par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. civ. 3, 12 octobre 2011, 10-19285
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Cour de cassation, 3ème chambre civile
12 octobre 2011, 10-19.285

Cette décision est visée dans la définition :
Préemption




LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu l'article L. 412-1 du code rural ;

Attendu que le propriétaire bailleur d'un fonds de terre ou d'un bien rural qui décide ou est contraint de l'aliéner à titre onéreux, sauf le cas d'expropriation pour cause d'utilité publique, ne peut procéder à cette aliénation qu'en tenant compte d'un droit de préemption au bénéfice de l'exploitant preneur en place ; que ce droit est acquis au preneur même s'il a la qualité de copropriétaire du bien mis en vente ; que ces dispositions ne sont pas applicables s'il s'agit de biens dont l'aliénation, faite en vertu soit d'actes de partage intervenant amiablement entre cohéritiers, soit de partage d'ascendants, soit de mutations, profite, quel que soit l'un de ces trois cas, à des parents ou alliés du propriétaire jusqu'au troisième degré inclus et sauf dans ces mêmes cas si l'exploitant preneur en place est lui-même parent ou allié du propriétaire jusqu'au même degré ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Reims, 31 mars 2010) que M. X..., propriétaire de terres données à bail à la SCEA du Moulin à Vent, a conclu avec M. Y... un compromis de vente portant sur ces terres ; que le notaire a notifié les conditions de cette vente à la société locataire qui a, en réponse, déclaré vouloir exercer un droit de préemption ; que se prévalant du lien de parenté existant entre lui et M. Y..., M. X... a contesté le droit de préemption du preneur et s'est opposé à la vente au profit de ce dernier ; que la SCEA du Moulin à Vent a alors saisi le tribunal paritaire des baux ruraux pour voir dire parfaite la vente intervenue entre elle et M. X... ;


Attendu que pour accueillir cette demande, l'arrêt retient qu'à supposer que le notaire ait agi au-delà du mandat qui lui avait été donné en procédant à la notification prévue à l'article L. 412-8 du code rural au preneur, la SCEA a pu légitimement croire que ce mandataire agissait en vertu du mandat de M. X... et dans ses limites, sans avoir à le vérifier ; que dès lors, la vente résultant de l'offre faite au preneur par M. X... via son mandataire et de l'acceptation de la SCEA dont il a été pris acte est parfaite ;

Qu'en statuant ainsi, alors que nonobstant la notification du projet de vente qui lui est faite, le preneur ne bénéficie pas d'un droit de préemption s'il s'agit de biens dont l'aliénation profite à des parents ou alliés du propriétaire jusqu'au troisième degré inclus, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 31 mars 2010, entre les parties, par la cour d'appel de Reims ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Reims, autrement composée ;

Condamne la société du Moulin à Vent aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société du Moulin à Vent à payer à M. X... la somme de 2 500 euros ; rejette la demande de la société du Moulin à Vent ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze octobre deux mille onze.


MOYEN ANNEXE au présent arrêt.

Moyen produit par la SCP Ortscheidt, avocat aux Conseils, pour M. X....

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir déclaré parfaite la vente intervenue le 3 mai 2007 entre M. X..., vendeur, et la SCEA du Moulin à vent, acquéreur, portant sur la parcelle de terre située sur la commune de Sommepy Tahure, cadastrée section YM n° 3 lieu-dit La Voie la Rose pour 5 ha 74 a 50 ca au prix principal de 34. 410 € et d'avoir dit que l'arrêt valait vente ;

AUX MOTIFS QUE, par acte sous seing privé signé le 9 mars 2007 pour l'acquéreur, et le 19 mars 2007 pour le vendeur, un compromis de vente est intervenu entre Jean-Gabriel X..., vendeur, et M. Guy Y..., acquéreur, portant sur la parcelle litigieuse pour un montant de 34. 410 € ; que l'acte mentionnait l'existence d'un bail à ferme et prévoyait que si le bénéficiaire d'un droit de préemption déclarait exercer son droit au prix et conditions fixés, vendeur et acquéreur reconnaissaient que l'acte serait caduque sans indemnité de part et d'autre ; que la régularisation devait intervenir au plus tard le 25 mai 2007 ; qu'il est à noter que le compromis ne mentionnait aucun lien de parenté entre vendeur et acquéreur alors qu'il n'est pas discuté que M. Y... est le neveu de M. X... et que cette qualité était nécessairement connue des deux parties ; qu'il est encore précisé que vendeur et acquéreur donnaient tout pouvoir à tous clercs ou employés de l'étude du notaire chargé d'établir l'acte devant régulariser le compromis à l'effet d'effectuer toutes les formalités préalables au contrat authentique, pour toutes notifications exigées par la loi, notamment au titulaire de tout droit de préemption ; que l'acte mentionnait qu'ils auraient la faculté de signer en leur nom les pièces nécessaires ; que par lettre recommandée avec accusé de réception du 23 mars 2007, le notaire, Me Hélène Z..., mandataire de M. X... a, en application de l'article L. 412-8 du code rural, fait connaître à la SCEA du Moulin à Vent, preneur, l'intention de M. X... de vendre la parcelle litigieuse, lui a notifié le prix, charges, conditions et modalités de la vente et lui a rappelé qu'elle disposait d'un délai de deux mois pour faire valoir son droit de préemption ; que dans un courrier du 3 mai 2007, le notaire a accusé réception de l'acceptation de la SCEA d'acquérir le bien au prix et conditions fixées ; que lorsque l'offre a été faite au preneur en référence à son droit de préemption, le vendeur ne pouvait pas ignorer que la vente initiale projetée était faite au profit de son neveu, ce qui pouvait avoir pour effet, en application de l'article L. 412-1 alinéa 2 du code rural, d'écarter le droit de préemption du preneur ; que M. X... ne peut donc pas prétendre à une erreur de consentement viciant l'offre ; qu'à supposer que le notaire ait agi au-delà du mandat qui lui avait été donné par M. X... en procédant à la notification prévue à l'article L. 412-8 du code rural au preneur, ce qui reste à démontrer, au regard des circonstances et spécialement de la qualité d'officier ministériel de Me Hélène Z..., la SCEA a pu légitimement croire que ce mandataire agissait en vertu du mandat de M. X... et dans ses limites sans avoir à le vérifier ; que dès lors, la vente, résultant de l'offre faite au preneur le 23 mars 2007 par M. X... via son mandataire et de l'acceptation de la SCEA dont il a été pris acte le 3 mai 2007, est parfaite ; que c'est en vain que M. X... soutient que la vente intervenue entre lui-même et M. Y... est parfaite depuis le 19 mars 2007 alors que le compromis prévoyait expressément la condition suspensive de l'exercice d'un droit de préemption, droit de préemption dont a usé le preneur ;

1°) ALORS QUE lorsque le propriétaire bailleur d'un immeuble rural offre de le céder à un parent ou allié jusqu'au troisième degré, l'exploitant preneur en place ne bénéficie d'aucun droit de préemption légal ; qu'en déboutant M. X... de sa demande tendant à voir déclarer la vente intervenue avec son neveu parfaite, motif pris que le preneur en place, la société SCEA, qui ne disposait pourtant d'aucun droit de préemption légal, avait valablement exercer un tel droit, la cour d'appel a violé l'article L. 412-1 du code rural ;

2°) ALORS QUE le bénéfice des dispositions de l'article L. 412-1, alinéa 2, du code rural, qui excluent tout droit de préemption au profit de l'exploitant preneur en place lorsque l'offre de vente a été faite à un parent ou allié jusqu'au troisième degré du propriétaire bailleur, n'est pas subordonnée à la précision, dans la promesse de vente, de ce lien de parenté ; qu'en décidant que la société SCEA avait valablement pu user d'un droit de préemption au motif que la promesse synallagmatique de vente conclue entre le propriétaire, M. X..., et son neveu, M. Y..., ne mentionnait pas leur lien de parenté, la cour d'appel, qui a ajouté une condition à l'article L. 412-1, alinéa 2, du code rural, a violé ce texte ;

3°) ALORS QUE la promesse synallagmatique de vente du 9 mars 2001 stipulait, au paragraphe relatif aux conditions suspensives, que la vente était subordonnée à la renonciation de tout organisme ou collectivité public ou privés et de toutes personnes physiques et morales titulaires d'un droit de préemption à exercer ce droit, ce qui n'avait donc ni pour objet ni même pour effet de créer un droit de préemption, mais seulement de subordonner la réalisation de la vente à la renonciation des éventuels titulaire d'un droit légal de préemption à exercer ce droit ; qu'en déduisant de cette promesse l'existence d'un droit de préemption en faveur de la société SCEA, la cour d'appel en a dénaturé les termes clairs et précis, en violation de l'article 1134 du code civil ;


4°) ALORS, EN TOUT ETAT DE CAUSE, QUE M. X... faisait valoir, dans ses dernières conclusions d'appel (p. 2), que l'offre faite à la SCEA du Moulin à Vent était fondée sur une erreur du notaire quant à l'existence, au profit de cette dernière, d'un droit de préemption ; que dès lors, en se bornant énoncer, pour dire parfaite la vente au profit de la SCEA du Moulin à Vent, que l'offre avait été faite au preneur en référence à son droit de préemption et que le vendeur ne pouvait pas ignorer que la vente initiale projetée était faite au profit de son neveu, ce qui aurait pour effet d'écarter le droit de préemption du preneur, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si M. X... n'avait pas été induit en erreur par le notaire, circonstance pourtant de nature à vicier son consentement, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

5°) ALORS, EN TOUTE HYPOTHESE, QU'un mandat apparent ne peut avoir pour effet de créer au profit d'un tiers un droit dont il est privé par la loi ; que dès lors, en retenant, pour dire parfaite la vente résultant de l'offre faite au preneur le 23 mars 2007 par M. X... via son mandataire et de l'acceptation de la SCEA du Moulin à Vent, que cette dernière avait pu légitimement croire qu'en lui adressant une notification prévue à l'article L. 412-8 du code rural, le notaire avait agi en vertu d'un mandat de M. X..., circonstance pourtant inopérante à lui octroyer le droit de préemption dont elle était privé en application de l'article L. 412-1, alinéa 2, du code rural, la cour d'appel a violé ce texte, ensemble l'article 1998 du code civil.



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Cette décision est visée dans la définition :
Préemption


Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 10/05/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.