par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles
Cass. com., 28 juin 2011, 10-18432
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Cour de cassation, chambre commerciale
28 juin 2011, 10-18.432
Cette décision est visée dans la définition :
Excès de pouvoir (droit privé)
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Donne acte à la société Intrum Justitia de son intervention volontaire ;
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu les articles L. 624-2 du code de commerce dans sa rédaction issue de la loi du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises, applicable en l'espèce et 125 du code de procédure civile ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que par jugement du 15 juin 2006, la société Transports Bineau (la société Bineau) a été mise en redressement judiciaire, Mme X... étant nommée mandataire judiciaire ; que par ordonnance du 17 juillet 2008, la créance déclarée par la Banque populaire Centre Atlantique (la banque) au titre du solde débiteur d'un compte courant a été rejetée par le juge-commissaire ;
Attendu que pour rejeter la créance, l'arrêt retient, par motif propres et adoptés, que la banque a commis une faute dans l'exécution de la convention de compte en versant au Trésor public l'intégralité du montant d'un avis à tiers détenteur, à savoir 23 556,72 euros, quand le solde du compte n'était créditeur que de la somme de 3 199,07 euros et que la société Bineau ne bénéficiait d'aucune autorisation de découvert ;
Attendu qu'en statuant ainsi alors que la contestation relative à l'exécution prétendument fautive par une banque d'une convention de compte ne relève pas du pouvoir juridictionnel du juge-commissaire, statuant dans la procédure de vérification des créances, et que le moyen tiré du défaut de pouvoir juridictionnel du juge-commissaire constitue une fin de non-recevoir qu'elle était tenue de relever d'office, la cour d'appel, qui devait surseoir à statuer sur l'admission de la créance après avoir invité les parties à saisir le juge compétent, a violé les textes susvisés ;
Et vu l'article 627 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS, sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 16 mars 2010, entre les parties, par la cour d'appel de Poitiers ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
Invite les parties à saisir le juge compétent ;
Dit qu'il sera sursis à statuer sur la contestation de la créance déclarée par la Banque populaire Centre Atlantique jusqu'à la décision de la juridiction compétente ;
Dit que les dépens exposés devant la cour d appel seront supportés par la société Transports Bineau et Mme X..., ès qualités ;
Condamne la société Transports Bineau et Mme X..., ès qualités, aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit juin deux mille onze.MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Didier et Pinet, avocat aux Conseils pour la société Banque populaire Centre Atlantique
Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR rejeté la créance de 20.136,19 correspondant au solde débiteur du compte de la société Transports Bineau, déclarée entre les mains de maître X..., èsqualités de représentant des créanciers de cette société ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE le relevé de compte bancaire de la société Transports Bineau fait apparaître la succession non contestée des opérations suivantes :
- au 9/6/2006, il présentait un solde créditeur de 23.328,95 ;
- il a été débité d'une somme de 135,88 à titre d'agios, à la date d'opération du 9/6/2006 et à la date de valeur du 10/6/2006 ;
- il a été débité d'une somme de 20.000 sous l'intitulé « frais chèque banque Atlantic Fioul », à la date d'opération du 12/6/2006 et à la date de valeur du 11/6/2006 ;
- il a été débité d'une somme de 23.556,72 sous l'intitulé « frais ATD », à la date d'opération et de valeur du 12/6/2006 ;
que la charge de la preuve de la créance qu'elle invoque incombe à la Banque Populaire en application de l'article 1315 alinéa 1er du code civil ;
que ladite banque n'a aucunement démenti ni l'argument de contestation de la créance déclarée par la Banque Populaire au titre du solde débiteur du compte de la société Transports Bineau invoqué par maître X..., ès-qualités, ni la motivation du jugement entrepris, selon lesquels aucune autorisation de découvert n'avait été accordée à la société Transports Bineau, cet élément étant dès lors acquis au débat ; que l'écriture débitrice de 20.000 s'analyse juridiquement en un virement effectué au débit du compte de la société Transports Bineau et au crédit du compte de la Banque Populaire elle-même, afin de le provisionner du montant du chèque de banque émis par cette dernière à l'ordre d'un créancier de la société Transports Bineau (entreprise Atlantic Fioul) ; que la dette de la société Transports Bineau envers la Banque Populaire, créée par ce virement, est entrée en compte dès son exigibilité, et la matérialisation de son écriture en compte avec retard est sans conséquence juridique ; qu'en l'occurrence, la mention de la date de valeur du 11/6/2006 fait présumer que le virement a été opéré, sur le plan comptable, à cette date, bien que son inscription en compte n'ait été matériellement effectuée que le lendemain 12/6/2006 ; que la Banque Populaire ne combat cette présomption par aucune preuve contraire et n'a, notamment, pas produit la copie du chèque qu'elle a émis à l'ordre de l'entreprise Atlantique Fioul ; que le paiement de 23.556,72 envers le trésor public a été fait de manière certaine le 12/06/2006, date unique de valeur et d'inscription de l'opération ; qu'au demeurant, l'avis à tiers détenteur a été notifié à la Banque Populaire précisément le 12/6/2006 ; qu'il résulte des éléments qui précèdent qu'au moment de l'exécution, par la Banque Populaire, dudit avis à tiers détenteur, le compte de la société Transports Bineau présentait un solde créditeur de 3.193,07 (23.328,95 - 135,88 + 20.000 ) ; que dès lors que la société Transports Bineau ne bénéficiait d'aucune autorisation de découvert, la Banque Populaire ne pouvait exécuter l'avis à tiers détenteur qu'à concurrence de ladite somme de 3.193,07 , ayant pour effet de ramener le compte au solde contractuellement minimal de 0 ; qu'il convient d'observer, au surplus, que la Banque Populaire, de manière incohérente, a payé le 12/6/2006 au trésor public une somme de 23.556,72 , alors que le compte ne présentait trois jours plus tôt le 9/6/2006, qu'un solde créditeur de 23.328,95 et qu'aucune écriture créditrice n'avait été passée entre-temps ; que le paiement de la Banque Populaire envers le trésor public au-delà du solde saisissable du compte de la société Transports Bineau s'élevant alors à 3.193,07 a été effectué en méconnaissance des dispositions contractuelles liant les parties, et est dès lors inopposable à la société Transports Bineau, titulaire du compte ; qu'en conséquence, la créance invoquée par la Banque Populaire au titre d'un solde débiteur de compte résultant d'une opération inopposable à la titulaire dudit compte ne peut être admis au passif du redressement judiciaire de cette dernière ; que la Banque Populaire soutient, de manière inopérante, que le rejet de sa créance procurerait à la société Transports Bineau un enrichissement, dès lors qu'elle a fondé sa déclaration de créance sur un solde débiteur de compte (jugé inopposable à la société Transports Bineau en vertu des motifs qui précèdent) et non sur le fondement de l'action de in rem verso (enrichissement sans cause) ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE la Banque Populaire Centre Atlantique a produit au passif de la SARL Transports Bineau pour une somme de 20.136 19 correspondant selon elle, a un compte courant débiteur suite au paiement d'un ATD au profit du Trésor Public et bien que le compte soit insuffisamment provisionné ; qu'il n'est pas contesté que la BPCA n'avait pas renouvelé l'autorisation de découvert dénoncée à la société Bineau en septembre 2005 ; qu'il résulte des pièces versées au dossier que certes les comptes bancaires au 12 juin 2006 étaient positifs de 23.556,72 mais que la BPCA a eu parfaitement connaissance du dépôt du chèque de banque de 20.000 émis au profit d'Atlantic Fioul le 11 juin 2006 débité le 12 juin 2006 ; que la BPCA ne pouvait pas ne pas en avoir connaissance puisqu'il s'agissait d'un chèque de banque émis par elle-même que le système des dates de valeur permet parfaitement au banquier d'anticiper et connaître le montant des chèques remis à l'encaissement et déterminer le solde bancaire du débiteur ; qu'au surplus, le dépôt du chèque au profit d'Atlantic Fuel et le paiement de l'ATD ne sont nullement concomitants ; qu'au 12 juin, la BPCA n'avait nullement la possibilité de régler la créance de 23.556,72 sur un compte qui n'était créditeur que de 3.556,72 ; que seuls ces 3.556,72 devaient être remis au Trésor Public puisque l'ATD doit obligatoirement être opéré sur un compte créditeur et que ce n'était point le cas en l'espèce ; que la BPCA a donc commis une faute et qu'il y a donc lieu de rejeter purement et simplement sa déclaration de créance ;
1°) ALORS QUE la contestation relative à l'exécution prétendument défectueuse d'un contrat ne relève pas du pouvoir juridictionnel du jugecommissaire, statuant dans la procédure de vérification des créances ; tel est le cas de la contestation d'un paiement d'un avis à tiers détenteur fait prétendument irrégulièrement par la banque, à raison de l'insuffisance du solde du compte ; que le moyen tiré du défaut de pouvoir juridictionnel du juge-commissaire constituant une fin de non-recevoir qu'elle était tenue de relever d'office, la cour d'appel, qui devait surseoir à statuer sur l'admission de la créance après avoir invité les parties à saisir le juge compétent, a violé les articles L. 621-104 du code de commerce, 102 de la loi du 25 janvier 1985, ensemble l'article 125 du code de procédure civile ;
2°) ALORS QUE , subsidiairement à la première branche, l'application d'une date de valeur par l'établissement teneur du compte est étrangère à la date d'entrée en compte d'un virement effectué depuis ce compte ; qu'en jugeant que la mention de la date de valeur faisait présumer celle à laquelle le virement avait été opéré au plan comptable, la cour d'appel a violé les articles 1134 et 1235 du code civil ;
3°) ALORS QUE , subsidiairement à la première branche, en se fondant sur une telle présomption, sans rechercher à quelle date la créance de la banque envers la société Transports Bineau, résultant du débit du chèque de banque émis par la BPCA, intervenu, selon les constatations du jugement confirmé, le 12 juin 2006, soit à la date même de l'inscription au débit du compte de la société Transports Bineau, était devenue exigible, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 et 1235 du code civil ;
4°) ALORS QUE , subsidiairement à la première branche, le relevé de compte de la société Transports Bineau indiquait que le 12 juin 2006 le compte avait été débité d'une somme de 20.000 au titre de frais de chèque de banque Atlantic Fioul et d'une somme de 23.556,72 au titre de « blocage ATD » ; qu'il en résultait que ces opérations étaient entrées en compte concomitamment ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a dénaturé le relevé de compte soumis à son appréciation ;
5°) ALORS QUE , subsidiairement à la première branche, entrent immédiatement en compte les créances certaines, liquides et exigibles ; qu'en se fondant sur la connaissance par la banque de ce que le compte de la société Transports Bineau allait être débité du montant du chèque de banque qu'elle avait émis au profit d'une créance de cette société, la cour d'appel a violé l'article 1235 du code civil ;
6°) ALORS QUE , subsidiairement aux cinq premières branches, en se fondant sur le moyen relevé d'office pris de ce que la BPCA, ayant déclaré le solde débiteur d'un compte courant, serait irrecevable à invoquer l'enrichissement injustifié de la société Transports Bineau -ou qu'un tel moyen serait inopérant-, sans inviter les parties à faire valoir, préalablement, leurs observations, la cour d'appel aurait violé l'article 16 du code de procédure civile ;
7°) ALORS QUE , subsidiairement aux cinq premières branches, en s'abstenant de rechercher si, à supposer irrégulier le paiement opéré au profit du Trésor public, le solde débiteur du compte ne matérialisait pas la créance de la banque, fondée sur l'enrichissement injustifié de la société Transports Bineau, qui était entrée en compte, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1239 du code civil ;
8°) ALORS QUE , subsidiairement aux cinq premières branches et à la septième branche, l'établissement de crédit qui déclare une créance au titre du solde débiteur du compte de son client est recevable, lorsqu'est opposée l'irrégularité d'un paiement inscrit au débit de ce compte, à invoquer à l'appui de sa déclaration de créance l'enrichissement injustifié de son client, réalisé par le paiement litigieux ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé l'article L. 622-25 du code de commerce.
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Excès de pouvoir (droit privé)
Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 10/05/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.