par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. com., 21 juin 2016, 14-26370
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Cour de cassation, chambre commerciale
21 juin 2016, 14-26.370

Cette décision est visée dans la définition :
SARL (Sociétés à Responsabilité Limitée)




LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... était associé avec son épouse, Claude Y..., au sein de la société à responsabilité limitée Institut de développement personnel dans l'entreprise (la société IDPE) ; qu'après le décès de Claude Y..., le tribunal de commerce, saisi par ses héritiers (les consorts Y...), a prononcé la dissolution de la société IDPE ; que M. Z..., désigné liquidateur, a procédé ès qualités aux opérations de liquidation comprenant la cession d'un immeuble ; qu'il a assigné M. X... et les consorts Y... pour demander l'approbation des comptes de la liquidation de la société IDPE, la clôture de sa liquidation et le quitus pour l'exercice de son mandat de liquidateur amiable ; que M. X... a formé contre M. Z..., pris en son nom personnel, une action personnelle et une action sociale en responsabilité, en paiement de dommages-intérêts ; que les deux procédures ont été jointes ; que la société Z...-Perdereau-Manière et la société FHB se sont succédé comme liquidateur de la société IDPE ;

Sur le second moyen :

Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande formée à l'encontre de M. Z... à titre personnel alors, selon le moyen :
1°/ que la responsabilité du liquidateur n'est pas subordonnée à la démonstration d'une faute de ce mandataire séparable de ses fonctions ; qu'en rejetant l'action exercée à titre personnel par M. X... à l'encontre de M. Z..., en sa qualité de liquidateur amiable de la société IDPE, motif pris de la nécessité de l'établissement par M. X... de la faute personnelle du liquidateur à son égard, détachable de ses fonctions, et de l'absence de caractérisation d'une telle faute, la cour d'appel a violé l'article L. 237-12 du code de commerce, ensemble l'article 1382 du code civil ;

2°/ qu'à l'égard d'un associé, le liquidateur répond, en sa qualité de mandataire, des fautes qui cause un préjudice à cet associé ; qui plus est, en considérant que le préjudice individuel distinct du préjudice social n'était pas établi, sans rechercher si le préjudice personnel de M. X... ne représentait pas une fraction du préjudice subi par la société IDPE, égale à la fraction du capital social de cette société détenu par lui, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 237-12 du code de commerce et 1382 du code civil ;

Mais attendu qu'ayant relevé que M. X... n'établissait aucun préjudice personnel distinct du préjudice collectif subi par la société et qu'il se bornait à réclamer une quote-part du préjudice qu'il invoquait pour celle-ci, à proportion de ce qu'il estimait être sa participation dans la structure, ce dont elle a déduit qu'il ne justifiait pas que le préjudice allégué par lui n'était pas le corollaire du préjudice social qu'il invoquait pour la société IDPE, la cour d'appel a, abstraction faite des motifs, erronés mais surabondants, critiqués par la première branche, légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le moyen relevé d'office, après avertissement délivré aux parties :

Vu l'article L. 223-22 du code de commerce ;

Attendu que pour dire recevable l'action en responsabilité ut singuli engagée par M. X... pour le compte de la société IDPE, l'arrêt retient qu'à l'époque où il l'a exercée contre M. Z..., celui-ci avait la qualité de liquidateur amiable et en tant que tel représentait la société ; qu'il énonce, d'abord, que l'action ut singuli vise à protéger le patrimoine social contre l'inaction du dirigeant notamment au regard de sa propre turpitude et que le législateur a entendu rendre cette action effective en réputant non écrites les clauses contraires et en prévoyant que le quitus donné par une assemblée ne peut faire obstacle à une action ultérieure en responsabilité ; qu'il ajoute que les dispositions de la loi sur les sociétés visent à s'appliquer aux dirigeants au sens large, notion qui recouvre tous les mandataires sociaux, et donc le liquidateur, lequel se substitue aux organes de direction, puisqu'ils sont investis des mêmes pouvoirs même si leur mission a un but déterminé ; qu'il retient, enfin, que le contre-pouvoir constitué par l'action ut singuli repose justement sur l'abus des pouvoirs remis au liquidateur comme à tous les dirigeants ;

Qu'en statuant ainsi, alors que les dispositions de l'article L. 223-22 du code de commerce n'autorisent les associés à exercer l'action sociale en responsabilité qu'à l'encontre des gérants, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le premier moyen :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare recevable l'action sociale en responsabilité engagée par M. X... à l'encontre de M. Z... et rejette la demande de dommages-intérêts formée pour le compte de la société Institut de développement personnel dans l'entreprise, l'arrêt rendu le 11 septembre 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

Condamne M. X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et le condamne à payer à M. Z... et à la société Z...-Perdereau-Manière-El Baze la somme globale de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;


Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un juin deux mille seize.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Jean-Philippe Caston, avocat aux Conseils, pour M. X...

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Monsieur X... de ses demandes à l'encontre de Monsieur Z... pris en sa qualité de liquidateur amiable de la Société IDPE ;

AUX MOTIFS QUE, sur l'existence d'une faute commise par Monsieur Z... en tant que liquidateur amiable de la Société IDPE, la Cour, s'agissant de constatations matérielles relatives aux conditions précises de réalisation des conditions financières de la vente immobilière litigieuse, ayant vérifié les pièces remises dans le cadre du débat, constate que : 1 ‒ le premier reproche fait à Monsieur Z... est celui du «caractère opaque sinon clandestin des opérations de vente », ce qui ne permet cependant pas de qualifier des agissements malhonnêtes même s'il est déplorable de constater que l'acquéreur est l'avocat du vendeur, la vente ne s'est en effet pas traduite par un appauvrissement de la société ; que le seul fait que le liquidateur d'une société ait vendu un actif à un prix de vente inférieur à celui qui pouvait être envisagé par la société ne saurait caractériser une faute de gestion de sa part, à plus forte raison lorsqu'il n'est pas établi qu'au moment où la cession est intervenue, il existait un acquéreur prêt à reprendre l'actif pour un prix supérieur et que ces deux circonstances sont réunies en l'espèce ; 2 ‒ le second est celui d'une absence de transparence vis-à-vis des associés puisque : au cours de l'assemblée générale d'IDPE du 28 juin 2004, Monsieur Z... a annoncé qu'il allait devoir ramener le prix du local de 420.000 € à 264.000 € pour deux raisons : le défaut de preuve de l'affectation commerciale du local, le défaut de trace du permis de construire ; que l'avant contrat de vente du 20 novembre 2003 stipule alors un prix de 304.899 € pour une superficie de 63 m² ; que cependant dès le 27 novembre 2003, Monsieur Z... écrivait à l'acquéreur, Monsieur A..., qu'IDPE était détentrice du permis de construire n° 75‒003‒89‒V 2405 portant sur la création d'une mezzanine dans les locaux du ... et qu'il acceptait de transférer ce permis de construire à l'acquéreur ; que la Cour considère que ce comportement anormal ne constitue pas davantage une faute commise par Monsieur Z... en tant que liquidateur amiable de la Société IDPE ; qu'ainsi, quelles que soient les carences de Monsieur Z... dans l'exercice de sa mission, le jugement sera confirmé sur ce point (arrêt, p. 19 et 20) ;


1°) ALORS QUE les juges ne sauraient méconnaître l'objet du litige tel que défini par les parties dans leurs écritures ; qu'en considérant, pour écarter toute faute de Monsieur Z... en qualité de liquidateur amiable de la Société IDPE et, partant, rejeter l'action ut singuli engagée par Monsieur X... au nom et pour le compte de cette société, que le premier reproche fait à l'intéressé était celui « du caractère opaque sinon clandestin des opérations de vente » quand, dans ses conclusions d'appel, Monsieur X... invoquait les dissimulations de Monsieur Z..., ès qualités, quant à la détention du permis de construire, à la superficie réelle de l'immeuble, actif immobilier de la Société IDPE, et à la qualification des locaux, la Cour d'appel a violé l'article 4 du Code de procédure civile ;

2°) ALORS QU'à l'égard de la société, le liquidateur amiable répond, en sa qualité de mandataire, de toutes les fautes qui causent un préjudice au patrimoine social ; qu'au demeurant, en refusant de qualifier d'agissements malhonnêtes de Monsieur Z..., en sa qualité de liquidateur amiable de la Société IDPE, la vente par ce mandataire à son avocat de l'immeuble, actif immobilier de la Société IDPE, de surcroît à un prix de vente inférieur à celui qui pouvait être envisagé par ladite société, quand de tels agissements étaient constitutifs d'une faute de gestion du liquidateur, la Cour d'appel a violé l'article L. 237-12 du Code de commerce ;

3°) ALORS QU'à l'égard de la société, le liquidateur amiable répond, en sa qualité de mandataire, de toutes les fautes qui causent un préjudice au patrimoine social ; qui plus est, en refusant d'admettre que la vente par Monsieur Z..., en sa qualité de liquidateur amiable de la Société IDPE, d'un actif de cette société à son avocat et à un prix de vente inférieur à celui qui pouvait être envisagé par cette société, puisse caractériser une faute de gestion du mandataire, en tant qu'il n'était pas établi que, lors de la cession, il existait un acquéreur prêt à acquérir le bien moyennant un prix supérieur, sans rechercher, comme elle y était invitée, dans quelle mesure différents biens immobiliers situés dans le voisinage n'avaient pas été vendus à la même époque à des prix beaucoup plus élevés que le bien litigieux, de sorte qu'il était raisonnable de soutenir que celui-ci aurait pu être vendu à un prix plus élevé que celui consenti, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 237-12 du Code de commerce ;

4°) ALORS QU'à l'égard de la société, le liquidateur amiable répond, en sa qualité de mandataire, de toutes les fautes qui causent un préjudice au patrimoine social ; qu'en considérant également que le second reproche fait à Monsieur Z..., en sa qualité de liquidateur amiable de la Société IDPE, tiré d'une absence de transparence vis-à-vis des associés, constituait un comportement anormal révélant des carences, sans en déduire de faute caractérisée de ce mandataire, la Cour d'appel a violé l'article L. 237-12 du Code de commerce.



SECOND MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Monsieur X... de sa demande formée à titre personnel à l'encontre de Monsieur Z... en sa qualité de liquidateur amiable de la Société IDPE ;

AUX MOTIFS QUE, sur l'action exercée à titre personnel par Monsieur X..., ce dernier reprend les demandes formées à titre personnel en première instance sur le fondement de l'article 1382 du Code civil et demande à ce que lui soit allouée la somme de 133.000 € à ce titre ; que les intimés soutiennent à raison que, pour être recevable, l'action personnelle d'un associé ne doit pas être le subsidiaire de l'action sociale puisque le demandeur doit démontrer : la faute personnelle du dirigeant à son égard, détachable de ses fonctions et l'existence d'un préjudice personnel et distinct de celui de l'ensemble des autres créanciers ; qu'ils concluent que ces deux conditions ne sont manifestement pas réunies en l'espèce puisque Monsieur X... se contente de procéder par renvoi envers ses demandes ut singuli et ne caractérise pas de faute détachable de Monsieur Z... à son égard ; que la Cour constate qu'à supposer que les agissements décrits supra constituent une faute personnelle du liquidateur, détachable de ses fonctions, le préjudice individuel distinct du préjudice social n'est pas démontré par Monsieur X... qui d'ailleurs réclame une fraction du préjudice social à ce titre (arrêt, p. 20) ;

1°) ALORS QUE la responsabilité du liquidateur n'est pas subordonnée à la démonstration d'une faute de ce mandataire séparable de ses fonctions ; qu'en rejetant l'action exercée à titre personnel par Monsieur X... à l'encontre de Monsieur Z..., en sa qualité de liquidateur amiable de la Société IDPE, motif pris de la nécessité de l'établissement par Monsieur X... de la faute personnelle du liquidateur à son égard, détachable de ses fonctions, et de l'absence de caractérisation d'une telle faute, la Cour d'appel a violé l'article L. 237-12 du Code de commerce, ensemble l'article 1382 du Code civil ;


2°) ALORS QU'à l'égard d'un associé, le liquidateur répond, en sa qualité de mandataire, des fautes qui cause un préjudice à cet associé ; qui plus est, en considérant que le préjudice individuel distinct du préjudice social n'était pas établi, sans rechercher si le préjudice personnel de Monsieur X... ne représentait pas une fraction du préjudice subi par la Société IDPE, égale à la fraction du capital social de cette société détenu par lui, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 237-12 du Code de commerce et 1382 du Code civil.



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Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 29/04/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.