par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. civ. 1, 10 avril 2013, 12-12886
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Cour de cassation, 1ère chambre civile
10 avril 2013, 12-12.886

Cette décision est visée dans les définitions suivantes :
Caution / Cautionnement
Concurrence
Propriété intellectuelle




LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Antilles On Line, prétendant que plusieurs photographies qui illustraient son site internet destiné à la vente en ligne de voyages, et sur lesquelles elle déclarait être titulaire des droits d'auteur, étaient reproduites et diffusées sur les sites internet de la société Ouloger.com, a assigné cette dernière ainsi que la société Tropical Tour qui aurait agi de concert avec elle, en contrefaçon et en concurrence déloyale ;

Sur le premier moyen, pris en sa troisième branche :

Vu l'article L. 111-1 du code de la propriété intellectuelle ;

Attendu que pour rejeter l'action en contrefaçon formée par la société Antilles On Line, l'arrêt retient, par motifs propres et adoptés, que cette dernière ne démontre ni que les photographies litigieuses avaient été divulguées sous son nom, ni qu'elle avait été à l'origine de leur réalisation ;

Qu'en statuant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si la société Antilles On Line n'exploitait pas de façon paisible et non équivoque, les photographies sous son nom, en sorte qu'en l'absence de revendication de la ou des personnes les ayant réalisées, elle serait présumée à l'égard des tiers recherchés en contrefaçon, titulaires des droits patrimoniaux, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

Et sur le second moyen :

Vu l'article 1382 du code civil ;

Attendu que pour rejeter les demandes de la société Antilles On Line en réparation d'actes de concurrence déloyale, l'arrêt retient qu'il n'‘y a pas lieu d'examiner ses prétentions en raison de son absence de qualité à agir en contrefaçon ;

Qu'en se déterminant ainsi, alors que la recevabilité de l'action en concurrence déloyale est indépendante de la recevabilité de l'action en contrefaçon, la cour d'appel a violé les dispositions du texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autre branches du premier moyen :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 24 octobre 2011, entre les parties, par la cour d'appel de Basse-Terre ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Basse-Terre, autrement composée ;

Condamne les sociétés Ouloger.com et Tropical Tour aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix avril deux mille treize.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par Me Spinosi, avocat aux Conseils, pour la société Antilles On Line

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté l'action en contrefaçon formée par la société ANTILLES ON LINE à l'encontre des sociétés OULOGER.COM et TROPICAL TOUR ;

Aux motifs propres que :

« La question première à examiner est celle de la qualité à agir de l'appelante, c'est-à-dire d'établir ses droits sur les photographies qui figurent sur son site ainsi que sur le site de la société OULOGER.COM.

Il sera d'abord rappelé que la qualité d'auteur appartient, sauf preuve contraire, à celui ou à ceux sous le nom de qui l'oeuvre est divulguée, conformément aux dispositions de l'article L. 113-1 du Code de la propriété intellectuelle.

En l'espèce, les photos litigieuses figurent sur le site ANTILLES ON LINE mais il ne peut être affirmé qu'elles ont été divulguées sous le nom de cette société : aucun élément ne vient l'établir, étant noté au surplus qu'aucune mention d'un copyright n'y figure, même si cela n'est pas une obligation formelle.

En effet, la société ANTILLES ON LINE réfute cette analyse en exposant qu'il lui est reproché l'absence de mention de copyright, ou de dépôt des "oeuvres" alors que ce n'est pas une condition de protection des oeuvres, la protection du livre A du Code de la propriété intellectuelle s'opérant "du seul fait de sa création" aux termes mêmes de l'article L. 111-1 du Code de la propriété intellectuelle.

Mais comme rappelé par la société ANTILLES ON LINE elle-même, la protection du livre 1 du Code de la propriété intellectuelle s'opère "du seul fait de la création".

Cependant elle ne démontre pas qu'elle a été à l'origine de la réalisation de ces images, il n'est, en effet, pas établi par la société ANTILLES ON LINE, que les photographies litigieuses montreraient une "démarche créative portant l'empreinte de la personnalité de son auteur", pour déterminer qu'il y a matière à protection.

De plus, les photographies dont elle se prétend propriétaire ne peuvent résulter d'une oeuvre collective dans la mesure où les contrats de travail des cinq salariés et les curriculum vitae joints attestent que ces salariés sont des informaticiens, et qu'aucun d'eux n'a suivi une formation dans le domaine de la conception et de la réalisation de clichés photographiques.

Au regard de l'ensemble de ces éléments, il y a lieu de débouter l'appelante de ses prétentions en confirmation du jugement dont appel, en relevant qu'il n'y a pas lieu d'examiner les autres demandes de l'appelante compte tenu de l'absence de sa qualité à agir » (Arrêt, p. 6) ;

Et aux motifs éventuellement adoptés que :

« Les deux sociétés défenderesses ayant soulevé un moyen tiré du défaut de qualité à agir, la juridiction de céans estime que ce moyen doit être examiné liminairement.

Contrairement à ce qu'affirme la société ANTILLES ON LINE, la Cour de cassation a jugé qu'une personne morale ne peut être investie à titre originaire du droit d'auteur tant qu'elle n'établit pas qu'il s'agit d'une oeuvre collective, le monopole ne pouvant naître normalement que sur la tête d'une personne physique (cf. notamment Cass. Civ. 19/2/1992 Bull. civ. I p. 67).

Or force est de constater en l'espèce, que la société ANTILLES ON LINE démontre elle-même par la production des pièces qu'elle verse aux débats qu'en aucun cas les photographies dont elle se prétend propriétaire puissent résulter d'une oeuvre collective dans la mesure où les contrats de travail des cinq salariés et les curriculum vitae joints attestent que ces salariés sont tous des informaticiens, et qu'aucun d'eux n'a réalisé qu'un simple stage dans le domaine de la conception et de la réalisation de clichés photographiques.

Il s'ensuit que la société ANTILLES ON LINE n'a pas qualité pour se prévaloir d'un quelconque droit d'auteur qu'elle ne possède pas.

Par ailleurs, la société ANTILLES ON LINE soutient qu'en outre, la jurisprudence admet la coexistence dans la même instance de deux fondements, soit la contrefaçon qui est la reproduction à l'identique d'une oeuvre protégée, et l'action en concurrence déloyale constituant une faute lorsqu'un fait distinct de la seule reproduction contrefaisante peut être reproché ; qu'ainsi les clichés originaux donnent prise au droit d'auteur sont contrefaits et le pillage systématique du fonds de clichés constitue de plus un acte de concurrence déloyale, au sens de l'article 1382 du Code civil, le trouble causé par une exploitation illicite étant évident.

Toutefois cette argumentation est vaine dès lors qu'elle repose sur un postulat non démontré, à savoir que la demanderesse est titulaire de droits sur les photos litigieuses.

Il convient par suite, sans qu'il soit nécessaire d'examiner les autres moyens soulevés par les parties défenderesses, de débouter la société ANTILLES ON LINE de l'ensemble de ses demandes, étant précisé qu'elle n'a pas qualité pour demander la fermeture d'un site en arguant de prétendues sanctions pénales.

La preuve d'un abus du droit d'agir en justice n'étant pas rapportée, les demandes reconventionnelles en paiement de dommages-intérêts sont rejetées.

Il est conforme à l'équité d'allouer à chacune des parties défenderesses la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile » (Jugement, p. 7 à 9) ;

Alors, d'une part, qu'il revient au défendeur à l'action en contrefaçon d'établir l'absence d'originalité de l'oeuvre pour laquelle la protection est demandée ; qu'en affirmant que la société ANTILLES ON LINE n'avait pas démontré que les photographies litigieuses constituaient des oeuvres de l'esprit quand il appartenait pourtant aux sociétés défenderesses d'établir l'absence d'originalité des oeuvres dont la protection était demandée, la Cour d'appel a inversé la charge de la preuve en violation de l'article 1315 du Code civil, ensemble l'article L. 111-1 du Code de la propriété intellectuelle ;

Alors, d'autre part, que tout jugement doit être motivé et que le juge ne peut procéder par voie de pure affirmation ; que pour dénier toute originalité aux photographies pour lesquelles la protection était demandée, la Cour d'appel s'est contentée de déclarer que la société ANTILLES ON LINE n'établissait pas que les photographies litigieuses révélaient une démarche créative ; qu'en procédant par voie de pure affirmation sans apporter la moindre précision sur les éléments de fait l'ayant conduit à cette appréciation, la Cour d'appel a privé sa décision de motivation en violation de l'article 455 du Code de procédure civile ;

Alors, en outre, qu'en l'absence de toute revendication de la part de la ou des personnes physiques ayant réalisé l'oeuvre, les actes de possession de la personne morale qui l'exploite sous son nom font présumer, à l'égard des tiers contrefacteurs, que cette personne est titulaire sur l'oeuvre, quelle que soit sa qualification, du droit de propriété incorporelle de l'auteur ; qu'en affirmant que la société ANTILLES ON LINE n'établissait pas avoir divulgué l'oeuvre et ne démontrait pas qu'elle avait été à l'origine de la création des images pour exclure sa qualité à agir au titre de la contrefaçon, sans rechercher si la société ANTILLES ON LINE exploitait les oeuvres litigieuses, la seule exploitation de l'oeuvre par une personne morale et l'absence de revendication faisant présumer sa qualité de titulaire des droits sur l'oeuvre, la Cour d'appel a statué par des motifs inopérants et a par là-même privé sa décision de base légale au regard des articles L. 113-1 et L. 113-5 du Code de la propriété intellectuelle ;

Alors, enfin, qu' une oeuvre de l'esprit est une création originale, portant l'empreinte de la personnalité de l'auteur, indépendamment des compétences de la personne à l'origine de la création et qu'une oeuvre collective est une oeuvre créée sur l'initiative d'une personne physique ou morale qui l'édite, la publie et la divulgue sous sa direction et son nom et dans laquelle la contribution personnelle des divers auteurs participant à son élaboration se fond dans un ensemble en vue duquel elle est conçue ; qu'en excluant la qualification d'oeuvre collective en relevant que les salariés de la société ANTILLES ON LINE étaient tous des informaticiens et n'avaient jamais effectué de stage dans le domaine de la conception et de la réalisation de clichés photographiques, quand le fait qu'un salarié n'ait pas de compétences particulières dans le domaine de la création ne l'empêchait pourtant pas d'avoir la qualité d'auteur et n'était donc pas un obstacle à la qualification d'oeuvre collective, la Cour d'appel a ajouté une condition à la définition d'une oeuvre et par là-même à celle d'oeuvre collective violant ainsi l'article L. 111-1 du Code de la propriété intellectuelle, ensemble les articles L. 112-1, L. 112-2 et L. 113-2 du même Code.

SECOND MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté l'action en concurrence déloyale formée par la société ANTILLES ON LINE à l'encontre des sociétés OULOGER.COM et TROPICAL TOUR ;

Aux motifs propres que :

« La question première à examiner est celle de la qualité à agir de l'appelante, c'est-à-dire d'établir ses droits sur les photographies qui figurent sur son site ainsi que sur le site de la société OULOGER.COM.

Il sera d'abord rappelé que la qualité d'auteur appartient, sauf preuve contraire, à celui ou à ceux sous le nom de qui l'oeuvre est divulguée, conformément aux dispositions de l'article L. 113-1 du Code de la propriété intellectuelle.

En l'espèce, les photos litigieuses figurent sur le site ANTILLES ON LINE mais il ne peut être affirmé qu'elles ont été divulguées sous le nom de cette société : aucun élément ne vient l'établir, étant noté au surplus qu'aucune mention d'un copyright n'y figure, même si cela n'est pas une obligation formelle.

En effet, la société ANTILLES ON LINE réfute cette analyse en exposant qu'il lui est reproché l'absence de mention de copyright, ou de dépôt des "oeuvres" alors que ce n'est pas une condition de protection des oeuvres, la protection du livre A du Code de la propriété intellectuelle s'opérant "du seul fait de sa création" aux termes mêmes de l'article L. 111-1 du Code de la propriété intellectuelle.

Mais comme rappelé par la société ANTILLES ON LINE elle-même, la protection du livre 1 du Code de la propriété intellectuelle s'opère "du seul fait de la création".

Cependant elle ne démontre pas qu'elle a été à l'origine de la réalisation de ces images, il n'est, en effet, pas établi par la société ANTILLES ON LINE, que les photographies litigieuses montreraient une "démarche créative portant l'empreinte de la personnalité de son auteur", pour déterminer qu'il y a matière à protection.

De plus, les photographies dont elle se prétend propriétaire ne peuvent résulter d'une oeuvre collective dans la mesure où les contrats de travail des cinq salariés et les curriculum vitae joints attestent que ces salariés sont des informaticiens, et qu'aucun d'eux n'a suivi une formation dans le domaine de la conception et de la réalisation de clichés photographiques.

Au regard de l'ensemble de ces éléments, il y a lieu de débouter l'appelante de ses prétentions en confirmation du jugement dont appel, en relevant qu'il n'y a pas lieu d'examiner les autres demandes de l'appelante compte tenu de l'absence de sa qualité à agir » (Arrêt, p. 6) ;

Et aux motifs éventuellement adoptés que :

« Les deux sociétés défenderesses ayant soulevé un moyen tiré du défaut de qualité à agir, la juridiction de céans estime que ce moyen doit être examiné liminairement.

Contrairement à ce qu'affirme la société ANTILLES ON LINE, la Cour de cassation a jugé qu'une personne morale ne peut être investie à titre originaire du droit d'auteur tant qu'elle n'établit pas qu'il s'agit d'une oeuvre collective, le monopole ne pouvant naître normalement que sur la tête d'une personne physique (cf. notamment Cass. Civ. 19/2/1992 Bull. civ. I p. 67).

Or force est de constater en l'espèce, que la société ANTILLES ON LINE démontre elle-même par la production des pièces qu'elle verse aux débats qu'en aucun cas les photographies dont elle se prétend propriétaire puissent résulter d'une oeuvre collective dans la mesure où les contrats de travail des cinq salariés et les curriculum vitae joints attestent que ces salariés sont tous des informaticiens, et qu'aucun d'eux n'a réalisé qu'un simple stage dans le domaine de la conception et de la réalisation de clichés photographiques.

Il s'ensuit que la société ANTILLES ON LINE n'a pas qualité pour se prévaloir d'un quelconque droit d'auteur qu'elle ne possède pas.
Par ailleurs, la société ANTILLES ON LINE soutient qu'en outre, la jurisprudence admet la coexistence dans la même instance de deux fondements, soit la contrefaçon qui est la reproduction à l'identique d'une oeuvre protégée, et l'action en concurrence déloyale constituant une faute lorsqu'un fait distinct de la seule reproduction contrefaisante peut être reproché ; qu'ainsi les clichés originaux donnent prise au droit d'auteur sont contrefaits et le pillage systématique du fonds de clichés constitue de plus un acte de concurrence déloyale, au sens de l'article 1382 du Code civil, le trouble causé par une exploitation illicite étant évident.

Toutefois cette argumentation est vaine dès lors qu'elle repose sur un postulat non démontré, à savoir que la demanderesse est titulaire de droits sur les photos litigieuses.

Il convient par suite, sans qu'il soit nécessaire d'examiner les autres moyens soulevés par les parties défenderesses, de débouter la société ANTILLES ON LINE de l'ensemble de ses demandes, étant précisé qu'elle n'a pas qualité pour demander la fermeture d'un site en arguant de prétendues sanctions pénales.

La preuve d'un abus du droit d'agir en justice n'étant pas rapportée, les demandes reconventionnelles en paiement de dommages-intérêts sont rejetées.

Il est conforme à l'équité d'allouer à chacune des parties défenderesses la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile » (Jugement, p. 7 à 9) ;

Alors que l'action en concurrence déloyale sanctionne une faute commise à l'encontre d'une personne qui ne peut se prévaloir d'un droit privatif ou qui peut justifier d'une faute distincte de l'atteinte portée à un tel droit ; qu'en affirmant qu'il n'y avait pas lieu d'examiner les demandes en concurrence déloyale de la société ANTILLES ON LINE du fait de son absence de qualité à agir, la société ne démontrant pas qu'elle était titulaire de droits sur les oeuvres contrefaites, quand l'action en concurrence déloyale peut être intentée par celui qui ne dispose pas d'un droit privatif, la Cour d'appel a ajouté une condition d'exercice à l'action en concurrence déloyale en violation de l'article 1382 du Code civil.



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Caution / Cautionnement
Concurrence
Propriété intellectuelle


Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 09/05/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.