par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles
Cass. civ. 3, 3 décembre 2015, 13-22503
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Cour de cassation, 3ème chambre civile
3 décembre 2015, 13-22.503
Cette décision est visée dans la définition :
Dommage
LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 4 avril 2013), que Mme X..., propriétaire d'un immeuble, a constaté que celui-ci avait été occupé courant 2008 par un groupe de personnes ; qu'une ordonnance de référé du 19 août 2008 a déclaré sans droit ni titre ceux des occupants qui avaient été identifiés et a ordonné leur expulsion ; que, ceux-ci n'ayant quitté les lieux qu'en juillet 2009, Mme X...les a assignés en indemnisation de son préjudice ;
Sur le premier moyen :
Vu le principe de la réparation intégrale du préjudice, ensemble l'article 1382 du code civil ;
Attendu que, pour fixer à une certaine somme le montant de la réparation due par les consorts Y...au titre de l'occupation de l'immeuble, l'arrêt retient que le préjudice du fait de l'atteinte au droit de propriété de Mme X...doit être réparé par une somme forfaitaire et de principe ;
Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé le principe et le texte susvisés ;
Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le troisième moyen, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le deuxième moyen :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne in solidum les occupants à payer à Mme X...les sommes de 22 500 euros et 19 500 euros au titre de l'occupation de l'immeuble respectivement du 1er avril 2008 au 30 juin 2009 et du 1er juin 2008 au 30 juin 2009, l'arrêt rendu le 4 avril 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne Mme Y..., MM. F..., Deprez, Blatrix, Delaunay, Binet, Z...et A...aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trois décembre deux mille quinze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils, pour Mme X....
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué de n'AVOIR condamné in solidum Elise Y..., Laurent F..., Rémi B..., Camille C..., Jean-Marc D..., Jonathan E...et Emmanuel Z...à payer à Mme X..., en deniers ou quittances, que la somme de 22. 500 euros au titre de l'occupation de l'immeuble en cause du 1er avril 2008 au 30 juin 2009 et M. José-Xavier A...in solidum avec Elise Y..., Laurent F..., Rémi B..., Camille C..., Jean-Marc D..., Jonathan E...et Emmanuel Z...que la somme de 19. 500 euros au titre de l'occupation de l'immeuble du 1er juin 2008 au 30 juin 2009 ;
AUX MOTIFS QUE les appelants ne contestent pas être rentrés et avoir occupé sans droit ni titre l'immeuble situé 69 rue de Sèvres à Paris 6e propriété de Mme X..., du 1er avril 2008 au 30 juin 2009 (à compter du 1er juin 2008 en ce qui concerne José-Xavier A...) ; Cet immeuble comporte sur un terrain de 91 m2 :- un sous-sol, cave voûtée cimentée,- un rez de chaussée, ancienne boutique de pharmacie, avec arrière-boutique, WC, chaufferie,- un 1er étage comportant trois bureaux, salle d'eau avec lavabo, WC à mi-étage,- un 2eme étage comportant un logement de deux pièces, cuisine,- un 3e étage comportant 2 bureaux sur rue, bureau sur cour, entrée cabinet de toilette (lavabo, WC),- un 4e étage comportant entrée, studio sur rue, cuisine sur cour, cabinet de toilette lavabo, WC),- un 5e étage par escalier intérieur, comportant grande chambre sur rue, chambre sur cour avec terrasse, salle de bains carrelée (baignoire, lavabo) ;
ET AUX MOTIFS QUE Mme X...est bien fondée à invoquer un préjudice du fait de l'atteinte portée à son droit de propriété par les appelants qui ont envahi, sans droit, son immeuble et l'ont occupé pendant 15 mois ; Ce préjudice doit être réparé par la somme forfaitaire et de principe de 1. 500 ¿ par mois à la charge in solidum des appelants qui ont tous concouru ensemble à ce préjudice, la somme mise à la charge de José-Xavier A...étant limitée à une occupation de 13 mois ; II faut condamner in solidum, en deniers ou quittances, Elise Y..., Laurent F..., Rémi B..., Camille C..., Jean-Marc D..., Jonathan E..., Emmanuel Z..., à payer à Mme X...la somme de 1. 500 ¿ x 15 mois = 22. 500 ¿, José-Xavier A...étant condamné in solidum avec les autres appelants à hauteur de 1. 500 x 13 = 19. 500 ¿ ; Ces sommes doivent porter intérêts à compter du présent arrêt qui fixe la créance ; Dans le compte à établir Mme X...devra tenir compte tenu de la somme de 9. 333, 48 ¿ déjà perçue à la suite de la condamnation provisionnelle des appelants ;
ALORS QUE les dommages et intérêts alloués doivent assurer la réparation intégrale du préjudice supporté par la victime et ne sauraient dès lors présenter un caractère forfaitaire ; qu'en décidant que le préjudice subi par Mme X...du fait de l'atteinte portée à son droit de propriété doit être réparée par une « somme forfaitaire et de principe » de 1. 500 euros par mois, la cour d'appel a méconnu le principe de la réparation intégrale et violé l'article 1382 du code civil.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION (subsidiaire)
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué de n'AVOIR condamné in solidum Elise Y..., Laurent F..., Rémi B..., Camille C..., Jean-Marc D..., Jonathan E...et Emmanuel Z...à payer à Mme X..., en deniers ou quittances, que la somme de 22. 500 euros au titre de l'occupation de l'immeuble en cause du 1er avril 2008 au 30 juin 2009 et M. José-Xavier A...in solidum avec Elise Y..., Laurent F..., Rémi B..., Camille C..., Jean-Marc D..., Jonathan E...et Emmanuel Z...que la somme de 19. 500 euros au titre de l'occupation de l'immeuble du 1er juin 2008 au 30 juin 2009 ;
AUX MOTIFS QUE les appelants ne contestent pas être rentrés et avoir occupé sans droit ni titre l'immeuble situé 69 rue de Sèvres à Paris 6ème propriété de Mme X..., du 1er avril 2008 au 30 juin 2009 (à compter du 1er juin 2008 en ce qui concerne José-Xavier A...) ; Cet immeuble comporte sur un terrain de 91 m2 :- un sous-sol, cave voûtée cimentée,- un rez de chaussée, ancienne boutique de pharmacie, avec arrière-boutique, WC, chaufferie,- un 1er étage comportant trois bureaux, salle d'eau avec lavabo, WC à mi-étage,- un 2eme étage comportant un logement de deux pièces, cuisine,- un 3èmc étage comportant 2 bureaux sur rue, bureau sur cour, entrée cabinet de toilette (lavabo, WC),- un 4ème étage comportant entrée, studio sur rue, cuisine sur cour, cabinet de toilette lavabo, WC),- un 5e étage par escalier intérieur, comportant grande chambre sur rue, chambre sur cour avec terrasse, salle de bains carrelée (baignoire, lavabo) ; Le premier juge doit être approuvé en ce qu'il a retenu le principe qu'une indemnité d'occupation était due à la propriétaire du bien ainsi occupé et en ce qu'il a dit que l'indemnité d'occupation présentait en même temps un caractère indemnitaire et un caractère compensateur ;
ET AUX MOTIFS QU'en ce qui concerne l'indemnité d'occupation en ce qu'elle répare le préjudice de la propriétaire du fait de l'occupation par les appelants : II n'est pas discuté, Mme X..., ne produisant aucune pièce contraire, que l'immeuble était inoccupé, lorsque les appelants en ont pris possession en avril 2008, depuis plusieurs années, le dernier locataire étant parti le 12 mai 2004 ; La propriétaire ne prétend ni ne justifie d'aucune sorte avoir eu la volonté depuis cette date, soit de louer, soit de revendre l'immeuble ; Elle ne prétend, ni ne justifie d'aucune sorte avoir eu la volonté d'y effectuer des travaux en vue de restructuration ou d'amélioration ; Elle ne prétend ni ne justifie d'aucune sorte avoir eu la volonté d'habiter elle-même l'immeuble ; A la clôture de l'instruction de la présente instance, l'immeuble est toujours inoccupé, aucun travaux n'y est entrepris et il n'est pas mis en vente ; II résulte de ces éléments que Mme X...ne justifie d'aucun préjudice économique ouvrant droit, à ce titre, à l'allocation d'une indemnité d'occupation ;
1) ALORS QUE l'occupation sans droit ni titre d'un immeuble est la décidant d'une perte de jouissance qui doit être réparée et ce, quand bien même cet immeuble ne serait pas utilisé par son propriétaire à titre personnel ou à des fins lucratives ; qu'en décidant que Mme X...ne pouvait prétendre à une aucune indemnité du fait de l'occupation indue de son immeuble pendant plusieurs mois au motif inopérant qu'elle n'établissait pas avoir eu la volonté de le louer, le revendre ou y habiter elle-même, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil ;
2) ALORS subsidiairement QUE les juges du fond ne peuvent rejeter une action en réparation d'une perte de chance sans caractériser concrètement l'absence de toute probabilité que le dommage aurait pu être évité ou un gain obtenu ; qu'en l'espèce, Mme X...faisait valoir que son immeuble avait donné à la location jusqu'au mois de mai 2004 et que son occupation illicite à partir du 1er avril 2008 lui avait fait perdre une chance de le donner à la location ; qu'en considérant que Mme X...ne justifiait d'aucun préjudice économique du fait de l'occupation irrégulière de son immeuble par Mme Y...et consorts du 1er avril 2008 au 30 juin 2009 sans caractériser concrètement l'absence de toute chance de tirer des revenus de son immeuble pendant cette période, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil ;
3) ALORS QUE la renonciation à un droit ne se présume pas et ne peut résulter que d'actes manifestant, de façon claire et non équivoque, la volonté de renoncer ; qu'en se bornant en l'espèce, pour considérer que Mme X...ne justifiait d'aucun préjudice économique du fait de l'occupation irrégulière de son immeuble du 1er avril 2008 au 30 juin 2009, que le dernier locataire était parti le 12 mai 2004 et que Mme X...ne prétendait ni ne justifiait avoir eu la volonté de louer ou de revendre l'immeuble depuis cette date, d'y effectuer des travaux ou d'y habiter elle-même, et que l'immeuble était toujours inoccupé lors de la clôture de l'instruction, la cour d'appel, qui n'a caractérisé aucun acte de Mme X...manifestant de façon claire et non équivoque sa volonté de renoncer à exploiter son immeuble pendant la période d'occupation irrégulière par les consorts Y..., la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil, ensemble l'article 1382 du code civil ;
4) ALORS QUE le droit de propriété est un droit fondamental de valeur constitutionnelle, qui donne à son titulaire le droit de jouir et de disposer de la chose de la manière la plus absolue ; qu'en retenant en l'espèce, pour débouter Mme X...de sa demande de réparation de son préjudice économique du fait de l'occupation irrégulière de son immeuble, que le dernier locataire était parti le 12 mai 2004 et que Mme X...ne prétendait ni ne justifiait avoir eu la volonté de louer ou de revendre l'immeuble depuis cette date, d'y effectuer des travaux ou d'y habiter elle-même, quand le fait pour Mme X...de n'avoir pas cherché à louer ou vendre son immeuble depuis le départ du dernier locataire relevait de l'exercice de son droit de propriété et ne constituait pas une faute de sa part susceptible d'exonérer les occupants de leur responsabilité, la cour d'appel a violé les articles 544 du code civil et 1er du Protocole additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble l'article 1382 du code civil.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Mme X...de sa demande d'indemnisation du préjudice subi au titre du remplacement de mobilier et d'objets enlevés par les occupants dans le local du rez-de-chaussée,
AUX MOTIFS QUE sur la demande de Mme X...au titre du remplacement de mobilier et d'objets : La propriétaire réclame une somme de 29. 529, 24 ¿ correspondant aux rayonnages et mobiliers divers qui existaient-dans la pharmacie que les appelants auraient transformée en magasin d'exposition ; Elle produit un devis d'une société Herger en date du 15 décembre 2009 pour un montant total TTC de 29. 529, 24 ¿ ; Outre qu'il ne s'agit que d'un devis, la pièce produite devant la cour est incomplète ; il manque une page détaillant la somme réclamée ; En tout état de cause, il résulte d'une attestation de M. G..., architecte, en date du 11 mai 2010, qui avait visité l'immeuble, " que le local du rez de chaussée, dédié à la pharmacie, avait été abandonné par les derniers occupants dans un état lamentable et manifestement personne ne s'était déplacé pour faire un état des lieux. Des éléments du plafond s'emmêlaient dans les tiroirs à moitié ouverts et les dossiers jonchaient le sol au milieu de boîtes de médicament ». II doit être rappelé que les lieux sont restés inoccupés pendant plusieurs années avant l'occupation par les appelants ; Ces derniers produisent en outre un arrêt-publié-de la cour d'appel de Paris du 8 septembre 2006, concernant l'immeuble en cause, dans lequel il est mentionné que la bailleresse, lors de la remise des clés par la dernière locataire, pharmacienne, n'avait pas demandé le démontage des installations ni émis de réserves ; Compte tenu de ces éléments, qui ne sont pas contestés, il faut rejeter la demande de Mme X..., le jugement devant être confirmé sur ce point ;
1) ALORS QUE les dommages-intérêts alloués à la victime d'un dommage doivent réparer l'intégralité du préjudice subi ; qu'en retenant en l'espèce, pour débouter Mme X...de sa demande d'indemnisation du préjudice résultant de l'enlèvement de rayonnages et mobiliers par les occupants du 1er avril 2008 au 30 juin 2009, que les appelants produisaient un arrêt de la cour d'appel de Paris du 8 septembre 2006 mentionnant que lors du départ de la dernière locataire, la bailleresse n'avait pas demandé le démontage du mobilier, quand le préjudice dont Mme X...demandait réparation consistait précisément dans l'enlèvement de ce mobilier par les consorts Y..., préjudice dont ces derniers lui devaient réparation, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et violé l'article 1382 du code civil ;
2) ALORS QUE chacun des responsables d'un même dommage doit être condamné à le réparer en totalité ; qu'en retenant en l'espèce, pour débouter Mme X...de sa demande d'indemnisation du chef de la destruction de mobilier par les occupants du 1er avril 2008 au 30 juin 2009, qu'il résultait d'une attestation de M. G..., architecte, en date du 11 mai 2010, que le local du rez-de-chaussée avait été abandonné par les derniers occupants dans un état lamentable et que les lieux étaient restés inoccupés pendant plusieurs années avant l'occupation par les appelants, sans rechercher si l'enlèvement des installations de la pharmacie n'était pas imputable, au moins partiellement, à leur occupation irrégulière du 1er avril 2008 au 30 juin 2009, de sorte qu'ils devaient être condamnés à réparer ce dommage en totalité, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil ;
3) ALORS QUE les juges du fond ne peuvent refuser d'indemniser un préjudice dont ils constatent l'existence en son principe ; qu'en refusant en l'espèce d'indemniser Mme X...du préjudice subi du fait de l'enlèvement des rayonnages et mobiliers de la pharmacie du rez-de-chaussée en relevant qu'elle se bornait à produire un devis dont il manquait une page, quand il lui incombait d'évaluer le préjudice résultant de la destruction de mobilier par les occupants sans droit ni titre, la cour d'appel a violé l'article 4 du code civil.
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Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 29/04/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.