par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. civ. 3, 9 avril 2014, 13-11640
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Cour de cassation, 3ème chambre civile
9 avril 2014, 13-11.640

Cette décision est visée dans la définition :
Propriété commerciale




LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 5 octobre 2012), que la société Fineximmo, aux droits de laquelle se trouve la société civile immobilière France d'Outremer (la SCI), a donné à bail un local à usage commercial à compter du 1er janvier 1994 à la société Technologie de santé Côte d'Azur ; que la société Bastide, venant aux droits de celle-ci, a demandé le renouvellement du bail le 23 janvier 2003 ; qu'en 2006 la SCI a assigné la locataire en résiliation du bail ;

Attendu que la SCI fait grief à l'arrêt de rejeter cette demande, alors, selon le moyen :

1°/ qu'une société à responsabilité limitée pouvant légalement demeurer unipersonnelle, la réunion de toutes les parts d'une telle entité entre les mains d'un associé unique ne saurait justifier sa dissolution et le transfert par ce biais, sans l'autorisation du bailleur, du bail dont elle est titulaire au profit de l'associé unique ; qu'il est ici constant et attesté par l'ensemble des pièces de la procédure (cf. le jugement entrepris, les conclusions échangées par chacune des parties, ensemble le contrat de bail litigieux) que la société de Technologie de santé Côte-d'Azur était exploitée sous la forme d'une société à responsabilité limitée ; qu'en considérant néanmoins que la décision de dissolution prise par son assemblée générale, à la date du 6 février 1995, ensemble le transfert universel du patrimoine de cette entité, comprenant le droit au bail, au profit de la société La Bastide, constituaient une conséquence logique et nécessaire de la circonstance que cette entité était devenue unipersonnelle, la cour d'appel viole les articles 1134, 1717 et 1844-5 du code civil, l'article L. 223-4 du code de commerce, ensemble l'article 12 du code de procédure civile ;

2°/ qu'en l'absence de toute disposition spéciale contraire applicable en pareille hypothèse et dérogeant au principe de la liberté contractuelle, la dévolution à l'associé unique d'une société dissoute de tous les biens et droits de celle-ci, en ce compris le droit à un bail commercial, emporte cession de ce bail et se trouve donc soumise à l'autorisation préalable, expresse et écrite du bailleur, lorsque, comme en l'espèce, cette autorisation est requise par le contrat de bail ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel viole, par refus d'application, les articles 1134 et 1717 du code civil, ensemble l'article 1844-5, alinéa 3, du même code ;

3°/ que la transmission universelle de patrimoine de la société dissoute à l'associé unique n'opère de toute façon qu'à l'issue d'un délai d'opposition de trente jours, qui court à compter de la publication de la dissolution ; qu'en considérant que la transmission universelle du patrimoine de la société unipersonnelle dissoute au profit de son unique associé constituait une conséquence automatique de la dissolution, la cour d'appel, qui ne s'est pas assurée de la publication de la décision de dissolution de la société de Technologie de santé Côte-d'Azur et donc de l'effectivité de cette transmission universelle, méconnaît en tout état de cause les dispositions de l'article 1844-5, alinéa 3, du code civil ;

Mais attendu qu'ayant relevé que l'assemblée générale de la société Bastide-le confort médical , devenue l'unique associé de la société de Technologie de santé Côte d'Azur, avait décidé la dissolution de celle-ci et que cette dissolution avait entraîné la transmission universelle du patrimoine de la société dissoute, incluant le droit au bail dont elle était titulaire, à l' associé unique qui s'était substitué à elle dans tous les biens, droits et obligations , la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à une recherche qui ne lui était pas demandée, en a exactement déduit qu'il ne s'agissait pas d'une cession de bail et que l'autorisation du bailleur prévue à cette fin n'était pas requise ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société France d'Outremer aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société France d'Outremer, la condamne à payer la somme de 3 000 euros à la société Bastide-le confort médical ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf avril deux mille quatorze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par Me Blondel, avocat aux Conseils, pour la société France d'Outremer.

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir débouté la SCI France d'Outremer de sa demande en résiliation du bail ;

AUX MOTIFS QUE le bail énonce en son paragraphe consacré à la cession : « La Société preneuse ne pourra céder sous quelque forme et à quelque titre que ce soit son droit au présent bail, sans l'autorisation préalable expresse et par écrit de la Société bailleresse, à moins que ce ne soit à l'acquéreur de son fonds de commerce, et en restant garant et répondant solidaire de son cessionnaire ou du bénéficiaire de la mutation » ; que la société Bastide est devenue l'unique associée de la société de Technologie de Santé Côte-d'Azur et, le 6 février 1995, l'assemblée générale des associés de cette dernière société a décidé sa dissolution ; que cette dissolution a entraîné la transmission universelle du patrimoine de la société Bastide (comprendre ici : « de la société de Technologie de Santé Côte-d'Azur ») à la SCI France d'Outremer (comprendre ici : « à la société Bastide »), unique associé en application de l'article 1844-5, alinéa 3, du Code civil ; que la dissolution d'une société dont toutes les parts sont réunies en une seule main entraîne la transmission universelle du patrimoine de la société à l'unique associé qui le recueille en son intégralité et qui se substitue à la société dissoute dans tous les biens, droits et obligations de celle-ci ; que cette substitution s'effectue sans qu'il y ait novation des créances et des dettes ; qu'ainsi, la transmission universelle du patrimoine de la société de Technologie de Santé Côte-d'Azur à la société Bastide, avec le droit au bail que celle-là possédait, ne peut s'analyser en une cession de créance (sic : il faut ici manifestement comprendre : « cession de bail ») ; qu'en conséquence, la clause du bail prévoyant l'autorisation du bailleur en cas de cession n'a pas à s'appliquer et cette permission n'avait pas à être requise ; que dès lors, le transfert du bail de la société de Technologie de Santé Côte-d'Azur à la société Bastide ne nécessitait pas l'autorisation de la SCI France d'Outremer et, en ne la requérant pas, ces deux sociétés n'ont commis aucune infraction au bail dont la SCI France d'Outremer puisse se prévaloir ; que le moyen relatif à une infraction à la cession du bail ne s'avère pas fondé ; qu'ainsi, la SCI France d'Outremer doit être déboutée de sa demande relative à la résiliation du bail ;

ALORS QUE, D'UNE PART, une société à responsabilité limitée pouvant légalement demeurée unipersonnelle, la réunion de toutes les parts d'une telle entité entre les mains d'un associé unique ne saurait justifier sa dissolution et le transfert par ce biais, sans l'autorisation du bailleur, du bail dont elle est titulaire au profit de l'associé unique ; qu'il est ici constant et attesté par l'ensemble des pièces de la procédure (cf. le jugement entrepris, les conclusions échangées par chacune des parties, ensemble le contrat de bail litigieux) que la société de Technologie de Santé Côte-d'Azur était exploitée sous la forme d'une société à responsabilité limitée ; qu'en considérant néanmoins que la décision de dissolution prise par son assemblée générale, à la date du 6 février 1995, ensemble le transfert universel du patrimoine de cette entité, comprenant le droit au bail, au profit de la société La Bastide, constituaient une conséquence logique et nécessaire de la circonstance que cette entité était devenue unipersonnelle, la cour viole les articles 1134, 1717 et 1844-5 du Code civil, l'article L. 223-4 du code de commerce, ensemble l'article 12 du Code de procédure civile;

ALORS QUE, D'AUTRE PART et en tout état de cause, en l'absence de toute disposition spéciale contraire applicable en pareille hypothèse et dérogeant au principe de la liberté contractuelle, la dévolution à l'associé unique d'une société dissoute de tous les biens et droits de celle-ci, en ce compris le droit à un bail commercial, emporte cession de ce bail et se trouve donc soumise à l'autorisation préalable, expresse et écrite du bailleur, lorsque, comme en l'espèce, cette autorisation est requise par le contrat de bail ; qu'en décidant le contraire, la cour viole, par refus d'application, les articles 1134 et 1717 du Code civil, ensemble l'article 1844-5, alinéa 3, du même code;

ET ALORS ENFIN QUE, la transmission universelle de patrimoine de la société dissoute à l'associé unique n'opère de toute façon qu'à l'issue d'un délai d'opposition de trente jours, qui court à compter de la publication de la dissolution ; qu'en considérant que la transmission universelle du patrimoine de la société unipersonnelle dissoute au profit de son unique associé constituait une conséquence automatique de la dissolution, la Cour, qui ne s'est pas assurée de la publication de la décision de dissolution de la société de Technologie de Santé Côte-d'Azur et donc de l'effectivité de cette transmission universelle, méconnaît en tout état de cause les dispositions de l'article 1844-5, alinéa 3, du Code civil, violé.



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Propriété commerciale


Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 29/04/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.