par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. com., 16 mars 2010, 09-11236
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Cour de cassation, chambre commerciale
16 mars 2010, 09-11.236

Cette décision est visée dans la définition :
Intérêts moratoires




LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'à la fin du mois de novembre 1992, la Bred banque populaire (la banque) a notifié à la société Serca, titulaire, depuis février 1988, d'un compte en ses livres, sa décision de mettre fin à ses concours financiers ; que la banque l'ayant assignée en paiement du solde débiteur de son compte résultant du découvert qu'elle lui a consenti, la société Serca a contesté les intérêts prélevés par la banque ; qu'à la suite de la mise en redressement judiciaire de la société Serca, la banque a déclaré sa créance entre les mains du représentant des créanciers ;

Sur le troisième moyen :

Attendu que ce moyen ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;

Mais sur le premier moyen, qui est recevable :

Vu l'article 1907, alinéa 2, du code civil, ensemble les articles L. 313-1 et L. 313-2 du code de la consommation ;

Attendu que la prescription de l'action en nullité de l'intérêt conventionnel engagée par un emprunteur qui a obtenu un concours financier pour les besoins de son activité professionnelle court à compter du jour où il a connu ou aurait dû connaître le vice affectant le taux effectif global (TEG) ; que le point de départ de cette prescription, dans le cas d'un découvert, est la réception de chacun des écrits indiquant ou devant indiquer le TEG appliqué ;

Attendu que pour dire prescrite la demande de la société Serca en nullité de la stipulation d'intérêts conventionnels, l'arrêt, après avoir constaté que la convention d'ouverture de compte n'a pas été produite par les parties, que les conditions de compte notifiées le 8 mars 1990 par la banque à la société Serca ne mentionnent pas le TEG du crédit et qu'il résulte par ailleurs des éléments figurant dans le rapport d'expertise et non contestés que ce TEG du crédit n'était pas non plus porté sur les relevés de compte adressés à la société Serca périodiquement, retient que cette dernière société ayant eu connaissance du non-respect de l'obligation d'indiquer par écrit le TEG du crédit accordé par la banque dès le mois de mars 1988, le délai de prescription a donc commencé à courir dès ce moment et que la demande en nullité de la stipulation d'intérêts conventionnels, ayant été formulée pour la première fois par conclusions du 10 mars 1995, a été formée après l'expiration du délai de prescription ;

Attendu qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

Et sur le deuxième moyen :

Vu l'article 1131 du code civil ;

Attendu que pour rejeter la demande reconventionnelle de la société Serca en restitution des intérêts résultant de l'application de dates de valeurs dépourvues de cause, l'arrêt retient que la demande de restitution des intérêts ne peut prospérer que si la stipulation d'intérêts conventionnels est déclarée nulle en raison de la méconnaissance des dispositions légales d'ordre public concernant l'obligation d'un écrit fixant le taux effectif global ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors que l'action en restitution des intérêts perçus indûment par application de dates de valeurs dépourvues de cause peut être engagée dans un délai de cinq ans à partir de leur perception, peu important l'absence de demande en nullité de la stipulation d'intérêts conventionnels, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;


PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a dit prescrite la demande reconventionnelle de la société Serca relative à la nullité de la stipulation d'intérêts conventionnels et en ce qu'elle a fixé la créance au passif du redressement judiciaire de la société Serca à la somme de 129 586,40 euros et ordonné son inscription sur l'état des créances de la société Serca, l'arrêt rendu le 27 octobre 2008, entre les parties, par la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion, autrement composée ;

Condamne la société Bred banque populaire aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;


Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du seize mars deux mille dix.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par Me Blondel, avocat aux Conseils pour la société Serca et M. X..., ès qualités ;

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir rejeté la demande de Me X..., agissant ès qualités, et de la société SERCA tendant à voir recalculer les intérêts prélevés par la BRED au titre des opérations de découvert, d'escompte et d'avances sur marchandises par application du taux légal pour la période postérieure au 10 mai 1990, ensemble fixé la créance de la BRED au passif du redressement judiciaire de la société SERCA à la somme de 129.586,40 euros ;

AUX MOTIFS QUE la demande de restitution des intérêts ne peut prospérer que si la stipulation d'intérêts conventionnels est déclarée nulle en raison de la méconnaissance des dispositions légales d'ordre public concernant l'obligation d'un écrit fixant le taux effectif global et que la cour décide de substituer le taux légal au taux conventionnel ; que l'action en annulation de la stipulation d'intérêts conventionnels se prescrit par 5 ans à compter du jour où l'emprunteur a connu ou aurait dû connaître le vice affectant le taux effectif global ; que s'agissant de crédit en compte courant, le taux effectif global doit non seulement être mentionné à titre indicatif dans la convention d'ouverture de compte, mais doit également figurer sur les relevés périodiques de compte ; que la convention d'ouverture de compte n'a pas été produite par les parties ; que les conditions de compte notifiées le 8 mars 1990 par la BRED à la SERCA ne mentionnent pas le taux effectif global du crédit ; qu'il résulte par ailleurs des éléments figurant dans le rapport d'expertise établi par Olivier de Z... et non contestés que ce taux effectif global du crédit n'était pas non plus porté sur les relevés de compte adressés à la SERCA périodiquement ; qu'ainsi cette dernière a eu connaissance du non-respect de l'obligation d'indiquer par écrit le taux effectif global du crédit accordé par la banque dès le mois de mars 1988 ; que le délai de prescription a donc commencé à courir dès ce moment ; que la demande en nullité de la stipulation d'intérêts conventionnels a été formulée pour la première fois devant le tribunal mixte de commerce de Saint-Denis par conclusions du 10 mars 1995 de la SERCA qui sollicitait alors le calcul du solde du compte courant depuis son ouverture sur la base du taux légal ; qu'il apparaît donc que la demande en nullité de la stipulation d'intérêts conventionnels a été formée après l'expiration du délai de prescription ; que le relevé de compte de la SERCA présentait au 30 novembre 1992 un solde débiteur de 680.395,35 francs (soit 129.586,40 euros) ; qu'il convient d'admettre la créance de la BRED au redressement judiciaire de la SERCA à hauteur de cette somme ;

ALORS QUE la prescription de la demande tendant à l'annulation de la stipulation d'intérêts conventionnels formée par un emprunteur qui a obtenu un concours financier pour les besoins de son activité professionnelle court à compter du jour où il a connu ou aurait dû connaître le vice affectant le taux effectif global ; que, s'agissant d'un crédit en compte courant, le point de départ de cette prescription est la réception de chacun des écrits indiquant ou devant indiquer le TEG appliqué ; qu'en l'espèce, après avoir exactement rappelé que, s'agissant de crédits en compte courant, le taux effectif global devait être mentionné, non seulement dans la convention d'ouverture de compte, mais aussi sur chacun des relevés périodiques de compte, la cour situe ensuite le point de départ de la prescription au mois de mars 1988, correspondant mois suivant l'ouverture du compte, et déclare sur cette base prescrite la demande d'annulation visant l'ensemble des intérêts pratiqués jusqu'à la clôture du compte, intervenue en 1992 ; qu'en statuant de la sorte, cependant que chacun des relevés périodiques de compte ne mentionnant pas régulièrement le TEG avait fait courir un nouveau délai de 5 ans, de sorte que la prescription n'était acquise, comme le soutenait à titre subsidiaire la société SERCA et Me X... agissant ès qualités, que pour la période antérieure au 10 mai 1990, celle-ci ayant été interrompue le 10 mars 1995 (cf. ses écritures p.8 § 42 et s., p.18 § n° 81 et le dispositif de ses mêmes écritures, p.19, 3 derniers § et p.20, 2 premiers §), la cour viole les articles 1304, 1907 du code civil et L. 313-2 du code de la consommation.


DEUXIEME MOYEN DE CASSATION

Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir fixé la créance de la BRED au passif du redressement judiciaire de la société SERCA à la somme de 129.586,40 euros ;

AUX MOTIFS QUE la demande de restitution des intérêts ne peut prospérer que si la stipulation d'intérêts conventionnels est déclarée nulle en raison de la méconnaissance des dispositions légales d'ordre public concernant l'obligation d'un écrit fixant le taux effectif global et que la cour décide de substituer le taux légal au taux conventionnel ; que l'action en annulation de la stipulation d'intérêts conventionnels se prescrit par 5 ans à compter du jour où l'emprunteur a connu ou aurait dû connaître le vice affectant le taux effectif global ; que s'agissant de crédit en compte courant, le taux effectif global doit non seulement être mentionné à titre indicatif dans la convention d'ouverture de compte, mais doit également figurer sur les relevés périodiques de compte ; que la convention d'ouverture de compte n'a pas été produite par les parties ; que les conditions de compte notifiées le 8 mars 1990 par la BRED à la SERCA ne mentionnent pas le taux effectif global du crédit ; qu'il résulte par ailleurs des éléments figurant dans le rapport d'expertise établi par Olivier de Z... et non contestés que ce taux effectif global du crédit n'était pas non plus porté sur les relevés de compte adressés à la SERCA périodiquement ; qu'ainsi cette dernière a eu connaissance du non-respect de l'obligation d'indiquer par écrit le taux effectif global du crédit accordé par la banque dès le mois de mars 1988 ; que le délai de prescription a donc commencé à courir dès ce moment ; que la demande en nullité de la stipulation d'intérêts conventionnels a été formulée pour la première fois devant le tribunal mixte de commerce de Saint-Denis par conclusions du 10 mars 1995 de la SERCA qui sollicitait alors le calcul du solde du compte courant depuis son ouverture sur la base du taux légal ; qu'il apparaît donc que la demande en nullité de la stipulation d'intérêts conventionnels a été formée après l'expiration du délai de prescription ; que le relevé de compte de la SERCA présentait au 30 novembre 1992 un solde débiteur de 680.395,35 francs (soit 129.586,40 euros) ; qu'il convient d'admettre la créance de la BRED au redressement judiciaire de la SERCA à hauteur de cette somme ;

ALORS QUE les remises et retraits opérés sur un compte bancaire, à l'exception des remises de chèques en vue de leur encaissement, n'impliquent pas que, même pour le calcul des intérêts, les dates de crédit ou de débit soient différées ou avancées ; qu'abstraction faite de l'illicéité éventuelle de la stipulation d'intérêts conventionnels ou des mentions relatives à la détermination du taux effectif global, le client d'une banque est toujours fondé à obtenir restitution des intérêts indûment prélevés, comme dépourvus de cause, par application dus système dit des «dates de valeurs», sans qu'il soit pour lui besoin d'établir préalablement la nullité de la stipulation d'intérêt ; qu'en estimant néanmoins que la prescription quinquennale dans laquelle est enfermée l'action en nullité relative visant la stipulation d'intérêt faisait obstacle à la demande de restitution des intérêts indûment prélevés, sans rechercher, comme elle y était invitée, si, à supposer même prescrite l'action en nullité, la société SERCA et Me X... ès qualités n'étaient pas à tout le moins fondés à obtenir restitution des intérêts indûment prélevés comme résultant de la mise en oeuvre des «dates de valeurs», demande qui n'était assujettie qu'à la prescription décennale applicable en matière commerciale (cf. les dernières écritures de la société SERCA et de Me X..., agissant ès qualités, p.8 § 44, p.10, § n° 29 et s., p.18 dernier §, et le dispositif de ses mêmes écritures, p.19, pénultième alinéa), la cour ne justifie pas légalement sa décision au regard des articles 4 du code de procédure civile et 1131 du code civil, ensemble au regard des articles 1304 du code civil et L. 110-4 du code de commerce.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION

Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir débouté la société SERCA et Me X..., agissant ès qualités, de leur demande tendant au remboursement, au titre des « commissions de découvert », d'une somme principale de 28.535,66 euros (187.181,65 francs) ;

AUX MOTIFS QUE la SERCA demande paiement de la somme de 28.535,66 euros en se fondant sur une lettre de la BRED du 13 mars 1992 par laquelle cette dernière s'engageait à exonérer son client de la commission de découvert ; que cependant l'expert de Z... note dans son rapport que des redressements d'agios ont été effectués par la BRED le 30 septembre 1992 en faisant observer qu'ils correspondent à l'exonération promise ; qu'il s'ensuit que la demande de paiement n'est pas non plus fondée et qu'il convient de la rejeter ;

ALORS QUE, D'UNE PART, dans son rapport d'expertise, M. de Z... avait observé, s'agissant des commissions de découvert : « Je note que la BRED par courrier du 13 mars 1992 exonère la SERCA de cette commission à partir du 30 mars 1991 (…) Je note des redressements agios du 30 septembre 1992 pour 28.085,41 francs, qui correspondent peut-être à cette exonération », tout en ajoutant « le total à ex-tourner est en définitive de 186.725,09 francs, selon l'annexe B calcul des intérêts débiteurs, la régularisation opérée n'est donc pas claire » ; qu'en considérant pourtant que l'expert avait constaté que les redressements d'agios opérés correspondaient à l'exonération promise (cf. arrêt, 5ème page, pénultième alinéa), quand l'expert s'était au contraire montré extrêmement dubitatif quant à ce, ce qui l'avait d'ailleurs conduit à proposer d'ex-tourner une somme amplement supérieure aux supposés redressements opérés par la BRED, la cour statue au prix d'une éclatante dénaturation du rapport d'expertise précité ;


ET ALORS QUE, D'AUTRE PART et subsidiairement, il appartenait à la BRED, qui avait à cet égard la charge de la preuve, de justifier de l'exécution de l'obligation de restitution qu'elle avait souscrite dans sa lettre du 13 mars 1992 ; que dès lors, la cour ne pouvait rejeter la demande en paiement formée à cet égard par la SERCA et Me X..., agissant ès qualités, en se fondant exclusivement sur les constatations du rapport de M. de Z... qui, sur ce point, encouraient le reproche d'être dubitatives (cf. « qui correspondent peut-être à cette exonération (…) la régularisation opérée n'est donc pas claire »), que sous cet angle, l'arrêt n'est pas légalement justifié au regard des articles 1315, alinéa 2, et 1134 du code civil.



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Cette décision est visée dans la définition :
Intérêts moratoires


Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 10/05/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.