par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. civ. 3, 8 septembre 2010, 09-67434
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Cour de cassation, 3ème chambre civile
8 septembre 2010, 09-67.434

Cette décision est visée dans la définition :
Expert judiciaire




LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 2 mars 2009), que, par contrat du 16 janvier 1993, les époux X... ont confié la construction d'une maison à la société Pailhe frères, qui a sous-traité la réalisation du lot chauffage à M. Y..., exerçant en son nom personnel ; que les travaux ont été réceptionnés le 8 juin 1994 ; que des dysfonctionnements du chauffage étant apparus, une expertise a été ordonnée ; qu'une décision l'ayant condamnée à payer aux époux X... la somme de 40 420, 57 euros à titre de dommages-intérêts, la société Pailhe frères a assigné M. Y... en paiement de cette somme ;

Sur le premier moyen :

Attendu que M. Y... fait grief à l'arrêt de rejeter la fin de non-recevoir tirée de la prescription, alors, selon le moyen :

1° / que les actions en responsabilité contre un sous-traitant en raison de dommages affectant un ouvrage ou des éléments d'équipement d'un ouvrage mentionnés aux articles 1792 et 1792-2 du code civil se prescrivent par dix ans à compter de la réception des travaux ; qu'en décidant néanmoins que le délai de prescription de dix ans de l'action de l'entrepreneur principal envers son sous-traitant ne peut commencer à courir qu'à compter du jour où il a lui-même été assigné en responsabilité par le maître de l'ouvrage, la cour d'appel a violé les articles 2 et 5 de l'ordonnance n° 2005-658 du 8 juin 2005, portant modification de diverses dispositions relatives à l'obligation d'assurance dans le domaine de la construction et aux géomètres experts, ensemble l'article L. 110-4 du code de commerce ;

2° / que, subsidiairement, comme toute action en responsabilité contractuelle dirigée contre un constructeur, l'action en responsabilité exercée par le maître d'oeuvre à l'encontre du sous-traitant se prescrit par dix ans à compter de la réception de l'ouvrage avec ou sans réserve ; qu'en décidant néanmoins que cette action se prescrit par dix ans à compter du jour où le maître d'oeuvre a lui-même été assigné en responsabilité par le maître de l'ouvrage, la cour d'appel a violé les articles 2270 du Code civil et L. 110-4 du code de commerce, dans leur rédaction antérieure à la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 ;

Mais attendu qu'ayant retenu, à bon droit, par motifs adoptés, que si l'ordonnance du 8 juin 2005, prise en son article 2, était d'application immédiate pour les contrats conclus antérieurement, cette application immédiate ne pouvait avoir pour effet, sauf à violer le principe de non rétroactivité des lois, d'appliquer une prescription, acquise en vertu des nouveaux principes, au litige en cours, la cour d'appel en a exactement déduit qu'en application de l'article L. 110-4 du code de commerce le délai décennal de l'action ouverte à la société Pailhe frères à l'encontre de M. Y... ayant débuté le 16 mars 2001, date à laquelle sa responsabilité avait été mise en cause par le maître de l'ouvrage, cette action engagée le 24 mai 2006 n'était pas prescrite ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le deuxième moyen :

Attendu que M. Y... fait grief à l'arrêt de le déclarer responsable des désordres et de le condamner à payer à la société Pailhe frères la somme de 51 645, 03 euros, alors, selon le moyen, que le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'un rapport d'expertise n'est opposable à une partie que si elle a été appelée ou représentée aux opérations d'expertise en cette même qualité ; qu'en décidant néanmoins que les rapports d'expertise étaient opposables à M. Y..., pris en son nom personnel, motif pris qu'il avait été à même de discuter les analyses et les conclusions du pré-rapport d'expertise judiciaire avant le dépôt du rapport définitif, après avoir pourtant constaté que M. Y... avait été appelé à participer aux opérations d'expertise en sa seule qualité de gérant de la société ACF Y... et non en son nom personnel, la cour d'appel a violé les articles 16, 155 et 160 du code de procédure civile ;

Mais attendu qu'ayant constaté que M. Y... avait participé aux opérations d'expertise, auxquelles il avait été appelé en qualité de gérant de la société ACF Y..., en sachant que les travaux litigieux avaient été réalisés alors qu'il exerçait son activité en son nom personnel et sans invoquer l'inopposabilité des opérations à son égard devant les experts et relevé qu'il avait été mis en mesure de discuter les analyses et les conclusions du pré-rapport d'expertise avant le dépôt du rapport définitif, la cour d'appel a pu en déduire, sans violer l'article 16 du code de procédure civile, que le rapport d'expertise lui était opposable ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le troisième moyen, ci-après annexé :

Attendu qu'ayant relevé que les insuffisances du système de chauffage étaient dues à un sous-dimensionnement de l'installation par rapport à l'ouvrage et que seule une étude thermique était de nature à éviter ce sous-dimensionnement, la cour d'appel, qui a retenu, procédant à la recherche prétendument omise, que la réalisation de l'étude thermique relevait de la seule responsabilité du professionnel, le constructeur de maisons individuelles n'ayant pas les connaissances techniques pour ce faire, a légalement justifié sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. Y... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne M. Y... à payer à la société Pailhe frères la somme de 2 500 euros ; rejette la demande de M. Y... ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du huit septembre deux mille dix.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Richard, avocat aux Conseils pour M. Y....

PREMIER MOYEN DE CASSATION

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré non prescrite l'action exercée par la Société PAILHE FRERES à l'encontre de Monsieur Frédéric Y..., puis d'avoir condamné ce dernier à lui payer la somme de 51. 645, 03 Euros à titre de dommages-intérêts ;

AUX MOTIFS QUE s'agissant de la prescription de l'action engagée par l'entrepreneur principal contre son sous traitant, l'ordonnance 2005-658 du 8 juin 2005, entrée en vigueur le 10 juin 2005, consacrant une jurisprudence résultant d'un arrêt de la Cour de cassation du 16 octobre 2002, dit " Maisons BOTTEMER ", a instauré un article 2270-2 du Code civil, aux termes duquel " les actions en responsabilité contre un sous-traitant en raison de dommages affectant un ouvrage ou des éléments d'équipement d'un ouvrage mentionnés aux articles 1792 et 1792-2 du code civil se prescrivent par dix ans à compter de la réception des travaux, et pour les dommages affectant ceux des éléments d'équipement de l'ouvrage mentionnés à l'article 1792-3, par deux ans à compter de cette même réception " ; que ces dispositions sont d'application immédiate pour les contrats et marchés conclus antérieurement par application de l'article 5 de l'ordonnance susvisée ; que toutefois les dispositions de l'article L. 110-4 du Code de commerce, dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, et dont les deux parties considèrent qu'il est applicable à leurs relations contractuelles, impliquent que le délai de prescription de dix ans de l'action de l'entrepreneur principal envers son sous-traitant ne peut commencer à courir qu'à compter du jour où il a lui même été assigné en responsabilité par le maître de l'ouvrage ; qu'en l'espèce, les travaux litigieux ont été réceptionnés le 8 juin 1994 sans réserves concernant le lot exécuté par Monsieur Y... ; qu'il ressort des pièces produites que Monsieur et Madame X... ont signalé les défauts affectant l'installation de chauffage à Monsieur Y... par courrier du 31 décembre 1994, mais aucun élément ne permet d'affirmer que ces désordres ont alors été dénoncés au constructeur ; que la responsabilité de la Société PAILHE FRERES a été mise en cause par le maître de l'ouvrage suivant une assignation en référé du 16 mars 2001, et la mesure d'expertise ordonnée a été rendue commune à la Société ACF Y... par ordonnance du 21 août 2001 ; que l'assignation au fond a été délivrée par Monsieur et Madame X... à la Société PAILHE FRERES et à la Société ACF Y... le 24 avril 2003 ; qu'en conséquence le délai décennal de l'action ouverte à la Société PAILHE FRERES à l'encontre de Monsieur Y... ayant débuté le 16 mars 2001, cette action engagée le 24 mai 2006 n'est pas prescrite ; que le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a rejeté la fin de non recevoir tirée de la prescription ;

1°) ALORS QUE les actions en responsabilité contre un sous-traitant en raison de dommages affectant un ouvrage ou des éléments d'équipement d'un ouvrage mentionnés aux articles 1792 et 1792-2 du Code civil se prescrivent par dix ans à compter de la réception des travaux ; qu'en décidant néanmoins que le délai de prescription de dix ans de l'action de l'entrepreneur principal envers son sous-traitant ne peut commencer à courir qu'à compter du jour où il a lui-même été assigné en responsabilité par le maître de l'ouvrage, la Cour d'appel a violé les articles 2 et 5 de l'ordonnance n° 2005-658 du 8 juin 2005, portant modification de diverses dispositions relatives à l'obligation d'assurance dans le domaine de la construction et aux géomètres experts, ensemble l'article L. 110-4 du Code de commerce ;

2°) ALORS QUE, subsidiairement, comme toute action en responsabilité contractuelle dirigée contre un constructeur, l'action en responsabilité exercée par le maître d'oeuvre à l'encontre du sous-traitant se prescrit par dix ans à compter de la réception de l'ouvrage avec ou sans réserve ; qu'en décidant néanmoins que cette action se prescrit par dix ans à compter du jour où le maître d'oeuvre a lui-même été assigné en responsabilité par le maître de l'ouvrage, la Cour d'appel a violé les articles 2270 du Code civil et L. 110-4 du Code de commerce, dans leur rédaction antérieure à la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION (subsidiaire)

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré Monsieur Frédéric Y... responsable, envers la Société PAILHE FRERES, des désordres affectant l'installation de chauffage de l'immeuble de Monsieur et Madame X... et de l'avoir en conséquence condamné à payer à la Société PAILHE FRERES la somme de 51. 645, 03 € à titre de dommages-intérêts ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE Monsieur Frédéric Y... a participé aux opérations d'expertise de Monsieur Z... et de Monsieur A... auxquelles il avait été appelé en qualité de gérant de la Société ACF Y..., en sachant que les travaux litigieux avaient été réalisés alors qu'il exerçait son activité en son nom personnel, et qu'il n'a pas invoqué l'inopposabilité de ces opérations à son égard devant les experts ; qu'il a été mis en demeure de discuter les analyses et les conclusions du pré-rapport d'expertise judiciaire avant le dépôt du rapport définitif que le premier juge lui a justement déclaré opposable ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE sur l'opposabilité de l'expertise, il convient de relever que Monsieur Y... a participé aux opérations d'expertise de Monsieur Z... et de Monsieur A..., sachant que les travaux litigieux avaient été réalisés alors qu'il exerçait en son nom personnel ; qu'il n'a jamais invoqué ce moyen devant les experts et qu'il a été émis en mesure de discuter les conclusions de l'expert avant le dépôt de son rapport, qui doit lui être déclaré opposable ;

ALORS QUE le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'un rapport d'expertise n'est opposable à une partie que si elle a été appelée ou représentée aux opérations d'expertise en cette même qualité ; qu'en décidant néanmoins que les rapports d'expertise étaient opposables à Monsieur Y..., pris en son nom personnel, motif pris qu'il avait été à même de discuter les analyses et les conclusions du pré-rapport d'expertise judiciaire avant le dépôt du rapport définitif, après avoir pourtant constaté que Monsieur Y... avait été appelé à participer aux opérations d'expertise en sa seule qualité de gérant de la Société ACF Y... et non en son nom personnel, la Cour d'appel a violé les articles 16, 155 et 160 du Code de procédure civile.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION (également subsidiaire)

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré Monsieur Frédéric Y... responsable, envers la Société PAILHE FRERES, des désordres affectant l'installation de chauffage de l'immeuble de Monsieur et Madame X... et de l'avoir en conséquence condamné à payer à la Société PAILHE FRERES la somme de 51. 645, 03 € à titre de dommages-intérêts ;

AUX MOTIFS QUE le sous-traitant, même non accepté, est tenu envers l'entrepreneur principal d'une obligation de résultat et sa responsabilité ne peut être atténuée que par la faute personnelle du constructeur ; que l'expert, Monsieur A..., dont les conclusions non contestées reposent sur un étude thermique réalisée par le cabinet CECAT, attribue les insuffisances du système de chauffage à un sous-dimensionnement de cette installation par rapport à l'ouvrage, et donc à un vice de conception ; qu'il relève le caractère fautif de l'absence d'étude thermique préalable à l'établissement du devis de la Société Y... , car seule une telle étude était susceptible d'éviter ce sous-dimensionnement du système réversible " froid / chaud " mis en place, et stigmatise le comportement de l'installateur qui a repris à son compte le devis d'un concurrent, la Société FRIMATARN, sans s'assurer que le système prévu conviendrait aux besoins usuels de chauffage du bâtiment auquel il était destiné, particulièrement en période froide ; que Monsieur Y... ne peut valablement s'exonérer de sa responsabilité en soutenant qu'il a réalisé cette installation sur la base d'une étude de la Société FRIMATARN, alors que le document auquel il se réfère ne constitue qu'un devis adressé à Monsieur X... en janvier 2003 ; que le tribunal a observé à juste titre que la réalisation de l'étude thermique relevait de la seule responsabilité du professionnel, le constructeur de maisons individuelles n'ayant pas les connaissances techniques pour ce faire ; qu'aucune faute de nature à limiter le recours de la Société PAILHE FRERES ne peut être retenue à l'encontre de celle-ci ; qu'il est établi par les pièces produites et non contesté que la Société PAILHE FRERES a réglé la somme de 51. 645, 03 euros en principal, frais de procédure, d'expertise et intérêts au profit du maître de l'ouvrage ; que la condamnation de Monsieur Y... au paiement de cette somme sera confirmée ;

ALORS QUE si le sous-traitant est tenu à l'égard de l'entrepreneur principal d'une obligation de résultat, le défaut de contrôle et de vérification des travaux du sous-traitant par l'entrepreneur principal est de nature à exonérer le sous-traitant de sa responsabilité ; qu'en se bornant à affirmer que Monsieur Y..., sous-traitant de la Société PAILHE FRERES, aurait dû s'assurer que le système prévu conviendrait aux besoins usuels de chauffage du bâtiment auquel il était destiné, sans rechercher, comme elle y était invitée, si la Société PAILHE FRERES avait manqué à son obligation de contrôler et de vérifier si le type de chauffage installé était adapté à la taille de la maison de Monsieur et Madame X..., ce qui constituait une faute de nature à exonérer Monsieur Y... de sa responsabilité à son égard, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du Code civil.



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Cette décision est visée dans la définition :
Expert judiciaire


Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 10/05/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.