par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. com., 28 juin 2017, 16-16614
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Cour de cassation, chambre commerciale
28 juin 2017, 16-16.614

Cette décision est visée dans la définition :
Sauvegarde des entreprises




LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu les articles L. 622-27 et L. 624-3 du code de commerce, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance du 12 mars 2014, rendus applicables au redressement judiciaire par les articles L. 631-14 et L. 631-18, et l'article R. 624-4 du même code, dans sa rédaction issue du décret du 12 février 2009, rendu applicable au redressement judiciaire par l'article R. 631-29 du même code ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Kem One ayant été mise en redressement judiciaire le 27 mars 2013, l'établissement public Grand port maritime de Marseille a déclaré, le 7 mai 2013, une créance d'un montant total de 1 241 484,71 euros ; que le mandataire judiciaire l'a contestée par une lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 27 août 2013, à laquelle le créancier a répondu le 26 septembre suivant en produisant des pièces justificatives ainsi que le pouvoir du déclarant et en réduisant le montant réclamé à 650 193,10 euros pour tenir compte de règlements partiels ; qu'une seconde lettre de discussion de la créance, visant à nouveau les dispositions de l'article L. 622-27 du code de commerce, a été envoyée le 2 octobre 2013 par le mandataire judiciaire pour faire état d'une contestation de la société débitrice tenant à la non-déduction d'avoirs ; que le créancier n'a pas répondu à cette dernière lettre ; que l'état des créances ayant été arrêté avec la mention du rejet de la créance du Grand port maritime de Marseille, ce dernier a saisi le juge-commissaire d'une requête tendant à voir inscrire sa créance au passif de la société Kem One ; que le juge-commissaire a admis la créance ; que la société débitrice et le mandataire judiciaire ont fait appel de cette décision ;

Attendu que pour déclarer le Grand port maritime de Marseille irrecevable à saisir le juge-commissaire d'une contestation de l'état des créances, l'arrêt retient que la mission du mandataire judiciaire, garant du respect des droits de tous les créanciers, l'a conduit, dans un premier temps, à la vérification du caractère certain, liquide et exigible de la créance déclarée et, dans un second temps, à transmettre une contestation émise par la société débitrice et que la carence du créancier à respecter le délai de forclusion, qui lui avait été rappelé, lui interdit de contester la décision de rejet du juge-commissaire conforme à la proposition du mandataire ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'aucune disposition ne contraint le créancier, qui, ayant répondu à une première lettre de contestation de sa créance dans le délai imparti, ne peut être exclu du débat sur cette créance et doit être convoqué devant le juge-commissaire appelé à statuer sur la contestation, à répondre à une nouvelle lettre de discussion de la même déclaration de créance, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 11 février 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ; remet en conséquence la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Lyon, autrement composée ;

Condamne la société Kem One et la SELARL MDP, en qualité de mandataire judiciaire de cette société, aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit juin deux mille dix-sept.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour l'établissement Grand port maritime de Marseille.

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir déclaré l'Etablissement public Le Grand Port Maritime De Marseille irrecevable à saisir le juge-commissaire d'une contestation de l'état des créances ;

AUX MOTIFS QUE sur la recevabilité de la requête au regard des contestations opposées par le mandataire judiciaire : Attendu que l'article L 622-27 du Code de Commerce, dans sa version applicable aux faits de l'espèce, dispose que "s'il y a discussion sur tout ou partie d'une créance autre que celles mentionnées à l'article L. 625-1, le mandataire judiciaire en avise le créancier intéressé en l'invitant à faire connaître ses explications. Le défaut de réponse dans le délai de trente jours interdit toute contestation ultérieure de la proposition du mandataire judiciaire." ; Attendu que l'article R 624-1 de ce code dans cette même version applicable prévoit que "la vérification des créances est faite par le mandataire judiciaire, le débiteur et, le cas échéant, les contrôleurs désignés, présents ou dûment appelés. Si une créance autre que celle mentionnée à l'article L. 625-1 est discutée, le mandataire judiciaire en avise le créancier ou son mandataire par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. Le délai de trente jours prévu à l'article L. 622-27 court à partir de la réception de la lettre. Cette lettre précise l'objet de la discussion, indique le montant de la créance dont l'inscription est proposée et rappelle les dispositions de l'article L.622-27." ; Attendu que la procédure de vérification des créances, en l'état des textes impératifs s'appliquant pour la procédure collective bénéficiant à la société KEM ONE, a conduit la SELARL MDP, mandataire judiciaire, à émettre le 27 août 2013 une lettre recommandée avec demande d'avis de réception correspondant à la forme ci-dessus définie dans laquelle sont évoquées : - l'absence de pièces justificatives pour les factures - le caractère postérieur à l'ouverture de la procédure collective de 6 d'entre elles nécessitant la vérification de leur période effective de facturation - le défaut de justification de pouvoir du déclarant ; Qu'il s'agissait alors de contestations émises directement par ce mandataire ; Attendu que le Grand port maritime de Marseille avait déclaré sa créance le 7 mai 2013 à hauteur de 1.241.484,71 €, au titre de prestations de mise à disposition du domaine public de l'Etat, générant des redevances d'occupation, visant 17 factures au total ; Attendu que par un courrier daté du 26 septembre 2013, ce créancier a répondu au mandataire judiciaire fournissant la copie des factures comme des contrats "justifiant le montant et l'existence de la créance", comme du pouvoir du déclarant ; Que dans cette correspondance est mentionnée une évolution de la créance déclarée limitée à un montant de 650.193,10 €, correspondant selon elle "aux règlements partiels survenus" postérieurement à l'ouverture de la procédure collective ; Attendu que par une nouvelle lettre recommandée avec demande d'avis de réception émise le 2 octobre 2013, reçue effectivement par le Grand port maritime de Marseille le lendemain, et respectant les formes prévues par les textes susvisés, la SELARL MDP faisant alors état d'une contestation émise par la société KEM ONE, au titre de l'absence de déduction de deux avoirs pour un total de 670.111,59 € ; Attendu que ce créancier ne conteste pas n'avoir apporté aucune réponse à ce dernier courrier dans les 30 jours qui lui étaient impartis, la mention manuscrite apposée sur la pièce 4 produite par lui "Réponse est bien cantonnée à 30 jours a/c 3.10.2013" démontrant cette pleine conscience de l'existence de ce délai de forclusion ; Attendu que le mandataire judiciaire dans le second courrier envoyé, a transmis, comme les textes l'imposaient, la contestation émise par la débitrice, alors que le Grand port maritime de Marseille ne peut être suivie en ce qu'elle prétend qu'il contenait une seconde contestation émise directement par le mandataire judiciaire, qui devait effectivement faire figurer ses interrogations propres dans le cadre du premier courrier ; Que son rôle obligatoire de mandataire judiciaire, garant du respect des droits de tous les créanciers, l'a ainsi conduit dans un premier temps à la nécessaire vérification du caractère certain, liquide et exigible de la créance déclarée, et dans un second temps à transmettre une contestation alors émise directement par la société débitrice ; Attendu que le Grand port maritime de Marseille souligne d'ailleurs lui-même que ce second courrier a été émis avant même que le mandataire judiciaire ait pris connaissance de sa propre réponse ; Attendu que la carence du Grand port maritime de Marseille à respecter un délai de forclusion qui lui avait été rappelé et dont il vient d'être souligné qu'il en avait pris conscience, ne peut que conduire à son irrecevabilité à saisir ensuite le juge commissaire d'une contestation de sa décision d'admission, conforme à la proposition faite par le mandataire judiciaire ; Que cette fin de non recevoir est acquise sans qu'il soit possible d'apprécier le fond et si une quelconque réponse argumentée était nécessaire ; Attendu qu'il convient en conséquence d'infirmer l'ordonnance entreprise et de déclarer le Grand port maritime de Marseille irrecevable à saisir le juge-commissaire d'une contestation de l'état des créances ; Que cette infirmation conduit nécessairement à restituer à cet état des créances sa pleine efficacité, sans qu'il soit besoin de préciser plus avant ses effets ;

1°) ALORS QU'en cas de discussion sur tout ou partie d'une créance, seul un défaut de réponse, dans le délai de 30 jours imparti, interdit toute contestation ultérieure du créancier devant le juge-commissaire ; qu'une première réponse apportée par le créancier au mandataire en temps utile est exclusive de toute sanction du créancier, cette réponse fût-elle incomplète ou partielle par rapport à l'ensemble des contestations du mandataire ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que par lettre du 26 septembre 2013, le Grand Port Maritime de Marseille avait répondu, en temps utile, à la contestation du mandataire judiciaire de la société Kem One datée du 27 août précédent ; qu'en déclarant cependant irrecevable la saisine du juge-commissaire par le créancier, en considération d'une prétendue absence de réponse apportée par ce créancier à une lettre ultérieure du mandataire, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations et violé les articles L.622-27 et L.624-3 du code de commerce ;

2°) ALORS QU'en privant le Grand Port Maritime de Marseille de son droit d'accès au juge-commissaire pour contester l'état des créances dont il était exclu, après avoir constaté qu'il avait répondu en temps utile à la contestation du mandataire du 27 août 2013, la cour d'appel a violé de surcroît l'article 6 §.1 de la Convention européenne des droits de l'homme, ensemble le principe de proportionnalité ;


3°) ALORS QU'en se bornant à retenir, pour déclarer irrecevable l'action du Grand Port Maritime de Marseille devant le juge-commissaire, que le créancier n'avait pas adressé de réponse à une seconde lettre de contestation du mandataire du 2 octobre 2013, sans rechercher, ainsi qu'elle était pourtant invitée à le faire, si la lettre du 26 septembre 2013 ne comportait pas déjà les éléments de réponse suffisants à la seconde lettre de contestation du mandataire, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L.622-27 et L.624-3 du code de commerce.



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Cette décision est visée dans la définition :
Sauvegarde des entreprises


Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 28/04/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.