par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. soc., 16 mai 2012, 11-10712
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Cour de cassation, chambre sociale
16 mai 2012, 11-10.712

Cette décision est visée dans la définition :
Concurrence




LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


Sur le moyen unique :

Vu l'article 1134 du code civil ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été engagé le 5 mars 2001 par la société Flandredis, exploitant un magasin à l'enseigne Leclerc à Bailleul (Nord), en qualité de directeur de ce magasin ; que son contrat de travail comportait une clause de non-concurrence lui interdisant pendant une période limitée à la durée égale à son ancienneté, plafonnée à deux ans, "de travailler dans toute entreprise, d'une surface de vente comprise entre 1 000 m² et 10 000 m², ayant pour objet la vente au public de produits ou marchandises concurrençant directement ou indirectement les nôtres, et ce dans un rayon de 100 kilomètres à vol d'oiseau autour de notre magasin" ; qu'il était prévu qu'en contrepartie de cette obligation de non-concurrence, le salarié percevrait le jour de la cessation effective de son contrat de travail une indemnité égale à 400 % de son dernier salaire mensuel de base ; que M. X... a démissionné le 27 septembre 2006, à effet du 2 octobre 2006, et a été engagé à compter du 3 octobre 2006 par la société Distrifives en qualité de directeur d'un autre magasin Leclerc exploité à Fives, à une trentaine de kilomètres de Bailleul ; que le salarié a saisi la juridiction prud'homale d'une demande en paiement d'indemnité de non-concurrence ;

Attendu que pour accueillir cette demande, l'arrêt retient qu'il est certes exact que chacune des sociétés exploitant un magasin à l'enseigne Leclerc constitue une entité juridiquement et économiquement autonome et qu'il n'existe pas à proprement parler un groupe Leclerc au sens capitalistique de ce terme, le "mouvement Leclerc" étant une association de commerçants indépendants, chaque nouvel adhérent de ce mouvement étant simplement parrainé par un ou plusieurs adhérents et ce parrainage ne se traduisant, sur le plan financier, que par une prise de participation minoritaire des parrains dans la société du nouvel adhérent ; que, toutefois, tous les magasins à l'enseigne Leclerc ont une centrale d'achat nationale commune et des centrales d'achat régionales, chaque adhérent participant en outre à des groupes de travail chargés en particulier de piloter les achats dans les différentes catégories de produits devant être commercialisés et de définir les modalités de commercialisation ; que c'est l'association des centres distributeurs Leclerc qui définit les orientations générales de l'enseigne, sa stratégie commerciale et veille au respect par les adhérents des politiques définies par elle ; que si le "mouvement Leclerc" doit être regardé comme une entité originale différente d'un groupe de sociétés classiques, il n'en constitue pas moins un ensemble structuré destiné à faire en sorte que tous les magasins de la même enseigne Leclerc disposent d'un certain nombre de moyens importants communs, ce afin de leur permettre d'exercer efficacement, selon une politique commerciale commune et des orientations communes, leur activité en concurrence avec les autres enseignes de la grande distribution en France, et qu'il ne peut être en tout cas sérieusement soutenu que les magasins à l'enseigne Leclerc sont des entités concurrentes entre elles ; que le salarié n'a donc nullement violé l'obligation de non-concurrence résultant de la clause figurant à son contrat de travail ;

Qu'en se déterminant ainsi, alors que l'intégration dans un même réseau de distribution ne suffit pas en elle-même à exclure l'existence d'un état de concurrence entre les entreprises qui en font partie, la cour d'appel, à laquelle il appartenait de vérifier concrètement l'existence d'une situation de concurrence entre les deux magasins concernés, a privé sa décision de base légale ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 19 novembre 2010, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Amiens ;

Condamne M. X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;


Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par M. Bailly, conseiller le plus ancien en ayant délibéré, conformément à l'article 456 du code de procédure civile, en l'audience publique du seize mai deux mille douze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP de Chaisemartin et Courjon, avocat aux Conseils pour la société Flandredis.

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir condamné la Société FLANDREDIS à verser à Monsieur Philippe X... les sommes de 17.600 € au titre de l'indemnité prévue par la clause de non-concurrence qui figurait à son contrat de travail et 1.760 € au titre de l'indemnité de congés payés s'y rapportant ;

AUX MOTIFS QU'il est certes exact – et qu'il n'est d'ailleurs pas contesté – que chacune des sociétés exploitant un magasin à l'enseigne Leclerc constitue une entité juridiquement et économiquement autonome et qu'il n'existe pas à proprement parler un groupe Leclerc au sens capitalistique de ce terme, le « mouvement Leclerc » étant, en effet, une association de commerçants indépendants, chaque nouvel adhérant de ce mouvement étant simplement parrainé par un ou plusieurs adhérents et ce parrainage ne se traduisant, sur le plan financier, que par une prise de participation minoritaire des seuls parrains dans la société du nouvel adhérent ; qu'il apparaît toutefois, selon les éléments et indications fournies par l'appelant, au demeurant non véritablement contredites par l'intimée, que tous les magasins à l'enseigne Leclerc ont une centrale d'achat nationale commune et des centrales d'achat régionales, chaque adhérent participant en outre à des groupes de travail chargés en particulier de piloter les achats dans les différentes catégories de produits devant être commercialisés et de définir les modalités de commercialisation (publicité, marketing…) ; qu'en outre, c'est bien l'association des centres distributeurs Leclerc, laquelle constitue l'organe central du « mouvement Leclerc » et à laquelle appartiennent tous les adhérents exploitants un magasin à l'enseigne Leclerc, qui, par son assemblée générale, son conseil d'administration et son comité stratégique, définissent les orientations générales de l'enseigne, sa stratégie commerciale et veillent au respect par les adhérents des politiques définies par elle notamment sur le plan commercial et sur le plan de la politique des prix, étant ajouté que le siège national du mouvement Leclerc et des sociétés spécialisées qui en dépendent est bien comparable, de par sa dimension, et en particulier du fait du nombre de ses salariés (plusieurs centaines), à celui de groupes de sociétés importants, notamment dans le domaine de la distribution ; qu'au résultat de ces éléments, il apparaît donc que si le « mouvement Leclerc » doit être regardé comme une entité originale différente d'un groupe de sociétés classiques, il n'en constitue pas moins un ensemble structuré destiné à faire en sorte que tous les magasins de la même enseigne Leclerc disposent d'un certain nombre de moyens importants communs, ce afin de leur permettre d'exercer efficacement, selon une politique commerciale commune et des orientations communes, leur activité en concurrence avec les autres enseignes de la grande distribution en France, et qu'il ne peut être en tout cas sérieusement soutenu que les magasins à l'enseigne Leclerc sont des entités concurrentes entre elles ; qu'en conséquence, en quittant son emploi de directeur du magasin Leclerc de Bailleul en octobre 2006 pour aller occuper celui de directeur du magasin Leclerc de Lille-Fives, magasin au demeurant distant de plus de trente kilomètres de celui de Bailleul, Philippe X... n'est nullement allé travailler dans une entreprise directement ou indirectement concurrente de celle qui l'employait jusqu'alors et qu'il n'a donc nullement violé l'obligation de non concurrence résultant de la clause ci-dessus rappelée figurant à son contrat de travail, de sorte qu'il est en droit de réclamer paiement de l'indemnité prévue par cette même clause ; que le jugement déféré doit donc être infirmé ;

1) ALORS QU'au regard d'une clause de non-concurrence, l'entreprise à laquelle le salarié est lié par une telle clause et son nouvel employeur ne peuvent être considérés comme n'étant pas en situation de concurrence, que si ces deux entreprises appartiennent au même groupe économique ; que l'existence d'un groupe économique implique une société dominante qui, soit possède directement ou indirectement plus de la moitié du capital social de l'autre, soit la contrôle et forme avec elle un même ensemble économique ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel a constaté « … qu'il est certes exact – et qu'il n'est d'ailleurs pas contesté – que chacune des sociétés exploitant un magasin à l'enseigne Leclerc constitue une entité juridiquement et économiquement autonome et qu'il n'existe pas à proprement parler un groupe Leclerc au sens capitalistique de ce terme, le « mouvement Leclerc » étant en effet une association de commerçants indépendants, chaque nouvel adhérent de ce mouvement étant simplement parrainé par un ou plusieurs autres adhérents et ce parrainage ne se traduisant, sur le plan financier, que par une prise de participation minoritaire des seuls parrains dans la société du nouvel adhérent », ce dont il résulte que les sociétés exploitant des magasins à l'enseigne Leclerc ne constituent pas un groupe économique ; qu'en considérant pourtant qu'il ne pouvait être sérieusement soutenu que les magasins à l'enseigne Leclerc sont des entités concurrentes entre elles, pour en déduire que Monsieur Philippe X... n'avait pas violé la clause de non-concurrence figurant à son contrat de travail, en quittant son emploi de directeur du magasins Leclerc de BAILLEUL en octobre 2006 pour aller occuper celui de directeur du magasin Leclerc de LILLE-FIVES, la Cour d'appel a violé l'article 1134 du Code civil ;


2) ALORS, ET A TITRE SUBSIDIAIRE, QUE la Cour d'appel a retenu que le « mouvement Leclerc » constitue « un ensemble structuré destiné à faire en sorte que tous les magasins de la même enseigne Leclerc disposent d'un certain nombre de moyens importants communs » et « qu'il ne peut… être sérieusement soutenu que les magasins à l'enseigne Leclerc sont des entités concurrentes entre elles », ce dont il résulte que la clause de non-concurrence est restée sans effet pendant la période où le salarié a travaillé pour le compte de la Société DISTRIFIVES, comme directeur du magasin Leclerc de LILLE-FIVES ; qu'en considérant pourtant que le salarié était en droit de réclamer paiement de l'indemnité prévue par la clause de non-concurrence, la Cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations au regard de l'article 1134 du Code civil, violant ainsi ledit article.



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Cette décision est visée dans la définition :
Concurrence


Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 09/05/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.