par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles
Cass. soc., 20 juin 2013, 11-19663
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Cour de cassation, chambre sociale
20 juin 2013, 11-19.663
Cette décision est visée dans la définition :
Salaire
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été engagé, le 7 avril 2000, par la société Ufifrance patrimoine en qualité de conseiller en gestion de patrimoine ; que le contrat prévoyait une rémunération composée d'une partie fixe égale au SMIC, ayant nature d'avance et donnant lieu à report et imputation le mois suivant, outre un commissionnement sur le chiffre d'affaires réalisé et une rémunération de "suivi client permanent" assise sur l'épargne investie par les clients affectés, visités pendant l'année ; qu'un avenant du 3 mars 2003 a prévu une rémunération fixe constituée d'un salaire de base égal au SMIC, augmenté d'une indemnité forfaitaire de 230 euros au titre des frais professionnels et une partie variable versée sur le seuil de déclenchement mensuel fixé à 100 % du traitement de base atteint ; qu'invoquant la nullité des clauses relatives à sa rémunération, M. X... a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes en paiement ; que le salarié a pris acte le 17 octobre 2008 ;
Sur le deuxième moyen du pourvoi incident de l'employeur :
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner au paiement d'une certaine somme à titre de remboursement de frais professionnels pour la période postérieure au 3 mars 2003, alors selon le moyen que :
1°) qu'il appartient au salarié qui prétend obtenir le remboursement de frais professionnels de rapporter la preuve de leur réalité et qu'il les a effectivement engagés dans l'intérêt de l'entreprise, peu important l'existence dans son contrat de travail d'une clause prétendument nulle prévoyant le remboursement forfaitaire des frais professionnels ; qu'en faisant droit à la demande de remboursement de frais du salarié dont elle constatait pourtant l'insuffisance des éléments justificatifs réunis au motif inopérant que «par l'insertion dans le contrat de travail d'une clause nulle dont la rédaction lui est manifestement imputable, la société n'a pas permis au salarié de préserver les justificatifs utiles à sa demande», la cour d'appel a violé l'article 1315 du code civil ;
2 ) que le juge ne peut statuer par voie de simple affirmation ; qu'en affirmant péremptoirement que la réalité des frais étaient incontestable sans dire quels éléments de preuve versés aux débats lui auraient permis d'aboutir à de telles conclusions, cependant qu'elle constatait par ailleurs que l'insertion dans le contrat de travail de la clause litigieuse n'avait pas permis pas au salarié de préserver les justificatifs utiles à sa demande, la
cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
3 ) qu'en ne précisant pas de quelle pièce, elle déduisait que le remboursement des frais exposés par M. X... devait être fixé à hauteur de 600 euros par mois, cependant que M. X... ne se prévalait nullement d'une telle somme, et que de son côté l'employeur soulignait que le montant des frais professionnels exposé par le personnel commercial avait été évalué à 230 euros mensuels tant par les syndicats, lors de la signature de l'accord d'entreprise du 28 février 2003, que par diverses juridictions du fond, la cour d'appel a derechef violé l'article 455 du code civil ;
Mais attendu que les frais qu'un salarié justifie avoir exposés pour les besoins de son activité professionnelle et dans l'intérêt de l'employeur, doivent être remboursés sans qu'ils puissent être imputés sur la rémunération qui lui est due, à moins qu'il n'ait été contractuellement prévu qu'il en conserverait la charge moyennant le versement d'une somme fixée à l'avance de manière forfaitaire et à la condition, d'une part, que cette somme forfaitaire ne soit pas manifestement disproportionnée au regard du montant réel des frais engagés, et, d'autre part, que la rémunération proprement dite du travail reste chaque mois au moins égale au SMIC ;
Et attendu que la cour d'appel a constaté qu'au vu des pièces justificatives, des modalités d'exécution du contrat de travail, notamment de l'étendue de la zone de prospection, des exigences contractuelles pesant sur le salarié, telles que le nombre de rendez-vous à assurer et l'activité réellement déployée, le forfait accordé au salarié était structurellement insuffisant et ne représentait en moyenne que le tiers des frais réellement engagés ; qu'elle a estimé, que ce forfait était manifestement disproportionné et que le salarié devait être remboursé des frais réellement exposés dont elle a apprécié souverainement le montant ;
D'où il suit que le moyen, qui manque en fait en sa première branche, n'est pas fondé pour le surplus ;
Mais sur le moyen unique du pourvoi principal du salarié :
Vu les articles L. 1231-1, L. 1237-2 et L. 1232-1 du code du travail ;
Attendu que pour débouter le salarié de ses demandes indemnitaires au titre de la rupture du contrat de travail l'arrêt retient que le salarié a pris acte de la rupture le 17 octobre 2008, alors qu'il avait saisi le conseil de prud'hommes le 8 mars 2007, soit 17 mois avant, ce qui démontre à l'évidence que les manquements qu'il allègue à ce jour, ne rendaient pas impossible le maintien du contrat de travail ; qu'en réalité, le salarié ne démontre nullement que ce sont les griefs qu'il reproche à son employeur qui ont motivé son départ ;
Qu'en se déterminant ainsi, alors qu'elle avait retenu l'existence d'une créance du salarié sur l'employeur d'un montant de 7 200 euros en remboursement des frais professionnels engagés de mars 2002 à mars 2003, 22 000 euros en remboursement des frais professionnels pour la période postérieure à mars 2003, outre 6 000 euros à titre de dommages-intérêts pour préjudice distinct lié au non remboursement intégral des frais professionnels, la cour d'appel, qui devait vérifier si ces manquements étaient suffisamment graves pour justifier la prise d'acte de la rupture du contrat de travail, a privé sa décision de base légale ;
Et sur le premier moyen du pourvoi incident de l'employeur :
Vu l'article 1315 du code civil ;
Attendu que pour condamner l'employeur au paiement d'une certaine somme à titre de remboursement des frais professionnels pour la période du 8 mars 2002 au 3 mars 2003, l'arrêt retient que la nullité de la clause afférente à la rémunération incluse dans le contrat de travail du 7 avril 2000 ouvre droit au remboursement au salarié des frais professionnels par lui engagés pour la période non prescrite et donc comprise entre le 8 mars 2002 et le 3 mars 2003, date de signature du second contrat de travail ; que la réalité des frais est incontestable et l'employeur, par l'insertion dans le contrat de travail d'une clause nulle dont la rédaction lui est manifestement imputable, n'a pas permis au salarié de préserver les justificatifs utiles à sa demande ; qu'il n'est donc pas fondé à lui reprocher a posteriori l'insuffisance des éléments justificatifs produits ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'il appartient au salarié de prouver l'existence des frais professionnels allégués, la cour d'appel, qui a inversé la charge de la preuve, a violé le texte susvisé ;
Et attendu que, conformément à l'article 624 du code de procédure civile, la cassation sur le premier moyen du pourvoi incident entraîne, par voie de conséquence, la cassation du chef du préjudice lié au non-remboursement des frais professionnels ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société Ufifrance patrimoine à payer à M. X..., les sommes de 7 200 euros en remboursement de frais professionnels engagés par le salarié de mars 2002 à mars 2003, 6 000 euros à titre de préjudice distinct lié au non-remboursement des frais professionnels et qu'il déboute M. X... de ses demandes indemnitaires au titre de la rupture du contrat de travail, l'arrêt rendu le 17 février 2011, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles ;
Condamne la société Ufifrance patrimoine aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Ufifrance patrimoine et la condamne à payer à M. X... la somme de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt juin deux mille treize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit au pourvoi principal par la SCP Delaporte, Briard et Trichet, avocat aux Conseils pour M. X...
Il est reproché à l'arrêt à l'arrêt attaqué d'avoir débouté M. X... de ses demandes indemnitaires au titre de la rupture de son contrat de travail ;
Aux motifs que sur la rupture du contrat de travail, M. Jean-Denis X... sollicite pour la première fois en cause d'appel que la rupture de son contrat de travail qui s'est inscrite dans le cadre d'une prise d'acte du 17 octobre 2008, soit déclarée imputable à l'employeur à l'encontre duquel il reproche un certain nombre de manquements contractuels ; que la SAS UFIFRANCE PATRIMOINE réplique que les circonstances de la prise d'acte de rupture doivent conduire la Cour à conclure que la rupture produit les effets d'une démission ; qu'en l'espèce, Monsieur Jean-Denis X... a pris acte de la rupture le 17 octobre 2008, alors qu'il avait saisi le conseil de prud'hommes le 8 mars 2007, soit 17 mois avant, ce qui démontre à l'évidence que les manquements qu'il allègue à ce jour, ne rendaient pas impossible le maintien du contrat de travail ; qu'en réalité M. Jean-Denis X... ne démontre nullement que ce sont les griefs qu'il reproche à son employeur qui ont motivé son départ et ce, d'autant qu'à la date de la prise d'acte de rupture, M. Jean-Denis X... avait obtenu satisfaction devant le conseil de prud'hommes par une condamnation de son employeur ; que dans ces conditions, la prise d'acte de rupture de M. X... doit produire les effets d'une démission et non pas d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ; que M. Jean-Denis X... doit donc être débouté de ses demandes tendant au paiement de ses indemnités de préavis, des congés payés y afférents, de l'indemnité légale de licenciement et de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.»
Alors, d'une part, que lorsqu'un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient ; que dès lors en constatant qu'à la date de la prise d'acte de la rupture du contrat de travail, la société Ufifrance restait devoir au salarié une somme de 29 200 euros au titre des frais professionnels que M. X... n'avait obtenue que par voie judiciaire malgré la connaissance que l'employeur avait du caractère illicite de la clause d'intégration des frais à la rémunération pour la période antérieure à 2003 et de l'inopposabilité de celle insérée au contrat à compter de mars 2003, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations, a violé les articles L. 1231-1, L. 1237-2 et L. 1235-1 du code du travail ;
Alors, d'autre part, que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse quand les faits invoqués la justifiaient ; qu'en l'espèce la cour d'appel a constaté que la société s'était sciemment abstenue de régler à M. X... les frais dus pour toute sa période de travail, dont celle antérieure à 2003 sous l'empire d'une clause illicite (arrêt p. 8, 6ème al.) ; que dès lors en retenant que la prise d'acte était postérieure au jugement du conseil ayant fait droit aux prétentions de M. X... pour requalifier la rupture en une démission quand les condamnations prononcées contre l'employeur, dont les manquements étaient établis, n'étaient pas définitives en raison de l'appel qu'il avait interjeté et qui démontrait sa persistance à ne pas reconnaître le bien fondé des demandes du salarié, la cour d'appel a statué par des motifs inopérants et, ainsi, privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1231-1, L. 1237-2 et L. 1235-1 du code du travail ;
Moyens produits au pourvoi incident par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils pour la société Ufifrance Patrimoine
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré M. X... bien fondé en sa demande de remboursement de frais professionnels pour la période de mars 2002 à mars 2003 et d'AVOIR en conséquence condamné la société UFIFRANCE à verser à M. Jean-Denis X... les sommes de 7 200,00 euros en remboursement des frais professionnels engagés par lui de mars 2002 à mars 2003 avec intérêts au taux légal à compter du 12 mars 2007 ;
AUX MOTIFS QUE «Sur la période du 8 mars 2002 au 3 mars 2003 (date de l'avenant au contrat de travail). Le premier contrat de travail de M. X..., conclu le 7 avril 2000, contentait une clause aux termes de laquelle «les traitements fixes et les commissions versées couvrent tous les frais professionnels de prospection et de suivi de clientèle». Le principe en la matière est que les frais professionnels engagés par un salarié doivent être supportés par l'employeur sans qu'ils puissent être imputés sur la rémunération qui lui est due, à moins qu'il n'ait été contractuellement prévu que le salarié en conserverait la charge moyennant le versement d'une somme fixée à l'avance de manière forfaitaire et à la condition que la rémunération proprement dite du travail reste au moins égale au SMIC.
L'examen du contrat de travail conclu le 7 avril 2000 fait ressortir qu'il ne contenait aucune garantie de cette nature, de sorte qu'il y a lieu de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a déclaré nulle la clause litigieuse. La nullité de la clause afférente à la rémunération incluse dans le contrat de travail du 7 avril 2000 ouvre droit au remboursement à M. Jean-Denis X... des frais professionnels par lui engagés pour la période non prescrite et donc comprise entre le 8 mars 2002 et le 3 mars 2003, date de signature du second contrat de travail. La réalité de ses frais est incontestable et la S.A.S UFIFRANCE PATRIMOINE, par l'insertion dans le contrat de travail d'une clause nulle dont le rédaction lui est manifestement imputable, n'a pas permis au salarié de préserver les justificatifs utiles à sa demande. Elle n'est donc pas fondée à lui reprocher a posteriori l'insuffisance des éléments justificatifs réunis. M. X... fixe à 1 100 euros par mois, en moyenne, ses frais professionnels. Au vu des éléments du dossier, la Cour estime que M. Jean-Denis X... peut prétendre au remboursement de ses frais professionnels à hauteur de 600 euros par mois. Il y a lieu de réformer le jugement déféré sur le montant de la somme allouée à M. Jean-Denis X... au titre du remboursement de ses frais professionnels pour la période comprise entre mars 2002 et mars 2003, et statuant à nouveau de condamner la S.A.S UFIFRANCE PATRIMOINE à lui verser la somme de 7 200 euros à ce titre» ;
ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE «sur la période de mars 2002 à mars 2003 Attendu que le premier contrat de travail de M. X..., conclu le 7 avril 2000, contenait une clause aux termes de laquelle "les traitements fixes et les commissions versés couvrent tous les frais professionnels de prospection et de suivi clientèle", que les frais professionnels engagés par un salarié doivent être supportés par l'employeur sans qu'ils puissent être imputés sur la rémunération qui lui est due à moins qu'il n'ait été contractuellement prévu qu'il en conserverait la charge moyennant le versement d'une somme fixée à l'avance de manière forfaitaire et à la condition que la rémunération proprement dite du travail reste au moins égale au SMIC, que le contrat de travail du 7 avril 2000 ne contenait aucune garantie de cette nature, qu'en conséquence la clause litigieuse sera déclarée nulle, que la nullité de la clause afférente à la rémunération incluse dans le contrat de travail du 7 avril 2000 ouvre droit à M. X... d'être remboursé des frais professionnels engagés pour la période non prescrite et donc comprise entre le 8 mars 2002 et le 3 mars 2003, date de signature du second contrat de travail, que les frais professionnels engagés par M. X... résultent de la nature même de l'emploi occupé ainsi que l'employeur le reconnaît lui même en faisant état dans le contrat de travail des "frais professionnels de prospection et de suivi clientèle", que l'employeur n'a jamais contesté l'activité de M. X... le nom des clients visités ni la ville de rattachement, que l'employeur qui, en insérant, dans le contrat de travail, une clause nulle, a interdit au salarié de préserver les justificatifs utiles à ses demandes en remboursement de frais, n'est pas donc pas fondé à contester à posteriori l'insuffisance des éléments justificatifs que le demandeur a pu réunir» ;
1°/ ALORS Qu'il appartient au salarié qui prétend obtenir le remboursement de frais professionnels de rapporter la preuve de leur réalité et qu'il les a effectivement engagés dans l'intérêt de l'entreprise, peu important l'existence dans son contrat de travail d'une clause prétendument nulle prévoyant le remboursement forfaitaire des frais professionnels ; qu'en faisant droit à la demande de remboursement de frais du salarié dont elle constatait pourtant l'insuffisance des éléments justificatifs réunis au motif inopérant que « par l'insertion dans le contrat de travail d'une clause nulle dont la rédaction lui est manifestement imputable, la société n'a pas permis au salarié de préserver les justificatifs utiles à sa demande», la cour d'appel a violé l'article 1315 du code civil ;
2°/ ALORS QUE le juge ne peut statuer par voie de simple affirmation ; qu'en affirmant péremptoirement que la réalité des frais étaient incontestable sans dire quels éléments de preuve versés aux débats lui auraient permis d'aboutir à de telles conclusions, cependant qu'elle constatait par ailleurs que l'insertion dans le contrat de travail de la clause litigieuse n'avait pas permis pas au salarié de préserver les justificatifs utiles à sa demande, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
3°/ ALORS QU'en ne précisant pas de quelle pièce, elle déduisait que le remboursement des frais exposés par M. X... devait être fixé à hauteur de euros par mois, cependant que M. X... ne se prévalait nullement d'une telle somme, et que de son côté l'employeur soulignait que le montant des frais professionnels exposé par le personnel commercial avait été évalué à 230 euros mensuels tant par les syndicats, lors de la signature de l'accord d'entreprise du 28 février 2003, que par diverses juridictions du fond, la cour d'appel a derechef violé l'article 455 du code civil.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré M. X... bien fondé en sa demande de remboursement de frais professionnels pour la période comprise entre mars 2003 et décembre 2006, d'AVOIR déclaré inopposable à M. X... la clause de son contrat de travail fixant à 230 euros le remboursement forfaitaire de ses frais professionnels et d'AVOIR en conséquence condamné la société UFIFRANCE à verser à M. Jean-Denis X... la sommes de 22 000 euros en remboursement des frais professionnels pour la période postérieure à mars 2003, avec intérêts au taux légal à compter du 12 mars 2007 ;
AUX MOTIFS QUE Sur la période postérieure au 3 mars 2003. M. Jean-Denis X... a accepté le 3 mars 2003 un nouveau contrat de travail prévoyant un remboursement forfaitaire des frais professionnels dans les conditions et sur le montant fixé par l'accord d'entreprise signé quelques jours plus tôt. Il allègue un vice de son consentement l'ayant conduit à accepter ces nouvelles dispositions mais n'établit aucune circonstance de nature à l'établir : en effet, compte tenu de son ancienneté dans l'entreprise, de sa qualité de salarié protégé, il disposait de tous les éléments nécessaires pour apprécier le bien fondé ou non des termes du nouveau contrat proposé à son acceptation, ayant au surplus, en cas de doute, la faculté de demander toute précision utile à l'employeur ou aux représentants des organisations syndicales ayant négocié l'accord. La clause insérée à l'article 2.2 du contrat de travail prévoit une rémunération se décomposant d'une partie fixe et d'une partie variable.
La partie fixe appelée également traitement de base, est constituée d'un salaire de base égal au SMIC mensuel, majoré d'une indemnité brute de 10 % au titre des congés payés et de la somme brute de 230 euros correspondant au remboursement forfaitaire des frais professionnels. Si le système mis en place est en théorie licite en ce qu'il respecte formellement les conditions fixées par la jurisprudence pour intégrer les frais professionnels dans la rémunération, il doit encore, pour être opérant, reposer sur la fixation d'un forfait préalablement chiffré très proche des frais réels habituellement engagés. Dans le cas inverse, ou si la marge de variation est trop importante, il conduit constamment au risque de voir la rémunération nette s'établir à un niveau inférieur au SMIC, instaurant ainsi en permanence une incertitude sur le niveau minimal de la rémunération, sauf à contraindre le salarié à collationner systématiquement les justificatifs de ses frais pour formuler utilement, si besoin, des demandes de remboursement, ce qui est la négation même de la notion de forfait. En l'occurrence, au vu des pièces justificatives fournies, des modalités d'exécution du contrat de travail par M. Jean-Denis X..., notamment de l'étendue de sa zone de prospection, des exigences contractuelles pesant sur lui, telles que le nombre de rendez-vous à assurer et l'activité réellement déployée, il est manifeste que le forfait accordé au salarié est structurellement insuffisant et ne représente en moyenne que le tiers des frais réellement engagés. Dans ces conditions, il y a lieu, non pas d'annuler la clause, mais de la déclarer inopposable à M. Jean-Denis X... en ce qu'elle détermine pour lui un forfait totalement inapproprié et de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a ordonné le remboursement des frais restés à sa charge mais de le réformer sur le montant qui lui a été alloué. Au vu des éléments du dossier et compte tenu notamment des sommes déjà versées au cours du contrat, la Cour est en mesure de fixer à 22 000 euros la somme qui doit être versée par la S.A.S UFIFRANCE PATRIMOINE en remboursement complémentaire des frais exposés par M. Jean-Denis X... d'avril 2003 jusqu'à la fin de l'année 2006» ;
ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE «sur la période à compter du 3 mars 2003 : Attendu qu'à compter du 3 mars 2003, l'employeur a versé au salarié une somme mensuelle forfaitaire de 230 euros au titre des frais professionnels, que l'employeur ne vient pas affirmer ni établir que l'activité de M. X... a subi quelque modification à compter de mars 2003, que la charge des frais professionnels susmentionnés n'a pas diminué, que le versement de la somme forfaitaire de 230 euros apparaît dès lors totalement insuffisant pour assurer au salarié le remboursement intégral de ses frais qui ne peuvent ni ne doivent rester à sa charge, qu'il en résulte qu'en l'absence de prise en charge intégrale de ses frais par l'employeur, celui-ci n'a pas pu bénéficier en permanence d'une rémunération au moins égale au SMIC, que dès lors, cette clause relative aux frais professionnels sera déclarée nulle et, en conséquence, M. X... est bien fondée en sa demande de remboursement des frais professionnels engagés à compter du 3 mars 2003» ;
1°) ALORS QUE les frais qu'un salarié justifie avoir exposés pour les besoins de son activité professionnelle et dans l'intérêt de l'employeur doivent être remboursés sans qu'ils puissent être imputés sur la rémunération qui lui est due, à moins qu'il n'ait été contractuellement prévu qu'il en conserverait la charge moyennant le versement d'une somme fixée à l'avance de manière forfaitaire et à la condition que la rémunération proprement dite du travail reste au moins égale au SMIC ; que, dès lors, la clause prévoyant un remboursement forfaitaire des frais professionnels moyennant le versement d'une somme fixée à l'avance est licite et opposable au salarié, quand bien même le forfait accordé serait régulièrement insuffisant, le salarié ayant seulement droit, dans l'hypothèse où ses frais seraient tels que sa rémunération réelle deviendrait effectivement inférieure au SMIC, qu'à un complément de salaire pour qu'elle atteigne le salaire minimum ; qu'en l'espèce, il ressort des constatations de la cour d'appel que le contrat de travail du 3 mars 2003 stipulait à son article 2-2 que la partie fixe, appelée également traitement de base, est constituée d'un salaire égal au SMIC majoré de la somme brute de 230 correspondant au remboursement forfaitaire des frais professionnels (V. arrêt attaqué p. 6, dernier §) ; qu'en jugeant cette clause inopposable au salarié, l'employeur devant en conséquence prendre en charge l'intégralité des frais professionnels, au prétexte que le forfait aurait été «structurellement insuffisant», conduisant «constamment au risque de voir la rémunération nette s'établir sur un niveau inférieur au SMIC», quand l'insuffisance du forfait et la réalisation d'un tel risque ne pouvaient que conduire au paiement d'un complément de rémunération pour qu'elle atteigne le SMIC, la cour d'appel a violé l'article L. 3211-1 du code du travail ;
2°/ ALORS QU'en affirmant qu'il apparaît que le forfait accordé au salarié aurait été structurellement insuffisant et n'aurait représenté en moyenne que le tiers des frais réellement engagés sans dire quels éléments de preuve versés aux débats lui auraient permis d'aboutir à de telles conclusions, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
3°) ALORS en tout état de cause QU'en cas d'inopposabilité d'une clause forfaitaire de remboursement de frais, seuls peuvent être remboursés au salarié, les frais qu'il justifie avoir exactement et effectivement engagés dans l'intérêt de l'entreprise, ce qui exclut toute évaluation forfaitaire par les juges ; qu'en affirmant péremptoirement qu'au vu des éléments du dossier, le forfait était structurellement insuffisant et qu'elle était en mesure de fixer à 22 000 euros le montant des frais exposés par M. X... d'avril 2003 jusqu'à la fin de l'année 2006, sans indiquer quels étaient ces frais et en évaluant forfaitairement leur montant, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 3211-1 du code du travail ;
4°) ALORS enfin QU'outre l'allocation supplémentaire de 230,00 euros prévue forfaitairement au titre des frais professionnels sur le salaire fixe, le contrat du 3 mars 2003 prévoyait, en son article 2.3, alinéa 5, que «les versements au titre de la part variable de la rémunération incluront une indemnité de 10 %, correspondant à un complément de remboursement forfaitaire des frais professionnels » ; qu'en se bornant à considérer le forfait prévu à l'article 2-2 du contrat structurellement insuffisant à garantir au salarié une rémunération au moins égale au SMIC, une fois défalquée des frais par lui exposés et non compris dans le forfait, sans tenir compte de la clause forfaitaire de remboursement de frais prévue à l'article 2.3, la cour d'appel a dénaturé le contrat du 3 mars 2003, en violation de l'interdiction faite aux juges de dénaturer les éléments de la cause.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la société UFIFRANCE PATRIMOINE à payer à son salarié la somme de 6 000,00 euros à titre de dommages-intérêts pour préjudice distinct lié au non remboursement intégral des frais professionnels et ce, avec intérêts au taux légal à compter du jour du prononcé du jugement ;
AUX MOTIFS QU'«en méconnaissant sciemment d'une part ses obligations de prendre à sa charge la totalité des frais engagés par son salarié pour l'exercice de ses fonctions et de verser chaque mois une rémunération au moins égale au SMIC, (disposition d'ordre public, avant mars 2003), et en fixant d'autre part un montant forfaitaire de remboursement des frais professionnels structurellement insuffisants à partir du mois de mars 2003, la S.A.S UFIFRANCE PATRIMOINE a placé le salarié dans une situation financière précaire tout en lui imposant une réduction d'autant du salaire perçu, ce qui caractérise un comportement fautif générateur d'une préjudice distinct de celui résultant du simple retard apporté au paiement des sommes dues. Le jugement déféré ne peut qu'être confirmé en ce qu'il a condamné la S.A.S UFIFRANCE PATRIMOINE à verser des dommages-intérêts à Monsieur Jean-Denis X... mais de le réformer sur le montant alloué qu'il y a lieu de réduire à la somme de 6 000 euros» ;
ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE «la société défenderesse a méconnu en toute connaissance de cause , son obligation de prendre à sa charge la totalité des frais professionnels engagés par son salarié pour l'exercice de ses fonctions et son obligation de verser mois par mois une rémunération au moins égal au SMIC, disposition d'ordre public, plaçant ainsi celui -ci dans une situation financière précaire, fait générateur d'un préjudice distinct du simple retard apporté au paiement des sommes qui lui étaient normalement dues» ;
1°) ALORS QUE la cassation à intervenir de l'arrêt sur les deux premiers moyens de cassation, entraînera pas voie de conséquence, l'annulation du chef de l'arrêt attaqué accordant au salarié des dommages-intérêts pour préjudice distinct du retard apporté au paiement des sommes dues, et ce, en application de l'article 624 du code de procédure civile ;
2°) ALORS en tout état de cause QUE les juges du fond ne peuvent allouer des dommages et intérêts distincts des intérêts moratoires que s'ils constatent non seulement que le créancier a subi un préjudice indépendant du retard apporté au paiement de sa créance mais également que ce préjudice a été causé par la mauvaise foi du débiteur en retard ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a alloué à M. X... la somme de 6 000 euros à titre de dommages et intérêts à raison de l'absence de remboursement des frais professionnels, sans caractériser la mauvaise foi de l'employeur ; que ce faisant, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1153, alinéa 4 du code civil ;
3°) ALORS en tout état de cause QUE ne donne pas à sa décision une véritable motivation le juge qui procède par voie de simple affirmation sans donner à ses constatations de fait une précision suffisante; qu'en se bornant à dire que l'employeur avait méconnu «sciemment» ses obligations de prendre à sa charge la totalité des frais engagés par son salarié pour l'exercice de ses fonctions et de verser chaque mois une rémunération au moins égale au SMIC, sans nullement faire ressortir de quelle pièce elle tirait une telle constatation, lors même que l'employeur démontrait que l'insertion de la clause forfaitaire de remboursement des frais professionnels dans le contrat initial était valable au jour de la conclusion et n'était devenue caduque qu'à compter d'un arrêt de la Cour de cassation du 24 octobre 2001, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.
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Cette décision est visée dans la définition :
Salaire
Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 09/05/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.