par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. civ. 1, 26 septembre 2012, 11-16246
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Cour de cassation, 1ère chambre civile
26 septembre 2012, 11-16.246

Cette décision est visée dans la définition :
Attribution préférentielle




LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Angers, 16 février 2011), qu'en 2005, les époux X...- Y... ont acheté une maison d'habitation en indivision, chacun pour moitié ; qu'un jugement du 16 décembre 2008 a ouvert la liquidation judiciaire de M. X... ; que M. Z..., mandataire judiciaire, ès qualités de liquidateur judiciaire, a assigné Mme Y... en " cessation " de l'indivision et pour voir ordonner la licitation de l'immeuble ; que le tribunal a accueilli ces demandes ; que, devant la cour d'appel, Mme Y..., se prévalant des dispositions des articles 831-3 et 832-4 du code civil, a demandé l'attribution préférentielle de l'immeuble moyennant une soulte payable dans le délai prévu au second de ces textes ;

Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'ordonner la " cessation " de l'indivision existant entre les époux X...- Y... ainsi que la vente sur licitation de l'immeuble indivis et d'en fixer la mise à prix, alors, selon le moyen :

1°/ que, nulle partie ne peut être jugée sans avoir été entendue ou appelée ; que le créancier personnel d'un indivisaire qui entend provoquer le partage de l'indivision doit former sa demande en justice à l'encontre de tous les indivisaires et notamment de son débiteur ; que M. Z... a demandé le partage de l'indivision existant entre les époux X... et la licitation d'un immeuble indivis ; qu'à supposer que l'arrêt attaqué ait fait droit à ces demandes sur le fondement de l'article 815-17 du code civil en considérant que M. Z... agissait alors dans l'intérêt collectif des créanciers et non pas au nom de M. X..., en statuant ainsi lorsque M. Z... n'avait pas formulé ses demandes à l'encontre de tous les indivisaires mais uniquement à l'encontre de Mme X..., la cour d'appel a violé l'article 14 du code de procédure civile, ensemble l'article 815-17 du code civil ;

2°/ que, deuxièmement, l'article 815-17, alinéa 3, du code civil, reconnaît aux créanciers personnels d'un indivisaire la faculté de provoquer le partage au nom de leur débiteur et aux coïndivisaires, celle d'arrêter le cours de l'action à partage en acquittant l'obligation au nom et en l'acquit du débiteur ; que le partage ne peut être ordonné à la demande du liquidateur judiciaire d'un des coïndivisaires agissant au nom et pour le compte de ses

créanciers en l'absence d'une décision définitive d'admission des créances au passif de la liquidation judiciaire de l'indivisaire ; que l'arrêt attaqué a fait droit à la demande du liquidateur à la liquidation judiciaire de M. X... tendant au partage de l'indivision existant entre ce dernier et son épouse ; qu'à supposer que le partage ait été ordonné sur le fondement de l'article 815-17 du code civil, en ordonnant le partage sans rechercher si, comme le soutenait Mme X..., aucune décision définitive des créances au passif de la liquidation judiciaire de M. X... n'était encore intervenue, de sorte que Mme X... ne pouvait connaître le montant de la dette à acquitter pour arrêter l'action en partage, la cour d'appel a privé sa décision de base légale, au regard de l'article 815-17 du code civil ;

3°/ que, et de même, en ne se prononçant pas sur le point de savoir si la poursuite des contrats passés entre M. X... et ses créanciers après l'ouverture de la liquidation judiciaire empêchait Mme X... de connaître le montant de la dette totale de son époux et donc d'arrêter l'action en partage du mandataire liquidateur, comme elle le soutenait, la cour d'appel a privé sa décision de base légale, au regard de l'article 815-17 du code civil ;

4°/ que, les époux ne peuvent l'un sans l'autre disposer des droits par lesquels est assuré le logement de la famille, ni des meubles meublants dont il est garni ; que ce principe ne fait pas obstacle à la demande formée par l'un des époux en partage des biens indivis, dès lors que sont préservés les droits du conjoint sur le logement de la famille ; qu'il en résulte que le juge ne peut pas ordonner avec le partage la licitation du logement familial sans le consentement de l'autre époux indivisaire ; que l'arrêt attaqué a fait droit à la demande du liquidateur à la liquidation judiciaire de M. X... tendant au partage de l'indivision entre les époux X... et à la licitation de l'immeuble indivis ; qu'à supposer que la cour d'appel ait fait droit à cette demande sur le fondement de l'article 815 du code civil, considérant que le liquidateur agissait au nom de M. X..., en statuant de la sorte, sans rechercher si, comme l'y invitait pourtant Mme X..., l'immeuble litigieux ne constituait pas le logement de la famille, de sorte que sa licitation requérait son agrément, la cour d'appel a privé sa décision de base légale, au regard de l'article 215 du code civil ;

5°/ que, et subsidiairement, le conjoint séparé de biens peut demander l'attribution préférentielle du local servant à son habitation et dont il est propriétaire indivis, même si cette indivision est partagée pendant le mariage ; que cette attribution est de droit lorsque l'autre époux n'en réclame pas le bénéfice ; que l'arrêt attaqué ait fait droit aux demandes de partage et de licitation de l'immeuble indivis formées par M. Z... sur le fondement de l'article 815 ou de l'article 815-17 du code civil, en jugeant que l'attribution préférentielle à Mme X... de l'immeuble constituant son habitation et celle des enfants du couple n'était pas de droit au motif qu'elle n'avait pas la qualité de conjoint survivant, lorsque pourtant M. X... ne demandait pas l'attribution de ce bien, la cour d'appel a violé les articles 1542 et 831-3 du code civil ;

6°/ que, et subsidiairement, le conjoint séparé de biens peut demander l'attribution préférentielle du local servant à son habitation et dont il est propriétaire indivis, même si cette indivision est partagée pendant le mariage ; que cette attribution est de droit lorsque l'autre époux n'en réclame pas le bénéfice ; que dans ce cas, en vertu du deuxième alinéa de l'article 832-4 du code civil, l'attributaire peut exiger de ses copartageants, pour le paiement d'une fraction de la soulte, égale au plus à la moitié, des délais ne pouvant excéder dix ans ; que l'arrêt attaqué ait fait droit aux demandes de partage et de licitation de l'immeuble indivis formées par M. Z... sur le fondement de l'article 815 ou de l'article 815-17 du code civil, en refusant l'attribution préférentielle de l'immeuble constituant son habitation et celle des enfants du couple, au motif que Mme X... proposait de régler la soulte « dans le cadre de délais qui sont incompatibles (…) avec la procédure de liquidation dont fait l'objet son époux » (arrêt, p. 5, § 4), lorsque Mme X... se contentait de solliciter un délai conforme aux conditions du deuxième alinéa de l'article 832-4 du code civil, la cour d'appel, qui a statué par un motif inopérant, a violé les articles 1542, 831-3 et 832-4 du code civil ;

Mais attendu que les critiques des trois premières branches du moyen sont inopérantes, la cour d'appel ayant statué sur le fondement de l'article 815 du code civil comme le liquidateur, au nom de M. X..., le lui demandait ; que la quatrième est nouvelle et, mélangée de fait, irrecevable ; qu'ayant constaté que Mme Y... n'a pas la qualité de conjointe survivante, la cour d'appel en a exactement déduit que l'attribution préférentielle que celle-ci demandait n'est pas de droit ; que la critique de la sixième branche du moyen étant dès lors inopérante, sa décision n'encourt pas les critiques du moyen qui ne peut donc être accueilli ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne Mme Y..., épouse X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six septembre deux mille douze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par Me Foussard, avocat aux Conseils, pour Mme Y..., épouse X....

L'arrêt attaqué encourt la censure ;

EN CE QU'il a ordonné la cessation de l'indivision existant entre M. Sadi X... et son épouse, Mme Döne X..., ainsi que la vente sur licitation d'un immeuble indivis et a fixé la mise à prix pour cette licitation ;

AUX MOTIFS QUE « * Sur le rejet de l'action en partage : que Mme X... développe deux arguments :- l'un tenant à l'impossibilité pour le créancier de limiter sa demande aux seuls biens qu'il entend saisir et à la nécessité de demander le partage de tous les biens indivis (article 815-17 du Code civil) ; mais qu'il n'est pas rapporté la preuve qu'il existe d'autres biens indivis appartenant aux époux X..., qu'au surplus Me Z... a sollicité en première instance la cessation de l'indivision existant entre les époux et enfin il sollicite l'élargissement du partage à tous les biens indivis éventuels ;- l'autre tenant à l'ignorance du montant de la dette, ce qu'elle ne saurait pourtant sérieusement soutenir au vu des pièces du dossier qu'elle produit elle-même et qui établissent que dès le 30 mars 2009 soit quatre mois après le prononcé du jugement de liquidation judiciaire elle proposait de verser pour l'apurement de la dette une somme de 18 000 € qui, d'après les termes de ce courrier, étaient le montant de la dette MSA et que le total du passif à acquitter se trouvait être au 4 novembre 2009 de 14 577, 25 euros outre 1246, 66 euros, au titre des créances numéro 302 et 340 du CREDIT MUTUEL qui, par ailleurs, attestait que les prêts 398 85 307, 398 85 303 et 398 85 304 étaient à jour ; que des pourparlers ont été menés tout au long de la procédure y compris d'appel : le montant de la créance de la MSA au 21 juillet 2010 était de 17 792, 25 €, pénalités comprises, ainsi que cela ressort du courrier du conseil de Mme X... qui rappelle avoir les fonds pour acquitter cette dette et éviter la vente de son pavillon ; qu'en conséquence la demande de partage est recevable ; que le partage sera également ordonné dans la mesure où s'il apparaît que jusqu'au 21 juillet 2010 Mme X... disposait des fonds (prêtés par diverses personnes) nécessaires pour éponger la dette de la MSA, elle n'en fait plus état dans ses dernières écritures proposant seulement de pouvoir hypothéquer l'immeuble qui lui serait laissé pour obtenir un prêt qui lui permettrait de payer la MSA, faisant valoir sans le prouver que le CREDIT MUTUEL serait d'accord pour cette solution ; * Sur la demande d'attribution préférentielle : que si une telle demande peut être opposée à l'action en partage, il reste qu'elle n'est pas de droit Mme X..., n'ayant pas la qualité de conjoint survivant ; que cependant elle peut être acceptée si l'indivisaire habite l'immeuble et si il offre de rembourser à l'autre co-indivisaire la part qui lui revient sur ses droits indivis ; qu'en l'espèce des éléments susvisés il apparaît que Mme X... ne dispose pas à l'heure actuelle de la somme utile pour acquitter la soulte sauf à proposer des solutions non acquises et dans le cadre de délai qui sont incompatibles, comme le maintien en indivision, avec la procédure de liquidation dont fait l'objet son époux, qu'ainsi cette demande sera rejetée et la licitation de l'immeuble ordonnée ; * Sur la mise à prix : que celle-ci sera fixée à une somme de 118000 € plus proche de la valeur estimée à dires d'expert de l'immeuble que celle fixée par le premier juge, tout en laissant le jeu des enchères se manifester, dans le cas de défaut d'enchères il y a lieu d'ordonner une baisse de mise à prix du quart » (arrêt, p. 4-5) ;

ALORS QUE, premièrement, nulle partie ne peut être jugée sans avoir été entendue ou appelée ; que le créancier personnel d'un indivisaire qui entend provoquer le partage de l'indivision doit former sa demande en justice à l'encontre de tous les indivisaires et notamment de son débiteur ; que Me Z... a demandé le partage de l'indivision existant entre les époux X... et la licitation d'un immeuble indivis ; qu'à supposer que l'arrêt attaqué ait fait droit à ces demandes sur le fondement de l'article 815-17 du code civil en considérant que Me Z... agissait alors dans l'intérêt collectif des créanciers et non pas au nom de M. X..., en statuant ainsi lorsque Me Z... n'avait pas formulé ses demandes à l'encontre de tous les indivisaires mais uniquement à l'encontre de Mme X..., la cour d'appel a violé l'article 14 du code de procédure civile, ensemble l'article 815-17 du code civil ;

ALORS QUE, deuxièmement, l'article 815-17, alinéa 3, du code civil, reconnaît aux créanciers personnels d'un indivisaire la faculté de provoquer le partage au nom de leur débiteur et aux coïndivisaires, celle d'arrêter le cours de l'action à partage en acquittant l'obligation au nom et en l'acquit du débiteur ; que le partage ne peut être ordonné à la demande du liquidateur judiciaire d'un des coïndivisaires agissant au nom et pour le compte de ses créanciers en l'absence d'une décision définitive d'admission des créances au passif de la liquidation judiciaire de l'indivisaire ; que l'arrêt attaqué a fait droit à la demande du liquidateur à la liquidation judiciaire de M. X... tendant au partage de l'indivision existant entre ce dernier et son épouse ; qu'à supposer que le partage ait été ordonné sur le fondement de l'article 815-17 du code civil, en ordonnant le partage sans rechercher si, comme le soutenait l'exposante (conclusions, p. 5, § 4 s.), aucune décision définitive des créances au passif de la liquidation judiciaire de M. X... n'était encore intervenue, de sorte que Mme X... ne pouvait connaître le montant de la dette à acquitter pour arrêter l'action en partage, la cour d'appel a privé sa décision de base légale, au regard de l'article 815-17 du code civil ;

ALORS QUE, troisièmement et de même, en ne se prononçant pas sur le point de savoir si la poursuite des contrats passés entre M. X... et ses créanciers après l'ouverture de la liquidation judiciaire empêchait Mme X... de connaître le montant de la dette totale de son époux et donc d'arrêter l'action en partage du mandataire liquidateur, comme l'exposante le soutenait (conclusions, p. 5, avant-dernier et dernier §), la cour d'appel a privé sa décision de base légale, au regard de l'article 815-17 du code civil ;

ALORS QUE, quatrièmement, les époux ne peuvent l'un sans l'autre disposer des droits par lesquels est assuré le logement de la famille, ni des meubles meublants dont il est garni ; que ce principe ne fait pas obstacle à la demande formée par l'un des époux en partage des biens indivis, dès lors que sont préservés les droits du conjoint sur le logement de la famille ; qu'il en résulte que le juge ne peut pas ordonner avec le partage la licitation du logement familial sans le consentement de l'autre époux indivisaire ; que l'arrêt attaqué a fait droit à la demande du liquidateur à la liquidation judiciaire de M. X... tendant au partage de l'indivision entre les époux X... et à la licitation de l'immeuble indivis ; qu'à supposer que la cour d'appel ait fait droit à cette demande sur le fondement de l'article 815 du code civil, considérant que le liquidateur agissait au nom de M. X..., en statuant de la sorte, sans rechercher si, comme l'y invitait pourtant l'exposante (conclusions, p. 8, quatre derniers § et p. 9, § 1), l'immeuble litigieux ne constituait pas le logement de la famille, de sorte que sa licitation requérait l'agrément de Mme X..., la cour d'appel a privé sa décision de base légale, au regard de l'article 215 du code civil ;

ALORS QUE, cinquièmement et subsidiairement, le conjoint séparé de biens peut demander l'attribution préférentielle du local servant à son habitation et dont il est propriétaire indivis, même si cette indivision est partagée pendant le mariage ; que cette attribution est de droit lorsque l'autre époux n'en réclame pas le bénéfice ; que l'arrêt attaqué ait fait droit aux demandes de partage et de licitation de l'immeuble indivis formées par Me Z... sur le fondement de l'article 815 ou de l'article 815-17 du code civil, en jugeant que l'attribution préférentielle à Mme X... de l'immeuble constituant son habitation et celle des enfants du couple n'était pas de droit au motif qu'elle n'avait pas la qualité de conjoint survivant, lorsque pourtant M. X... ne demandait pas l'attribution de ce bien, la cour d'appel a violé les articles 1542 et 831-3 du code civil ;

ALORS QUE, sixièmement et subsidiairement, le conjoint séparé de biens peut demander l'attribution préférentielle du local servant à son habitation et dont il est propriétaire indivis, même si cette indivision est partagée pendant le mariage ; que cette attribution est de droit lorsque l'autre époux n'en réclame pas le bénéfice ; que dans ce cas, en vertu du deuxième alinéa de l'article 832-4 du code civil, l'attributaire peut exiger de ses copartageants, pour le paiement d'une fraction de la soulte, égale au plus à la moitié, des délais ne pouvant excéder dix ans ; que l'arrêt attaqué ait fait droit aux demandes de partage et de licitation de l'immeuble indivis formées par Me Z... sur le fondement de l'article 815 ou de l'article 815-17 du code civil, en refusant l'attribution préférentielle de l'immeuble constituant son habitation et celle des enfants du couple, au motif que Mme X... proposait de régler la soulte « dans le cadre de délais qui sont incompatibles (…) avec la procédure de liquidation dont fait l'objet son époux » (arrêt, p. 5, § 4), lorsque l'exposante se contentait de solliciter un délai conforme aux conditions du deuxième alinéa de l'article 832-4 du code civil (conclusions p. 8, § 3), la cour d'appel, qui a statué par un motif inopérant, a violé les articles 1542, 831-3 et 832-4 du code civil.



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Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 09/05/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.