par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. civ. 1, 28 mai 2014, 13-15760
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Cour de cassation, 1ère chambre civile
28 mai 2014, 13-15.760

Cette décision est visée dans la définition :
Prestation compensatoire




LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'un juge aux affaires familiales a prononcé le divorce des époux X.../ Y...et ordonné la liquidation et le partage de leurs intérêts patrimoniaux ;

Sur le premier moyen, ci-après annexé :

Attendu que ce moyen n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;

Mais sur le second moyen, pris en sa première branche :

Vu l'article 4 du code de procédure civile ;

Attendu que, pour condamner l'époux au paiement d'une prestation compensatoire d'un certain montant, l'arrêt retient que " M. X...ne fait état d'aucun problème de santé " ;

Qu'en statuant ainsi, alors que celui-ci faisait valoir, dans ses conclusions d'appel, qu'il était en train de perdre la vue de l'oeil gauche et qu'à la suite de ces ennuis, il avait dû suivre une psychothérapie hebdomadaire assortie d'un traitement médicamenteux, afin de remédier à divers troubles, notamment de la mémoire, de l'attention et de la concentration, dont certains étaient dramatiques pour un entrepreneur, la cour d'appel a, en dénaturant les termes clairs et précis de ces conclusions, violé le textes susvisé ;

Et sur le même moyen, pris en sa quatrième branche :

Vu l'article 274 du code civil ;

Vu la réserve d'interprétation émise par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2011-151 QPC du 13 juillet 2011, aux termes de laquelle l'atteinte au droit de propriété qui résulte de l'attribution forcée prévue par le 2° de l'article 274 du code civil ne peut être regardée comme une mesure proportionnée au but d'intérêt général poursuivi que si elle constitue une modalité subsidiaire d'exécution de la prestation compensatoire en capital de sorte qu'elle ne saurait être ordonnée par le juge que dans le cas où, au regard des circonstances de l'espèce, les modalités prévues au 1° n'apparaissent pas suffisantes pour garantir le versement de cette prestation ;

Attendu que, pour imposer à M. X...le règlement de la prestation compensatoire par l'abandon de la part dont il était titulaire dans l'appartement commun, l'arrêt énonce que la disparité constatée dans les conditions de vie des époux au détriment de l'épouse sera compensée par l'octroi d'une prestation compensatoire évaluée à la somme de 82 500 euros sous la forme de l'attribution en pleine propriété de l'immeuble commun ;

Qu'en statuant ainsi, sans constater que les modalités prévues au 1° de l'article 274 du code civil n'étaient pas suffisantes pour garantir le versement de cette prestation, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;


PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a condamné M. X...à verser à Mme Y...une prestation compensatoire de 82 500 euros sous la forme de l'attribution à l'épouse en pleine propriété par abandon de la part de M. X...de l'appartement commun des époux sis ..., l'arrêt rendu le 5 février 2013, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier ;
Condamne Mme Y...aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit mai deux mille quatorze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Boullez, avocat aux Conseils, pour M. X....
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Le pourvoi fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR débouté M. X...de la demande qu'il avait formée contre Mme Y...afin d'obtenir le paiement d'une indemnité d'occupation ;
AUX MOTIFS ADOPTES QU'il convient de donner acte à M. X...de ce qu'il réclame une indemnité à son épouse à compter de la rupture et jusqu'à l'ordonnance de non-conciliation de 2007, demande à laquelle Mme Y...s'oppose ;
ALORS QUE le juge aux affaires familiales, s'il a désigné un notaire lors de l'audience de conciliation pour élaborer un projet de liquidation du régime matrimonial et de formation des lots à partager et si celui-ci contient des informations suffisantes, a le pouvoir, en cas de désaccord persistant, de fixer l'indemnité d'occupation à l'occasion du prononcé du divorce ; qu'en refusant de déterminer le montant de l'indemnité d'occupation due par Mme Y...en contrepartie de l'occupation du logement commun, la cour d'appel a méconnu l'étendue de ses pouvoirs, en violation des articles 255-10° et 267, alinéa 4, du Code civil.
DEUXIÈME MOYEN DE CASSATION
Le pourvoi fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR condamné M. Gilles X...à verser à Mme Anne-Marie Y...une prestation compensatoire évaluée à la somme de 82 500 € sous la forme de l'attribution à l'épouse en pleine propriété par abandon de la part de M. X...de l'appartement commun des époux sis ..., dépendant d'un immeuble cadastré sur le territoire de la commune de Marseille, quartier Saint Combet, lieudit ..., section B n° 187, pour une contenance 4 a 3 ca, un appartement lot n° 10, une cave n° 22, et le 6/ 1000 des parties communes générales ;
AUX MOTIFS QUE le juge, pour apprécier la nécessité d'une prestation compensatoire, doit rechercher si la rupture du mariage crée une disparité dans les conditions de vie respectives des parties ; que cette prestation dont la nécessité doit être appréciée en considération des critères prévus à l'article 271 du Code civil a pour but de compenser autant que possible cette disparité ; qu'elle est fixée selon les besoins de l'époux à qui elle est versée et les ressources de l'autre en tenant compte de la situation au moment du divorce et de l'évolution dans un avenir prévisible ; qu'à cet effet, le juge prend en considération notamment :- la durée du mariage ;/- l'âge et l'état de santé des époux ;/- leur qualification professionnelle et leur situation professionnelle ;/- les conséquences des choix professionnels faits par l'un des époux pendant la vie commune pour l'éducation des enfants et du temps qu'il faudra encore y consacrer ou pour favoriser la carrière de son conjoint au détriment de la sienne ;/- le patrimoine estimé ou prévisible des époux tant en capital qu'en revenu après liquidation du régime matrimonial ;/- leurs droits existants et prévisibles ;/- leur situation respective en matière de pension de retraite ; que la prestation compensatoire n'est pas destinée à égaliser les fortunes ni à corriger les conséquences du régime matrimonial adopté par les époux ; qu'elle n'a pas vocation à égaliser les situations des époux après le divorce, mais seulement à compenser les disparités causées par le divorce, générées par la rupture du mariage ; qu'elle ne peut compenser une disparité préexistante au mariage dès lors que le mariage n'a eu aucune incidence sur les situations patrimoniales respectives ; que Gilles X...est âgé de 49 ans et ne fait état d'aucun problème de santé ; qu'Anne-Marie Y..., âgée de 53 ans, est en invalidité partielle ; que la vie maritale a duré 13 ans et le couple a eu deux enfants ; qu'Anne-Marie Y...est aide-soignante en risque de licenciement puisque son employeur a fait l'objet d'une procédure de liquidation judiciaire et en invalidité professionnelle pour partie ; que sur sa déclaration sur l'honneur, elle précise percevoir un salaire de 1 240 euros, des prestations sociales pour 89 euros et une pension d'invalidité de 503 euros ; qu'elle supporte des charges courantes et les charges de copropriété relatives au logement commun qu'elle occupe ; que Gilles X...est commerçant et exploite trois fonds de commerce de prêt-à-porter au sein de la société UGAN, ce qui lui procure des salaires de l'ordre de 1 350 euros mensuels selon lui et potentiellement des revenus d'associé ; qu'il ne verse aucune pièce récente sur ce point ; qu'il ne fait pas état de charges de logement ; que les droits à pension de retraites respectifs des époux ne sont pas évoqués par ces derniers mais apparaissent comme devant être assez proches et modestes ; qu'aucun des époux ne revendique de choix professionnel pendant la vie commune pour l'éducation des enfants ou pour favoriser la carrière de son conjoint au détriment de la sienne ; que l'actif de la communauté se compose d'un appartement T3 à Marseille dont les parties conviennent de l'évaluation à la somme de 165 000 euros, de 50 % de la valeur de trois fonds de commerce ainsi que de deux parts sur 76 d'un appartement à Marseille ; qu'il résulte de ces éléments que la rupture du mariage va créer une disparité dans les conditions de vie respectives des époux au détriment de l'épouse, du fait, en particulier, de sa situation professionnelle, de son âge et de son état de santé, en comparaison de la situation de l'époux ; que cette disparité sera compensée par l'octroi à Anne-Marie Y...d'une prestation compensatoire évaluée à la somme de 82 500 ¿ sous la forme de l'attribution en pleine propriété de l'immeuble commun des époux sis ...;
1. ALORS QUE M. X...a souligné dans ses conclusions qu'il rencontrait de telles difficultés de santé qu'il était en train de perdre la vue de l'oeil gauche et il a communiqué le certificat médical ophtalmologique du 26 septembre 2012 qui figurait dans le bordereau des pièces communiquées sous le numéro 21 (conclusions, p. 10) ; qu'en décidant cependant que M. X...ne faisait état d'aucun problème de santé, la cour d'appel a dénaturé les conclusions de ce dernier, en violation de l'article 4 du Code de procédure civile ;
2. ALORS si tel n'est pas le cas QU'en s'abstenant de répondre aux conclusions par lesquelles M. X...a soutenu qu'il était en train de perdre la vue de l'oeil gauche, ainsi que l'établissait le certificat médical du 26 septembre 2012 qu'il a versé aux débats, la cour d'appel, subsidiairement, n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du Code de procédure civile ;
3. ALORS QU'en décidant que M. X...ne produisait aucune pièce récente sur les revenus que lui procuraient les sociétés dont il était le gérant sans s'expliquer sur l'avis d'imposition de l'année 2012 que M. X...avait produit sous le numéro 20, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du Code de procédure civile ;
4. ALORS QUE le Conseil Constitutionnel a dit pour droit, par une réserve d'interprétation, dans sa décision 2011-151 QPC du 13 juillet 2011 que l'atteinte au droit de propriété résultant de l'attribution forcée prévue par le 2° de l'article 274 du Code civil en paiement de la prestation compensatoire ne peut être regardée comme une mesure proportionnée au but d'intérêt général poursuivi que si elle constitue une modalité subsidiaire d'exécution de la prestation compensatoire en capital ; que, par conséquent, elle ne saurait être ordonnée par le juge que dans le cas où, au regard des circonstances de l'espèce, les modalités prévues au 1° n'apparaissent pas suffisantes pour garantir le versement de cette prestation ; que, sous cette réserve, l'attribution forcée d'un bien à titre de prestation compensatoire ne méconnaît pas l'article 2 de la Déclaration de 1789 ; qu'en imposant à M. X...de s'acquitter de la prestation compensatoire en abandonnant à son épouse la part dont il était titulaire dans l'appartement dont ils étaient propriétaires en commun sans constater que cette attribution est seule de nature à apporter la garantie suffisante du versement de la prestation, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 2 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen, ensemble l'article 274-1° du Code civil.



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Cette décision est visée dans la définition :
Prestation compensatoire


Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 29/04/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.