par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. soc., 20 novembre 2013, 12-30100
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Cour de cassation, chambre sociale
20 novembre 2013, 12-30.100

Cette décision est visée dans la définition :
Licenciement




LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X... a été engagée par l'association Pompiers sans frontières en qualité d'agent d'entretien dans le cadre d'un contrat emploi solidarité du 29 avril au 29 octobre 2005, puis dans le cadre d'un contrat d'avenir conclu pour la période du 16 décembre 2005 au 16 décembre 2007 ; que le lieu de travail était fixé au siège de l'association à Marseille ; que l'employeur ayant rompu, le 21 mai 2007, son contrat de travail pour faute grave, elle a saisi la juridiction prud'homale pour obtenir paiement de dommages-intérêts au titre de cette rupture ;

Sur le troisième moyen :

Attendu que la salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande de dommages-intérêts pour irrégularité de la procédure, alors selon le moyen, que la lettre de convocation à l'entretien préalable à une sanction disciplinaire ou au licenciement doit être adressée au salarié par lettre recommandée ou lui être remise en main propre contre décharge ; qu'en l'espèce, Mme X... a été convoquée à l'entretien préalable par lettre simple, ce qui constituait une irrégularité substantielle ; qu'en décidant cependant que le contrat de travail de la salariée a été rompu selon une procédure régulière, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé les articles L. 1232-2, L. 1332-2, R 1332-2 et L. 1235-5 du code du travail ;

Mais attendu qu'il résulte de l'article L. 1242-14 du code du travail que les dispositions des articles L. 1232-2 et L. 1235-6 du même code ne sont applicables qu'à la procédure de licenciement et non à celle de la rupture du contrat de travail à durée déterminée laquelle, lorsqu'elle est prononcée pour faute grave, est soumise aux seules prescriptions des articles L. 1332-1 à L. 1332-3 du code du travail qui ne prévoient aucune formalité pour la convocation à l'entretien préalable à la sanction disciplinaire ;

Et attendu qu'ayant relevé que la salariée ne contestait pas avoir reçu la convocation à l'entretien préalable, la cour d'appel en a exactement déduit que la procédure disciplinaire était régulière ; que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le premier moyen :

Vu l'article L. 1243-1 du code du travail dans sa rédaction alors applicable ;

Attendu que pour débouter la salariée de ses demandes indemnitaires pour rupture abusive du contrat à durée déterminée, l'arrêt, après avoir relevé que le nouveau lieu de travail, qui n'était éloigné de l'ancien que de quinze kilomètres, se trouvait, compte tenu de cette faible distance, dans le même secteur géographique que le précédent, retient que l'absence de Mme X... en raison du refus injustifié de se rendre sur son nouveau lieu de travail caractérise une faute d'une gravité telle qu'elle ne pouvait être maintenue au sein de l'entreprise même durant le temps limité du préavis, car elle a clairement manifesté par son attitude, son refus persistant de se soumettre au pouvoir de direction de l'employeur ;

Qu'en statuant ainsi, alors que le refus par un salarié d'un changement de ses conditions de travail, s'il caractérise un manquement à ses obligations contractuelles, ne constitue pas à lui seul une faute grave, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, sans qu'il soit nécessaire de statuer sur le deuxième moyen :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déboute la salariée de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour irrégularité de la procédure disciplinaire, l'arrêt rendu le 5 mai 2011, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ;

Condamne l'association Pompiers sans frontières aux dépens ;

Vu l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, condamne l'association Pompiers sans frontières à verser la somme de 2 500 euros à la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano à charge pour cette dernière de renoncer à percevoir l'indemnité prévue par l'Etat ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt novembre deux mille treize.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils, pour Mme X...

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit le licenciement pour faute grave fondé et d'AVOIR débouté la salariée de sa demande de dommages et intérêts pour rupture anticipée de son contrat de travail ;

AUX MOTIFS QUE « le contrat de travail de Mme X... prévoit qu'elle exercera ses fonctions au siège de l'association, Hôtel Dieu à Marseille ; qu'il est constant que l'association a été mise en demeure par la mairie de Marseille de quitter cette adresse ; que c'est ainsi que la siège a été transféré, le 1er avril 2007, au Parc Expobat, dans le centre commercial de plan de Campagne ; que l'attestation de M. Y..., référent Rmi de Mme X..., est revêtue du tampon du lieu d'accueil Rmi Adai 13, la signature qui y figure est la même que celle apposée sur un compte rendu établi au nom de l'intéressé le 18 juin 2007 et une attestation au nom de l'équipe du lieu d'accueil Adai, en date du 8 octobre 2009, indique que Mme X... a été suivie jusqu'au mois de novembre 2007 par Monsieur Y... qui n'est plus présent dans la structure ; que cette attestation ne sera pas écartée des débats car, malgré le défaut de copie d'une pièce d'identité, l'identité de son auteur ne fait pas de doute ; que M. Y... indique qu'il a téléphoné le 16 avril 2007 à l'employeur de Mme X... et que ce dernier ou son représentant, nommé M. Z..., lui a dit que Mme X... pouvait rester chez elle et serait payée dans l'attente d'une solution ; qu'il ajoute que son interlocuteur lui a dit qu'un licenciement économique était impossible car trop coûteux pour l'association ; que par ailleurs il écrit que Mme X... l'a informé qu'elle devait être reçue par l'employeur mais que le rendez-vous prévu n'avait pas été fixé ; que les termes de l'attestation de M. Y..., lequel écrit notamment qu'il est intervenu sur l'interpellation de Mme X... en vue de trouver une solution à l'impasse dans laquelle elle se trouvait, amènent la cour à s'interroger sur la totale impartialité du témoin et à ne pas retenir, pour l'analyse du litige, ce témoignage qui n'est étayé par aucun élément objectif du dossier ¿ d'autant que M. Z..., président de l'association, interrogé par les conseillers prud'homaux désignés aux fins d'enquête le 17 décembre 2008 par le conseil de prud'hommes, a déclaré ne pas se souvenir d'avoir été contacté par une personne oeuvrant dans les intérêts de Mme X... et a nié avoir demandé à la salariée de rester chez elle en attente d'une solution ; que le nouveau siège social de l'association se trouve environ à 15 kilomètres de Marseille en un lieu desservi par les transports en commun ; qu'il s'agit donc du même secteur géographique et le changement de lieu de travail ne constitue pas une modification du contrat de travail qui aurait du être soumise à l'acceptation de la salariée ; que Mme X... ne pouvait s'opposer à cette modification de ses conditions de travail dont elle était parfaitement informée puisqu'il est incontesté qu'elle s'est rendue dans les nouveaux locaux au moment du déménagement ; que d'ailleurs Mme X... fait grief à l'employeur non pas de ne pas l'avoir avisée, puisqu'elle conclut qu'elle l'a été oralement, mais de ne pas l'avoir fait par écrit ; que l'employeur n'était pas tenu à un tel formalisme ; que Mme X... en ne se présentant plus sur son lieu de travail à compter du 20 avril 2007, en ne justifiant pas son absence, en ne donnant pas de suite au courrier recommandé de mise en demeure adressé par l'employeur le 23 avril, et en ne se manifestant plus y compris le jour de l'entretien préalable dont elle convient qu'elle avait connaissance, s'est trouvée en absence injustifiée durant près d'un mois et a ainsi commis une faute d'une gravité telle qu'elle ne pouvait être maintenue au sein de l'entreprise même durant le temps limité du préavis, car elle a clairement manifesté par son attitude son refus persistant de se soumettre au pouvoir de direction de l'employeur ; que Mme X... sera donc déboutée de ses demandes relatives à des rappels de salaire puisqu'elles correspondent à des périodes durant lesquelles elle a refusé de travailler ainsi que celles relatives à la rupture puisque son licenciement est justifié par une faute grave ; qu'il en est de même pour la demande formée au titre de l'irrégularité de la procédure de licenciement car elle ne conteste pas avoir reçu la convocation à l'entretien préalable, fixé au 14 mai, par lettre simple le date du 4 mai : en effet, la lettre recommandée ou la remise contre récépissé n'est pas une condition de validité de la convocation à l'entretien préalable mais simplement un moyen destiné à faciliter la preuve de la réception de la convocation, laquelle n'est pas contestée en l'espèce » ;

ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE « l'association Pompiers sans frontières conduisait ses actions à partir de son siège, sis Hôtel Dieu ¿ Place Daviel ¿ 13002 MARSEILLE ; que les locaux de ce siège étaient mis à disposition par la Ville de Marseille ; que la ville de Marseille a entendu récupérer lesdits locaux pour y conduire des projets en propre ; que pour répondre à l'injonction de la ville de Marseille, l'association était tenue de quitter les lieux ; que dès lors l'association Pompiers sans frontières a dû se déplacer sur un autre site à savoir des locaux sis Pavillon 28, rue de Copenhague ¿ Parc Expobat village ¿ Centre commercial Plan de Campagne ¿ 13 480 CABRIES ; qu'elle l'a élu pour siège social dès le 1er avril 2007 ; que les personnels ont rejoint cette adresse pour y conduire leurs fonctions respectives ; qu'il est de jurisprudence constante de la Cour de cassation que « ¿ le changement de lieu de travail doit être apprécié de manière objective ¿ » ; qu'il ne constitue pas une modification du contrat mais une modification des conditions de travail relevant du pouvoir de direction ; que ce nouveau siège social se situe dans le même secteur géographique ; qu'au surplus, il ressort des constatations du Conseil que ce lieu est normalement et régulièrement desservi par des sociétés de transports interurbains ; ¿ ; que la demanderesse ne conteste pas avoir effectué « 4 jours de travaux d'entretien approfondi » dans ces nouveaux locaux en vue du déménagement ; confère le rapport des conseillers rapporteurs du 16 mars 2009 (audience du 19 février 2009) ; que la demanderesse ne peut valablement arguer du fait qu'elle n'avait pas connaissance du nouveau lieu d'exercice de ses fonctions ; que, par courrier RAR du 23 avril 2007, l'employeur interroge Mme Layla X... sur les raisons de son absence depuis le 20 avril, date de reprise prévue au terme de sa période d'absence pour congés payés du 2 avril 2007 au 19 avril 2007 inclus ; que ce courrier est resté sans réponse jusqu'au 4 mai 2007, date à laquelle l'association prend l'initiative de convoquer Mme X... à un entretien préalable, le 14 mai 2007, en vue d'un licenciement ; que Mme X... ne se présente pas à cet entretien ; qu'aux termes de l'article L 1221-1 du code du travail, le contrat de travail doit être exécuté de bonne foi ; que la demanderesse se trouve en situation d'absence injustifiée depuis le 20 avril 2007 ; que la justification d'une ou de plusieurs absences relève de la non-exécution de ses obligations contractuelles ; que c'est donc à bon droit que l'association Pompiers sans frontières a procédé, par courrier recommandé avec accusé de réception du 21 mai 2007, au licenciement pour faute grave de Madame Layla X... ;

1°) ALORS QUE le juge ne peut dénaturer les termes clair et précis du contrat de travail qui lui est soumis ; qu'en l'espèce, le contrat d'avenir conclu par la salariée, comme avant lui le contrat empli solidarité, stipulait que les fonctions de Mme X... s'exerçaient à l'hôtel Dieu, Place Daviel à Marseille ; qu'il s'ensuit que le lieu de travail ainsi déterminé avait clairement et expressément été contractualisé ; qu'en décidant pourtant que le nouveau lieu de travail se situait dans le même secteur géographique et que le changement de lieu de travail ne constituait pas une modification du contrat de travail devant être soumise à l'acceptation de la salariée, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis du contrat de travail, et partant violé l'article 1134 du code civil ;

2°) ALORS QUE dans ses conclusions d'appel (page 9), Mme X... faisait valoir que le lieu de travail stipulé aux contrats de travail avait été déterminant de la volonté des parties puisqu'il constituait une composante de l'objectif d'insertion professionnelle poursuivi par le contrat emploi solidarité puis le contrat d'avenir, concernant nécessairement des publics en grand précarité ; qu'en décidant que la salariée avait commis une faute grave, sans tenir compte de cet élément déterminant, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil ;

3°) ALORS subsidiairement QUE le refus par un salarié d'un changement de ses conditions de travail ne constitue pas à lui seul une faute grave ;

qu'en se bornant à constater, pour retenir l'existence d'une faute grave, que Mme X... ne s'était pas présentée sur son nouveau lieu de travail, sans tenir compte, comme elle y était invitée, des conséquences que cette nouvelle affectation géographique aurait sur la vie familiale de la salariée, pouvant justifier ce refus et en tous les cas l'expliquer en excluant toute gravité, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L 1234-1 et L 1235-1 du code du travail ;

4°) ALORS QUE dans ses conclusions d'appel (page 9), Mme X..., pour expliquer l'incapacité dans laquelle elle se trouvait de modifier son lieu de travail, faisait valoir qu'en situation précaire, elle élevait en outre seule son enfant ; qu'en décidant que la salariée avait commis une faute grave, caractérisée par une absence injustifiée sur son nouveau lieu de travail, sans prendre en compte, comme elle y était invitée, ces circonstances, la cour d'appel a derechef privé sa décision de base légale au regard des articles L 1234-1 et L 1235-1 du code du travail ;

5°) ALORS QUE l'entretien préalable est une garantie instituée en faveur du salarié à laquelle il peut renoncer ; que, par voie de conséquence, le refus du salarié d'assister à l'entretien préalable ne peut constituer un motif de rupture du contrat de travail ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a retenu, pour caractériser la gravité de la faute de la salariée, que celle-ci ne s'était pas manifestée le jour de l'entretien préalable ; qu'en se déterminant comme elle l'a fait, par des motifs inopérants, quand la salariée n'avait fait qu'exercer son droit de ne pas assister à l'entretien préalable, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L 1234-5 et L 1234-9 du code du travail ;

6°) ALORS enfin QUE la faute grave résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise même pendant la durée du préavis ; que l'absence du salarié n'est pas constitutive d'une faute grave lorsqu'elle est autorisée par l'employeur ; que le comportement de l'employeur est de nature à retirer sa gravité à la faute reprochée au salarié ; qu'en l'espèce, en retenant comme faute grave le fait que Mme X... ne se soit pas présentée sur son nouveau lieu de travail, sans prendre en considération le fait qu'il ressortait de l'attestation de M. Y..., produite par la salariée, que cette absence avait été autorisée par l'employeur dans l'attente de trouver une solution aux difficultés rencontrées par la salarié à la suite de son changement de lieu de travail, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L 1234-5 et L 1234-9 du code du travail.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté la salariée de ses demandes de rappel de salaires ;

AUX MOTIFS QUE « les demandes relatives à des rappels de salaire correspondent à des périodes durant lesquelles elle a refusé de travailler » ;

ALORS QUE, en vertu de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation à intervenir sur le premier moyen de cassation entraînera par voie de conséquence, la cassation de ce chef de l'arrêt attaqué qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté la salariée de sa demande de dommages et intérêts pour irrégularité de la procédure ;

AUX MOTIFS QUE « Mme X... ne conteste pas avoir reçu la convocation à l'entretien préalable, fixé au 14 mai, par lettre simple en date du 4 mai ; qu'en effet, la lettre recommandée ou la remise contre récépissé n'est pas une condition de validité de la convocation à entretien préalable mais simplement un moyen destiné à faciliter la preuve de la réception de la convocation, laquelle n'est pas contestée en l'espèce » ;

ALORS QUE la lettre de convocation à l'entretien préalable à une sanction disciplinaire ou au licenciement doit être adressée au salarié par lettre recommandée ou lui être remise en main propre contre décharge ; qu'en l'espèce, Mme X... a été convoquée à l'entretien préalable par lettre simple, ce qui constituait une irrégularité substantielle ; qu'en décidant cependant que le contrat de travail de la salariée a été rompu selon une procédure régulière, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé les articles L 1232-2, L 1332-2, R 1332-2 et L 1235-5 du code du travail.



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Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 09/05/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.