par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles
Cass. soc., 22 mars 2007, 05-45163
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Cour de cassation, chambre sociale
22 mars 2007, 05-45.163
Cette décision est visée dans la définition :
Civilement responsable
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant : Attendu qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué (Paris, 15 septembre 2005), que Mmes X..., Y... et Z... sont devenues salariées de la société Alcatel CIT à la suite de l'absorption des sociétés qui les avaient initialement engagées et étaient investies de mandats représentatifs ; qu'une première procédure prud'homale en paiement de rappels de salaires engagée par Mmes X... et Y... s'est achevée le 4 septembre 2000 par la signature d'un procès-verbal de conciliation ; qu'à la suite d'une intervention ultérieure de l'inspecteur du travail, les trois salariées ont obtenu de leur employeur, en 2003, des promotions et des augmentations de salaires ; qu'elles sont saisi le conseil de prud'hommes statuant en référé aux fins d'obtenir l'indemnisation du préjudice subi antérieurement à ces réajustements ; Sur le premier moyen : Attendu que la société Alcatel CIT fait grief à l'arrêt d'avoir déclaré recevables les demandes de Mmes X... et Y... en réparation du préjudice résultant de la discrimination syndicale, alors, selon le moyen : 1 / que l'action en paiement du salaire est soumise à la prescription quinquennale ; qu'en l'espèce, les salariées demandaient le paiement d'une provision sur dommages-intérêts destinés à compenser la perte d'éléments de salaires subie pour cause de discrimination, de sorte que leur action, tenant au paiement d'un rappel de salaires, était soumise à la prescription quinquennale ; qu'en jugeant que la prescription de droit commun était applicable à ces actions, la cour d'appel a violé les articles L. 143-14 du code du travail et 2277 du code civil ; 2 / que le principe de l'unicité de l'instance prud'homale s'applique si le fait de discrimination, fondement de la prétention, est né ou s'est révélé avant le dessaisissement du conseil de prud'hommes, peu important la date à laquelle s'est trouvée établie la preuve de la réalité et la portée de cette discrimination ; qu'en l'espèce, les salariées soutenaient que si elles "ressentaient que leur appartenance syndicale ne leur causait pas que des agréments", faisant valoir, à cet égard que déjà en 1997, elles avaient dû saisir l'inspecteur du travail pour bénéficier de la classification agent de fabrication P2 qui avait été accordée à leurs collègues "placées dans les mêmes conditions", comme l'a constaté la cour d'appel, elles n'ont pu prendre "la mesure de la discrimination" qu'après communication des éléments de comparaison et une fois que l'employeur avait reconnu la discrimination en octobre 2003 ; que reprenant cet argument, la cour d'appel a retenu que ce n'était qu'en juillet 2001 que l'employeur avait communiqué les premiers éléments de comparaison entre les salariés militants syndicaux et d'autres salariés placés dans une situation identique, et que le réajustement de salaires et de classification opéré par l'employeur en octobre 2003 constituait un fait nouveau ; qu'en se plaçant ainsi au moment où aurait été établie la preuve de l'existence et de la portée de la discrimination alléguée par les salariées, pour dire que les faits de discrimination fondant la seconde instance n'étaient pas encore connus et pour certains nés postérieurement à la date de signature du procés-verbal de conciliation mettant fin à la première instance prud'homale, la cour d'appel a violé l'article R. 516-1 du code du travail ; 3 / que les juges du fond sont tenus d'examiner tous les éléments de preuve qui leur sont soumis par les parties au soutien de leurs prétentions et doivent procéder à une analyse au moins sommaire de ces éléments ; qu'en l'espèce l'exposante avait fait valoir, dans ses conclusions, que des courriers de Mmes X... et Y..., et de l'inspecteur du travail faisaient déjà état de faits de discrimination, avant la signature du procès-verbal de conciliation le 4 septembre 2000 mettant fin à l'instance prud'homale saisie par Mmes X... et Y... en juin 2000 ; qu'il résultait en effet du courrier de l'inspecteur du travail du 9 avril 1999 que celui ci demandait une revalorisation du coefficient de Mme Y... pour "rattraper la progression qu'elle n' a sans doute pas eue", du courrier de Mmes X... et Y... du 6 décembre 1999 aux termes duquel celles ci critiquaient un traitement différent au niveau salarial par rapport à d'autres salariés placés dans la même situation, du courrier de l'inspecteur du travail du 16 décembre 1999 rappelant à l'employeur qu'il avait constaté, au cours de son enquête suite aux plaintes des militants CGT qui s'estimaient victimes de comportement discriminatoire, que Mmes Y... et X... faisaient partie des salariés les moins bien rémunérées, du courrier du 27 février 2002 de Mme X... qui avait fait référence aux diverses rencontres qu'elle avait eues avec la direction"depuis plusieurs années en regard de la discrimination syndicale dont je suis victime" et que "l'inspecteur du travail constatait ce fait en 1998" ; qu'en s'abstenant d'examiner et d'analyser au moins sommairement les courriers susvisés, tous antérieurs au mois de septembre 2000 au cours duquel avait pris fin la première instance prud'homale, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du nouveau code de procédure civile" ; Mais attendu, d'abord, que l'action en réparation du préjudice résultant d'une discrimination syndicale se prescrit par trente ans ; Attendu, ensuite, que la cour d'appel a souverainement constaté que le préjudice lié à une discrimination syndicale n'avait été exactement connu des salariées qu'à la suite de la communication par l'employeur, après l'achèvement de la précédente procédure, des éléments de comparaison nécessaires ; Que le moyen ne peut être accueilli ; Sur le second moyen : Attendu que la société Alcatel CIT fait grief à l'arrêt de l'avoir condamnée à payer à chacune des salariées la somme de 35 000 euros à titre de dommages-intérêts, alors, selon le moyen : 1 / que l'employeur ne peut être jugé civilement responsable à l'égard de ses salariés que pour des faits de discrimination qui lui sont personnellement imputables ; qu'en l'espèce, il résulte de l'arrêt attaqué que la société Alcatel est devenue l'employeur de Mmes X... et Y... en 1986, et de Mme Z... en 1998 ; qu'en appréciant la situation de Mmes X..., Y... et Z... depuis leur embauche par leur précédent employeur, pour retenir l'existence d'une discrimination pendant toute cette durée et condamner leur nouvel employeur à payer à chacune des intéressées une provision sur dommages-intérêts de 35 000 euros compte tenu de la "durée" et de l'"importance" du préjudice ainsi subi, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil ; 2 / que l'employeur faisait valoir que Mme X..., de 1986 au 1er septembre 2001, travaillait à temps partiel, ce qui constituait un élément objectif justifiant la disparité de traitement par rapport aux autres salariés embauchés en même temps qu'elle ; qu'en affirmant péremptoirement qu'"aucun élément objectif sérieux" ne justifiait la disparité de traitement, sans à aucun moment expliquer en quoi le travail à temps partiel ne pouvait justifier cette disparité et l'évolution de carrière de Mme X..., la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 412-2 et R. 516-31 du code du travail ; Mais attendu, d'abord, qu'il ne résulte ni des énonciations de l'arrêt ni des conclusions de la société Alcatel que cette dernière ait soutenu devant les juges du fond qu'elle ne pouvait être responsable à l'égard des salariées des faits de discrimination imputables aux sociétés qu'elle avait absorbées ; Et attendu, ensuite, que la cour d'appel a relevé que l'employeur n'apportait aucun élément objectif sérieux justifiant la disparité de traitement évidente subie par Mme X... par rapport à d'autres salariés se trouvant dans une situation comparable ; D'où il suit que le moyen, irrecevable en sa première branche comme étant nouveau et mélangé de fait et de droit , n'est pas fondé pour le surplus ; PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi ; Condamne la société Alcatel aux dépens ; Vu l'article 700 du nouveau code de procédure civile, la condamne à payer à Mmes X..., Y... et Z... la somme globale de 2 500 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux mars deux mille sept.site réalisé avec Baumann Avocat Contrats informatiques |
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Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 11/05/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.