par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles
Cass. civ. 3, 7 juillet 2010, 09-14579
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Cour de cassation, 3ème chambre civile
7 juillet 2010, 09-14.579
Cette décision est visée dans les définitions suivantes :
Bail à construction
Lésion
LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique : Vu l'article 1674 du code civil, ensemble l'article 1675 du même code ; Attendu que si le vendeur a été lésé de plus des sept douzièmes dans le prix d'un immeuble, il a le droit de demander la rescision de la vente, quand même il aurait expressément renoncé dans le contrat à la faculté de demander cette rescision, et qu'il aurait déclaré donner la plus-value ; que pour savoir s'il y a lésion de plus de sept douzièmes, il faut estimer l'immeuble suivant son état et sa valeur au moment de la vente ; Qu'en statuant ainsi, par des motifs qui ne suffisent à caractériser l'indivisibilité entre le bail à construction et la vente et alors que l'aléa doit s'apprécier au jour de la réalisation de la vente, soit en l'espèce au jour de la levée de l'option, la cour d'appel a violé les textes susvisés ; PAR CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 3 décembre 2008 rectifié le 24 février 2009, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ; Condamne la SIEMP aux dépens ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Attendu, selon les arrêts attaqués (Paris, 3 décembre 2008 et 24 février 2009), que, par acte du 23 novembre 1981, la société Relix, aux droits de laquelle se trouve Mme
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, a conclu avec la Société immobilière d'économie mixte de la ville de Paris (SIEMP), un bail à construction par lequel la société Relix, propriétaire d'un terrain le donnait en location à la SIEMP qui s'engageait à y édifier, à ses frais, après démolition des existants, un bâtiment de cinq étages pour partie à usage commercial et pour partie à usage d'habitation ou professionnel ; que le bail était consenti pour une durée de 23 ans commençant à courir le 1er janvier 1982 et au prix annuel de 58 540 francs payable par trimestre ; que le bailleur promettait de vendre le terrain à la SIEMP, à charge pour celle-ci de notifier son acceptation dans les six mois précédent le dernier trimestre du bail soit entre le 1er avril et le 30 septembre 2004, le prix de la vente, si elle se réalisait, étant fixé à dix années de loyer tel que ce loyer sera dû en fonction de la clause de révision pour chacune des deux dernières années du bail ; que par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 27 septembre 2004, reçue par Mme
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le 29 septembre 2004, la SIEMP a notifié son intention d'acquérir aux clauses et conditions prévues à l'acte du 23 novembre 1981 ; que Mme
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a refusé la vente en se prévalant du caractère lésionnaire du prix ; que la SIEMP a assigné Mme
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en réalisation forcée de la vente ;
Attendu que pour déclarer parfaite la vente intervenue entre Mme
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et la SIEMP au prix de 114 598,80 euros, ordonné la réitération de cette vente par acte authentique et débouter Mme
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de ses demandes, l'arrêt retient que l'acte du 23 novembre 1981 comporte plusieurs conventions qui forment un ensemble indivisible, à savoir un bail permettant à la SIEMP, preneuse, de prendre la jouissance du terrain avec l'obligation d'en faire édifier un bâtiment, après démolition des anciennes constructions existant sur le terrain et, en fin de bail, une promesse de vente du terrain d'assiette, qu'il a été convenu que la vente, si elle se réalise, aura lieu moyennant un prix équivalent à dix années de loyers du bail à construction en sorte que le transfert de la propriété du terrain d'assiette quoique reportée en fin de bail serait payé sur la base des loyers réglés, cette clause rendant les deux opérations indissociables, et que le prix résiduel était calculé sur des loyers révisés, ce qui confère à la vente un caractère aléatoire interdisant l'application des articles 1674 et 1675 du code civil ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la SIEMP à payer à Mme
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la somme de 2 500 euros ; rejette la demande de la SIEMP ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du sept juillet deux mille dix.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt AUX MOTIFS ADOPTES QUE la vente d'immeuble résultant du contrat de bail à construction, à la suite de levée d'option par le preneur, n'est pas rescindable pour cause de lésion, la vente ne constituant pas une convention isolée mais un contrat faisant partie de l'opération globale de bail à construction ; que les parties ont fixé le prix d'acquisition du terrain d'assiette par rapport au montant de la globalité des sommes acquittées par le preneur et non en considération d'une valeur vénale du terrain ; que le droit fiscal estime que le prix versé par le preneur pour acquérir le terrain d'assiette est un supplément de loyers ; qu'en cas d'acquisition du terrain d'assiette postérieure à la date prévue d'extinction du bail à construction, le prix d'acquisition se détermine par rapport aux loyers réellement acquittés ; que la levée de l'option par la SIEMP aux conditions et modalités prévues au bail, ne constitue pas une manifestation d'acquérir faite dans le cadre d'une vente isolée mais une convention incluse dans l'opération immobilière globale dont le financement se réalise pendant les vingt-cinq années du contrat ; que le prix d'acquisition du terrain n'est pas établi par les parties au jour de la signature du bail à construction mais par rapport au montant révisé des loyers acquittés au cours des deux dernières années du bail ; 1° ALORS QUE seules échappent aux règles de la rescision pour lésion les conventions dans lesquelles la vente est indivisible d'une autre opération ; que la vente d'un bien immobilier, fût-elle l'accessoire d'un contrat de bail à construction et envisagée selon un prix faisant référence aux loyers versés, n'est pas indissociable de ce contrat ni soustraite de ce seul fait aux règles de la lésion ; qu'en décidant que la vente était indissociable du bail du fait que le prix de l'immeuble était déterminé par rapport aux loyers versés avant la levée de l'option d'achat, la cour d'appel a violé les articles 1674 et 1675 du Code civil ; 2° ALORS QUE l'aléa accepté par les parties et qui exclut la lésion s'apprécie au jour de la réalisation de la vente ; qu'une promesse de vente est unilatérale lorsque l'acquéreur n'est, ni en fait ni en droit, obligé d'acquérir à la date prévue pour la levée de l'option, la vente ne se réalisant en ce cas qu'à la date de la levée de l'option ; qu'en décidant que les règles de la lésion devaient être écartées dès lors qu'au jour de la promesse, il existait un aléa quant au prix qui serait celui de l'immeuble en cas de levée de l'option d'achat, sans constater que l'acquéreur aurait, au jour de la promesse, été obligé d'acquérir, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1674 et 1675 du Code civil ;
Moyen produit par la SCP Gaschignard, avocat aux Conseils pour Mme
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Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré parfaite la vente intervenue entre Madame
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et la SIEMP au prix de 114.598,80 , ordonné la réitération de cette vente par acte authentique et débouté Madame
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de ses conclusions tendant à ce qu'il soit jugé que le prix était inférieur des sept douzièmes au prix réel du terrain nu ;
ET AUX MOTIFS PROPRES QU'aux termes de l'article L. 251-1 du code de la construction et de l'habitation constitue un bail à construction le bail par lequel le preneur s'engage, à titre principal, à édifier des constructions sur le terrain du bailleur et à les conserver en bon état d'entretien pendant toute la durée du bail ; qu'en fin de bail, les constructions peuvent revenir au bailleur par accession sauf la volonté des parties de transférer la propriété du terrain d'assiette au preneur ; que le bail à construction est soumis à une règle juridique spécifique ; que la lésion de plus de 7/12ème concerne les ventes immobilières ; que l'acte du 23 novembre 1981 comporte plusieurs conventions qui forment un ensemble indivisible, à savoir un bail permettant à la SIEMP, preneuse, de prendre la jouissance du terrain avec l'obligation d'en faire édifier un bâtiment, après démolition des anciennes constructions existant sur le terrain et en fin de bail une promesse de vente du terrain d'assiette ; qu'il a été convenu que la vente, si elle se réalise, aura lieu moyennant un prix équivalent à dix années de loyers du bail à construction en sorte que le transfert de la propriété du terrain d'assiette quoique reportée en fin de bail serait payé sur la base des loyers réglés, cette clause rendant les deux opérations indissociables ; qu'en outre, les parties ont fixé le prix d'acquisition du terrain en fin de bail au montant cumulé des loyers sur plusieurs années et non sur la valeur vénale du terrain et que la manifestation d'option par la SIEMP le 27 septembre 2004 en conformité aux clauses du bail ne s'inscrit pas dans une opération de vente mais dans une opération globale ; que le fait qu'au regard du droit fiscal les loyers perçus pendant la durée du bail soient analysés comme des revenus fonciers ne fait que confirmer que le transfert de propriété n'intervient qu'au terme dudit bail et est sans incidence sur l'évaluation convenue ; qu'au surplus, il était convenu qu'au cas où la régularisation interviendrait après l'expiration du bail, toutes sommes versées s'imputeraient sur le prix ; que le prix résiduel était calculé sur des loyers révisés, ce qui confère à la vente un caractère aléatoire interdisant l'application des articles 1674 et 1675 du Code civil ; qu'enfin l'indemnité compensatrice de l'accession des constructions au terrain au cas où la preneuse ne demanderait pas la réalisation de la vente du terrain d'assiette était fixée dans la convention à 4 millions de francs, soit 609.796 , qu'aucune révision n'était convenue et que Madame
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ne soutient pas que ce prix correspondrait à la valeur actuelle des constructions ;
3° ALORS QUE selon l'article XII du contrat, « (
), en cas de non réalisation de la promesse de vente en fin de bail, une indemnité déterminée à ce jour à la somme de QUATRE MILLIONS DE FRANCS (4.000.000 F) et correspondant à la valeur actuellement définie entre les parties des constructions, travaux et aménagements à édifier devra être versée par le preneur au bailleur ; cette indemnité variera en plus ou en moins, de manière à correspondre, au moment où elle pourra être due, à la valeur des constructions, travaux et aménagements effectués par le preneur, compte tenu de l'état de ceux-ci à l'époque considérée » ; qu'en affirmant, pour analyser l'économie du contrat, que l'indemnité compensatrice, au cas où la preneuse ne demanderait pas la réalisation de la vente du terrain d'assiette, était fixée dans la convention à 4 millions de francs et « aucune révision n'était convenue », la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de ladite clause et violé ainsi l'article 1134 du Code civil.
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Cette décision est visée dans les définitions suivantes :
Bail à construction
Lésion
Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 10/05/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.