par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. soc., 3 mars 2010, 08-41600
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Cour de cassation, chambre sociale
3 mars 2010, 08-41.600

Cette décision est visée dans les définitions suivantes :
Licenciement
Droit du Travail




LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


Vu leur connexité, joint les pourvois n° G 08-41.600 et n° X 08-44.120 ;

Sur les moyens uniques des pourvois :

Vu l'article 1134 du code civil, l'annexe V de la Convention collective nationale des activités du déchet du 11 mai 2000, étendue par arrêté du 5 juillet 2001, ensemble l'article L. 1224-1 du code du travail ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., engagé le 4 septembre 1995 par la société Poly urbaine et élu délégué du personnel le 20 juin 2001, exerçait les fonctions de chauffeur et était chargé de l'exécution du marché de collecte des ordures ménagères liant son employeur au syndicat intercommunal de traitement des ordures ménagères du Hurepoix ; que ce marché ayant été attribué à compter du 20 août 2003 à la société Coved, la société Poly urbaine a obtenu le 4 août 2003 de l'administration du travail l'autorisation de transférer le contrat de travail de ce salarié à la société Coved, la décision ministérielle qui a ensuite rejeté le recours formé contre la décision d'autorisation de l'inspecteur du travail retenant que ce transfert intervenait en application de l'annexe V de la convention collective nationale des activités du déchet ; qu'après avoir refusé de changer d'employeur, M. X..., auquel la société sortante n'a plus donné de travail, a saisi la juridiction prud'homale pour demander la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de la société Poly urbaine et l'indemnisation d'un préjudice lié à une rupture irrégulière de son contrat de travail ;

Attendu que, pour mettre hors de cause la société Poly urbaine, l'arrêt retient que les deux sociétés concernées par le marché se sont référées pour la mise en oeuvre des procédures relatives au transfert des salariés aux dispositions de l'annexe V de la Convention collective nationale des activités du déchet, contenues dans l'accord du 23 février 2000, alors en vigueur, fixant les conditions de reprise des personnels ouvriers en cas de changement de titulaire d'un marché, et que le refus par le salarié de signer le nouveau contrat de travail proposé par la société Coved n'a pas fait échec au transfert dès lors que, comme en l'espèce, les personnels repris répondent aux conditions posées par l'article 1er de cet accord et que les obligations mises à la charge de la société sortante ont été remplies ;

Attendu, cependant, d'une part, qu'un changement d'employeur, qui constitue une novation du contrat de travail, ne s'impose au salarié que si les conditions d'application de l'article L. 1224-1 du code du travail sont remplies ; d'autre part, qu'en cas d'application de dispositions conventionnelles prévoyant et organisant le transfert des contrats de travail hors application de ce texte, l'accord exprès du salarié est nécessaire au changement d'employeur et échappe au contrôle de l'inspecteur du travail ;

Qu'en statuant comme elle a fait alors que le transfert s'inscrivait dans le cadre d'un dispositif conventionnel, de sorte qu'il lui appartenait de vérifier que le salarié avait donné son accord au changement d'employeur, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 5 février 2008, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

Condamne la société Poly urbaine aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Poly urbaine à payer à M. X... la somme de 1 250 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;


Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trois mars deux mille dix.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyen produit au pourvoi n° G 08-41.600 par la SCP Delaporte, Briard et Trichet, avocat aux Conseils pour la société Coved.

Il est fait grief à l'arrêt attaqué ayant estimé que le contrat de travail liant M. X... à la société POLY URBAINE a été transféré à la société COVED, d'avoir mis hors de cause la société POLY URBAINE ;

Aux motifs qu « il convient de rechercher si les conditions du transfert du contrat de travail de M. X..., hormis celle relative à l'autorisation nécessaire au transfert d'un salarié protégé, étaient remplies et s'il s'imposait à toutes les parties au litige ; que les deux sociétés concernées par le marché se sont référées pour la mise en oeuvre des procédures relatives au transfert des salariés aux dispositions de l'annexe V de la Convention collective nationale des activités du déchet établi suivant protocole d'accord du 23 février 2000 alors en vigueur et fixant les « conditions de reprise des personnels ouvriers par les employeurs en cas de changement de titulaire d'un marché public » ; que l'article 1er de cet accord, consacré aux obligations à la charge du nouveau titulaire mentionne que celui-ci « doit reprendre à l'ancien titulaire, à tout le moins, les personnels ouvriers affectés antérieurement au marché concerné… il établira conformément à l'article 28 de la présente convention collective un contrat de travail… qui tiendra compte des dispositions suivantes… » Figurent parmi ces dispositions l'absence de période d'essai, la prise en compte de l'ancienneté, le maintien du salaire mensuel brut de base. Au titre de ces dispositions, il est précisé : « la signature par le salarié, du contrat de travail proposé par le nouveau titulaire du marché public vaudra acceptation par le salarié des modalités de reprise. Cette signature entraînera la rupture du contrat vis-à-vis de son ancien employeur sans qu'elle puisse être analysée comme un licenciement » ; que la société POLY URBAINE considère que l'annexe V organise seulement les modalités d'exécution du contrat de travail transféré par l'effet de l'article L. 122-12 du Code du travail ; que de son côté, la société COVED soutient que la signature du contrat de travail avec le nouvel attributaire est une condition de la réalisation du transfert ; que la présentation par l'entreprise entrante d'un contrat de travail et la signature du salarié concerné par le marché est une obligation conventionnelle mise à la charge de la société COVED par l'effet du transfert ; les "conditions de reprise" dont il est fait mention dans l'annexe V de la convention collective sont des modalités d'exécution du transfert ; le nouveau titulaire doit établir un contrat de travail conforme aux dispositions indiquées ; la signature du nouveau contrat entraîne acceptation par le salarié des "modalités de reprise" et rupture du contrat de travail avec le précédent employeur ; mais pour autant le refus par le salarié de signer le nouveau contrat de travail n'a pas pour effet de faire échec au transfert dès lors que, comme en l'espèce, les personnels repris répondent aux conditions posées par l'article 1er de l'annexe V de la convention collectivité et que les obligations portées à la charge de la société sortante ont été remplies ; or la société POLY URBAINE a rempli ses obligations conventionnelles en communiquant à la société COVED en temps voulu l'état du personnel à reprendre, en réglant à l'intéressé les sommes dues en fonction du temps passé dans son entreprise et en lui délivrant un certificat de travail. ; le transfert du contrat de travail de M. X..., autorisé par l'autorité administrative a été valablement opéré au sein de la société COVED ; qu'il s'ensuit que la société POLY URBAINE est mise hors de cause et le jugement infirmé ;

Alors, d'une part, que ni la perte d'un marché de services au profit d'un concurrent, ni la poursuite par l'entreprise entrante, en application d'un accord collectif qui la prévoit et l'organise, des contrats de travail des salariés affectés à ce marché ne relèvent à eux seuls de l'article L. 122-12, alinéa 2, devenu L. 1224-1 du code du travail ; que lorsque les conditions de ce texte ne sont pas réunies, le transfert d'un contrat de travail d'un salarié d'une entreprise à une autre constitue une modification de ce contrat qui ne peut intervenir sans son accord ; qu'en décidant que le contrat de travail de M. X... avait été transféré de la société POLY URBAINE à la société COVED après la perte d'un marché par la première au profit de la seconde en application de l'annexe V de la Convention collective nationale des activités du déchet qui prévoyait et organisait un tel transfert, malgré le refus exprimé par le salarié en ce sens, la cour d'appel a violé l'article 1134 du Code civil et l'article L. 122-12, alinéa 2, dans sa rédaction alors applicable au litige et devenu l'article L. 1224-1 du Code civil ;

Alors, d'autre part, et à titre subsidiaire, que ni la perte d'un marché de services au profit d'un concurrent, ni la poursuite par l'entreprise entrante, en application d'un accord collectif qui la prévoit et l'organise, des contrats de travail des salariés affectés à ce marché ne relèvent à eux seuls de l'article L. 122-12, alinéa 2, devenu L. 1224-1 du code du travail ; que lorsque les conditions de ce texte ne sont pas réunies, le transfert d'un contrat de travail d'un salarié d'une entreprise à une autre constitue une modification de ce contrat qui ne peut intervenir sans son accord ; qu'à supposer que l'on puisse estimer que la cour d'appel n'a pas suffisamment caractérisé le refus exprimé par le salarié, en ne recherchant pas, comme elle y était pourtant invitée, si M. X... n'avait pas purement et simplement refusé que son contrat de travail soit transféré à la société COVED, de sorte qu'il était resté au service de la société POLY URBAINE, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du Code civil ;


Alors, enfin et en tout état de cause, que la perte d'un marché n'entraîne pas la mise en oeuvre des dispositions de l'article L. 122-12, alinéa 2, devenu L. 1224-1 du Code du travail, à moins qu'elle s'accompagne d'une cession au nouveau titulaire du marché d'une entité économique autonome qui maintient son identité et dont l'activité est poursuivie, laquelle suppose un transfert d'éléments d'exploitation corporels ou incorporels significatifs à entraîner un changement d'employeur ; qu'à supposer que l'on puisse lire l'arrêt comme n'ayant pas jugé que le transfert du contrat de travail était intervenu par le seul effet de l'annexe V de la Convention collective nationale des activités du déchet, le transfert du contrat de travail ne pouvait être opéré de plein droit malgré le refus du salarié qu'en application des dispositions de l'article L. 122-12, alinéa 2, devenu L. 1224-1 du Code du travail, de sorte qu'en ne recherchant pas si la perte de marché s'était accompagnée de la cession par la société POLY URBAINE, entreprise sortante, à la société COVED, entreprise entrante, d'éléments d'exploitation corporels ou incorporels significatifs à entraîner un changement d'employeur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de ce texte.

Moyen produit au pourvoi n° X 08-44.120 par Me Foussard, avocat aux Conseils pour M. X....

L'arrêt infirmatif attaqué encourt la censure ;

EN CE QU' il a mis hors de cause la société POLYURBAINE après avoir retenu que le contrat de travail de M. X... avait été transféré à la société COVED ;

AUX MOTIFS QU'« il convient de rechercher si les conditions du transfert du contrat de travail de M. X..., hormis celle relative à l'autorisation nécessaire au transfert d'un salarié protégé, étaient remplies et s'il s'imposait à toutes les parties au litige ; que les deux sociétés concernées par le marché, se sont référées pour la mise en oeuvre des procédures relatives au transfert des salariés, aux dispositions de l'annexe V de la convention collective nationale des activités du déchet établi suivant le protocole d'accord du 23 février 2000 alors en vigueur et fixant les "conditions de reprise des personnels ouvriers par les employeurs en cas de changement de titulaire d'un marché public" ; que l'article 1er de cet accord, consacré aux obligations à la charge du nouveau titulaire, mentionne que celui-ci "doit reprendre à l'ancien titulaire, à tout le moins, les personnels ouvriers affectés antérieurement au marché concerné…il établira conformément à l'article 28 de la présente convention collective un contrat de travail…qui tiendra compte des dispositions suivantes…" ; que figurent parmi ces dispositions l'absence de période d'essai, la prise en compte de l'ancienneté, le maintien du salaire mensuel brut de base. Au titre de ces dispositions il est précisé : "la signature, par le salarié, du contrat de travail proposé par le nouveau titulaire du marché public vaudra acceptation par le salarié des modalités de reprise. Cette signature entraînera la rupture du contrat vis-à-vis de son ancien employeur sans qu'elle puisse être analysée comme un licenciement" ; que la société POLYURBAINE considère que l'annexe V organise seulement les modalités d'exécution du contrat de travail transféré par l'effet de l'article L122-12 du Code du travail que la société COVED soutient que la signature du contrat de travail avec le nouvel attributaire du marché est une condition de réalisation du transfert ; que la présentation par l'entreprise entrante d'un contrat de travail à la signature du salarié concerné par le marché est une obligation conventionnelle mise à la charge de la société COVED par l'effet du transfert ; que les "conditions de reprise" dont il est fait mention dans l'annexe V de la convention collective sont des modalités d'exécution du transfert ; que le nouveau titulaire doit établir un contrat de travail conforme aux dispositions indiquées ; que la signature du nouveau contrat entraîne acceptation par le salarié des "modalités de reprise" et rupture du contrat de travail avec le précédent employeur ; que pour autant le refus par le salarié de signer le nouveau contrat de travail n'a pas pour effet de faire échec au transfert dés lors que, comme en l'espèce, les personnels repris répondent aux conditions posées par l'article 1er de l'annexe V de la convention collective et que les obligations portées à la charge de la société sortante ont été remplies ; qu'or la société POLYURBAINE a rempli ses obligations conventionnelles en communiquant à la société COVED en temps voulu l'état du personnel à reprendre, en réglant à l'intéressé les sommes dues en fonction du temps passé dans son entreprise et en lui délivrant un certificat un certificat de travail ; que le transfert du contrat de travail de M. X..., autorisé par l'autorité administrative, a été valablement opéré au sein de la société COVED ; qu'il s'ensuit que la société POLYURBAINE est mise hors de cause et le jugement infirmé en ce sens » (arrêt, p. 3) ;

ALORS QUE, premièrement, l'article L. 122-12 alinéa 2 (devenu L. 1224-1) du Code du travail ne s'applique qu'en cas de transfert d'une entité économique autonome conservant son identité et dont l'activité est poursuivie ou reprise ; qu'en cas de changement de titulaire d'un marché public, la seule succession d'employeurs liés par un protocole d'accord fixant les conditions de reprise du personnel ouvrier ne peut suffire à caractériser un tel transfert et à emporter le transfert du contrat de travail, si elle ne s'accompagne pas de la reprise, par le nouveau titulaire du marché, des éléments d'actif corporels ou incorporels nécessaires à l'exploitation de l'entité ; qu'au cas d'espèce, pour mettre hors de cause la société POLYURBAINE, les juges du fond se sont bornés à énoncer que les conditions du transfert du contrat de travail de M. X... étaient remplies et s'imposaient à toutes les parties au litige (arrêt, p. 3, antépénultième §) ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher si la société COVED avait repris les éléments d'actif corporels ou incorporels nécessaires à l'exploitation de l'entité économique à l'occasion de la conclusion du nouveau marché, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard de l'article L. 122-12 alinéa 2 (devenu L. 1224-1) du Code du travail ;

ALORS QUE, deuxièmement et subsidiairement, le transfert du contrat de travail par l'effet de la soumission conventionnelle des employeurs successifs à l'article L. 122-12 alinéa 2 (devenu 1224-1) du Code du travail postule le consentement du salarié ; qu'à supposer que l'arrêt doive être interprété en ce sens qu'il a retenu un accord des sociétés POLYURBAINE et COVED pour se soumettre volontairement aux dispositions de l'article L. 122-12 alinéa 2 (devenu L. 1224-1) du Code du travail, cet accord était impuissant à transférer à lui seul le contrat de travail de M. X... dont les juges du fond relevaient eux-mêmes qu'il avait refusé le nouveau contrat de travail proposé par la société COVED (arrêt p. 2 alinéa 1er) ; qu'en décidant le contraire, motif pris de ce que le refus du salarié ne saurait faire échec au transfert, les juges du fond ont à cet égard violé les articles L. 122-12 alinéa 2 (devenu L. 1224-1) du Code du travail, 1134 et 1165 du Code civil ;


Et ALORS QUE, troisièmement et de la même manière, la cession conventionnelle de contrat postule le consentement du cédé ; qu'à supposer que les juges du fond aient retenu une cession conventionnelle de droit commun du contrat de travail de M. X..., notamment par le jeu du protocole d'accord conclu entre les sociétés POLYURBAINE et COVED, ils ont de ce point de vue violé les articles 1134, 1122 et 1165 du Code civil, dès lors qu'ils constataient que M. X... n'avait pas consenti à cette cession.



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Licenciement
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Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 10/05/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.