par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles
Cass. civ. 1, 1er juin 2011, 10-19028
Dictionnaire Juridique
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Cour de cassation, 1ère chambre civile
1er juin 2011, 10-19.028
Cette décision est visée dans la définition :
Adoption
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu que, le 24 août 2006, est née au Mans une enfant prénommée Jeanne, Marie, Eloïse ; que son acte de naissance ne mentionne aucune filiation ; que, le 29 août 2006, Mme X..., qui n'a pas accouché sous le secret, a confié cet enfant à l'organisme autorisé pour l'adoption, "famille adoptive française", contre signature d'un document attestant qu'elle a pris connaissance de ses droits ; que, le 31 août 2006, Mme X... a déposé plainte pour avoir été victime d'un viol survenu à Tours le 5 décembre 2005 ; que l'organisme agréé, "famille adoptive française", en était informé le 5 septembre 2006 ; que, le 9 novembre 2006, le juge des tutelles du siège de l'organisme autorisé réunissait un conseil de famille et nommait Mme Y... tutrice de l'enfant ; que le conseil de famille consentait à l'adoption de Jeanne ; que, quatre jours plus tard, soit le 13 novembre 2006, l'organisme autorisé recevait une réquisition afin de procéder à un prélèvement ADN sur l'enfant ; que, le 20 décembre 2006, Jeanne était confiée, en vue de son adoption, aux époux Z... qui déposaient, le 21 juin 2007, une requête en adoption plénière ; que M. A... informait, le 16 février 2008, l'organisme autorisé de sa paternité résultant de l'expertise génétique et s'enquerrait de la situation juridique de l'enfant ; que le 25 février 2008, le magistrat instructeur lui confirmait que l'expertise avait conclu à 99,997 % à sa paternité à l'égard de Jeanne ; que, le 7 mars 2008, M. A... reconnaissait l'enfant ; que Mme X... reconnaissait Jeanne à son tour le 15 mars 2008 ; qu'en sa qualité de tutrice Mme Y... et la "famille adoptive française" les ont assignés, le 14 novembre 2008, en annulation de ces deux reconnaissances ;
Sur le premier moyen, pris en ses diverses branches :
Attendu que M. A... fait grief à l'arrêt attaqué (Paris, 25 février 2010) d'avoir annulé sa reconnaissance, alors, selon le moyen :
1°/ que ne peuvent être adoptés que les enfants pour lesquels les père et mère ou le conseil de famille ont valablement consenti à l'adoption, les pupilles de l'Etat et les enfants judiciairement déclarés abandonnés ; que Jeanne qui n'entre dans aucune de ces trois catégories d'enfants ne pouvait pas être placée en vue de son adoption plénière, de sorte qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé l'article 347 du code civil ;
2°/ que l'enfant dont la filiation n'est pas établie est admis en qualité de pupille de l'Etat à titre provisoire, deux mois après son recueil par l'Aide sociale à l'enfance qui établit un procès-verbal, et est admis en qualité de pupille de l'Etat à titre définitif par arrêté du président du conseil général ; que l'enfant est adoptable à compter de cet acte ; que Jeanne n'ayant pas été admise en qualité de pupille de l'Etat préalablement à la mise en oeuvre de la procédure d'adoption, la cour d'appel a violé les articles 347 du code civil, L. 224-4 1° et L. 224-5 du code de l'action sociale et des familles ;
3°/ que le consentement à l'adoption de l'enfant dont la filiation n'est pas établie est donné par le conseil de famille, lequel doit comporter des représentants du conseil général désignés par cette assemblée, des personnalités qualifiées désignées par le représentant de l'Etat dans le département, outre des membres d'associations à caractère familial ; que le consentement à l'adoption de Jeanne donné par un conseil de famille irrégulièrement composé est nul, de sorte que la cour d'appel a violé les articles 347 du code civil, L. 224-2, L. 224-8, R. 225-12 et R. 225-13 du code de l'action sociale et des familles ;
4°/ que la procédure d'adoption d'un enfant dont la filiation n'est pas établie est encadrée par des garanties destinées à protéger l'intérêt de l'enfant, dont, spécialement, l'ouverture d'une tutelle déférée à l'aide sociale à l'enfance, l'information de la personne qui remet l'enfant, par l'organisme auquel il est remis, et le recours possible contre l'acte administratif qui admet l'enfant en qualité de pupille de l'Etat ; qu'en l'espèce, ces garanties de protection n'ont pas bénéficié à Jeanne, de sorte que la cour d'appel a encore violé les articles 347 du code civil, L. 224-2, L. 224-8, R. 225-12 et R. 225-13 du code de l'action sociale et des familles ;
Mais attendu qu'après avoir relevé, d'une part, que Jeanne avait été valablement confiée par sa mère de naissance à l'organisme autorisé et habilité pour l'adoption "famille adoptive française" sans qu'il ait été besoin de déférer sa tutelle à l'aide sociale à l'enfance, d'autre part, que Mme X... avait été, en application de l'article R. 225-25 du code de l'action sociale et des familles, informée de ses droits, notamment de celui de reprendre sans aucune formalité l'enfant dans un délai de deux mois, c'est à bon droit qu'en application de l'article 347 du code civil, la cour d'appel a retenu que Jeanne entrait dans la catégorie des enfants adoptables pour lesquels le conseil de famille, valablement constitué, a consenti à l'adoption ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Sur le deuxième moyen :
Attendu que M. A... fait le même grief à l'arrêt, alors, selon le moyen, que la reconnaissance de paternité, déclarative de filiation, produit ses effets à compter de la naissance de l'enfant ; que seul le père qui a reconnu son enfant peut consentir à son adoption, de sorte que les effets du placement irrégulier de l'enfant en vue de son adoption sont rétroactivement résolus ; qu'ainsi la cour d'appel a violé ensemble les articles 316 et 352, alinéa 2 du code civil ;
Mais attendu qu'ayant retenu, d'abord, que Mme X..., informée de ses droits, n'avait pas repris l'enfant dans le délai de deux mois, ensuite, que M. A..., qui s'était rendu à l'hôpital après l'accouchement, s'était abstenu de reconnaître l'enfant et n'avait pas manifesté d'intérêt à son égard avant le mois de janvier 2008, enfin, qu'un délai de quatre mois avait séparé le recueil de l'enfant de son placement, la cour d'appel a, à bon droit, retenu, qu'au regard de l'article 351 du code civil, le placement en vue d'adoption de l'enfant était régulier de sorte qu'il faisait échec à la reconnaissance litigieuse ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le troisième moyen :
Attendu que M. A... fait le même grief à l'arrêt, alors, selon le moyen :
1°/ que selon l'article 7 § 1 de la Convention de New-York du 26 janvier 1990 relative aux droits de l'enfant, applicable directement devant les tribunaux français, l'enfant a, dès sa naissance et dans la mesure du possible, le droit de connaître ses parents ; que l'adoption plénière de Jeanne, qui aura pour effet une rupture totale et définitive avec M. Julien A... qui l'a reconnue et dont il n'est pas contesté qu'il est son père biologique, est un obstacle irréversible pour Jeanne de connaître son père et de construire un lien avec lui, de sorte qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé ce texte ;
2°/ que chacun a droit au respect de sa vie familiale ; que le simple écoulement du temps entre la naissance de l'enfant et sa reconnaissance par son père biologique n'est pas un élément pertinent pour apprécier l'intérêt de l'enfant qui est de construire dans l'avenir un lien avec celui-ci, afin de ne pas être coupé de ses racines ; qu'eu égard aux circonstances particulières de la naissance de Jeanne, et spécialement du viol invoqué par sa mère de naissance, il était légitime que M. Julien A... attende les résultats des tests génétiques ordonnés par le juge d'instruction avant de reconnaître Jeanne ; qu'en refusant de tenir compte de ces circonstances, la cour d'appel a violé l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme ;
Mais attendu que c'est par une appréciation souveraine que la cour d'appel a estimé, sans méconnaître l'article 7 § 1 de la Convention de New-York du 26 janvier 1990 relative aux droits de l'enfant et l'article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, que, passé un délai suffisant pour que les parents de naissance puissent manifester leur intérêt et souscrire une reconnaissance, il était contraire à l'intérêt supérieur de l'enfant de le priver de l'environnement familial stable que peut lui conférer le placement en vue d'adoption dans l'attente d'une hypothétique reconnaissance, intervenue 17 mois après la naissance sans manifestation antérieure d'intérêt ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. A... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du premier juin deux mille onze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt.
Moyens produits par Me Brouchot, avocat aux Conseils, pour M. A....
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR dit nulle et de nul effet la reconnaissance souscrite le 7 mars 2008 à la mairie du Mans par M. Julien A... de Jeanne, Marie, Eloïse née au Mans le 24 août 2006, d'AVOIR ordonné la mention de cette disposition sur l'acte de reconnaissance annulé et d'AVOIR annulé la mention apposée le 7 mars 2008 de la reconnaissance souscrite le 7 mars 2008 à la mairie du Mans par M. Julien A... sur l'acte de naissance de l'enfant Jeanne, Marie, Eloïse inscrite le 26 août 2006 sur les registres de l'état civil de la mairie du Mans, comme née le 24 août 2006 ;
AUX MOTIFS QUE conformément aux dispositions de l'article R. 225-24 du Code de l'action sociale et des familles, l'association La Famille Adoptive Française a avisé le président du conseil général de la Sarthe, lequel en a accusé réception le 8 septembre 2006, du recueil de l'enfant en annexant au courrier la copie de la déclaration de Mlle Bérengère X... ; qu'en conséquence, l'enfant a été valablement confié par la mère de naissance à l'organisme autorisé pour l'adoption sans qu'il ait été besoin de déférer la tutelle de l'enfant à l'ASE ; que les appelants soutiennent que Jeanne n'était pas un enfant adoptable faute d'entrer dans les catégories prévues à l'article 347 du Code civil et que le consentement donné par le conseil de famille doit être considéré comme nul ; que l'article 347 du Code civil, visant expressément « les enfants pour lesquels le conseil de famille a valablement consenti à l'adoption », Jeanne était un enfant adoptable ; que selon l'article 348-4 du Code civil « lorsque le conseil de famille consent à l'adoption de l'enfant en le remettant à un organisme autorisé pour l'adoption, le choix de l'adoptant est laissé au tuteur avec l'accord du conseil de famille de la tutelle organisée à l'initiative de l'organisme autorisé pour l'adoption » ; que lors de la délibération du 9 novembre 2006, le conseil de famille a consenti à l'adoption de l'enfant après avoir constaté l'absence de filiation de Jeanne et de manifestation d'intérêt de ses père et mère de naissance ; que les appelants objectent en vain que le conseil de famille était sans base légale, composé de tiers sans lien avec l'enfant, ne remplissait pas les conditions d'impartialité exigées par l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, alors que les personnes qui le composaient étaient les membres de l'association à laquelle Mlle Bérengère X... avait confié l'enfant, qui en assumait la charge matérielle et morale, et que face au désintérêt des père et mère de naissance vis-à-vis de Jeanne, on ne voit pas comment ils auraient pu être appelés à composer le conseil de famille ; que les appelants soutiennent enfin que le placement en vue de l'adoption ne peut produire ses effets car il n'a pas été valablement et définitivement consenti à l'adoption au sens de l'article 351 du Code civil puisque le délai de rétractation du consentement à l'adoption de deux mois n'était pas expiré ; qu'en vertu de l'article 351 du Code civil, « le placement en vue de l'adoption est réalisé par la remise effective aux futurs adoptants d'un enfant pour lequel il a été valablement et définitivement consenti à l'adoption Lorsque la filiation de l'enfant n'est pas établie, il ne peut y avoir de placement en vue de l'adoption pendant un délai de deux mois à compter du recueil de l'enfant » ; que la faculté de rétractation de deux mois mentionnée à l'article 348-3 du Code civil concerne les personnes qui ont consenti à l'adoption devant un greffier en chef, un notaire, un agent diplomatique ou consulaire français ou le service de l'aide sociale, mais non le consentement émanant du conseil de famille présidé par le juge des tutelles donnant son consentement dans un procès-verbal ; que cependant cette délibération peut être frappée d'un recours dans un délai de quinze jours ; qu'en l'espèce à défaut de recours, le consentement à l'adoption est définitif et valable ;
ALORS, D'UNE PART, QUE ne peuvent être adoptés que les enfants pour lesquels les père et mère ou le conseil de famille ont valablement consenti à l'adoption, les pupilles de l'Etat et les enfants judiciairement déclarés abandonnés ; que Jeanne qui n'entre dans aucune de ces trois catégories d'enfants ne pouvait pas être placée en vue de son adoption plénière, de sorte qu'en statuant comme elle l'a fait, la Cour d'appel a violé l'article 347 du Code civil ;
ALORS, D'AUTRE PART, QUE l'enfant dont la filiation n'est pas établie est admis en qualité de pupille de l'Etat à titre provisoire, deux mois après son recueil par l'Aide sociale à l'enfance qui établit un procès-verbal, et est admis en qualité de pupille de l'Etat à titre définitif par arrêté du président du conseil général ; que l'enfant est adoptable à compter de cet acte ; que Jeanne n'ayant pas été admise en qualité de pupille de l'Etat préalablement à la mise en oeuvre de la procédure d'adoption, la Cour d'appel a violé les articles 347 du Code civil, L. 224-4 1° et L. 224-5 du Code de l'action sociale et des familles ;
ALORS, ENSUITE, QUE le consentement à l'adoption de l'enfant dont la filiation n'est pas établie est donné par le conseil de famille, lequel doit comporter des représentants du conseil général désignés par cette assemblée, des personnalités qualifiées désignées par le représentant de l'Etat dans le département, outre des membres d'associations à caractère familial ; que le consentement à l'adoption de Jeanne donné par un conseil de famille irrégulièrement composé est nul, de sorte que la Cour d'appel a violé les articles 347 du Code civil, L. 224-2, L. 224-8, R. 225-12 et R. 225-13 du Code de l'action sociale et des familles ;
ALORS ENFIN, QUE la procédure d'adoption d'un enfant dont la filiation n'est pas établie est encadrée par des garanties destinées à protéger l'intérêt de l'enfant, dont, spécialement, l'ouverture d'une tutelle déférée à l'Aide sociale à l'enfance, l'information de la personne qui remet l'enfant, par l'organisme auquel il est remis, et le recours possible contre l'acte administratif qui admet l'enfant en qualité de pupille de l'Etat ; qu'en l'espèce, ces garanties de protection n'ont pas bénéficié à Jeanne, de sorte que la Cour d'appel a encore violé les articles 347 du Code civil, L. 224-2, L. 224-8, R. 225-12 et R. 225-13 du Code de l'action sociale et des familles.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR dit nulle et de nul effet la reconnaissance souscrite le 7 mars 2008 à la mairie du Mans par M. Julien A... de Jeanne, Marie, Eloïse née au Mans le 24 août 2006, d'AVOIR ordonné la mention de cette disposition sur l'acte de reconnaissance annulé et d'AVOIR annulé la mention apposée le 7 mars 2008 de la reconnaissance souscrite le 7 mars 2008 à la mairie du Mans par M. Julien A... sur l'acte de naissance de l'enfant Jeanne, Marie, Eloïse inscrite le 26 août 2006 sur les registres de l'état civil de la mairie du Mans, comme née le 24 août 2006 ;
AUX MOTIFS QUE M. Julien A... a eu connaissance de la naissance de Jeanne puisque, présent la veille avec ses parents, il s'est rendu avec sa mère à l'hôpital après l'accouchement et qu'à supposer qu'il ait été alors en situation de détresse psychologique, il n'était pas isolé puisqu'il était entouré de ses parents qui pouvaient lui prodiguer leurs conseils et l'aider à réfléchir ; qu'ayant vécu et entretenu avec Mlle Bérengère X... des relations intimes durant la période légale de conception de l'enfant, M. Julien A..., qui a acquiescé à la demande de prélèvements ADN le 18 décembre 2006 dans le cadre de l'information pénale, pouvait, certes sans certitude, supposer être le géniteur de l'enfant et, malgré ses chances statistiques de paternité, il s'est abstenu de reconnaître l'enfant, n'a pas sollicité du juge civil une mesure d'expertise biologique, ne s'est pas préoccupé des résultats des tests génétiques, et s'est borné à en attendre les résultats dont il a été avisé le 16 janvier 2008 et n'a pas réclamé à l'association La Famille Adoptive Française d'information sur Jeanne avant le 16 janvier 2008 ; que, par suite, M. Julien A..., dûment informé de la naissance, disposant de la conscience suffisante pour réfléchir aux conséquences de ses actes s'est abstenu de toute manifestation d'intérêt en faveur de l'enfant jusqu'au mois de janvier 2008 ; que Melle Bérengère X... et M. Julien A... ayant disposé de délais suffisants pour se rétracter durant les quatre mois qui ont séparé le recueil du placement n'ont pas été privés de leur droit de mener une vie privée et familiale au sens de la Convention européenne des droits de l'homme, étant observé que le 13 mars 2008 dans une lettre au procureur de la République Melle Bérangère X... explique que « elle ne sent pas en capacité d'être mère, mais elle va la reconnaître » ;
ALORS, QUE la reconnaissance de paternité, déclarative de filiation, produit ses effets à compter de la naissance de l'enfant ; que seul le père qui a reconnu son enfant peut consentir à son adoption, de sorte que les effets du placement irrégulier de l'enfant en vue de son adoption sont rétroactivement résolus ; qu'ainsi la Cour d'appel a violé ensemble les articles 316 et 352 al. 2 du Code civil.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR dit nulle et de nul effet la reconnaissance souscrite le 7 mars 2008 à la mairie du Mans par M. Julien A... de Jeanne, Marie, Eloïse née au Mans le 24 août 2006, d'AVOIR ordonné la mention de cette disposition sur l'acte de reconnaissance annulé et d'AVOIR annulé la mention apposée le 7 mars 2008 de la reconnaissance souscrite le 7 mars 2008 à la mairie du Mans par M. Julien A... sur l'acte de naissance de l'enfant Jeanne, Marie, Eloïse inscrite le 26 août 2006 sur les registres de l'état civil de la mairie du Mans, comme née le 24 août 2006 ;
AUX MOTIFS QUE M. Julien A... a eu connaissance de la naissance de Jeanne puisque, présent la veille avec ses parents, il s'est rendu avec sa mère à l'hôpital après l'accouchement et qu'à supposer qu'il ait été alors en situation de détresse psychologique, il n'était pas isolé puisqu'il était entouré de ses parents qui pouvaient lui prodiguer leurs conseils et l'aider à réfléchir ; qu'ayant vécu et entretenu avec Mlle Bérengère X... des relations intimes durant la période légale de conception de l'enfant, M. Julien A..., qui a acquiescé à la demande de prélèvements ADN le 18 décembre 2006 dans le cadre de l'information pénale, pouvait, certes sans certitude, supposer être le géniteur de l'enfant et, malgré ses chances statistiques de paternité, il s'est abstenu de reconnaître l'enfant, n'a pas sollicité du juge civil une mesure d'expertise biologique, ne s'est pas préoccupé des résultats des tests génétiques, et s'est borné à en attendre les résultats dont il a été avisé le 16 janvier 2008 et n'a pas réclamé à l'association La Famille Adoptive Française d'information sur Jeanne avant le 16 janvier 2008 ; que, par suite, M. Julien A..., dûment informé de la naissance, disposant de la conscience suffisante pour réfléchir aux conséquences de ses actes s'est abstenu de toute manifestation d'intérêt en faveur de l'enfant jusqu'au mois de janvier 2008 ; que Mlle Bérengère X... et M. Julien A... ayant disposé de délais suffisants pour se rétracter durant les quatre mois qui ont séparé le recueil du placement n'ont pas été privés de leur droit de mener une vie privée et familiale au sens de la Convention européenne des droits de l'homme, étant observé que le 13 mars 2008 dans une lettre au procureur de la République Melle Bérangère X... explique que « elle ne sent pas en capacité d'être mère, mais elle va la reconnaître » ; que Mlle Bérengère X... et M. Julien A... opposent encore l'intérêt supérieur de l'enfant au sens des articles 3 et 7 de la convention internationale des droits de l'enfant au motif que l'enfant a le droit de connaître ses parents et d'être élevé par eux et qu'il n'est pas de son intérêt dans le cas d'une adoption d'écarter la famille de naissance ; que, cependant, il est contraire à l'intérêt supérieur de l'enfant de le priver, passé un délai suffisant pour que les parents de naissance puissent manifester leur intérêt et éventuellement souscrire une reconnaissance, d'un environnement familial stable que peut lui conférer le placement en vue de l'adoption dans l'attente d'une hypothétique reconnaissance, intervenue en l'occurrence dix sept mois après la naissance sans manifestation antérieure d'intérêt ; qu'il convient donc de confirmer le jugement qui a déclaré nulles les reconnaissances faites par Mlle Bérengère X... et M. Julien A... ;
ALORS, D'UNE PART, QUE selon l'article 7 § 1 de la Convention de New York du 26 janvier 1990 relative aux droits de l'enfant, applicable directement devant les tribunaux français, l'enfant a, dès sa naissance et dans la mesure du possible, le droit de connaître ses parents ; que l'adoption plénière de Jeanne, qui aura pour effet une rupture totale et définitive avec M. Julien A... qui l'a reconnue et dont il n'est pas contesté qu'il est son père biologique, est un obstacle irréversible pour Jeanne de connaître son père et de construire un lien avec lui, de sorte qu'en statuant comme elle l'a fait, la Cour d'appel a violé ce texte ;
ALORS, D'AUTRE PART, QUE chacun a droit au respect de sa vie familiale ; que le simple écoulement du temps entre la naissance de l'enfant et sa reconnaissance par son père biologique n'est pas un élément pertinent pour apprécier l'intérêt de l'enfant qui est de construire dans l'avenir un lien avec celui-ci, afin de ne pas être coupé de ses racines ; qu'eu égard aux circonstances particulières de la naissance de Jeanne, et spécialement du viol invoqué par sa mère de naissance, il était légitime que M. Julien A... attende les résultats des tests génétiques ordonnés par le juge d'instruction avant de reconnaître Jeanne ; qu'en refusant de tenir compte de ces circonstances, la Cour d'appel a violé l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme.
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Adoption
Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 10/05/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.