par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. soc., 16 février 2011, 10-10110
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Cour de cassation, chambre sociale
16 février 2011, 10-10.110

Cette décision est visée dans la définition :
Licenciement




LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


Sur le moyen unique :

Vu les articles L. 1233-3 et L. 1233-16 du code du travail ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X..., qui avait été engagée le 18 septembre 1989 en qualité de secrétaire d'avocat par M. Y..., et reprise par M. Z... le 1er octobre 1996, a été licenciée le 22 novembre 2006 pour motif économique en raison de la chute du nombre de dossiers de crédits permanents et de pré-contentieux de loyers impayés et résiliation de baux dont elle avait la charge entraînant la suppression de son poste ;

Attendu que pour condamner l'employeur au paiement d'une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt énonce que la lettre de licenciement ne fait état que d'une baisse de l'une des activités du cabinet sans invoquer de difficultés économiques ou une réorganisation pour sauvegarder la compétitivité, que la seule baisse du chiffre d'affaires n'induit pas ipso facto une menace sur la compétitivité et ne suffit pas à établir la réalité des difficultés économiques ;

Qu'en statuant ainsi, alors que la motivation de la lettre de licenciement, qui faisait état d'une baisse d'activité résultant de la disparition d'un certain nombre de contentieux traités par le cabinet et de son incidence sur l'emploi de la salariée, était fondée sur des faits précis et matériellement vérifiables, la cour d'appel, à qui il appartenait de vérifier l'existence de difficultés économiques résultant de cette baisse d'activité, a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 5 novembre 2009, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Caen ;

Condamne Mme X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;


Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du seize février deux mille onze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour M. Z...

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué D'AVOIR dit que le licenciement de Madame X... ne reposait pas sur une cause réelle et sérieuse et d'avoir en conséquence condamné Maître Z... à lui payer une somme de 38 000 € à titre de dommages et intérêts ;

AUX MOTIFS QU'il était de jurisprudence constante que la lettre notifiant au salarié son licenciement économique tout en lui proposant une convention de conversion doit être motivée ; qu'il doit en être de même pour le salarié qui accepte une convention de reclassement personnalisé qui doit pouvoir se prévaloir d'un défaut de motivation de la lettre de licenciement, la convention de reclassement personnalisé n'étant qu'une modalité de la rupture qui n'échappe pas au droit du licenciement pour motif économique ; qu'il convient d'appliquer en l'espèce les principes en matière de motivation résultant des articles L. 1233-2 et L.1233-16 du Code du travail qui obligent à énoncer les motifs économiques, les termes de la lettre de licenciement fixant définitivement les termes du litige ; qu'il est de jurisprudence constante que la lettre de licenciement doit comporter l'énonciation, d'une part de la cause (difficultés économiques, mutations technologiques, sauvegarde de la compétitivité), d'autre part de l'incidence sur l'emploi, suppression, transformation d'emploi ou refus d'une modification du contrat de travail ; qu'en l'espèce, la lettre du 22 novembre 2006 est motivée comme il suit :
«suppression définitive de votre emploi de secrétaire, motivée par les circonstances suivantes :
fin 1989, vous êtes entrée au service du cabinet en qualité de secrétaire.
Vous avez en charge principalement des dossiers de :
- «crédits permanents » devant le Tribunal d'instance,
- pré-contentieux loyers impayés pour des clients importants, agents immobiliers,
- résiliation de baux devant le Tribunal d'instance pour les mêmes agences.
Or, comme vous le savez, le nombre de dossiers «crédits permanents» a chuté et surtout le cabinet n'a plus en charge le pré-contentieux de deux agences immobilières précitées qui ont été depuis absorbées par un groupe national.
En effet, cette enseigne a pour principe de négocier le pré-contentieux avec les seuls huissiers de justice qu'elle désigne.
De même sur instruction de ce groupe, ce sont ces auxiliaires de justice qui rédigent les commandements avec clause résolutoire de bail et les assignations en résiliation devant le Tribunal d'instance.
Cette situation traduit celle des cabinets comme le mien qui assuraient des prestations pour le compte des sociétés qui, à ce jour, modifient le mode de recouvrement de leurs créances.
Vous êtes seule à exercer ses prestations, d'autant que vos deux autres collègues de travail sont clercs et justifient de compétences différentes et essentielles au Cabinet.
- impossibilité de vous reclasser à un poste correspondant à votre qualification
Aucun poste correspondant à votre qualification n'est actuellement vacant, je ne peux dès lors proposer de solution de reclassement» ;
que cette lettre ne fait état que d'une baisse de l'une des activités du Cabinet sans invoquer de difficultés économiques ou une réorganisation pour sauvegarder la compétitivité ; que la seule baisse du chiffre d'affaires n'induit pas ipso facto une menace sur la compétitivité et ne suffit pas à établir la réalité des difficultés économiques ; qu'il est de jurisprudence constante que la lettre de licenciement qui, pour justifier la suppression du poste de la salariée, se borne à faire état d'une baisse de chiffre d'affaires, ne répond pas aux exigences légales de motivation de la lettre de licenciement ; que l'énoncé d'un motif imprécis dans la lettre de licenciement équivaut à une absence de motif et a pour effet de rendre le licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

1°-ALORS QUE la lettre du 22 novembre 2006 adressée par Maître Z... à Madame X..., indique que la suppression de son poste de secrétaire résulte d'un ensemble de faits – perte définitive des affaires «crédits permanents» ainsi que des dossiers «pré-contentieux», confiés définitivement à d'autres auxiliaires de justice par les clients- qui établissent la baisse significative et irrémédiable de l'activité du cabinet de Maître Z... ; qu'un tel motif ne se confond pas avec celui de la seule baisse de chiffres d'affaires ; qu'en énonçant que la lettre de licenciement «se borne à faire état d'une baisse du chiffre d'affaires», pour en déduire que le motif est imprécis et équivaut à une absence de motif, la Cour d'appel en a dénaturé les termes clairs et précis et a violé l'article 1134 du Code civil ;

2° ALORS QUE la lettre qui énonce les motifs de la rupture du contrat de travail résultant de l'acceptation par le salarié d'une convention de reclassement personnalisé, est suffisamment motivée dès lors que l'employeur indique à la fois la cause économique de la rupture et son incidence sur l'emploi ; qu'en l'espèce répond à ces exigences de motivation, la lettre du 22 novembre 2006 qui fait état d'une part de la suppression de poste de Madame X... et d'autre part de la baisse significative et irrémédiable de l'activité du cabinet de Maître Z... qui était confiée à Madame X... ; qu'en jugeant le contraire au motif que la lettre n'invoquerait ni des difficultés économiques ni une réorganisation pour sauvegarder sa compétitivité, la Cour d'appel a violé les articles L.1233-3 et L.1233-67 du Code du travail ;


3°- ALORS ENFIN QU 'en retenant que «la seule baisse du chiffre d'affaires n'induit pas ipso facto une menace sur la compétitivité et ne suffit pas établir la réalité des difficultés économiques», sans examiner si ainsi que le faisait valoir Monsieur Z... dans ses conclusions d'appel la réorganisation du cabinet, par la suppression du poste de Madame X..., n'était pas justifiée par la nécessité d'assurer la sauvegarde de sa compétitivité dans la mesure où la perte de la clientèle entrainait une baisse de 40% de son résultat, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L.1233-3 et L.1233-67 du Code du travail.



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Cette décision est visée dans la définition :
Licenciement


Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 10/05/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.