par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. civ. 3, 27 mai 2009, 08-11388
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Cour de cassation, 3ème chambre civile
27 mai 2009, 08-11.388

Cette décision est visée dans la définition :
Chose jugée




LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le premier moyen :

Vu l'article 1351 du code civil, ensemble l'article 480 du code de procédure civile ;

Attendu que l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet d'un jugement ; qu'il faut que la chose demandée soit la même ; que la demande soit fondée sur la même cause, que la demande soit entre les mêmes parties et formée par elles et contre elles en la même qualité ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Chambéry, 27 novembre 2007), que, par acte notarié du 1er juillet 1986, la Société d'économie mixte Centre routier du Freney Mont-Cenis (Sémicrof) a donné à bail à construction pour une durée de quarante ans à la société Comafre, aux droits de laquelle est venue la société Joana, le lot 551d'un terrain désigné "Autoport de Fréjus" en vue de l'exploitation d'un restaurant, le lot voisin étant exploité par la société de Pétroles Shell (société Shell), elle aussi liée à la société Sémicrof par un bail à construction de trente ans en date du 7 janvier 1982 ; que ce bail prévoyait au bénéfice de la société Comafre une jouissance commune et indivise avec la société Shell de trente-deux emplacements de parking pour poids lourds ; que la société Sémicrof a autorisé la société Shell à agrandir la station-service qu'elle exploitait sur les lieux loués ; que, faisant valoir que cet agrandissement avait supprimé toute les places de parking et qu'elle ne pouvait plus exploiter son fonds de commerce dans des conditions normales, la société Joana a assigné la société Sémicrof pour obtenir réparation de son préjudice ; qu'un arrêt du 17 février 2004, devenu définitif, a dit que la société Sémicrof avait manqué à son obligation contractuelle en supprimant les trente-deux emplacements dont la société Joana avait la jouissance commune et indivise avec la société Shell, déclaré irrecevable la demande de remise en état formulée par la société Joana pour la première fois en cause d'appel et, avant dire droit sur le préjudice subi par la société Joana, ordonné une expertise ; que, par acte des 3 et 5 mars 2004, la société Joana a assigné la société Sémicrof et la société Shell pour obtenir en application de l'article 1723 du code civil la remise en état des lieux loués, qu'un jugement a été rendu sur cette assignation le 21 avril 2006 dont les sociétés Shell et Sémicrof ont relevé appel ; que cette procédure a été jointe avec la précédente ; que la société Sémicrof a soulevé l'irrecevabilité de la demande de remise en état des lieux en raison de l'autorité de chose jugée attachée à l'arrêt du 17 février 2004 ;

Attendu que, pour accueillir cette fin de non-recevoir, l'arrêt retient que le litige ayant donné lieu au jugement du 21 avril 2006 est identique à celui déjà jugé le 17 avril 2004 puisqu'il s'agit toujours pour la société Joana d'obtenir réparation des conséquences de la suppression des trente-deux emplacements de parking dont la jouissance lui a été conférée, qu'un tel litige ne peut s'analyser qu'en un non-respect des obligations sur lequel il a déjà été statué et que par l'introduction d'une nouvelle procédure devant le tribunal de grande instance, la société Joana cherche à revenir sur l'irrecevabilité de sa demande de remise en état des lieux ;

Qu'en statuant ainsi, alors que l'autorité de la chose jugée attachée à l'arrêt ayant déclaré irrecevable une demande, comme formée pour la première fois en cause d'appel, n'interdit pas à son auteur d'introduire celle-ci dans une nouvelle instance devant les juges du premier degré, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur le deuxième moyen qui ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le troisième moyen :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il a débouté la société Joana de toutes ses demandes à l'encontre de la société des Pétroles Shell, l'arrêt rendu le 27 novembre 2007, entre les parties, par la cour d'appel de Chambéry ; remet, en conséquence, sur le surplus, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ;

Condamne la société Sémicrof aux dépens, à l'exception de ceux afférents à la mise en cause de la société des Pétroles Shell qui resteront à la charge, ensemble, de la société Joana et de M. X..., ès qualités ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Sémicrof ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept mai deux mille neuf.



MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP THOMAS-RAQUIN et BENABENT, avocat aux Conseils pour la société Joana

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir déclaré irrecevable la demande de remise en état formée par la société JOANA, exploitante d'un restaurant routier titulaire d'un droit de jouissance sur trente-deux emplacements de parking poids lourds, à l'encontre de la société SEMICROF, bailleresse qui a autorisé la société SHELL à construire une nouvelle station-service sur l'assiette de ces emplacements de parking ;

AUX MOTIFS QU'« à l'égard de la société SEMICROF, il est définitivement jugé qu'en supprimant les trente-deux emplacements mentionnés dans le bail, dont la société JOANA avait la jouissance commune avec la société SHELL, la société SEMICROF a manqué à ses obligations contractuelles et que la demande de remise en état des lieux formulée par la société JOANA pour la première fois en cause d'appel est irrecevable ; que pour fonder cette irrecevabilité, la Cour a rappelé que la société JOANA avait saisi le tribunal de grande instance d'Albertville d'une demande indemnitaire englobant l'arrêt de son activité et qu'en conséquence, elle ne pouvait plus présenter devant la Cour une demande de remise en état des lieux, l'arrêt du 17 février 2004 relevant d'ailleurs le caractère contradictoire de ces deux demandes ; que la société JOANA, par l'introduction d'une nouvelle procédure devant le tribunal de grande instance d'Albertville, cherche à revenir sur cette irrecevabilité en invoquant un fondement légal, à savoir le non respect de l'article 1723 du Code civil ; mais que l'objet du litige porté devant le tribunal de grande instance d'Albertville ayant donné lieu au jugement du 21 avril 2006 est identique à celui déjà jugé par la Cour le 17 février 2004 ; qu'il s'agit toujours en effet pour la société JOANA d'obtenir réparation des conséquences de la suppression de trente-deux emplacements de parking dont l'acte notarié du 1er juillet 1986 tout comme l'acte rectificatif du 9 juillet 1986 lui conférait la jouissance ; que ce litige ne peut s'analyser qu'en un non respect d'obligations contractuelles sur lequel la Cour d'appel a déjà statué ; que la société JOANA a choisi dès l'origine de demander à titre de sanction de ce non respect, une réparation par équivalent, renonçant ainsi à demander une réparation en nature, étant indiqué au surplus que celle-ci a été demandée au tribunal d'Albertville sur la base de l'article 1723 du Code civil qui n'est pas applicable au cas d'espèce, le droit de jouissance des places de parking étant inclus dans le lot n°552 de l'état descriptif de division de la copropriété horizontale du Centre routier du Freney, lot sur lequel la SEMICROF a consenti au profit de la société COMAFRE aux droits de qui vient la société JOANA, un bail à construction qui expirera le 25 juin 2026, soit un droit réel régi par les articles L. 251-1 à L. 251-9 du Code de la construction et de l'habitation ; qu'en conséquence, l'action portée par la société JOANA le 5 mars 2004 devant le tribunal de grande instance d'Albertville était irrecevable à l'encontre de la société SEMICROF ; que le jugement du 21 avril 2006 doit en conséquence être réformé de ce chef …  ; que c'est sur la base du protocole du 29 mars 2002 que la société SHELL a réalisé l'agrandissement de sa station-service ; que le bailleur l'a autorisée d'une part à construire et exploiter une nouvelle station-service comprenant un ensemble de locaux à usage de boutique de restauration et de services divers et d'autre part à utiliser en jouissance commune avec les autres exploitants, les places de parking disponibles avec l'obligation pour SHELL de « laisser disposer par les autres exploitants du centre routier les places de parking sans l'espace délimité du dudit projet », le protocole indiquant que « SEMICROF fera son possible pour assurer sur le site une jouissance d'au moins 60 places de parking poids lourds » ; que ce protocole sauvegarde en conséquence les droits de la société JOANA, seul autre exploitant implanté sur le site, avec une capacité de stationnement supérieure à la capacité initiale qui n'était que de trente-deux places ; que la demande de remise en état formée à l'encontre de la société SHELL est en conséquence dépourvue de tout fondement ; que cette absence de fondement justifie d'autant le fait que les manquements de la société SEMICROF à ses propres obligations contractuelles à l'égard de la société JOANA ne peuvent se résoudre qu'en dommages et intérêts » ;

ALORS, DE PREMIERE PART, QUE l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement ; qu'il faut notamment que la chose demandée soit la même ; qu'en retenant que l'objet du litige porté devant le tribunal de grande instance d'Albertville ayant donné lieu au jugement du 21 avril 2006 aurait été identique à celui déjà jugé par la cour d'appel le 17 février 2004, cependant que l'action visait, dans le premier cas, à obtenir l'indemnisation du préjudice subi, et dans le second, à obtenir une remise en état des lieux pour l'avenir, la Cour d'appel a violé les articles 1351 du Code civil et 480 du Code de procédure civile ;

ALORS, DE DEUXIEME PART, QUE l'autorité de la chose jugée attachée à l'arrêt ayant déclaré irrecevable une demande, comme formée pour la première fois en cause d'appel, n'interdit pas à son auteur d'introduire celle-ci dans une nouvelle instance devant les juges du premier degré ; que, par arrêt du 17 février 2004, la demande de remise en état des lieux dont la société JOANA s'était vu conférer la jouissance a été déclarée irrecevable comme formée pour la première fois en cause d'appel ; qu'en opposant à la société JOANA l'autorité de la chose jugée de l'arrêt du 17 février 2004 pour déclarer irrecevable la demande de remise en état des lieux pourtant formulée dans le cadre d'une nouvelle instance au fond, la Cour d'appel a violé les articles 1351 du Code civil, 480 et 564 du Code de procédure civile, ensemble l'article 6-1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

ALORS, DE TROISIEME PART, QUE le créancier a le droit de demander que ce qui aurait été fait par contravention à l'engagement soit détruit ; que la partie envers laquelle un engagement contractuel n'a point été exécuté a la faculté de forcer l'autre à l'exécution de la convention lorsque celle-ci est possible ; que la Cour d'appel a elle-même constaté qu'il avait été définitivement jugé par l'arrêt du 17 février 2004 que la société SEMICROF avait manqué à ses obligations contractuelles en supprimant les trente-deux emplacements dont la société JOANA avait la jouissance ; qu'il en résultait que cette dernière pouvait en exiger le rétablissement ; qu'en déclarant néanmoins irrecevable l'action de la société JOANA tendant au rétablissement de ces trente-deux places de parking, la Cour d'appel a méconnu les conséquences légales de ses propres constatations, en violation des articles 1134, 1142 et 1143 du Code civil ;

ALORS, DE QUATRIEME PART, QUE le créancier d'une obligation peut cumuler une exécution en nature pour l'avenir et un dédommagement du préjudice de jouissance ayant pu découler de la violation du contrat dans le passé ; qu'en déclarant la société JOANA irrecevable à demander la remise en état des trente-deux places de parking dont elle avait la jouissance, en retenant qu'elle avait préalablement demandé une réparation par équivalent, cependant qu'une réparation en nature était seule de nature à faire cesser le préjudice pour l'avenir et que seule une réparation par équivalent pouvait réparer le préjudice de jouissance déjà subi, la Cour d'appel a derechef violé les articles 1134, 1142 et 1143 du Code civil ;

ALORS, DE CINQUIEME PART, QUE l'adage specialia generalibus derogant ne s'applique que dans la mesure où il existe des dispositions dérogatoires au régime général ; que le droit commun demeure applicable en l'absence de dérogation ; que s'il est régi par des textes spéciaux, le bail à construction n'en demeure pas moins un contrat de bail soumis, en tant que tel, au droit commun du bail, comme au droit commun des obligations ;
qu'en écartant l'application de l'article 1723 du Code civil qui dispose que « le bailleur ne peut, pendant la durée du bail, changer la forme de la chose louée », en retenant que ce principe ne s'appliquerait pas à un bail à construction, cependant que les articles L. 251-1 à L. 251-9 du Code de la construction et de l'habitation ne prévoient aucune dérogation à l'obligation essentielle du bailleur d'assurer au preneur la jouissance paisible de la chose louée, la Cour d'appel a violé ensemble l'adage susvisé et l'article 1723 du Code civil ;

ALORS, DE SIXIEME PART, QUE l'article L. 251-3 du Code de la construction et de l'habitation dispose, en son premier alinéa, que « le bail à construction confère au preneur un droit réel immobilier » ; que le titulaire d'un droit réel dispose du droit de faire cesser à tout moment l'atteinte aux droits d'usage et de jouissance que lui confère ce droit réel ; qu'en déboutant la société JOANA de sa demande de remise en état des emplacements de parking dont elle avait la jouissance, après avoir ellemême constaté que cette société bénéficiait d'un droit réel régi par les articles L. 251-1 à L. 251-9 du code de la construction et de l'habitation, la Cour d'appel a méconnu les conséquences légales de ses propres constatations, en violation de l'article L. 251-3 de ce Code ;

ALORS, DE SEPTIEME PART, QUE si l'obligation est de ne pas faire, celui qui y contrevient doit des dommages et intérêts par le seul fait de sa contravention ; que le créancier a le droit de demander que ce qui aurait été fait par contravention à l'engagement soit détruit ; qu'en retenant que la suppression des trente-deux emplacements de parking n'aurait causé aucun préjudice à la société JOANA, dans la mesure où celle-ci aurait eu vocation à bénéficier des 60 places que la société SEMICROF s'était engagée à assurer à la société SHELL, la Cour d'appel a statué par un motif inopérant tenant à l'existence ou l'absence d'un préjudice, cependant que la société SEMICROF était tenue par l'obligation de ne pas troubler la jouissance de la société JOANA ; que ce faisant, elle a violé les articles 1143 et 1145 du Code civil ;

ALORS, DE HUITIEME PART, QUE la Cour d'appel s'est bornée à constater que le protocole du 29 mars 2002, conclu entre la société SEMICROF et la société SHELL, prévoyait que « SEMICROF fera son possible pour assurer sur le site une jouissance d'au moins 60 places de parking » ; qu'elle n'a nullement constaté que lesdits emplacements auraient réellement été créés et mis à la disposition de la société JOANA ; qu'en retenant néanmoins que cette dernière ne pourrait se prévaloir d'aucun préjudice du fait de la suppression des trente-deux places de parking, en raison d'une simple vocation éventuelle à profiter de 60 emplacements de parking à créer, la Cour d'appel a statué par un motif impropre à justifier sa décision, en violation des articles 1134, 1142 et 1143 du Code civil.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir débouté la société JOANA de ses demandes tendant à voir déclarer la décision de remise en état des emplacements de parking loués opposable à la société SHELL et celle-ci condamnée à indemniser le dommage causé par la privation de jouissance de ces emplacements ;

AUX MOTIFS QUE « la société des pétroles SHELL n'est pas liée par un contrat de bail avec la société JOANA ; que celle-ci ne pouvait donc agir contre elle sur le fondement de l'article 1723 du Code civil ; que la société SHELL a réalisé son agrandissement avec l'accord de sa bailleresse la société SEMICROF selon un protocole d'accord en date du 29 mars 2002 (pièce n°57 de l'intimée) dans l'attente de la régularisation d'un avenant au bail emphytéotique conclu entre ces deux sociétés pour 30 ans, le 7 janvier 1982 ; qu'il s'agit d'un protocole distinct de celui invoqué par la société JOANA en date du 18 juin 1997 et qui prévoyait effectivement dans le cadre d'un réaménagement total de l'autoport suite au départ du service des Douanes consécutif à l'ouverture des frontières le 1er janvier 1993, la suppression du restaurant exploité par la société JOANA ; que la société SHELL a refusé de signer ce protocole qui n'est jamais entré en vigueur puisqu'à ce jour, l'autoport n'a toujours pas été réaménagé et le restaurant de la société JOANA n'a pas disparu ; que c'est sur la base du protocole du 29 mars 2002 que la société SHELL a réalisé l'agrandissement de sa station-service ; que le bailleur l'a autorisée d'une part à construire et exploiter une nouvelle station-service comprenant un ensemble de locaux à usage de boutique de restauration et de services divers et d'autre part à utiliser en jouissance commune avec les autres exploitants, les places de parking disponibles avec l'obligation pour SHELL de « laisser disposer par les autres exploitants du centre routier les places de parking dans l'espace délimité du dudit projet », le protocole indiquant que « SEMICROF fera son possible pour assurer sur le site une jouissance d'au moins 60 places de parking poids lourds » ; que ce protocole sauvegarde en conséquence les droits de la société JOANA, seul autre exploitant implanté sur le site, avec une capacité de stationnement supérieure à la capacité initiale qui n'était que de trente-deux places ; que la demande de remise en état formée à l'encontre de la société SHELL est en conséquence dépourvue de tout fondement » ;

ALORS, D'UNE PART, QUE la Cour d'appel s'est bornée à constater que le protocole du 29 mars 2002, conclu entre la société SEMICROF et la société SHELL, prévoyait que « SEMICROF fera son possible pour assurer sur le site une jouissance d'au moins 60 places de parking » ; qu'elle n'a nullement constaté que lesdits emplacements auraient réellement été créés et mis à la disposition de la société JOANA ; qu'en retenant néanmoins que cette dernière ne pourrait se prévaloir d'aucun préjudice du fait de la suppression des trente-deux places de parking, en raison d'une simple vocation éventuelle à profiter de 60 emplacements de parking à créer, la Cour d'appel a statué par un motif impropre à justifier sa décision, en violation de l'article 1382 du Code civil ;

ALORS, D'AUTRE PART, QU'engage sa responsabilité délictuelle le tiers qui participe à la violation par un contractant de ses obligations contractuelles ; qu'en déboutant la société JOANA de son action en responsabilité dirigée contre la société SHELL sans s'expliquer, comme elle y était invitée par les écritures et les pièces produites par la société JOANA, sur le fait que la société SHELL avait, en toute connaissance de cause, participé aux manquements de la société SEMICROF à ses obligations contractuelles de bailleur, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir limité à la somme de 30 963 euros les dommages et intérêts dus par la société SEMICROF à la société JOANA en réparation du préjudice subi par celle-ci en raison de la perte du droit de jouissance de trente-deux emplacements de parking ;

AUX MOTIFS QUE « c'est sur la base du protocole du 29 mars 2002 que la société SHELL a réalisé l'agrandissement de sa station-service ; que le bailleur l'a autorisée d'une part à construire et exploiter une nouvelle station-service comprenant un ensemble de locaux à usage de boutique de restauration et de services divers et d'autre part à utiliser en jouissance commune avec les autres exploitants, les places de parking disponibles avec l'obligation pour SHELL de « laisser disposer par les autres exploitants du centre routier les places de parking sans l'espace délimité du dudit projet », le protocole indiquant que « SEMICROF fera son possible pour assurer sur le site une jouissance d'au moins 60 places de parking poids lourds » ; que ce protocole sauvegarde en conséquence les droits de la société JOANA, seul autre exploitant implanté sur le site, avec une capacité de stationnement supérieure à la capacité initiale qui n'était que de trente-deux places …  ; qu'il est constant que la société JOANA n'a jamais cessé son activité et que le protocole du 18 juin 1997 n'est jamais entré en vigueur ; que dès lors toute demande se rattachant à une disparition du fonds correspond à un préjudice actuellement inexistant ; que de ce fait, les développements de l'expert en page 19 de son rapport relatifs à des frais de licenciement et de déménagement n'ont donc pas à être examinés ; qu'il en est de même pour la page 18 qui se rapporte à un paragraphe intitulé « déstabilisation – précarité – préjudice financier » traitant du déséquilibre existant entre la société JOANA d'une part, la société SEMICROF d'autre part ; que ce déséquilibre est réel puisque la société JOANA est une société anonyme d'économie mixte ayant comme administrateur la Chambre de commerce et d'industrie de la Savoie, la Banque de Savoie, la société du tunnel du Fréjus et dans ses actionnaires, la société des pétroles SHELL ; qu'un déséquilibre de cette nature n'est cependant pas en soi fautif, la société JOANA venant aux droits de la société COMAFRE qui a volontairement contracté avec la SEMICROF, étant en outre rappelé que la société SHELL n'a pas signé le protocole qui prévoyait la suppression du restaurant de la société JOANA et a agrandi sa station-service sans porter atteinte au bâtiment de JOANA ; qu'en conséquence seule la partie du rapport relative à la perte de rentabilité intéresse le présent litige ; que dans les calculs de perte de rentabilité, seule la perte imputable directement à la suppression des trente-deux emplacements numérotés de parking constitue le préjudice de la société JOANA, le fait que la société SHELL ait ouvert régulièrement un snack dans sa nouvelle station-service étant sans lien avec le manquement contractuel retenu dans l'arrêt du 17 février 2004, soit la suppression des emplacements de parking ; que comme indiqué cidessus, le protocole conclu entre la société SHELL et la société SEMICROF lors de l'extension de la station-service et qui profite au coexploitant qu'est la société JOANA, est plus large que les dispositions contractuelles précédentes puisqu'il est question de 60 places de parking poids lourds et non plus de 32 ; que la SEMICROF est en mesure, en revoyant l'aménagement des lots 201, 251 ou 351, d'offrir cette surface de parking puisqu'il est établi par les documents émanant de la souspréfecture de Saint Jean de Maurienne que la SEMICROF doit garantir sur le site 120 places de parking poids lourds en cas de difficultés au tunnel du Fréjus ou sur l'autoroute de Maurienne ; que les photographies récentes versées par la société SEMICROF montrent que sont garés tout autour du restaurant de la société JOANA 15 ou 17 poids lourds, ce qui correspond à ce qu'atteste l'un des routiers ; qu'il y a encore vingt-cinq emplacements en face de la station-service, le long de l'ancien centre douanier, qui ne sont effectivement pas accolés au restaurant de la société JOANA mais qui en sont très proches et sans séparation matérialisée, cet éloignement ne constituant pas un obstacle pour les routiers qui souhaitent faire un véritable repas, ce que JOANA est la seule à proposer ; que le préjudice réel et certain de la société JOANA est en réalité limité à la baisse de son chiffre d'affaires de mars 2001 à mai 2002, durant la période où du fait des travaux en cours, elle était entourée d'un chantier, soit selon le rapport d'expertise, une somme de 30 963 euros ; que c'est à ce montant qu'il convient de fixer le préjudice de la société JOANA directement lié au manquement de la société SEMICROF à ses obligations, toutes les autres demandes relevant d'un préjudice futur et éventuel, donc non encore indemnisable, lié à un réaménagement hypothétique du site » ;

ALORS, DE PREMIERE PART, QUE si l'obligation est de ne pas faire, celui qui y contrevient doit des dommages et intérêts par le seul fait de sa contravention ; qu'en retenant que la suppression des trente-deux emplacements de parking n'aurait causé aucun préjudice à la société JOANA dans la mesure, d'une part, où celle-ci aurait eu vocation à bénéficier des 60 places que la société SEMICROF s'était engagée à assurer à la société SHELL ou même des 120 places que la société SEMICROF devait garantir en cas de difficultés routières, et d'autre part, où la société JOANA aurait bénéficié de 15 à 17 emplacements de parking situés autour de son restaurant, ainsi que de 25 emplacements situés en face de la station-service, le long de l'ancien centre douanier, la Cour d'appel a statué par des motifs inopérants, cependant qu'ayant méconnu son obligation de ne pas troubler la jouissance de la société JOANA, la société SEMICROF devait nécessairement l'indemniser ; qu'en statuant ainsi, la Cour d'appel a violé les articles 1145 et 1147 du Code civil ;

ALORS, DE DEUXIEME PART, QUE la Cour d'appel s'est bornée, d'une part, à constater qu'aux termes du protocole du 29 mars 2002 la société SEMICROF s'était engagée à faire « son possible pour assurer sur le site une jouissance d'au moins 60 places de parking » et d'autre part, à retenir que cette dernière était en mesure d'offrir cette surface de parking puisqu'elle devait également garantir sur le site 120 places de parkings poids lourds en cas de difficultés au tunnel du Fréjus ou sur l'autoroute de Maurienne ; qu'elle n'a nullement constaté que ces 120 ou même 60 emplacements auraient réellement été créés ; qu'en retenant néanmoins que la société JOANA n'aurait subi aucun préjudice du fait de la suppression des trente-deux emplacements de parking dont son propre contrat lui conférait la jouissance puisqu'elle aurait vocation à profiter des 120 ou 60 emplacements à créer, la Cour d'appel a statué par des motifs impropres à justifier sa décision, en violation de l'article 1147 du Code civil ;

ALORS, DE TROISIEME PART, QUE les juges ne peuvent rejeter une demande sans examiner tous les éléments de preuve fournis par les parties ; qu'en se bornant à retenir que 15 à 17 poids lourds pouvaient stationner autour du restaurant JOANA et qu'il aurait existé 25 emplacements en face de la station-service, le long de l'ancien centre douanier, sans s'expliquer, ni sur les nombreuses attestations de chauffeurs poids lourds qui disaient ne plus pouvoir se garer pour faire leur pause et se restaurer sans risquer d'avoir un accident en raison du manque de place depuis la construction de la nouvelle station-service SHELL, ni sur le constat d'huissier du 30 octobre 2003 dont il ressortait que l'espace existant sur le centre routier était impraticable pour les camions en raison, soit d'un manque d'entretien, soit de dispositifs interdisant l'accès aux camions, tels que des portiques ou des pierres, la Cour d'appel, qui n'a pas vérifié la réalité concrète de l'existence de places de stationnement au regard de l'ensemble des éléments de preuve fournis par les parties, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du Code civil.



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Cette décision est visée dans la définition :
Chose jugée


Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 11/05/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.