-15.056
Cette décision est visée dans les définitions suivantes :
Réparation
Transports
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu l'article 1150 du code civil ;
Attendu que le débiteur n'est tenu que des dommages-intérêts qui ont été prévus ou qu'on a pu prévoir lors du contrat, lorsque ce n'est pas par son dol que l'obligation n'est pas exécutée ;
Attendu que pour condamner la SNCF à verser à M. et Mme X..., lesquels avaient pris place, le 3 février 2008, à bord d'un train dont l'arrivée était prévue à la gare Montparnasse à 11 heures 15 afin de rejoindre l'aéroport de Paris-Orly où ils devaient embarquer à 14 h 10 à destination de l'île de Cuba, la somme de 3 136, 50 euros en remboursement de leurs frais de voyage et de séjour, de taxis et de restauration en région parisienne, et de leurs billets de retour à Saint-Nazaire, ainsi qu'une somme à titre de réparation du préjudice moral en découlant, la juridiction de proximité, constatant que l'arrivée s'était finalement effectuée à la gare de Massy-Palaiseau à 14 h 26, rendant impossible la poursuite du voyage, a retenu que d'une manière générale, les voyageurs qu'elle transporte ne sont pas rendus à destination quand ils sont en gare d'arrivée, notamment quand il s'agit de gares parisiennes et que, dès lors, la SNCF ne saurait prétendre que le dommage résultant de l'impossibilité totale pour les demandeurs de poursuivre leur voyage et de prendre une correspondance aérienne prévue était totalement imprévisible lors de la conclusion du contrat de transport ;
Qu'en se déterminant par des motifs généraux, sans expliquer en quoi la SNCF pouvait prévoir, lors de la conclusion du contrat, que le terme du voyage en train n'était pas la destination finale de M. et Mme X... et que ces derniers avaient conclu des contrats de transport aérien, la juridiction de proximité n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, le jugement rendu le 18 novembre 2009, entre les parties, par la juridiction de proximité de Saint-Nazaire ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit jugement et, pour être fait droit, les renvoie devant la juridiction de proximité de Nantes ;
Condamne M. et Mme X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit avril deux mille onze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Odent et Poulet, avocat aux Conseils pour la Société nationale des chemins de fer français.
Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR condamné la SNCF à payer à M. Michel X... et à Mme Danièle Z..., son épouse, la somme de 3. 136, 50 , augmentée des intérêts au taux légal à compter du 6 mars 2008, au titre de leur préjudice matériel, ainsi que la somme de 300 au titre de leur préjudice moral,
AUX MOTIFS QUE selon l'article 1150 du code civil, s'agissant du préjudice matériel, le débiteur n'est tenu que des dommages et intérêts qui ont été prévus ou qu'on a pu prévoir lors du contrat ; que la SNCF ne pouvait ignorer que, d'une manière générale, les voyageurs qu'elle transporte ne sont pas rendus à destination quand ils sont en gare d'arrivée, notamment quand il s'agit de gares parisiennes, et qu'un retard important à l'arrivée doublé d'une dépose dans une gare différente de celle prévue au départ peut avoir des conséquences dommageables pour un client transporté ; que si le transporteur ne peut être tenu d'indemniser toutes les conséquences dommageables qu'un retard dans l'arrivée des trains peut avoir pour ses clients, il ne peut affirmer que le dommage résultant de l'impossibilité totale de poursuivre leur voyage et de prendre une correspondance aérienne prévue était totalement imprévisible lors de la conclusion du contrat de transport ; que c'est le seul retard de plus de trois heures à l'arrivée du train, et dans une autre gare, qui a définitivement interdit aux époux X... de poursuivre leur voyage ; que la SNCF sera dès lors condamnée à leur rembourser les frais de voyage et séjour à Cuba (2. 827 ), taxi et restauration du 3 février 2008 dans l'attente du retour (87. 90 ) et billets de trains et suppléments de changement pour le retour (221. 60 ), soit une somme totale de 3. 136, 50 que selon l'article 1149 du code civil, s'agissant du préjudice moral. les dommages et intérêts dus au créancier sont en général de la perte qu'il a faite et du gain dont il a été privé ; que les époux X... justifient du préjudice de n'avoir pu effectuer un voyage d'exception, qui sera réparé par une somme de 300 ;
1° ALORS QUE, en matière contractuelle, le débiteur d'une obligation inexécutée ou exécutée avec retard peut être condamné, à raison de la perte subie par le créancier ou du gain dont il a été privé, à réparer les dommages qui sont la suite immédiate et directe de l'inexécution de la convention ; qu'il peut alors être condamné au paiement de dommages et intérêts qui ont été prévus ou qu'on a pu prévoir lors de la conclusion du contrat ; que ce paiement constitue ainsi une modalité d'exécution de l'obligation non satisfaite ; que la SNCF est liée à ses clients par un contrat de transport, dont l'exécution débute à partir du moment où le voyageur monte dans le train et se termine lorsqu'il achève d'en descendre ; que sa responsabilité contractuelle est donc limitée à l'exécution de ce contrat et à ses conséquences immédiates et directes ; que s'il est possible pour la SNCF de prévoir qu'un retard affecte ses trains, elle ignore les projets pour lesquels ses clients les empruntent, de sorte que ces projets n'entrent pas dans le champ des obligations contractuelles qu'elle doit exécuter-- éventuellement sous le mode de dommages et intérêts ; qu'en décidant dès lors qu'en raison du retard survenu au train transportant les époux X... et de son changement d'arrivée la SNCF était tenue de leur rembourser les frais de séjour à Cuba, le juge de proximité, qui a fait entrer dans le champ de la responsabilité contractuelle des chefs de préjudice qui n'en relevaient pas, a violé les articles 1147, 1 150 et 1151 du code civil ;
2° ALORS QU'en décidant également de condamner la SNCF, en raison du même retard et de la même modification d'arrivée à destination, à rembourser, sur le fondement de la responsabilité contractuelle, les frais d'avion engagés par le époux X... pour se rendre à Cuba, quand ces frais étaient totalement étrangers au contrat de transport liant les parties, le juge de proximité a derechef violé les articles 1147, 1150 et 1151 du code civil ;
3° ALORS QUE, pour justifier sa décision de faire entrer les frais ainsi engagés par les époux X... dans le champ de la responsabilité contractuelle de la SNCF et condamner celle-ci de ce chef, le juge de proximité a considéré que « d'une manière générale, les voyageurs qu'elle transporte ne sont pas rendus à destination quand ils sont en gare d'arrivée, notamment quand il s'agit de gares parisiennes » et que « le dommage résultant de l'impossibilité totale de poursuivre leur voyage et de prendre une correspondance aérienne prévue » est prévisible lors de la conclusion du contrat de transport (jugement, p. 4, § § 8-10) ; qu'à supposer que le terme du voyage en train ne soit pas la destination finale de ses clients, la SNCF ignore cette destination et l'existence de contrats de transports ultérieurs ; qu'elle n'a, de ce chef, aucune obligation contractuelle, même de moyen, d'en assurer la réalisation ou de garantir une correspondance entre les trains qu'elle met en service et des transports aériens qu'elle ignore ; qu'en se déterminant dès lors de la sorte, par des motifs impropres à justifier l'application de la responsabilité contractuelle de la SNCF à l'égard des frais engagés par les époux X... pour leur billet d'avion et leur séjour à Cuba, le juge de proximité a violé les articles 1147, 1150 et 1151 du code civil ;
4° ALORS QUE les dommages et intérêts exigibles au titre de la responsabilité contractuelle, qui sont une modalité d'exécution de l'obligation non respectée, ne peuvent indemniser que des dommages qui sont la suite directe et immédiate de l'inexécution ; qu'en décidant dès lors d'indemniser les frais de taxi et de restaurant allégués par les époux X..., quand ces frais étaient totalement étrangers à l'exécution du contrat de transport, le tribunal a violé les 1147, 1150 et 1151 du code civil ;
5° ALORS, en toute hypothèse, QUE, s'agissant spécialement des frais de taxi, la SNCF avait fait valoir dans ses écritures (p. 13) que le premier itinéraire invoqué par les époux, dont ils demandaient remboursement, ne faisait l'objet d'aucun justificatif ce qui était une raison suffisante de ne pas en accorder le remboursement et que leur demande au sujet du second itinéraire reposait sur un pseudo justificatif qui excluait le bien-fondé de leur réclamation ; qu'il indiquait en effet que les époux X... étaient arrivés (14 h 10) avant d'être partis (15 h 30) ; qu'à supposer qu'il y eût inversion, poursuivait la SNCF, ces deux horaires n'en demeuraient pas moins impossibles car les époux X... n'avaient pas pu prendre un taxi à 14 h 10, dès lors que leur train retardé n'était arrivé à Massy qu'à 14 h 27, et qu'une arrivée en taxi à Montparnasse à 15 h 30 était également impossible puisque, selon la propre pièce adverse n° 7 des époux X..., ceux-ci ont acheté un billet de train à Orly à 15 h 34 ; qu'en décidant dès lors de condamner la SNCF à rembourser ces frais de taxi aux époux X..., sans avoir procédé à l'examen de ces éléments auquel il était explicitement invité, et qui eut été de nature à écarter la prétention de ces derniers, le juge a privé sa décision de base légale au regard des articles 1147, 1150 et 1151 du code civil ;
6° ALORS, en toute hypothèse également, QUE, s'agissant des frais de restaurant, la SNCF avait fait valoir dans ses écritures qu'ils ne pouvaient constituer pour les époux X... un dommage réparable dès lors que ces frais auraient été engagés par ces derniers même si le train était arrivé en lieu et heure prévus, c'est-à-dire à 1 1 15, sachant que leur avion n'était prévu qu'à 15 h 10 ; qu'en décidant dès lors, sans examen aucun et sans répondre à cette objection qui portait sur le bien-fondé même de la demande présentée, le juge a privé sa décision de motif, en violation de l'article 455 du code de procédure civile ;
7° ALORS QUE, s'agissant du préjudice moral, le juge a également décidé de faire peser sur la SNCF, au titre de la responsabilité contractuelle, le préjudice constitué, pour les époux X..., « par le fait de n'avoir pas pu effectuer un voyage d'exception », ces derniers étant ainsi privés d'un gain et s'étant vu infliger une perte ; qu'en faisant ainsi entrer dans le champ de la responsabilité contractuelle de la SNCF, liée à l'exécution de son contrat de transport, un titre de préjudice qui n'en relevait à aucun titre, et en diluant ainsi, comme dans le reste de sa motivation, la responsabilité contractuelle dans le domaine de la responsabilité civile de droit commun, le juge a violé les articles 1147, 1149 et 1150 du code civil.
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Réparation
Transports
Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 10/05/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.