par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles
Cass. com., 8 avril 2015, 13-28061
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Cour de cassation, chambre commerciale
8 avril 2015, 13-28.061
Cette décision est visée dans la définition :
Redressement
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Fort-de-France, 5 juillet 2013) rendu en matière de référé, que la société la Villa créole devenue l'EURL GBD (la débitrice) ayant été mise en redressement judiciaire le 16 novembre 1996, un plan de redressement d'une durée de dix ans a été adopté par jugement du 30 juin 1998 ; que faisant valoir que sa créance, fixée au passif par un arrêt du 20 novembre 1998 et portée sur l'état des créances, n'avait pas été payée en exécution du plan, la Société financière Antilles Guyane, venant aux droits de la Société de développement régional Antilles Guyane (le créancier), a assigné le 23 octobre 2012 la débitrice devant le juge des référés en paiement d'une provision ;
Attendu que la débitrice fait grief à l'arrêt de la condamner au paiement d'une provision alors, selon le moyen :
1°/ que l'article L. 626-27 du code de commerce applicable aux procédures ouvertes avant le 1er janvier 2006 en vertu de l'article 191 de la loi 2005-845 du 26 juillet 2005, dans sa rédaction applicable à l'espèce, fait obligation au commissaire à l'exécution du plan de procéder au recouvrement des dividendes lorsque le tribunal de commerce n'a pas prononcé la résolution du plan en raison de ce défaut de paiement ; qu'ainsi la qualité à agir du créancier se heurtait à une contestation sérieuse au regard de l'article L. 626-27 du code de commerce dans sa rédaction applicable à l'espèce ; qu'en accueillant la demande du créancier, la cour d'appel a excédé ses pouvoirs en violation de l'article l'article 873, alinéa 2, du code procédure civile ;
2°/ que le jugement d'ouverture d'un redressement judiciaire interdit toute voie d'exécution de la part des créanciers dont la créance a son origine antérieurement au jugement d'ouverture, et en cas d'arrêt d'un plan de redressement par continuation de l'entreprise, seule une action en paiement d'un dividende fixé par le plan, après son échéance, est ouverte ; qu'en condamnant la débitrice à payer une provision correspondant au montant total de la créance née antérieurement au jugement d'ouverture du redressement judiciaire, la cour d'appel a violé les articles L. 622-21 et L. 626-27 du code de commerce dans leur rédaction applicable à la cause ;
3°/ que l'inexécution du plan de redressement par le débiteur n'entraîne pas de plein droit à l'échéance la résolution de ce plan, laquelle doit être judiciairement prononcée, peu important que le plan soit arrivé à terme ; qu'en condamnant la débitrice dont le plan de continuation n'avait pas été judiciairement résolu, au paiement d'une provision de 83 356,51 euros outre intérêts, la cour d'appel a violé les articles 1184 et L. 626-27 dans sa rédaction applicable à la cause ;
4°/ que la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité d'une partie doit être relevée d'office lorsqu'elle a un caractère d'ordre public ; que seul le commissaire à l'exécution du plan a qualité pour agir en recouvrement des dividendes prévues par le plan de continuation ; qu'en faisant droit à l'action du créancier, à l'encontre de la débitrice qui bénéficiait d'un plan de continuation, en paiement d'une créance antérieure à l'ouverture de la procédure collective et intégrée dans le plan, sans relever d'office la fin de non-recevoir d'ordre public tirée du défaut de qualité à agir du créancier, la cour d'appel a violé les articles 122 et 125 du code de procédure civile, ensemble l'article L. 626-27 dans sa rédaction applicable à la cause ;
Mais attendu, d'une part, que le commissaire à l'exécution du plan de continuation étant nommé pour la durée du plan, sa mission prend fin à l'arrivée du terme de celui-ci ; qu'ayant constaté que le plan de continuation de la débitrice avait été adopté pour une durée de dix ans par jugement du 30 juin 1998, de sorte que la mission du commissaire à l'exécution du plan avait pris fin à la date de l'assignation, la cour d'appel n'a pas excédé ses pouvoirs ;
Et attendu, d'autre part, qu'ayant exactement énoncé que lorsque le plan de continuation est arrivé à son terme sans avoir fait l'objet d'une décision de résolution, le créancier recouvre son droit de poursuite individuelle contre le débiteur, la cour d'appel, devant laquelle il n'était pas allégué que la créance avait fait l'objet d'une remise, n'a fait qu'user des pouvoirs qu'elle tient de l'article 873 du code de procédure civile en allouant une provision correspondant au montant de la créance telle que fixée au passif de la procédure par arrêt du 20 novembre 1998 ;
D'où il suit que le moyen, inopérant en ses première et quatrième branches, n'est pas fondé pour le surplus ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société GBD aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du huit avril deux mille quinze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par Me Ricard, avocat aux Conseils, pour la société GBD
Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir rejeté les fins de non-recevoir et exceptions soulevées par l'EURL GBD et de l'avoir condamnée à payer à la SAS SOFIAG une provision de 83.356,51 euros outre intérêts au taux de 12 % à compter du 13 décembre 1996 sur la somme de 79.463,14 euros, outre intérêts au taux légal à compter du 22 avril 1997 pour le surplus ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE
« l'autorité de la chose jugée attachée à un jugement antérieur rend irrecevable une action nouvelle lorsqu'il existe une triple identité de parties, d'objet et de cause entre la décision ancienne et l'instance nouvelle.
À cet égard, il ne peut être contesté que les parties en cause dans l'arrêt rendu le 20 novembre 1998 par lequel la Cour d'appel de Fort-de France, confirmant le jugement dont elle était saisie, a fixé la créance de la SODERAG aux droits de laquelle vient la SOFIAG envers l'EURL GBD à titre principal â la somme dc 521.244,00 francs (79 463,13 euros) avec intérêts conventionnels de 12% et, à titre de pénalités, à la somme de 2913,90 francs (444,22 euros) ainsi qu'à la somme de 22 624,98 francs (3449,15 euros) à titre d'intérêts de retard, assurances et frais (soit une somme totale de 83. 356,50 euros) sont identiques à celles de la présente instance, l'EURL GBD et la SOFIAG étant prises dans chacune de ces procédures en leur qualité respective d'emprunteur et débiteur pour la première et de prêteur de deniers et créancier pour la seconde.
De même, et contrairement à ce qu'a considéré le premier juge, l'objet du litige entre ces deux instances, entendu au sens de résultat attendu du juge par les parties, est également identique puisque dans l'un et l'autre cas il est demandé à la juridiction de reconnaître que l'EURL GBD doit à la SOFIAG, au titre d'un prêt à elle consenti et demeuré impayé, la somme de 83 356, 50 euros outre intérêts au taux de 12%,
En revanche, l'identité de cause entre ces deux instances fait défaut puisque la situation juridique ayant déterminé la décision du 20 novembre 1998 et la situation juridique actuelle diffèrent. En effet, la procédure collective s'imposant aux créanciers au temps de cet arrêt et dont était l'objet l'EURL GBD depuis le 16 novembre 1996 avant d'aboutir par jugement du 30 juin 1998 à un plan de redressement d'une durée de 10 années, n'a désormais plus cours, les créanciers de l'entreprise appelante étant placés dans une situation juridique nouvelle depuis l'arrivée de ce plan à son terme. A cet égard, il importe d'observer:
- que l'arrêt du 20 novembre 1998 a fixé la créance de la SOFIAG en application de la règle de l'arrêt des poursuites individuelles ; que cet arrêt Me Pierre RICARD - Avocat aux Conseils - Pourvoi n° V1328061 Page 5/11 n'est donc pas un arrêt de condamnation de l'E.U.R.L. GBD, cette règle de l'arrêt des poursuites individuelles imposant en premier lieu l'interruption des instances en paiement d'une somme d'argent en cours à la date du jugement d'ouverture du redressement judiciaire jusqu'à ce que le créancier poursuivant ait procédé à la déclaration de sa créance puis leur reprise de plein droit une fois appelés les organes de la procédure collective et imposant en second lieu à la juridiction saisie de statuer sur la créance pour en constater l'existence et en fixer le montant sans pouvoir condamner le débiteur à payer le créancier demandeur à l'instance;
- que les décisions passées en force de chose jugée rendues après la reprise de l'instance sont portées sur l'état des créances, le créancier ne pouvant plus poursuivre son débiteur selon le droit commun mais devant se soumettre aux règles de règlement du passif de la procédure collective
- que si la déclaration de créance équivaut à une demande en justice par laquelle le créancier demande paiement de sa créance dans le cadre de la procédure collective et si l'admission de la créance vaut décision de prendre en considération la créance dans la procédure collective, il n'en reste pas moins que la décision ayant fixé la créance et celle l'ayant admise ne valent pas titre exécutoire; qu'il en ressort que l'arrêt du 20 novembre 1998 ne vaut pas titre de créance exécutoire pour la SOFIAG - que lorsque le plan de redressement est arrivé à son terme sans avoir fait l'objet d'une décision de résolution, les créanciers recouvrent leurs droits de poursuite individuelle contre le débiteur et peuvent donc pratiquer toute mesure d'exécution forcée dès lors qu'ils sont nantis d'un titre exécutoire.
La Cour confirme en conséquence l'ordonnance déférée en ce qu'elle a rejeté la fin de non-recevoir tirée de la chose jugée soulevée par l'EURL GBD » (arrêt attaqué, p. ).
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE
« Sur l'irrecevabilité tirée de l'existence d'un plan de redressement
Il est constant que le plan de redressement est opposable aux créanciers et leur interdit toute action en recouvrement ou toute action judiciaire pour obtenir le recouvrement de leur créance pendant toute la durée du plan, l'exigibilité de leur créance étant suspendue.
Ceci est justifié notamment par l'existence de voies de recouvrement spécifiques aux dividendes impayés dont la SAS SOFIAG aurait pu demander le recouvrement au commissaire à l'exécution du plan pendant la durée du plan.
Toutefois il résulte des éléments du dossier que le plan a été adopté le 22 avril 1997 pour une durée de dix années.
Son terme étant à présent expiré, tout créancier, y compris ceux étant visés dans le plan de redressement a recouvré son droit de poursuite individuelle pour les sommes dont il n'aurait pas été réglé dans le cadre du plan, et ce, même si la procédure n'a pas été clôturé par le tribunal » (ordonnance, p. 3, in fine et 4, in limine) ;
1°) ALORS QUE l'article L. 626-27 du code de commerce applicable aux procédures ouvertes avant le 1er janvier 2006 en vertu de l'article 191 de la loi 2005-845 du 26 juillet 2005, dans sa rédaction applicable à l'espèce, fait obligation au commissaire à l'exécution du plan de procéder au recouvrement des dividendes lorsque le tribunal de commerce n'a pas prononcé la résolution du plan en raison de ce défaut de paiement ; qu'ainsi la qualité à agir du créancier se heurtait à une contestation sérieuse au regard de l'article L. 626-27 du code de commerce dans sa rédaction applicable à l'espèce ; qu'en accueillant la demande du créancier, la cour d'appel a excédé ses pouvoirs en violation de l'article l'article 873, alinéa 2 du code procédure civile ;
2°) ALORS QUE le jugement d'ouverture d'un redressement judiciaire interdit toute voie d'exécution de la part des créanciers dont la créance a son origine antérieurement au jugement d'ouverture, et en cas d'arrêt d'un plan de redressement par continuation de l'entreprise, seule une action en paiement d'un dividende fixé par le plan, après son échéance, est ouverte ; qu'en condamnant l'EURL GBD à payer une provision correspondant au montant total de la créance de la SOFIAG qui était née antérieurement au jugement d'ouverture du redressement judiciaire de l'EURL GBD, la cour d'appel a violé les articles L. 622-21 L. 626-27 du code de commerce dans leur rédaction applicable à la cause ;
3°) ALORS QUE l'inexécution du plan de redressement par le débiteur n'entraîne pas de plein droit à l'échéance la résolution de ce plan, laquelle doit être judiciairement prononcée, peu important que le plan soit arrivé à terme ; qu'en condamnant l'EURL GBD, dont le plan de continuation n'avait pas été judiciairement résolu, au paiement d'une provision de 83.356,51 euros outre intérêts, la cour d'appel a violé les articles 1184 et L. 626-27 dans sa rédaction applicable à la cause ;
4°) ALORS, subsidiairement, QUE la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité d'une partie doit être relevée d'office lorsqu'elle a un caractère d'ordre public ; que seul le commissaire à l'exécution du plan a qualité pour agir en recouvrement des dividendes prévues par le plan de continuation ; qu'en faisant droit à l'action de la SOFIAG, créancier de l'EURL GBD qui bénéficiait d'un plan de continuation, en paiement d'une créance antérieure à l'ouverture de la procédure collective et intégrée dans le plan, sans relever d'office la fin de non-recevoir d'ordre public tirée du défaut de qualité à agir du créancier, la cour d'appel a violé les articles 122 et 125 du code de procédure civile, ensemble l'article L. 626-27 dans sa rédaction applicable à la cause.
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Cette décision est visée dans la définition :
Redressement
Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 29/04/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.