par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. civ. 1, 26 septembre 2012, 10-28032
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Cour de cassation, 1ère chambre civile
26 septembre 2012, 10-28.032

Cette décision est visée dans la définition :
Pourvoi




LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur la déchéance du pourvoi, invoquée en défense et après avis de la deuxième chambre civile du 22 juin 2012 :

Vu l'article 978, alinéa 1er, du code de procédure civile ;

Attendu que la disposition de l'article 978, alinéa 1er, du code de procédure civile, qui prévoit que le délai de signification de quatre mois du mémoire en demande est prolongé d'un mois si le défendeur n'a pas constitué avocat, n'est pas applicable à la signification du mémoire en demande au ministère public, partie principale et défendeur à l'instance en cassation, qui est dispensé de constituer avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation ;

Attendu que M. X... s'est pourvu en cassation le 15 décembre 2010 contre un arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence dans une instance l'opposant au procureur général près cette cour d'appel concernant sa nationalité ; qu'il a fait déposer un mémoire ampliatif au greffe de la Cour de cassation le 15 avril 2010, dont la signification au procureur général a été faite le 26 avril 2010, soit plus de quatre mois suivant le pourvoi ; que la déchéance est donc encourue ;

Mais attendu que l'application immédiate d'une telle règle de procédure dans les instances introduites par un pourvoi dont le mémoire en demande aurait dû être signifié avant le 5 juillet 2012, (1re Civ., pourvoi n° 11-18. 132), aboutirait à interdire au demandeur au pourvoi l'accès au juge, partant à le priver d'un procès équitable ; qu'il convient donc de ne pas faire application de la déchéance encourue et d'examiner le pourvoi ;

Sur le moyen unique :

Vu l'article 26-4 du code civil ;

Attendu que M. X..., de nationalité marocaine et Mme Y..., de nationalité française, se sont mariés en France le 6 juillet 2002 ; que le 9 juillet 2003, M. X... a souscrit une déclaration de nationalité française sur le fondement de l'article 21-2 du code civil, enregistrée le 13 septembre 2004 ; que, par acte du 16 mai 2007, le ministère public a assigné M. X... en annulation de l'enregistrement pour fraude ;

Attendu que, pour déclarer non prescrite l'action du ministère public, la cour d'appel a pris en considération non pas la date à laquelle un rapport de police constatant l'absence de communauté de vie avait été envoyé au ministère public, mais la date à laquelle cette information avait été transmise au ministère de la justice ;

Attendu, cependant, que seul le ministère public territorialement compétent pouvant agir en annulation de l'enregistrement pour fraude, c'est à compter de la date à laquelle celui-ci l'a découverte que court le délai biennal d'exercice de cette action ;

D'où il suit qu'en statuant comme elle l'a fait, sans constater la date à laquelle le ministère public territorialement compétent avait découvert la fraude qu'il imputait à M. X..., la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 23 septembre 2010, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ;

Laisse les dépens à la charge du Trésor public ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six septembre deux mille douze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par Me Le Prado, avocat aux Conseils, pour M. X...

LE MOYEN reproche à l'arrêt attaqué :

D'AVOIR déclaré recevable l'action engagée par le Ministère public à l'encontre de Monsieur Aziz X..., et d'avoir prononcé par arrêt confirmatif l'annulation de l'enregistrement de sa déclaration de nationalité française ;

AUX MOTIFS QU'« il convient de constater que les formalités prévues à l'article 1043 du code de procédure civile ont été accomplies ; que Monsieur Aziz X..., né le août 1976 au Maroc, a contracté mariage le 6 juillet 2002 avec Madame Faïza Y..., de nationalité française ; qu'il a souscrit une déclaration de nationalité française auprès du Tribunal d'Instance d'Aix-en-Provence le 9 juillet 2003, enregistrée le 13 septembre 2003 dont le Ministère Public le demande l'annulation car reposant sur une fraude ; que l'article 26-4 3ème alinéa du code civil dispose que l'enregistrement d'une déclaration acquisitive de nationalité française à raison du mariage peut être contestée par le Ministère Public en cas de mensonge ou de fraude, dans le delai de deux ans à compter de sa découverte ; qu'en l'espèce, si le Parquet d'Aix-en-Provence a été destinataire le 3 mars 2005 du rapport de police l'informant que la communauté de vie entre les époux X... ne pouvait être considérée comme effective en raison des relations extra conjugales entretenues par l'époux, le Ministère de la justice, seule autorité compétente pour initier un contentieux ayant trait à la nationalité, n'a eu connaissance de la situation de Monsieur X... que par l'information qui lui en a été transmise par le Ministère de l'Emploi chargé des Naturalisations le 12 octobre 2005, qui doit être retenu comme étant le point de départ du délai de forclusion sus visé ; qu'en assignant Monsieur X... le 16 mai 2007, le Ministère Public a donc respecté le délai de deux ans prévu par l'article 26-4 3ème alinéa du code civil précité, en sorte que son action doit être déclarée recevable ; que la cessation de la communauté de vie entre les époux dans les douze mois suivant l'enregistrement de la nationalité constitue une présomption de fraude ; qu'il ressort des pièces produites aux débats, et notamment du procès verbal d'audition de Madame Faïza Y...par les services de police le 7 Février 2005, que Monsieur X... a quitté le domicile conjugal à sa demande au mois de septembre 2004, après que le délai de douze mois ait donc expiré ; que la présomption, prévue à l'article 26-4 3ème alinéa précitée ne doit dans ces conditions pas recevoir application ; que l'article 21-2 du Code civil dans sa rédaction issue de la loi du 16 mars 1998 applicable en l'espèce, dispose que l'étranger qui contracte mariage avec un conjoint de nationalité française peut, dans un délai d'un an, acquérir la nationalité française par déclaration, à condition qu'à la date de cette déclaration, la communauté de vie tant affective que matérielle n'ait pas cessé entre les époux ; qu'au 9 juillet 2003, date de la souscription par l'appelant de la nationalité française, il vivait toujours sous le même toit que son épouse ;

Que toutefois, des relations extra conjugales suivies avec Mademoiselle Z..., un enfant était né à cette date ; qu'il ressort des auditions des deux femmes qu'à compter du moment où il avait appris la grossesse de sa maîtresse, il avait subvenu aux besoins de la mère, ne contribuant aucunement aux charges de son mariage ; qu'ainsi il ne peut être considéré qu'il existait une communauté de vie réelle et affective entre les époux au jour de la souscription de la nationalité française par Monsieur X... ;
que dans ces conditions, la décision mérite d'être confirmée » ;

ALORS QUE l'article 26-4, alinéa 3, du Code civil dispose sans autre précision que « l'enregistrement de la déclaration de nationalité peut encore être contesté par le ministère public en cas de mensonge ou de fraude dans le délai de deux ans à compter de leur découverte » ; qu'en considérant que le point de départ du délai de prescription de l'action en contestation était, non pas la date à laquelle le rapport de police constatant l'absence de communauté de vie affective avait été transmis au Parquet d'AIX-EN-PROVENCE, mais la date à laquelle cette information avait été portée à la connaissance du Ministère de la justice, et en en déduisant que l'action n'était pas prescrite, la Cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé l'article 26-4 alinéa 3 du Code civil.



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Pourvoi


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