par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. com., 13 décembre 2011, 10-28088
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Cour de cassation, chambre commerciale
13 décembre 2011, 10-28.088

Cette décision est visée dans la définition :
Marque de fabrique




LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


Sur le moyen unique :


Attendu, selon l'arrêt attaqué (Lyon, 7 octobre 2010), que M. X..., titulaire des marques françaises " Y... " et "B Y... " enregistrées pour désigner en particulier des chaussures, et la société Y... , qui les exploite, ont fait assigner les sociétés Puma France et Puma Retail AG (les sociétés Puma) en contrefaçon de marques et concurrence déloyale ; qu'à l'occasion de cette procédure, M. Y... et la société Y... ont, sur le fondement de l'article L 716-7-1 du code de la propriété intellectuelle, demandé au juge de la mise en état d'ordonner la production par les défendeurs de divers documents comptables ; qu'il a été fait droit à cette demande par ordonnance de ce juge du 7 juin 2010 ;

Attendu que les sociétés Puma font grief à l'arrêt d'avoir déclaré irrecevable l'appel-nullité qu'elles avaient formé contre cette ordonnance , alors, selon le moyen :


1°/ que seule peut être ordonnée, sur le fondement de l'article L. 716-7-1 du code de la propriété intellectuelle, la production de documents ou d'informations répondant à la finalité définie par ce texte, c'est-à-dire afin de «déterminer l'origine et les réseaux de distribution des produits contrefaisants qui portent atteinte aux droits du demandeur» ; qu'en ordonnant, sur le fondement de ces dispositions, la production de documents sur les quantités de «chaussures de sport portant dans leur référence le terme « Y... » » achetées, en stock, ou vendues, ainsi que sur le chiffre d'affaires et la marge brute réalisés, quand la production de tels documents et informations ne pouvait permettre de déterminer l'origine et les réseaux de distribution des produits incriminés, le juge de la mise en état a détourné l'article L. 716-7-1 du code de la propriété intellectuelle de sa finalité ; qu'en retenant néanmoins qu'il n'aurait commis aucun excès de pouvoir, la cour d'appel a violé l'article L. 716-7-1 du code de la propriété intellectuelle, tel qu'il doit s'interpréter au regard de l'article 8 de la directive (CE) n° 2004/48 du 29 avril 2004 ;

2°/ que l'article L. 716-7-1 du code de la propriété intellectuelle permet au titulaire de droits de marque de solliciter, auprès de la juridiction saisie d'une action en contrefaçon, et afin de déterminer l'origine et les réseaux de distribution des «produits contrefaisants qui portent atteinte aux droits du demandeur», la production de documents ou informations détenus par le défendeur, ou par toute personne qui a été trouvée en possession de produits «contrefaisants» ou qui est impliquée dans la fourniture de services utilisés «dans des activités de contrefaçon» ; qu'il résulte des termes mêmes de ce texte que le juge ne peut ordonner une telle mesure qu'après avoir statué au fond et retenu que la contrefaçon est établie ; qu'en l'espèce, en retenant que le juge de la mise en état n'avait commis aucun excès de pouvoir en enjoignant, avant tout jugement sur la contrefaçon, aux sociétés Puma de produire un certain nombre de documents comptables, sur le fondement de l'article L. 716-7-1 du code de la propriété intellectuelle, la cour d'appel a violé ledit article, tel qu'il doit s'interpréter au regard de l'article 8 de la directive (CE) n° 2004/48 du 29 avril 2004 ;

3°/ que le juge national ne peut se fonder sur une interprétation d'une directive communautaire qui ne serait pas conforme au principe de proportionnalité ; que ce principe impose de vérifier que la mesure est propre à garantir la réalisation de l'objectif poursuivi et qu'elle ne va pas au-delà de ce qui est nécessaire pour qu'il soit atteint ; que méconnaît le principe de proportionnalité, et est, en conséquence, entachée d'un excès de pouvoir, la décision ordonnant la production forcée par le défendeur à une action en contrefaçon d'informations comptables et commerciales sur les quantités de produits, le chiffre d'affaires et la marge brute réalisée, avant même qu'il soit statué sur la réalité de la contrefaçon ; qu'en décidant du contraire, la cour d'appel a consacré un excès de pouvoir et a violé ensemble et les articles L. 716-7-1 du code de la propriété intellectuelle, tel qu'il doit s'interpréter au regard de l'article 8 de la directive (CE) n° 2004/48, et l'article 5, paragraphe 4, du traité sur l'Union européenne ;


4°/ que le secret des affaires est une composante essentielle du droit au respect de la vie privée ; que constitue une atteinte disproportionnée au secret des affaires l'obligation faite au défendeur à une action en contrefaçon de divulguer à un tiers des documents ou informations se rapportant soit à l'organisation de son réseau de distribution, soit aux quantités de produits achetés, à l'état des stocks, à la marge brute et au chiffre d'affaires réalisés sur les produits argués de contrefaçon, alors même que le juge n'a pas statué au fond sur la contrefaçon ; qu'en retenant que le juge de la mise en état n'aurait commis aucun excès de pouvoir, en ordonnant, avant tout jugement au fond sur la contrefaçon, la production par les sociétés Puma et de documents comptables sollicités par la société Y... et M. X..., la cour d'appel a violé ensemble l'article L. 716-1-7 du code de la propriété intellectuelle, ainsi que l'article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

5°/que toute personne a droit au respect de ses biens ; que le principe général de la liberté d'entreprendre implique qu'une entreprise ne soit pas entravée, de manière injustifiée ou disproportionnée, dans l'exercice libre et paisible de ses activités commerciales ; que porte une atteinte disproportionnée à ce droit le fait d'obliger au défendeur à une action en contrefaçon de révéler à un tiers des documents ou informations se rapportant soit à l'organisation de son réseau de distribution, soit aux quantités de produits achetés, à l'état des stocks, à la marge brute et au chiffre d'affaires réalisés sur les produits argués de contrefaçon, alors même que le juge n'a pas statué au fond sur la contrefaçon ; qu'en retenant que le juge de la mise en état n'aurait commis aucun excès de pouvoir, en ordonnant, avant tout jugement au fond sur la contrefaçon, la production par les sociétés Puma de documents comptables sollicités par la société Y... et M X..., la cour d'appel a violé l'article L. 716-1-7 du code de la propriété intellectuelle, ainsi que l'article 1er du Protocole additionnel de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ;

6°/ que toute partie a droit à un procès équitable ; qu'un tel droit n'est pas garanti lorsque le défendeur à une action en contrefaçon se voit forcé, avant même d'avoir été entendu au fond, de livrer des informations, par nature confidentielles, concernant le réseau de distribution du défendeur ou des données comptables sur les quantités, le chiffre d'affaire et la marge brute réalisés ; qu'en retenant que le juge de la mise en état n'aurait commis aucun excès de pouvoir en enjoignant, sous astreinte, aux sociétés Puma de révéler à l'un de ses concurrents, avant même d'avoir statué au fond sur la contrefaçon, de telles informations, la cour d'appel a violé l'article 6 §1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

7°/ que le pouvoir du juge civil d'ordonner la production des éléments de preuve détenus par une partie est limité par l'existence d'un empêchement légitime ; que constitue une atteinte disproportionnée au secret des affaires et à la liberté d'entreprendre, l'obligation faite par le juge au défendeur à une action en contrefaçon de divulguer à un tiers des documents ou informations se rapportant soit à l'organisation de son réseau de distribution, soit aux quantités de produits achetés, à l'état des stocks, à la marge brute et au chiffre d'affaires réalisés sur les produits argués de contrefaçon, sans que soit même constaté le caractère apparemment sérieux de l'action en contrefaçon ou la vraisemblance de celle-ci ; qu'une telle atteinte justifie l'existence d'un empêchement légitime ; qu'en l'espèce, en retenant que le juge de la mise en état n'aurait commis aucun excès de pouvoir en ordonnant les mesures litigieuses, aux motifs que le pouvoir d'injonction du juge résulterait, au besoin des articles 132 et 770 du code de procédure civile, sans même constater que l'action en contrefaçon apparaissait sérieuse ou que la commission d'actes de contrefaçon était vraisemblable, la cour d'appel a violé ensemble les articles 11, 132 et 770 du code de procédure civile ;

Mais attendu, en premier lieu, que les dispositions de l'article L. 716-7-1 du code de la propriété intellectuelle permettent au juge de la mise en état d'ordonner les mesures qu'il prévoit , avant toute décision sur la matérialité de la contrefaçon ;

Attendu, en second lieu, que les griefs mis en oeuvre par les première, quatrième, cinquième, sixième et septième branches ne sont pas de nature à caractériser un excès de pouvoir rendant recevable l'appel-nullité ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne les sociétés Puma France et Puma Retail AG aux dépens ;


Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette leur demande et les condamne à payer à la société Y... et à M. X... la somme globale de 2 500 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du treize décembre deux mille onze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Hémery et Thomas-Raquin, avocat aux Conseils, pour les sociétés Puma France et Puma Retail AG


Il est fait grief à l'arrêt d'avoir déclaré irrecevable l'appel-nullité formé par les sociétés PUMA FRANCE et PUMA RETAIL AG contre l'ordonnance du juge de la mise en état du 7 juin 2010 ayant enjoint, sur le fondement de l'article L. 716-7-1 du Code de la propriété intellectuelle, à celles-ci de produire aux débats, sous peine d'astreinte, un certain nombre de documents relatifs aux «chaussures de sport portant dans leur référence le terme « Y... » » ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE «- Sur le grief pris de l'extension du droit d'information à des éléments destinés à établir le chiffrage du prétendu préjudice : que selon l'article 8 de la directive n° 48/2004/CE du 29 avril 2004 relative au respect des droits de propriété intellectuelle les Etats membres doivent veiller à ce que, dans le cadre d'une action relative à une atteinte à un droit de propriété intellectuelle et en réponse à une demande justifiée et proportionnée du requérant, les autorités judiciaires compétentes puissent ordonner que diverses informations soient fournies par le contrevenant ; que les informations ainsi visées comprennent notamment, selon les cas, des renseignements sur les quantités produites, fabriquées, livrées reçues ou commandées, ainsi que sur le prix obtenu pour les marchandises ou services en question, qu'enfin, le texte précise qu'il s'applique sans préjudice d'autres dispositions législatives et réglementaires qui accordent au titulaire le droit de recevoir une information plus étendue ; que par ailleurs, le considérant 20 de la directive énonce qu'en ce qui concerne les atteintes commises à l'échelle commerciale, il est important que les juridictions puissent ordonner l'accès, le cas échéant, aux documents bancaires financiers et commerciaux qui se trouvent sous le contrôle du contrevenant présumé ; que l'article 8 §2 b) de la directive et l'article L. 716-7-1 du code de la propriété intellectuelle, qui en reprend les termes, répondent à ce souci et ne sauraient en conséquence s'analyser, ni en leur rédaction même, ni au regard des principes qui les inspirent, comme bornant la compétence de la juridiction saisie aux seules informations concernant l'origine et les réseaux de distribution, à l'exclusion des éléments relatifs à l'évaluation du préjudice ; qu'au demeurant, le pouvoir d'injonction du juge résulte, au besoin, de l'article 132 du code de procédure civile, qui est au nombre des dispositions réglementaires visées par la directive comme accordant au titulaire le droit de recevoir une information plus étendue que celui qui pourrait résulter des dispositions spéciales à la matière ; que pour autant, ces dispositions spéciales visent à ce propos "les produits contrefaisants qui portent atteinte aux droits du demandeur", ce dont les sociétés Puma déduisent qu'elles ne peuvent être mises en oeuvre qu'après déclaration de contrefaçon ; qu'il existe, certes, des risques à autoriser, lors de la mise, en état, le prononcé d'injonctions conduisant à mettre des documents sensibles entre les mains d'un concurrent dont la demande peut être rejetée in fine ; que cependant, ni ces considérations d'élémentaire prudence, ni les termes mêmes des textes en cause ne permettent de retenir que le droit d'information ne pourrait, par principe, être exercé qu'après que la contrefaçon a été constatée ; que tout d'abord, il n'existe aucune règle prescrivant que la juridiction se prononce en deux temps et l'autonomie procédurale dont disposent les Etats membres ne laisserait pas de poser difficulté quant à l'interprétation d'un texte communautaire dans le sens d'une portée aussi générale sur l'ensemble du contentieux de la contrefaçon ; qu'au plan rédactionnel, l'évaluation du préjudice supposant que l'atteinte au droit protégé soit acquise, c'est nécessairement de "produits. contrefaisants" qu'il est rétrospectivement question au moment de cette évaluation, alors qu'ils pourraient n'être jamais qualifiés ainsi dans le cadre, cité à titre de comparaison par les demandeurs, de l'article L. 716-6 (article 7 de la directive) qui inclut l'hypothèse de l'absence, en définitive, de tout procès pouvant conduire à une telle déclaration, ce qui explique la différence de formulation entre les deux textes ; mais que cela n'implique pas qu'ils doivent être ainsi qualifiés dès l'exercice du droit d'information en vue de préparer cette évaluation ; que par ailleurs, l'ouverture de ce droit en cours de procédure peut être crucial, non seulement pour préparer l'éventuelle décision sur l'indemnisation, mais pour mettre le demandeur en mesure d'évaluer la nécessité de poursuivre son action, d'envisager de transiger ou de réclamer des mesures coercitives, au vu des renseignements qu'il peut ainsi obtenir à propos de l'étendue du dommage ; qu'il faut encore prendre en compte la nécessité de conservation des preuves et le fait que, de manière générale, l'article 770 du code de procédure civile autorise à ordonner une communication de pièces avant le prononcé du jugement sur le fond ; que cette solution est enfin conforme au souci exprimé par le considérant 20 de la directive ; qu'on en conclut qu'il est permis par les textes spéciaux, conforme aux principes généraux de procédure, et utile à la clarté des débats que le droit d'information sur certains éléments du préjudice potentiel puisse s'exercer avant déclaration de contrefaçon ; - Sur l'excès de pouvoir par extension de la mesure à la preuve de prétendus actes de contrefaçon et présomption de contrefaçon : que l'ordonnance entreprise retient que les documents sollicités apparaissent nécessaires au tribunal pour le mettre en mesure d'examiner l'ensemble des demandes formulées au fond ; que les sociétés Puma en déduisent, puisque l'ensemble de ces demandes tend notamment à la déclaration de contrefaçon, que cette ordonnance est entachée de détournement de pouvoir, en ce qu'elle revient à préjuger la matérialité de la contrefaçon ; mais qu'il ne résulte nullement de cette décision ordonnant une mesure préparatoire concernant le préjudice que le juge considérerait, même implicitement, que l'action est fondée ; qu'il indique même expressément qu'il n'y a pas lieu de vérifier au préalable le bien fondé de la contrefaçon alléguée ; qu'il n'en découle pas plus que cette ordonnance "conduirait le tribunal à fonder l'action sur les chiffres à communiquer et non sur la preuve préalable de la contrefaçon", c'est-à-dire à mélanger le principe et le montant de la condamnation ; que ce procès d'intention est dépourvu de tout fondement ; - Sur l'excès de pouvoir pour violation de l'article 6§1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : que les conclusions des sociétés Puma évoquent des atteintes aux règles du procès équitable, au principe d'indépendance et d'impartialité du tribunal, à la prohibition de l'auto-incrimination, au respect effectif des droits de la défense et à l'existence d'un recours effectif ; qu'elles reprennent, notamment à propos du grief de partialité, le reproche, déjà examiné, adressé au motif évoquant "l'ensemble de la demande", sur lequel il n'y a pas lieu de revenir ; que, hors cette référence, les sociétés Puma soutiennent qu'en faisant application de l'article L. 716-7-1 du code de la propriété intellectuelle pour passer outre aux contestations par une décision sans recours immédiat, le juge de la mise en état a enfreint les règles du procès équitable ; mais que, d'une part, le simple fait d'écarter les contestations d'une partie ne caractérise que l'acte de juger ; que d'autre part, l'ordonnance identifie suffisamment les produits faisant l'objet des documents qu'elle vise, et les sociétés Puma ne sont pas contraintes à une auto-incrimination qui résulterait de l'obligation de définir elles-mêmes quels sont les produits en question ; qu'on a déjà évalué, enfin, les critiques concernant le pouvoir du juge d'ordonner les mesures contestées, et de le faire avant déclaration de contrefaçon ; que ces trois griefs doivent être écartés ; que l'appel immédiat des ordonnances rendues par le juge de la mise en état étant limité par l'article 776 du code de procédure civile, il n'est pas contesté en l'espèce qu'en principe la décision attaquée n'entre pas dans les prévisions de ce texte et que seul un appel-nullité est recevable ; or, que la cour d'appel estime, selon les motifs précédents, que le juge de la mise en état n'a pas excédé ses pouvoirs ; qu'on peut encore rechercher, cependant, si l'interdiction de former un recours immédiat permettant au juge d'appel de reprendre l'examen complet de l'incident caractérise une atteinte à l'exigence de recours effectif ; que l'article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde permet à l'Etat de limiter le droit d'accès à un tribunal dans un but légitime, à condition que la substance même de ce droit n'en soit pas atteinte et que, si tel est le cas, les moyens employés soient proportionnés à ce but ; que l'article 776 du code de procédure civile n'enfreint pas cette exigence dans le cas considéré, car, d'une part, la partie tenue de produire des documents comptables n'est pas dépourvue de recours, sa contestation étant recevable mais seulement différée jusqu'à décision sur le fond, d'autre part, l'effectivité de la protection des droits de propriété intellectuelle constitue un motif légitime à ce différé et, enfin, tout recours immédiat n'est pas impossible puisqu'un excès de pouvoir le rend recevable ; que la substance du droit d'accès à un tribunal ne s'en trouve pas atteinte ; qu'à supposer même le contraire, ce simple différé reste proportionné au but poursuivi par la directive et les textes de transposition ; qu'au plan de l'espèce, la décision entreprise a ordonné la communication de diverses pièces comptables, ce qui ne constitue pas en soi une atteinte justifiant un appel immédiat, sauf si la disproportion de l'obligation ou l'existence d'un empêchement légitime n'ont pas été étudiées, ce qui relèverait peut-être d'un examen au regard d'un excès de pouvoir négatif, mais ne caractérise pas une violation, par principe et sans autre condition, des règles du procès équitable ; que les griefs fondés sur l'article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde ne peuvent être accueillis ; - Sur l'excès de pouvoir négatif : qu'il est d'abord reproché à l'ordonnance entreprise de n'avoir pas vérifié la proportionnalité des mesures demandées ; mais que la décision retient à cet égard qu'il y a lieu d'apprécier l'utilité de la mesure au regard des éléments du débat, que les sociétés Puma ont résisté à l'accomplissement des opérations de saisie contrefaçon, en ce que l'ordonnance d'autorisation prévoyait précisément la production de pièces relatives à l'étendue du préjudice, qu'aucune atteinte n'est portée au secret des affaires et qu'il n'est pas établi que la production des pièces en cause aurait des conséquences négatives de nature à justifier un empêchement légitime ; que dans ces conditions, les sociétés Puma ne peuvent soutenir que l'examen des exceptions d'empêchement légitime et de proportionnalité des mesures sollicitées n'aurait pas eu lieu ; qu'il existe bien une motivation sur ces points, qui reflète l'examen de ces contestations par le juge et la critique de sa décision finale ne relève pas d'un appel-nullité ; que par ailleurs, le seul fait que la production ordonnée implique la confection de documents qui n'existeraient pas dans la comptabilité constitue un détail d'argumentation auquel le juge n'était pas tenu de répondre spécialement ; qu'en toute hypothèse cette éventuelle difficulté d'exécution ne constitue pas une empêchement légitime au prononcé des mesures ordonnées ; que les sociétés Puma font encore valoir que la mesure est illimitée dans le temps et dans l'espace et que les demandeurs se sont déjà vu remettre tous les documents utiles lors de la saisie ; que sur ce second grief, il ne revient pas au défendeur d'apprécier la suffisance des pièces dont le demandeur dispose déjà ; que l'appréciation que porte le juge sur cette contestation est laissée à sa discrétion et ne révèle aucun excès de pouvoir de sa part ; et que quant au premier, il appartient à tout juge d'interpréter sa décision, de sorte que si l'absence de ces limitations citées par les sociétés Puma fait difficulté, un recours est ouvert -sans rien préjuger de ce qui pourrait être décidé en ce cas- qui exclut la nécessité d'un appel-nullité ; que les conditions de recevabilité d'un appel immédiat ne sont pas réunies» ;


ET AUX MOTIFS, A LES SUPPOSER ADOPTES, QUE «selon l'article L.716-7-1 du Code de la Propriété Intellectuelle, «si la demande lui en est faite, la juridiction saisie d'une procédure civile prévue au présent titre peut ordonner, au besoin sous astreinte, afin de déterminer l'origine et les réseaux de distribution des produits contrefaisants qui portent atteinte aux droits du demandeur, la production de tous documents ou informations détenus par le défendeur ou par toute personne qui a été trouvée en possession de produits contrefaisants ou qui fournit des services utilisés dans des activités de contrefaçon ou encore qui a été signalée comme intervenant dans. la production, la fabrication ou la distribution de ces produits ou la fourniture de services. La production de documents ou d'informations peut être ordonnée s'il n'existe pas d'empêchement légitime» ; et que l'alinéa 3, b) de ce même article dispose que «les documents ou informations recherchées portent sur (... ) les quantités produites, commercialisées, livrées, reçues ou commandées, ainsi que sur le prix obtenu pour les produits ou services en cause» ; qu'ainsi les dispositions de l'article L.716-7-1 confèrent au titulaire de la marque, le droit de réclamer au défendeur à l'action en contrefaçon la production de documents comptables et commerciaux, et ce afin de vaincre la résistance de ce dernier à une saisie-contrefaçon pratiquée sur ces documents ; que c'est donc à tort que les sociétés PUMA FRANCE S.A.S. et PUMA RETAIL A.G. soutiennent que ces dispositions ne leur sont pas applicables en ce qu'elles ne tendent qu'à déterminer l'origine et les réseaux de distribution des produits incriminés ; qu'en outre, les documents sollicités par la société Y... S.A. et Monsieur Olivier X... apparaissent nécessaires au Tribunal pour le mettre en mesure d'examiner l'ensemble des demandes formulées au fond ; que la demande d'informations n'apparaît donc pas prématurée en l'espèce, d'autant qu'il n'appartient pas au Juge de la mise en état de vérifier au préalable le bien fondé de la contrefaçon alléguée ni même l'existence d'une contestation sérieuse, mais d'apprécier l'utilité de la mesure au regard des éléments dans le débat ; que de surcroît, il résulte de l'ordonnance en date du 19 mai 2009 autorisant la saisie-contrefaçon, que l'huissier de justice était autorisé «à se faire présenter et (...) photocopier (...) tous documents, toute correspondance ou toute pièce de comptabilité d'où pourrait résulter la constatation de l'origine et de l'étendue de la contrefaçon alléguée, et notamment les factures de vente ou de commission portant sur les produits contrefaisants (...)» ; or, qu'aux termes du constat d'huissier dressé le 15 juin 2009, il s'avère qu'il a été remis à celui-ci la liste de toutes les références des produits contenant le terme « Y... » ainsi que l'état des stocks ; que par la suite, le Conseil de la société PUMA présent sur les lieux s'est fermement opposé à toute communication de documents comptables que le Directeur administratif et financier a maintenu cette position de refus malgré la proposition de l'huissier de placer sous séquestre les éléments comptables concernant les produits contenant le terme « Y... » «afin de sauvegarder la confidentialité des éléments pouvant être considérés comme préjudiciables pour la société saisie» ; qu'il s'avère donc que la société PUMA s'est opposée à l'accomplissement des opérations de saisie-contrefaçon en refusant la communication de tout document comptable, en dépit de l'autorisation conférée à l'huissier et résultant de l'ordonnance en date du 19 mai 2009 ; que par ailleurs, les documents sollicités par la société Y... et Monsieur Olivier X... dans le cadre du présent incident consistent à déterminer les quantités achetées de chacun des modèles comportant le terme « Y... » dans leur référence, à connaître l'état des stocks dans l'ensemble du réseau de distribution et de déterminer la marge brute et le chiffre d'affairé dégagé par ces références ; qu'aucune atteinte n'est donc portée au secret des affaires de la société PUMA au regard de ses partenaires commerciaux, réseaux de distribution et autres ; que la société PUMA n'établit pas que la production des documents sollicités aurait des conséquences préjudiciables, lesquelles seraient ainsi de nature à constituer l'empêchement légitime visé à l'article L.716-7-1 du Code de la Propriété Intellectuelle ; que dès lors au vu de l'ensemble de ces éléments, il convient de faire droit à la demande de production des documents sollicités, sous peine d'astreinte provisoire de 500 euros par jour de retard passé un délai de quinze jours suivant la signification de la présente ordonnance» ;

ALORS, D'UNE PART, QUE seule peut être ordonnée, sur le fondement de l'article L. 716-7-1 du Code de la propriété intellectuelle, la production de documents ou d'informations répondant à la finalité définie par ce texte, c'est-à-dire afin de «déterminer l'origine et les réseaux de distribution des produits contrefaisants qui portent atteinte aux droits du demandeur» ; qu'en ordonnant, sur le fondement de ces dispositions, la production de documents sur les quantités de «chaussures de sport portant dans leur référence le terme « Y... » » achetées, en stock, ou vendues, ainsi que sur le chiffre d'affaires et la marge brute réalisés, quand la production de tels documents et informations ne pouvait permettre de déterminer l'origine et les réseaux de distribution des produits incriminés, le juge de la mise en état a détourné l'article L. 716-7-1 du Code de la propriété intellectuelle de sa finalité ; qu'en retenant néanmoins qu'il n'aurait commis aucun excès de pouvoir, la Cour d'appel a violé l'article L. 716-7-1 du Code de la propriété intellectuelle, tel qu'il doit s'interpréter au regard de l'article 8 de la directive (CE) n° 2004/48 du 29 avril 2004 ;

ALORS, D'AUTRE PART, QUE l'article L. 716-7-1 du Code de la propriété intellectuelle permet au titulaire de droits de marque de solliciter, auprès de la juridiction saisie d'une action en contrefaçon, et afin de déterminer l'origine et les réseaux de distribution des « produits contrefaisants qui portent atteinte aux droits du demandeur », la production de documents ou informations détenus par le défendeur, ou par toute personne qui a été trouvée en possession de produits «contrefaisants» ou qui est impliquée dans la fourniture de services utilisés «dans des activités de contrefaçon» ; qu'il résulte des termes mêmes de ce texte que le juge ne peut ordonner une telle mesure qu'après avoir statué au fond et retenu que la contrefaçon est établie ; qu'en l'espèce, en retenant que le juge de la mise en état n'avait commis aucun excès de pouvoir en enjoignant, avant tout jugement sur la contrefaçon, aux sociétés PUMA FRANCE et PUMA RETAIL AG de produire un certain nombre de documents comptables, sur le fondement de l'article L. 716-7-1 du Code de la propriété intellectuelle, la Cour d'appel a violé ledit article, tel qu'il doit s'interpréter au regard de l'article 8 de la directive (CE) n° 2004/48 du 29 avril 2004 ;

ALORS, DE TROISIEME PART, QUE le juge national ne peut se fonder sur une interprétation d'une directive communautaire qui ne serait pas conforme au principe de proportionnalité ; que ce principe impose de vérifier que la mesure est propre à garantir la réalisation de l'objectif poursuivi et qu'elle ne va pas au-delà de ce qui est nécessaire pour qu'il soit atteint ; que méconnaît le principe de proportionnalité, et est, en conséquence, entachée d'un excès de pouvoir, la décision ordonnant la production forcée par le défendeur à une action en contrefaçon d'informations comptables et commerciales sur les quantités de produits, le chiffre d'affaires et la marge brute réalisée, avant même qu'il soit statué sur la réalité de la contrefaçon ; qu'en décidant du contraire, la Cour d'appel a consacré un excès de pouvoir, et a violé ensemble et les articles L. 716-7-1 du Code de la propriété intellectuelle, tel qu'il doit s'interpréter au regard de l'article 8 de la directive (CE) n° 2004/48, et l'article 5, paragraphe 4, du traité sur l'Union européenne ;


ALORS, DE QUATRIEME PART, QUE le secret des affaires est une composante essentielle du droit au respect de la vie privée ; que constitue une atteinte disproportionnée au secret des affaires l'obligation faite au défendeur à une action en contrefaçon de divulguer à un tiers des documents ou informations se rapportant soit à l'organisation de son réseau de distribution, soit aux quantités de produits achetés, à l'état des stocks, à la marge brute et au chiffre d'affaires réalisés sur les produits argués de contrefaçon, alors même que le juge n'a pas statué au fond sur la contrefaçon ; qu'en retenant que le juge de la mise en état n'aurait commis aucun excès de pouvoir, en ordonnant, avant tout jugement au fond sur la contrefaçon, la production par les sociétés PUMA FRANCE et PUMA RETAIL AG de documents comptables sollicités par la société Y... et Monsieur X..., la Cour d'appel a violé ensemble l'article L. 716-1-7 du Code de la propriété intellectuelle, ainsi que l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

ALORS, DE CINQUIEME PART, QUE toute personne a droit au respect de ses biens ; que le principe général de la liberté d'entreprendre implique qu'une entreprise ne soit pas entravée, de manière injustifiée ou disproportionnée, dans l'exercice libre et paisible de ses activités commerciales ; que porte une atteinte disproportionnée à ce droit le fait d'obliger au défendeur à une action en contrefaçon de révéler à un tiers des documents ou informations se rapportant soit à l'organisation de son réseau de distribution, soit aux quantités de produits achetés, à l'état des stocks, à la marge brute et au chiffre d'affaires réalisés sur les produits argués de contrefaçon, alors même que le juge n'a pas statué au fond sur la contrefaçon ; qu'en retenant que le juge de la mise en état n'aurait commis aucun excès de pouvoir, en ordonnant, avant tout jugement au fond sur la contrefaçon, la production par les sociétés PUMA FRANCE et PUMA RETAIL AG de documents comptables sollicités par la société Y... et Monsieur X..., la Cour d'appel a violé l'article L. 716-1-7 du Code de la propriété intellectuelle, ainsi que l'article 1er du Protocole additionnel de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ;

ALORS, DE SIXIEME PART, QUE toute partie a droit à un procès équitable ; qu'un tel droit n'est pas garanti lorsque le défendeur à une action en contrefaçon se voit forcé, avant même d'avoir été entendu au fond, de livrer des informations, par nature confidentielles, concernant le réseau de distribution du défendeur ou des données comptables sur les quantités, le chiffre d'affaire et la marge brute réalisés ; qu'en retenant que le juge de la mise en état n'aurait commis aucun excès de pouvoir en enjoignant, sous astreinte, aux sociétés PUMA FRANCE et PUMA RETAIL AG de révéler à l'un de ses concurrents, avant même d'avoir statué au fond sur la contrefaçon, de telles informations, la Cour d'appel a violé l'article 6 §. 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

ALORS, ENFIN, QUE le pouvoir du juge civil d'ordonner la production des éléments de preuve détenus par une partie est limité par l'existence d'un empêchement légitime ; que constitue une atteinte disproportionnée au secret des affaires et à la liberté d'entreprendre, l'obligation faite par le juge au défendeur à une action en contrefaçon de divulguer à un tiers des documents ou informations se rapportant soit à l'organisation de son réseau de distribution, soit aux quantités de produits achetés, à l'état des stocks, à la marge brute et au chiffre d'affaires réalisés sur les produits argués de contrefaçon, sans que soit même constaté le caractère apparemment sérieux de l'action en contrefaçon ou la vraisemblance de celle-ci ; qu'une telle atteinte justifie l'existence d'un empêchement légitime ; qu'en l'espèce, en retenant que le juge de la mise en état n'aurait commis aucun excès de pouvoir en ordonnant les mesures litigieuses, aux motifs que le pouvoir d'injonction du juge résulterait, au besoin des articles 132 et 770 du Code de procédure civile, sans même constater que l'action en contrefaçon apparaissait sérieuse ou que la commission d'actes de contrefaçon était vraisemblable, la Cour d'appel a violé ensemble les articles 11, 132 et 770 du Code de procédure civile.



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Cette décision est visée dans la définition :
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Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 09/05/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.