par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. civ. 3, 11 janvier 2012, 10-22924
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Cour de cassation, 3ème chambre civile
11 janvier 2012, 10-22.924

Cette décision est visée dans la définition :
Vente




LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


Donne acte à la SCI Les Tanneries du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la société Elience ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 10 juin 2010), que les époux X... ont souscrit, par acte authentique du 1er février 2005, un contrat de vente en l'état futur d'achèvement portant sur un appartement d'une surface habitable de 66,10 m², dont la livraison était fixée au deuxième trimestre 2005 ; que se plaignant de la non-conformité de l'appartement aux dispositions contractuelles prévoyant deux branchements d'eau pour le lave-linge et le lave-vaisselle dans la cuisine, de sa livraison tardive, et d'une superficie réelle de 62 m², les époux X... ont assigné la SCI Les Tanneries (la SCI) pour obtenir réparation de leurs préjudices et une réduction du prix de vente ;

Sur le premier moyen, ci-après annexé :

Attendu qu'ayant, par motifs propres et adoptés, constaté, sans dénaturation, que le procès-verbal de livraison du 1er août 2005 établissait l'absence d'un des deux branchements d'eau contractuellement prévus dans la cuisine pour l'installation du lave-linge et du lave-vaisselle, et retenu qu'il était impossible en l'état d'installer ces appareils électroménagers dans la cuisine ou dans la salle de bains, que ces deux pièces étaient impropres à leur destination et que l'habitabilité de l'appartement était compromise, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de répondre à des conclusions que ses constatations rendaient inopérantes, a légalement justifié sa décision en retenant qu'à l'expiration du délai conventionnel de livraison, l'appartement n'était pas conforme aux stipulations contractuelles ;

Sur le second moyen :

Attendu que la SCI fait grief à l'arrêt de la condamner à payer une somme au titre de la différence de superficie de l'appartement, alors, selon le moyen, que l'action en réduction du prix pour moindre mesure ouverte à l'acquéreur d'un lot de copropriété doit être exercée, à peine de déchéance, dans le délai d'un an à compter de la conclusion de l'acte authentique de vente, peu important que la vente ait porté sur un immeuble en état futur d'achèvement ; qu'en plaçant le point de départ de la prescription annale de l'action exercée par les époux X..., non au jour de la conclusion de l'acte de vente, mais à la date de la livraison, la cour d'appel a violé l'article 46 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965, en sa rédaction issue de la loi n° 96-1107 du 18 décembre 1996 ;

Mais attendu qu'ayant, à bon droit, retenu que l'article 1622 du code civil relatif à l'action en diminution de prix était applicable à la vente en l'état futur d'achèvement et que le point de départ du délai préfix d'un an était la date de la livraison du bien, la vérification de la superficie de l'immeuble vendu ne pouvant être opérée qu'à cette date, et ayant constaté que la livraison de l'immeuble était intervenue le 1er août 2005, la cour d'appel en a exactement déduit, abstraction faite de la référence erronée à l'article 46 de la loi n 65-557 du 10 juillet 1965, que l'action en réduction du prix introduite par les époux X... le 27 juillet 2006 par l'assignation de la SCI était recevable ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la SCI Les Tanneries aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la SCI Les Tanneries à verser la somme de 2 500 euros aux époux X... ; rejette la demande de la SCI Les Tanneries ;


Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du onze janvier deux mille douze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils pour la SCI Les Tanneries.

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que la SCI Les Tanneries n'a pas respecté son obligation de délivrance d'un bien conforme aux stipulations contractuelles, dans le délai contractuel de livraison fixé au deuxième trimestre 2005, et condamné la SCI Les Tanneries à payer aux époux X... les sommes de 3.172,58 euros au titre de la perte de loyers du fait de la non location et de 1.500 euros au titre des désagréments et du préjudice moral subi ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE Sur le défaut de délivrance dans le délai conventionnel : l'action en dommages-intérêts pour le préjudice résultant du défaut de délivrance au terme convenu est ouverte à l'acquéreur par l'article 1611 du Code civil ; en fait, après expiration du délai conventionnel de délivrance au 30 juin 2005, l'appartement a fait l'objet d'un procès-verbal de livraison en date du 1er août 2005 listant une série de réserves consistant non seulement en des non finitions mais encore en une non-conformité à la notice descriptive au paragraphe : « Equipements sanitaires et plomberie » = canalisations apparentes = 2.7.2.5. branchements en attente : 2 unités (Lave-linge et lave-vaisselle) en ne livrant qu'un branchement qui a empêché l'installation des deux appareils électroménagers, rendant ainsi le logement difficilement louable ; cette impropriété du logement à sa destination locative a contraint les époux X... à remédier à leurs frais à la non-conformité (1.623 euros) et a entraîné une perte de loyers pour retard dans la location (3.172 euros) dont le montant a été exactement apprécié par le tribunal ;

AUX MOTIFS ADOPTES QUE les époux X... reprochent à la SCI Les Tanneries de ne pas avoir respecté le délai de livraison, fixé contractuellement au deuxième trimestre 2005 et de leur avoir remis un bien non conforme aux stipulations contractuelles, en contravention avec les dispositions de l'article 1134 du Code civil ; qu'il est constant, à la lecture de l'acte authentique signé entre les parties le 1er février 2005, qu'a été conclu entre la SCI Les Tanneries et les époux X... un contrat de vente en l'état futur d'achèvement ; que l'article L. 261-11 du code de la construction et de l'habitation prévoit que le délai d'achèvement et de livraison de l'immeuble est un élément essentiel du contrat de vente en l'état futur d'achèvement ; que selon l'article R. 261-1 du CCH, l'immeuble vendu en l'état futur d'achèvement est réputé achevé, au sens de l'article 1601-2 du Code civil, reproduit à l'article L. 261-2 du présent code et à l'article L. 261-11, lorsque sont exécutés les ouvrages et sont installés les éléments d'équipement qui sont indispensables à l'utilisation, conformément à sa destination, de l'immeuble, objet du contrat ; qu'ainsi, il ressort de la disposition précitée que pour caractériser l'existence ou non de l'achèvement de l'immeuble, il convient de prendre en considération les défauts de conformité aux prescriptions contractuelles, seulement s'ils présentent un caractère substantiel et s'ils rendent l'ouvrage impropre à sa destination ; qu'au cas d'espèce, il s'avère incontestable que le contrat de vente en l'état futur d'achèvement liant les parties a prévu, en sa page 12, que le vendeur s'engageait à achever et à livrer l'immeuble, objet du litige, au plus tard le deuxième semestre 2005, sauf survenance d'un cas de force majeure ou de suspension du délai de livraison ; que le 31 mai 2005, la SCI Les Tanneries a informé les époux X... de la livraison de leur appartement, au regard d'une attestation en date du 30 mai 2005 établie par M. Régis Y..., architecte DPLG ; que dès le 22 juin suivant, les époux X... ont avisé la SCI Les Tanneries d'un certain nombre de réserves rendant, selon eux, leur appartement impropre à l'habitation ; que ces réserves ont par la suite été reprises dans le procès-verbal de livraison établi le 1er août 2005 entre la société Elience, agissant ès qualité de représentante des propriétaires et la SCI Les Tanneries ; qu'à la lecture dudit procès-verbal, il n'est pas sérieusement contestable que la plupart d'entre elles consistent en des non finitions dont le caractère mineur n'est pas de nature à faire obstacle à l'utilisation de l'immeuble conformément à sa destination, ni à différer davantage la date de livraison de l'immeuble ; que les époux X... soutiennent toutefois que la SCI Les Tanneries ne leur a pas livré, à la date convenue, un bien conforme aux stipulations contractuelles, en ne se conformant pas aux prescriptions de la notice descriptive, en son paragraphe 2.7.5.2. qui prévoit au titre des équipements sanitaires et de la plomberie la pose de deux unités de branchement pour le lave linge et le lave-vaisselle ; que si le défaut de respect de ces prescriptions contractuelles est patent, encore convient-il de savoir, pour établir si la SCI Les Tanneries a satisfait à son obligation de délivrance, si cette non-conformité s'avère de nature à porter atteinte à l'utilisation de l'appartement, conformément à sa destination ; que tel s'avère être le cas en l'espèce puisque dans un courrier en date du 20 juillet 2005, Me Monferran, avocat de la société Eliance, indique à la société Les Tanneries laquelle s'était engagée contractuellement à faire équiper la cuisine de l'appartement litigieux pour faciliter sa mise en location, que la location de ce dernier, s'avérait difficile, voire impossible, en raison des non conformités au descriptif technique et de l'impropriété à la destination affectant la cuisine et la salle de bains ; que cet état de fait est confirmé par un constat établi, à la demande des époux X..., par Me Z... le 31 janvier 2006 et qui atteste que lors de la première réception des travaux, il a été noté qu'il manquait une des deux arrivées d'eau dans la cuisine, telles que prévues dans le descriptif technique, aux fins de recevoir les eaux du lave linge et du lave vaisselle, qu'il a alors été convenu en accord avec les époux X... qu'une deuxième arrivée d'eau pouvait être installée dans la salle de bains, ce qui n'a pas été fait, celle-ci ayant été mise dans la cuisine ; qu'il en résulte qu'il est impossible en l'état d'aménager ladite cuisine et de placer les trois appareils censés s'y trouver, à savoir une gazinière, un lave vaisselle et un réfrigérateur, que de même, l'aménagement de la salle de bains ne permet pas son agencement avec des appareils électroménagers ; que ces deux pièces, qui ne peuvent recevoir les appareils électroménagers nécessaires à leur utilisation s'avèrent donc impropres à leur destination et compromettent par la même l'habitabilité même de l'appartement des époux X..., qui dans ces conditions se trouve difficilement louable ; qu'il en résulte que l'appartement de M. et Mme X... n'a pas fait l'objet d'une livraison à la date convenue, celui-ci ne pouvant être considéré comme achevé, même passé la date du 1er août 2005 à laquelle ont eu lieu les opérations de réception ; que cette inexécution contractuelle engage la responsabilité de la SCI Les Tanneries à l'égard des époux X..., en application de l'article 1147 du Code civil ;

1) ALORS QUE les juges doivent répondre aux moyens qui leur sont soumis par les parties ; que l'acte de vente conclu le 1er février 2005, entre la SCI Les Tanneries et les époux X..., stipulait que l'avancement des travaux serait établi à l'aide d'attestations rédigées par le maître d'oeuvre (contrat p. 10) ; qu'en cause d'appel, la SCI Les Tanneries faisait valoir que la date de livraison de l'appartement vendu aux époux X... devait être placée au 31 mai 2005, date à laquelle la SCI transmettait une attestation d'achèvement émise la veille par M. Y..., maître d'oeuvre de l'opération, dans les conditions prévues au contrat de vente (conclusions signifiées le 25 juin 2009, p. 5) ; qu'en retenant pourtant que l'immeuble n'était pas achevé à l'expiration du délai conventionnel de livraison le 30 juin 2005, sans répondre au moyen péremptoire soulevé par la SCI Les Tanneries, la cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile ;

2) ALORS, en toute hypothèse, QUE les juges ne doivent pas dénaturer les éléments de preuve qui leur sont soumis ; que la cour d'appel, pour juger que l'immeuble n'était pas achevé à la date fixée par le contrat, s'est fondée sur un procès-verbal de livraison daté du 1er août 2005 et a retenu que parmi les défauts réservés par ce document figurait la non-conformité de la plomberie à la notice descriptive, en raison de l'absence d'un des deux branchements prévus pour accueillir un lave-linge et un lave-vaisselle ; qu'en statuant ainsi, quand le procès-verbal du 1er août 2005 ne faisait aucunement référence à un branchement manquant, la cour d'appel a dénaturé cet élément de preuve et violé l'article 1134 du Code civil ;

3) ALORS, en tout état de cause, QUE seuls les défauts de conformité présentant un caractère substantiel sont de nature à différer la constatation de l'achèvement de l'ouvrage vendu en l'état futur d'achèvement ; qu'en se bornant à affirmer que l'appartement vendu aux époux X... en état futur d'achèvement ne pouvait être considéré comme achevé en raison de l'absence d'un branchement permettant de recevoir un lave-vaisselle, sans constater que ce défaut présentait un caractère substantiel, la cour d'appel a privé sa décision de base légale l'article R. 261-1 du Code de la construction et de l'habitation.

SECOND MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la SCI Les Tanneries à payer aux époux X... la somme de 9.791,63 euros au titre de la différence de superficie de l'appartement, rejetant la fin de non recevoir opposée à cette demande par la SCI Les Tanneries ;

AUX MOTIFS QUE Sur la déchéance de l'acquéreur : qu'il est de principe (pourvoi numéro 98-12.317) sur le fondement de l'article 1622 du Code civil que la déchéance annale (reprise dans l'article 46 de la loi du 10 juillet 1965 dans sa rédaction du 18 décembre 1996) frappant l'action en diminution de prix est applicable à la vente en l'état futur d'achèvement sous réserve de faire courir le délai préfix d'un an à compter du transfert de propriété, constaté par la livraison ; que la livraison résulte du procès-verbal en date du 1er août 2005 et que la demande a été introduite par assignation délivrée à la SCI Les Tanneries le 27 juillet 2006 ; que la demande a été introduite dans l'année de la livraison, l'acquéreur n'est pas déchu de son action ; que la disposition ayant condamné la SCI Les Tanneries à payer la somme de 9.791 euros, non contestée dans son montant par le vendeur, au titre de la différence de superficie, sera donc confirmée ;


ALORS QUE l'action en réduction du prix pour moindre mesure ouverte à l'acquéreur d'un lot de copropriété doit être exercée, à peine de déchéance, dans le délai d'un an à compter de la conclusion de l'acte authentique de vente, peu important que la vente ait porté sur un immeuble en état futur d'achèvement ; qu'en plaçant le point de départ de la prescription annale de l'action exercée par les époux X..., non au jour de la conclusion de l'acte de vente, mais à la date de la livraison, la cour d'appel a violé l'article 46 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965, en sa rédaction issue de la loi n° 96-1107 du 18 décembre 1996.



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Cette décision est visée dans la définition :
Vente


Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 09/05/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.