par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. civ. 1, 9 février 2012, 10-27785
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Cour de cassation, 1ère chambre civile
9 février 2012, 10-27.785

Cette décision est visée dans la définition :
Prêt




LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


Sur le moyen unique :

Vu l'article 1315 du code civil ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que les époux X..., aujourd'hui divorcés, ont souscrit le 31 octobre 1987 une reconnaissance de dette au bénéfice de Mme Y... ainsi rédigée : "Par les présentes M. et Mme X... agissant et s'obligeant conjointement et solidairement entre eux, reconnaissent devoir bien et légitimement à Mme Odette Y... la somme de cinq cent quatre mille francs (504 000 francs) que Mme Odette Y... leur a prêtée ce jour. La mise à disposition du prêt devra intervenir le 1er janvier 1988. Laquelle somme, M. et Mme X... s'obligent solidairement à rembourser, sans intérêt dans un délai de quinze années à compter du 30 janvier 1988 c'est-à-dire au 31 décembre 2003" ; que M. X..., avocat, ayant été placé en redressement judiciaire le 15 octobre 2007, Mme Y... a déclaré sa créance au passif , laquelle a été rejetée par ordonnance du juge commissaire du 15 juin 2009 ; que l'intéressée a interjeté appel de cette décision ;

Attendu que pour admettre la créance de Mme Y... au passif de la procédure collective, l'arrêt énonce que la cause du contrat de prêt étant constituée par la remise de la chose, laquelle est aussi une condition de formation du prêt demeuré un contrat réel lorsqu'il a été consenti par un particulier, il incombe à l'emprunteur d'établir que le prêteur ne lui a pas remis les fonds, qu'il n'appartient pas au prêteur de rapporter la preuve de la remise des fonds, dès lors qu'en matière de prêt consenti par un particulier la reconnaissance de la dette fait présumer la remise des fonds ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que la remise des fonds avait été fixée par les parties au 1er janvier 1988, ce dont il se déduisait que le contrat de prêt n'étant pas définitivement formé à la date de la reconnaissance de dette litigieuse, celle-ci ne pouvait faire présumer la cause de l'obligation de l'emprunteur prétendument constituée par cette remise, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il admet la créance de Mme Y... à hauteur d'une somme de 118 061,84 euros à titre chirographaire, l'arrêt rendu le 23 septembre 2010, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier ;

Condamne Mme Y... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne Mme Y... à payer la somme de 3 000 euros à M. X... ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;


Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf février deux mille douze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par Me Haas, avocat aux Conseils pour M. X..., la société Taddei-Funel, ès qualités et M. A..., ès qualités

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué D'AVOIR admis au passif de la procédure de redressement judiciaire ouverte à l'encontre de M. Jacques X... la créance de Mme Odette Y... pour la somme de 118.061,84 euros à titre chirographaire ;

AUX MOTIFS QU'en application des dispositions des articles 1131 et 1132 du code civil, l'obligation sans cause ou sur une fausse cause, ou sur une cause illicite, ne peut avoir aucun effet et la convention n'est pas moins valable, quoique la cause n'en soit pas exprimée ; que l'article 1315 du code civil dispose que celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver et que, réciproquement, celui qui se prétend libéré, doit justifier le payement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation ; que M. X... ne conteste pas avoir signé la reconnaissance de dette du 30 octobre 2007 sic : 1987 ; qu'en application de l'article 1132 du code civil, il lui appartient d'en prouver l'absence ou l'illicéité de la cause ; que la cause du contrat de prêt étant constituée par la remise de la chose, laquelle est aussi une condition de formation du contrat de prêt demeuré un contrat réel lorsqu'il a été consenti par un particulier, il incombe à l'emprunteur d'établir que le prêteur ne lui a pas remis les fonds, et il n'appartient pas au prêteur de rapporter la preuve de la remise des fonds, dès lors qu'en matière de prêt consenti par un particulier, la reconnaissance de la dette fait présumer la remise des fonds ; que, par ailleurs, le document signé le 31 octobre 1987 par Mme Jocelyne X... née Y..., ainsi rédigé :
« … reconnais devoir à ma mère, Mme Odette Y..., la somme de 504.000 francs le 1er janvier 1988. En conséquence de quoi, je déclare renoncer purement et simplement à la part devant me revenir sur la liquidation de l'indivision existant entre Mme Odette Y... et moi-même, dans les biens immobiliers sis ...», outre qu'il émane d'un tiers, l'épouse de M. X..., n'est nullement qualifié de «contre-lettre» dont l'objet serait d'annuler les effets de la reconnaissance de dette signée le même jour par M. X... et par Mme Jocelyne X... et ne peut nullement délier M. X... de son engagement ; que dès lors, M. X... ne rapporte pas la preuve de ce qu'il a exécuté son obligation de remboursement de la somme de 504.000 francs, augmentée de l'indexation sur l'indice INSEE du coût de la construction, tel que prévu au contrat, soit la somme de 118.061,84 euros selon décompte d'huissier arrêté en 2006 ;


ALORS QUE la reconnaissance de dette n'emporte présomption de remise des fonds en matière de prêt consenti par un particulier que si elle trouve sa cause dans ladite remise ; que la cause d'une reconnaissance de dette est constituée par l'obligation préexistante en contrepartie de laquelle le souscripteur de l'acte a consenti à s'engager ; qu'en retenant que l'engagement intitulé «reconnaissance de dette» signé par M. Jacques X... le 31 octobre 1987 faisait présumer la remise des fonds par Mme Odette Y..., sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, s'il ne résultait des termes de cet acte que la remise des fonds n'était pas intervenue à la date de sa signature, ce dont il découlait que l'acte ne pouvait trouver sa cause dans la remise alléguée et qu'en conséquence, il appartenait à Mme Odette Y... de prouver la réalité de cette remise, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles 1131 et 1132 du code civil, ensemble l'article 1315 du même code.



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Cette décision est visée dans la définition :
Prêt


Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 09/05/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.