par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. civ. 1, 6 octobre 2010, 09-12718
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Cour de cassation, 1ère chambre civile
6 octobre 2010, 09-12.718

Cette décision est visée dans la définition :
Prestation compensatoire




LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


Attendu que M. X... et Mme Y... ont contracté mariage le 8 mars 2000 sans contrat préalable ; que deux enfants sont issus de cette union, Marie née le 20 juillet 1998 et Florine née le 16 octobre 2003 ; qu'un jugement du 28 janvier 2008 a, notamment, prononcé le divorce des époux sur le fondement des articles 233 et 234 du code civil et condamné M. X... à verser à Mme Y... une prestation compensatoire sous la forme d'un capital de 21 000 euros et une somme de 4 000 euros à titre de dommages-intérêts sur le fondement de l'article 1382 du code civil ;

Sur le premier moyen, pris en ses trois premières branches :

Attendu que Mme Y... fait grief à l'arrêt attaqué, infirmatif de ce chef, de l'avoir déboutée de sa demande de prestation compensatoire alors, selon le moyen ;

1°) que, d'une part, dans la détermination des besoins et des ressources en vue de la fixation de la prestation compensatoire, la durée de la vie commune antérieure à la célébration du mariage doit être prise en considération, en particulier lorsqu'un enfant est né durant cette période ; qu'en retenant que le juge n'avait pas à tenir compte d'une période de vie commune antérieure au mariage d'une durée de 8 années, la cour d'appel a violé l'article 271 du code civil ;

2°) que, d'autre part, à tout le moins le juge peut prendre en compte cette période de vie commune ; qu'en énonçant qu'elle n'avait pas à le faire et en méconnaissant ainsi l'étendue de ses pouvoirs, la cour d'appel a violé l'article 271 du code civil ;

3°) qu'en toute occurrence dans la détermination des besoins et des ressources en vue de la fixation de la prestation compensatoire, le juge ne peut tout à la fois refuser de prendre en considération la vie commune antérieure au mariage et la durée totale de celui-ci ; qu'ainsi, la cour d'appel, en refusant tout à la fois de prendre en considération la période de vie commune antérieure au mariage et celle de séparation postérieure à la célébration de celui-ci, a violé l'article 271 du code civil ;

Mais attendu que pour apprécier l'existence du droit de l'un des époux à bénéficier d'une prestation compensatoire et pour en fixer le montant, le juge ne doit pas tenir compte de la vie commune antérieure au mariage mais peut prendre en considération la durée de la vie commune postérieure à la célébration du mariage ; d'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le second moyen, ci-après annexé :

Attendu que Mme Y... fait encore grief à l'arrêt de l'avoir déboutée de sa demande de dommages-intérêts ;

Attendu qu'après avoir relevé que si M. X... avait fait l'objet d'une procédure de paiement direct en avril 2006 pour un arriéré de 4 000 euros, il établissait que sur la période litigieuse, il avait payé plusieurs loyers pour le domicile conjugal en sus des sommes mises à sa charge par décisions judiciaires et qu'un chèque avait soldé l'arriéré d'indexation de décembre 2006 à mai 2008, la cour d'appel a souverainement estimé que Mme Y... ne justifiait pas avoir subi un préjudice du fait de l'inexécution par M. X... du jugement de contribution aux charges du mariage et de l'ordonnance de non-conciliation ; d'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;

Mais sur la quatrième branche du premier moyen :

Vu les articles 270 et 271 du code civil ;

Attendu que pour rejeter la demande de prestation compensatoire formée par l'épouse, l'arrêt retient que Mme Y... perçoit des prestations familiales à hauteur de 802,48 euros et un revenu mensuel de 529,83 euros au titre du congé parental, soit 1 332,21 euros par mois ;

Qu'en statuant ainsi, alors que les prestations destinées aux enfants, ne constituent pas des revenus bénéficiant à un époux, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ses dispositions relatives à la prestation compensatoire, l'arrêt rendu le 6 janvier 2009, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée ;

Laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. X... ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six octobre deux mille dix.


MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Bénabent, avocat aux conseils pour Mme Y... ;

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué, infirmatif de ce chef, d'avoir débouté Madame Virginie Y... de sa demande de prestation compensatoire ;

AUX MOTIFS QUE «considérant qu'en application de l'article 270 du Code civil, l'un des époux peut être tenu de verser à l'autre une prestation compensatoire destinée à compenser, autant qu'il est possible, la disparité que la rupture du mariage crée dans leurs conditions de vies respectives, en fonction de la situation au moment du prononcé du divorce et de l'évolution dans un avenir prévisible ; considérant qu'il y a lieu de tenir compte, notamment, de l'âge et de l'état de santé des époux, de la durée du mariage, du temps déjà consacré ou à consacrer à l'éducation des enfants, de la qualification et de la situation professionnelle des époux au regard du marché du travail, de leurs situations respectives en matière de pension de retraite et de patrimoine, tant en capital qu'en revenu, après la liquidation du régime matrimonial ; considérant qu'en revanche le juge n'a pas à tenir compte de la vie commune antérieure au mariage pour déterminer les besoins et les ressources des époux en vue de la fixation de la prestation compensatoire ; considérant que le mariage a été célébré en mars 2000, qu'il n'est pas contesté que Laurent X... a quitté le domicile conjugal en juillet 2004 ; considérant que Virginie Y..., née en 1971, a travaillé à mi-temps de septembre 2001 à octobre 2002, a subi une période de chômage de novembre 2002 à janvier 2003 et a repris un emploi à mi-temps en février 2003 suivi d'un congé maternité et d'une démission à effet fin juin 2004 pour prendre un congé parental ; considérant qu'après la rupture de la vie commune, intervenue en juillet 2004, elle a alterné le travail à temps partiel et le congé parental, puis à obtenu un contrat à durée indéterminée à temps plein en novembre 2005 ; considérant que pour l'année 2006 son revenu mensuel moyen était de 1 100 euros, qu'en 2007 sur son avis d'imposition figurent des salaires ou assimilés à hauteur de 6 358 euros ; considérant que Virginie Y... vit avec un compagnon et a eu avec lui un troisième enfant, qu'elle est actuellement en congé parental et perçoit des prestation familiales à hauteur de 802,48 euros et un revenu mensuel de 529, 83 euros au titre d'un congé parental soit 1 332,31 euros par mois ; considérant que pour l'année 2007 Monsieur Z..., compagnon de Virginie Y... justifie n'avoir touché aucun revenu, qu'il établit faire face à de nombreux crédits d'un montant de 1 942,65 euros par mois ; considérant que Virginie Y... produit un bail signé par elle-même et son compagnon le 3 septembre 2005 pour un loyer mensuel de 1 296 euros, des quittances de loyers à son nom pour un montant de 645 euros et des relevés de compte sur lesquels figurent les débits correspondant, que du fait que le propriétaire du logement soit la mère de Monsieur Z..., il ne peut donc être déduit que le couple ne pait pas de loyer ; considérant que jusqu'en 2007 Laurent X..., né en 1968, a exercé la profession d'informaticien libéral, que d'après son avis d'imposition il a perçu en 2007 un cumul net imposable de 51 726 euros soit 4 310 euros par mois ; considérant que, depuis janvier 2008, il exploite en location gérance un fonds de commerce de restauration rapide, qu'il établit qu'en 7 mois il a dégagé un bénéfice de 8 866 euros et qu'il a obtenu, en raison, de ses difficultés financières, des délais de l'administration fiscale pour le paiement de son impôt sur le revenu 2007 ; considérant que sur sa déclaration sur l'honneur il mentionne pour 2008 un revenu de 15 198 euros soit 1 266, 50 euros par mois, que dans ses écritures il fait état d'un revenu de 2 500 euros par mois ; considérant que sa compagne, Madame A... établit avoir démissionné de son emploi en 2007 et avoir perçu pour l'année 2007 un revenu de 7 447 euros, qu'elle bénéficie également de délais de paiement pour des dettes fiscales anciennes, que Laurent X... soutient qu'elle l'aide gracieusement au restaurant mais ne donne pas d'explication sur la charge salariale de 15 160 euros qui apparaît sur le compte de résultat pour la période de janvier à juillet 2008 ; considérant que, outre ses charges courantes, le couple fait face à un loyer mensuel de 1 539 euros et à des crédits à hauteur de 845 euros ; considérant que de ces éléments il résulte que moins de six années se sont écoulées entre l'installation de Virginie Y... avec un nouveau compagnon, que les conjoints sont encore jeunes, que la nouvelle activité professionnelle de Laurent X..., par nature aléatoire, n'est pas florissante, que Virginie Y... pendant le mariage n'a sacrifié que quelques trimestres de cotisation de retraite et qu'elle pourra retrouver un emploi à l'issue de son congé parental ; considérant ainsi que la rupture du mariage n'a pas créé de disparité dans leurs conditions de vie respectives, qu'il convient de réformer la décision du premier juge et de débouter Virginie Y... de sa demande de prestation compensatoire» ;

ALORS QUE D'UNE PART dans la détermination des besoins et des ressources en vue de la fixation de la prestation compensatoire, la durée de la vie commune antérieure à la célébration du mariage doit être prise en considération, en particulier lorsqu'un enfant est né durant cette période ; qu'en retenant que le juge n'avait pas à tenir compte d'une période de vie commune antérieure au mariage d'une durée de huit années, la Cour d'appel a violé l'article 271 du Code civil ;

ALORS QUE D'AUTRE PART à tout le moins le juge peut prendre en compte cette période de vie commune ; qu'en énonçant qu'elle n'avait pas à le faire et en méconnaissant ainsi l'étendue de ses pouvoirs, la Cour d'appel a violé l'article 271 du Code civil ;

ALORS QU'EN TOUTE OCCURRENCE dans la détermination des besoins et des ressources en vue de la fixation de la prestation compensatoire, le juge ne peut tout à la fois refuser de prendre en considération la vie commune antérieure au mariage et la durée totale de celui-ci ; qu'ainsi, la Cour d'appel, en refusant tout à la fois de prendre en considération la période de vie commune antérieure au mariage et celle de séparation postérieure à la célébration de celui-ci, a violé l'article 271 du Code civil ;

ALORS QU'ENFIN les prestations, destinées aux enfants, ne constituent pas des revenus bénéficiant à un époux et n'ont pas à entrer en ligne de compte pour l'appréciation de la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives ; qu'en incluant parmi les ressources de Madame Virginie Y... les prestations familiales perçues pour ses enfants, la Cour d'appel a violé l'article 271 du Code civil ;

SECOND MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir débouté Madame Virginie Y... de sa demande de dommages et intérêts ;

AUX MOTIFS QUE «Virginie Y... se prévaut de l'inexécution par Laurent X... du jugement de contribution aux charges du mariage et ensuite de l'ordonnance de non-conciliation ; considérant que Laurent X... a fait l'objet d'une procédure de paiement direct en avril 2006 pour un arriéré de 4 000 euros, que sur la période litigieuse il établit avoir payé plusieurs loyers pour le domicile conjugal en sus des sommes mises à sa charge par décision judiciaire, qu'un chèque de 240,36 euros a soldé l'arriéré d'indexation de décembre 2006 à mai 2008 ; considérant que Virginie Y... ne justifie pas avoir subi un préjudice distinct de celui résultant de la rupture du lien conjugal, il convient d'infirmer la décision du premier juge et de la débouter de sa demande fondée sur l'article 1382 du Code civil» ;

ALORS QU'en première instance, le Juge aux affaires familiales avait condamné Monsieur Laurent X... au paiement de dommages et intérêts sur le fondement de l'article 1382 aux motifs qu'en ne payant pas la contribution aux charges du mariage ni les pensions alimentaires mises à sa charge, alors qu'il connaissait parfaitement la situation professionnelle et la faiblesse des revenus de son épouse, et en la contraignant donc à recourir à une procédure de paiement direct à son encontre, il lui avait causé un préjudice matériel mais également moral par les soucis et les difficultés financières occasionnés ; que Madame Virginie Y... faisait valoir dans ses conclusions d'appel que des défauts de paiement imputables à Monsieur Laurent X... avaient entraîné son interdiction bancaire et par suite de nombreux frais et tracas (cf : Conclusions d'appel de Madame Virginie Y..., pp. 16 à 19) ; que la Cour d'appel, en rejetant sa demande de réparation sans s'expliquer sur ce moyen par lequel elle démontrait avoir subi un préjudice distinct de celui résultant de la rupture du mariage, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil.



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Cette décision est visée dans la définition :
Prestation compensatoire


Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 10/05/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.