par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. civ. 3, 14 septembre 2011, 10-30825
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Cour de cassation, 3ème chambre civile
14 septembre 2011, 10-30.825

Cette décision est visée dans la définition :
Propriété commerciale




LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


Sur le moyen unique :

Vu l'article L. 145-34 du code de commerce dans sa rédaction applicable à la cause, ensemble l'article L. 145-33 du même code ;

Attendu que le montant des loyers des baux à renouveler ou à réviser doit correspondre à la valeur locative ; qu'à moins d'une modification notable des éléments mentionnés aux 1° à 4° de l'article L. 145-33 du code de commerce, le taux de variation du loyer applicable lors de la prise d'effet du bail à renouveler, si sa durée n'est pas supérieure à neuf ans, ne peut excéder la variation de l'indice national trimestriel mesurant le coût de la construction publié par l'Institut national de la statistique et des études économiques intervenue depuis la fixation initiale du loyer du bail expiré ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 28 avril 2010), que Mme X..., propriétaire de locaux commerciaux pris à bail par les époux Y... aux droits desquels est venue la société Les Hauts Pavés, a donné congé à sa locataire avec offre de renouvellement moyennant un certain loyer ; que les parties ne s'étant pas accordées sur le prix du bail renouvelé, le juge des loyers commerciaux a été saisi ;

Attendu que pour admettre le déplafonnement du nouveau loyer, l'arrêt retient que la jurisprudence n'est pas fixée en ce sens que la modification notable des facteurs locaux de commercialité n'est prise en considération qu'autant qu'elle est favorable à l'activité du commerce considéré, qu'une telle modification doit être appréciée en elle-même, par référence seulement à l'impact qu'elle peut avoir sur l'activité commerciale développée, peu important, si cet impact est constaté, qu'il soit favorable ou défavorable et qu'il ne peut pas, en l'espèce, ne pas être tenu compte d'une modification notable des facteurs locaux de commercialité affectant l'activité développée par la société Les Hauts Pavés, que cette dernière admet et tient pour notablement défavorable, à contresens de la jurisprudence en vigueur ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'une modification notable des facteurs locaux de commercialité ne peut constituer un motif de déplafonnement du nouveau loyer qu'autant qu'elle est de nature à avoir une incidence favorable sur l'activité commerciale exercée par le preneur, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 28 avril 2010, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Rennes, autrement composée ;

Condamne Mme X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne Mme X... à payer à la société Les Hauts Pavés la somme de 2 500 euros ; rejette la demande de Mme X... ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze septembre deux mille onze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Hémery et Thomas-Raquin, avocat aux Conseils pour la société Les Hauts Pavés

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR dit qu'il y a lieu à déplafonnement du prix du bail liant Madame Martine X... et la S.A.R.L. des HAUTS PAVES, fixé à 15 700 euros le montant annuel du loyer à compter du 1er juillet 2007, condamné la SARL LES HAUTS PAVES à payer l'intérêt au taux légal sur les sommes dues outre la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et les dépens, débouté la société exposante de sa propre demande ayant le même fondement.

AUX MOTIFS QUE « il est constant, en revanche, que la création de la ligne de tramway passant dans le fonds de commerce de l'intimée a notablement modifié les facteurs locaux de commercialité alors même qu'elle n'a été accompagnée d'aucune rénovation des trottoirs et équipements urbains les plus proches.
Se méprenant, en effet, sur la portée de l'exigence de la loi et de la jurisprudence, la SARL DES HAUTS PAVES s'attache à démontrer que cette nouvelle ligne de tramway a bouleversé les conditions d'exercice de son activité (ses conclusions pages 3 à 5) et, plus généralement, les conditions d'exercice du commerce dans la rue,
- en emportant la suppression de places de stationnement devant son fonds - en permettant à la clientèle de s'évader aisément vers le centre-ville et son offre commerciale encore plus étendue que celle du quartier du rond-point de VANNES.
- en modifiant les sens de circulation dans la rue des Hauts Pavés.
- en obligeant les piétons à traverser la voie au niveau du rond-point et en modifiant leur trajet habituel.
- en obligeant, finalement, plusieurs enseignes à abandonner les lieux dont la commercialité à fléchi.
Ces bouleversements sont confirmés par les attestations convergentes et incontestablement sincères qu'elle a versées aux débats :
M. Bruneau Z... :
«installé depuis 11 ans au ... nous avons pu assister à la fermeture de 2 commerces. Ainsi que deux artisans qui ont déménagé suite au problème de stationnement que l'on peut avoir depuis le passage du tramway. Les places de parking sont très limitées contrairement au début de notre arrivée».
Mme Jacqueline A... :
«La configuration du quartier avec le passage du tram ne nous a causé que des désagréments, la perte de places de parking, population qui se déplace plus rapidement vers AUCHAN ou vers le centre ville. Les chiffres d'affaires qui étaient stables avant cela ont diminué… pas d'embellissement dans le quartier (comme au centre) manque de voirie qui ne font pas de nous un quartier luxueux».
Madame Christine B... :
«le tramway a remplacé le bus dans notre quartier après plusieurs années de travaux. Depuis il a fallu retrouver une clientèle et continuer à prospérer bien que le stationnement des véhicules fût considérablement amoindri.
Autour de mon commerce (...), le restaurant «Le Gavroche», la poissonnerie RIALLAND ont dû fermer. La carrosserie GROLLEAU vient de disparaître ; à côté de l'Atelier de l'Optique, un local est depuis longtemps libre, en face une auto-école n'existe plus. HELIO-NANTES va se déplacer… le tissu commercial tend à disparaître peu à peu dans notre quartier».
Or, contrairement à ce que fait valoir l'appelante, la jurisprudence n'est pas fixée en ce sens que la modification notable des facteurs locaux de commercialité n'est prise en considération qu'autant qu'elle est favorable à l'activité du commerce considéré : par arrêt du 13 juillet 1999, la Cour de Cassation (3ème Chambre Civile publié et commenté dans la Gazette du Palais – 17/18 septembre 1999 p. 26)) a censuré une Cour d'Appel qui, reprenant cette thèse, avait exposé que «en l'absence de preuve de modification favorable des facteurs locaux de commercialité, le prix du bail doit être fixé en fonction des indices».
Cette censure est intervenue au motif qu'en « statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que la baisse de population, alléguée par le locataire et reconnue par la bailleresse, constituait, s'agissant d'un commerce de proximité, une modification notable d'un facteur local de commercialité, la Cour, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les textes susvisés (Articles 23 et 23.6 du décret du 30 septembre 1953).
Depuis lors, cette jurisprudence, nouvelle, n'a pas été remise en cause, et il s'en infère que la modification notable des facteurs locaux de commercialité doit être appréciée en elle-même, par référence seulement à l'impact qu'elle peut avoir sur l'activité commerciale développée mais qu'il importe peu, en revanche, si cet impact est constaté, qu'il soit constaté favorable ou défavorable.
De ce qui précède découle qu'il ne peut pas, en l'espèce, ne pas être tenu compte d'une modification notable des facteurs locaux de commercialité affectant l'activité développée par la SARL DES HAUTS PAVES, que cette dernière admet et tient pour notablement défavorable, à contresens de la jurisprudence en vigueur.
Il convient, en conséquence, d'infirmer le jugement et de prononcer le déplafonnement du prix du bail » (arrêt p. 6 n° 8).

ALORS QU' une modification des facteurs locaux de commercialité ne peut constituer un motif de déplafonnement que si cette modification a eu une incidence favorable sur l'activité du preneur ; qu'en ayant jugé du contraire la Cour d'appel a violé, par fausse application, l'article L 145-34 du Code de commerce.



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Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 09/05/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.