par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. com., 24 mars 1998, 95-20764
Dictionnaire Juridique

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Cour de cassation, chambre commerciale
24 mars 1998, 95-20.764

Cette décision est visée dans la définition :
Dématérialisation (valeurs mobilières)




AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le pourvoi formé par M. Raymond Y..., demeurant ..., en cassation d'un arrêt rendu le 8 septembre 1995 par la cour d'appel de Versailles (14e chambre), au profit de la société Audiopar, société anonyme, dont le siège est ..., défenderesse à la cassation ;

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;

LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 10 février 1998, où étaient présents : M. Bézard, président, M. Ponsot, conseiller référendaire rapporteur, M. Vigneron, conseiller, M. Jobard, avocat général, Mme Moratille, greffier de chambre ;

Sur le rapport de M. Ponsot, conseiller référendaire, les observations de la SCP Defrenois et Levis, avocat de M. Y..., de Me Hémery, avocat de la société Audiopar, les conclusions de M. Jobard, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Sur le moyen unique, pris en ses cinq branches :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 8 septembre 1995), que M. Y..., alors président du conseil d'administration de la société Lira Films, en règlement judiciaire, s'est engagé par acte du 2 février 1981 à céder à la société UGC, qui se portait caution par acte du même jour des engagements concordataires pris à l'égard des créanciers de la société, ou à toute personne qu'elle se substituerait, 50 % des actions par lui détenues, soit 250 actions;

que cette promesse prévoyait l'acquisition immédiate d'une première tranche au prix de 150 000 francs et le solde en trois tranches étalées sur une période de neuf à un prix égal à une quote part de l'actif net constaté à l'issue de chaque période triennale, les titres cédés devant être déposés entre les mains d'un séquestre;

que l'acte prévoyait une garantie de passif de la société Lira Films avec nantissement auprès du séquestre de la totalité de la participation de M. Y... ne faisant pas l'objet de la cession;

que le concordat ayant été homologué, M. Y... a cédé, par acte du 1er mars 1982, à la société Audiopar, filiale de la société UGC que celle-ci s'était substituée, 250 actions avec paiement comptant partiel et versement échelonné du solde du prix;

que le 9 juin 1983, M. Y... a encore cédé à diverses personnes, dont les sociétés UGC et Audiopar pour 198 actions, le solde de sa participation dans la société Lira Films pour le prix de 4 010 000 francs payés au comptant;

que le lendemain, soit le 10 juin 1983, M. Y... a adressé à la société UGC une lettre aux termes de laquelle il indiquait renoncer à se prévaloir sous quelque forme et pour quelque motif que ce soit du mode de détermination du prix prévu dans la promesse du 2 février 1981;

que le 24 mai 1994, M. Y... a réclamé à la société Audiopar une somme de 97 045 342 francs correspondant au solde du prix dont, selon lui, cette société lui était redevable ;

Attendu que M. Y... fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande en paiement d'une somme de 97 045 342 francs formée à l'encontre de la société Audiopar, alors, selon le pourvoi, d'une part, qu'avant le 3 novembre 1984, date d'entrée en vigueur du décret du 2 mai 1983 d'application de l'article 94-II de la loi du 30 décembre 1981, portant dématérialisation des valeurs mobilières, les actions de sociétés anonymes non cotées individualisées par un numéro d'ordre étaient des biens non fongibles;

qu'en s'abstenant de rechercher, comme elle y était pourtant invitée, si la promesse synallagmatique de vente du 2 février 1981 conclue entre M. Y... et UGC, puis la vente du 9 juin 1983 conclue entre M. Y... et diverses personnes dont UGC, rendant "caduque" cette promesse, selon la lettre de M. Y... du 10 juin 1983, portaient sur les actions de la société Lira Films n°s 1 à 250, et si la cession du 1er mars 1982 conclue entre M. Y... et Audiopar portait sur les actions n°s 251 à 500, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes ci-dessus;

alors, d'autre part, que le séquestre conventionnel ne peut être déchargé avant le terme convenu que du consentement de toutes les parties intéressées;

qu'en ne recherchant pas s'il existait un autre accord que la promesse de vente entre M. Y... et UGC, antérieur au 8 mars 1982, à savoir une convention de garantie de passif du 2 février 1981 obligeant M. Y... à nantir 250 actions au profit d'UGC, pendant 5 ans, ce qui avait contraint M. Y... et UGC à mettre fin d'un commun accord le 8 mars 1982 à la mission de séquestre qu'ils avaient confiée à M. X..., afin que M. Y... obtienne du séquestre la restitution des actions à nantir, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 et 1960 du Code civil;

alors, en outre, qu'en s'abstenant de rechercher si les actions confiées à M. X..., séquestre, étaient celles portant les n°s 251 à 500, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du décret du 2 mai 1983, de l'article 94-II de la loi du 30 décembre 1980 et de l'article 1134 du Code civil;

alors, au surplus, qu'une substitution d'acquéreur a pour effet de rendre le substitué acquéreur du bien initialement vendu;

qu'en affirmant qu'Audiopar s'était, le 1er mars 1982, substituée à UGC comme acquéreur dans la promesse synallagmatique de vente du 2 février 1981, sans rechercher si la promesse du 1er mars 1982 portait sur le même objet que la promesse du 2 février 1981, quod non puisque celle-ci portait sur les actions n°s 251 à 500, ce qui excluait que la convention du 1er mars 1982 fût destinée à réaliser une substitution d'acquéreur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du Code civil;

et alors, enfin, qu'une substitution d'acquéreur dans un contrat de vente n'est opposable au vendeur que lorsqu'elle lui a été signifiée selon les formes de l'article 1690 du Code civil;

qu'en considérant la prétendue substitution d'UGC par Audiopar opposable à M. Y..., sans rechercher si elle lui avait été régulièrement signifiée, quod non, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du texte susvisé ;

Mais attendu, en premier lieu, que l'arrêt relève que le 8 mars 1982, soit sept jours après la cession du 1er mars, M. Y... et le représentant de la société UGC ont adressé au séquestre qui détenait alors 250 actions une lettre par laquelle ses signataires informaient le séquestre de ce qu'ils étaient convenus de céder 250 actions de la société Lira Films à la société Audiopar, et le déchargeaient de sa mission;

que procédant à son analyse, l'arrêt retient que ce document, en ce qu'il vise un accord conclu entre ses signataires, ne peut que se référer à la promesse de cession du 2 février 1981, seule convention jusqu'alors intervenue entre eux;

que visant un transfert "concrétisé", il ne peut que se référer à la cession conclue le 1er mars, soit sept jours plus tôt;

que par ce seul motif, la cour d'appel, qui n'avait à procéder aux recherches inopérantes visées aux première, deuxième, troisième et quatrième branches, a légalement justifié sa décision;

que le moyen n'est pas fondé ;

Attendu, en second lieu, que l'arrêt retient que la lettre du 8 mars 1982 adressée au séquestre, visant une convention pour une cession "à la société Audiopar", ne peut qu'attester de la substitution effective de cette société à la société UGC dans le bénéfice de la promesse, substitution prévue à l'acte, parfaitement conforme aux intérêts en présence et ainsi reconnue et, en tant que de besoin, ratifiée par M. Y...;

que constatant ainsi le consentement donné par M. Y... à la substitution opérée, la cour d'appel, qui n'avait pas à procéder à la recherche inopérante prétendument omise, a légalement justifié sa décision;

que le moyen n'est pas fondé ;

D'où il suit que le pourvoi ne peut être accueilli ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. Y... aux dépens ;

Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne M. Y... à payer à la société Audiopar la somme de 10 000 francs ;

Condamne M. Y... à une amende civile de 10 000 francs envers le Trésor public ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre mars mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit.



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Cette décision est visée dans la définition :
Dématérialisation (valeurs mobilières)


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