par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. com., 3 novembre 2015, 13-26811
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Cour de cassation, chambre commerciale
3 novembre 2015, 13-26.811

Cette décision est visée dans la définition :
Sauvegarde des entreprises




LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Bois et chiffons Retail (la société BCR) a été mise en redressement judiciaire le 28 mars 2011 sans avoir payé des marchandises achetées à la société France Gift qui ont été revendues aux sociétés Cannes BC et Bois et chiffons exploitation ; que se fondant sur une clause de réserve de propriété, la société France Gift a revendiqué les marchandises impayées ou à défaut leur prix ; que, postérieurement, le redressement judiciaire a été converti en liquidation judiciaire, deux liquidateurs étant désignés ;

Sur le moyen unique, pris en sa seconde branche :

Attendu que les coliquidateurs font grief à l'arrêt d'accueillir la demande en revendication du prix alors, selon le moyen, que lorsqu'il revendique, non les marchandises elles-mêmes vendues avec réserve de propriété mais la créance de leur prix, le vendeur doit prouver que cette créance a été payée en tout ou partie par les sous-acquéreurs après le jugement d'ouverture de la procédure collective ; qu'en ordonnant, à titre subsidiaire, le paiement du prix des marchandises revendues, sans constater que la société BCR aurait reçu paiement des sous-acquéreurs après le jugement d'ouverture de la procédure collective, la cour d'appel a violé l'article L. 624-18 du code de commerce ;

Mais attendu qu'en application de l'article L. 624-18 du code de commerce, peut être revendiqué le prix qui n'a été ni payé, ni réglé en valeur ni compensé entre le sous-acquéreur et le débiteur à la date de l'ouverture de la procédure collective de celui-ci ; qu'il en résulte que, si les marchandises revendues n'ont fait l'objet d'aucun règlement entre eux avant ou après cette ouverture, la revendication est possible ; qu'ayant constaté que les sous-acquéreurs n'avaient jamais payé le prix des marchandises à la société BCR, la cour d'appel, par ce seul motif, abstraction faite de celui justement critiqué par la première branche, a légalement justifié sa décision du chef de la revendication du prix ; que le moyen ne peut être accueilli ;

Mais sur le moyen, pris en sa première branche :

Vu l'article L. 624-16 du code de commerce ;

Attendu que pour ordonner la restitution des marchandises, l'arrêt retient qu'elles se retrouvaient en nature dans le patrimoine de la société BCR à la date d'ouverture de sa procédure collective, dès lors que les sous-acquéreurs, qui n'en avaient pas réglé le prix, ne les avaient eux-mêmes acquises qu'avec réserve de propriété et les détenaient, en conséquence, pour le compte de la société BCR ;

Qu'en statuant ainsi, alors que du seul fait de leur revente aux sous-acquéreurs, ceux-ci ne pouvaient détenir à titre précaire les marchandises pour le compte de la société BCR, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il ordonne la restitution des biens revendiqués, l'arrêt rendu le 25 septembre 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Pau ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse ;

Condamne la société France Gift, la société Ph. Contant-B. Cardon, en qualité de commissaire à l'exécution du plan de sauvegarde de la société France Gift, et la société Philippe Angel-Denis X..., en qualité de mandataire judiciaire à l'exécution du plan de sauvegarde de la société France Gift, aux dépens ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du trois novembre deux mille quinze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Bénabent et Jéhannin, avocat aux Conseils, pour MM. Z... et A..., ès qualités

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé l'ordonnance du 20 juillet 2011, en ce qu'elle a ordonné la restitution de ces biens ou à défaut le paiement de leur prix et ce avec intérêts au taux légal à compter du 5 avril 2011, avec capitalisation des intérêts et d'avoir fixé la valeur des biens à la somme de 81. 541, 79 euros ;

AUX MOTIFS QUE « sur l'action en revendication, l'article L624-16 du Code de Commerce dispose que peuvent être revendiqués s'ils se retrouvent en nature au Moment de l'ouverture de la procédure, les biens vendus avec une clause de propriété ; que l'article L624-18 du Code de Commerce dispose que peut être revendiqué le prix ou partie du prix des biens visés à l'article L624-16 qui n'a été ni payé ni réglé en valeur, ni compensé entre le débiteur et l'acheteur à la date du jugement ouvrant la procédure ; qu'il est constant que la marchandise est considérée comme existant en nature dans le patrimoine du débiteur môme si elle est détenue par un tiers ; qu'en cas de vente du bien à un sous acquéreur qui n'en a pas payé le prix, le vendeur initial dispose d'une action en revendication du prix de revente des marchandises si la marchandise existe en son élut initial au jour de sa délivrance au sous acquéreur ; qu'en l'espèce, il n'est pas contesté que les ventes de marchandises faites par la Société FRANCE GIFT à la SAS BOIS ET CHIFFONS RETAIL étaient assorties d'une clause de réserve de propriété ; qu'il est constant que les commandes étaient faites par la SAS BOIS ET CHIFFONS RETAIL, centrale d'achat, et les marchandises livrées directement aux sous acquéreurs, CANNES BC et BOIS ET CHIFFONS EXPLOITATION, par la Société FRANCE GIFT ; que les marchandises commandées par la SAS BOIS ET CHIFFONS RETAIL à la Société FRANCE GIFT, et livrées entre Janvier et Avril 2011 n'ont pas été réglées par la SAS BOIS ET CHIFFONS RETAIL ; qu'il ressort des factures établies par la SAS BOIS ET CHIFFONS RETAIL envers les sociétés CANNES BC et BOIS ET CHIFFONS EXPLOITATION, entre le 31 Janvier 2011 et le 28 Mars 2011, que ces ventes étaient également assorties d'une clause de réserve de propriété ; que le transfert de propriété des marchandises ne devenait donc effectif qu'après paiement des factures ; que la procédure de redressement judiciaire concernant tant la SAS BOIS ET CHIFFONS RETAIL que les sociétés CANNES BC et BOIS ET CHIFFONS EXPLOITATION a été ouverte par jugement du 28 Mars 2011 ; qu'à cette date les marchandises, impayées par les sous acquéreurs, se trouvaient en nature dans le patrimoine de la SAS BOIS ET CHIFFONS RETAIL, même si elles étaient détenues par les Sociétés CANNES BC et BOIS ET CHIFFONS EXPLOITATION ; qu'il ressort de l'inventaire effectué dans ces sociétés dans le cadre de la procédure collective que ces marchandises sont en leur possession, l'inventaire étant effectué sous l'entête de la SAS BOIS ET CHIFFONS RETAIL ; que ces marchandises n'ont jamais été réglées à la SAS BOIS ET CHIFFONS RETAIL ; qu'au moment de la délivrance des marchandises aux sous acquéreurs, les marchandises se trouvaient dans leur état initial, puisque livrées directement de la Société FRANCE GIFT aux sous acquéreurs ; que la Société FRANCE GIFT pouvait donc, en application des articles L624-16 et L624-18 du Code de Commerce engager une action en revendication ; que le jugement du Tribunal de Commerce de BAYONNE sera donc confirmé en ce qu'il a confirmé l'ordonnance du 20 Juillet 2011 en ce qu'elle a ordonné la restitution des biens revendiqués ou à défaut le paiement de leur prix à la Société FRANCE GIFT » ;

ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE : « le Tribunal prendra en premier lieu acte de l'accord des parties sur la validité de la clause de propriété ; que le montant réclamé par France GIFT s'élève selon son relevé de compte 4 la somme de 81. 541, 79 ¿ et que le différentiel de 5. 074, 75 avec la somme initialement ordonnée par Monsieur le Juge commissaire est justifiée dans ses dernières écritures ; que la BCP, n'apporte aucun élément ni aucune réponse sur ce différentiel, se contentant de demander la reconnaissance de la clause de propriété sur la somme par elle reconnue initialement soit 76, 467, 04 ¿ ; que cette somme sera majorée des intérêts au taux légal à compter du 5 avril 2011, avec capitalisation des intérêts ; qu'en conséquence, le Tribunal confirmera l'Ordonnance du Juge commissaire du 20 juillet 2011, la modifiant eu son quantum pour la porter à 81. 541, 79 et ordonnera la restitution de ces biens ou à défaut le paiement de leur prix et ce avec intérêts au taux légal à compter du 5 avril 2011 avec capitalisation des intérêts ; que sur l'impossibilité de revendication de marchandises soulevée par la société BCR ; que BCR énonce que l'article L. 624-16 alinéa 2 (ord. 2006-346 du 23 mars 2006, art, 48- I) dispose que ne peuvent également être revendiqués, s'ils se retrouvent en nature au moment de l'ouverture de la procédure les biens vendus avec une clause de réserve de propriété et que le renvoi de l'article L. 624-18 à l'article L 624-16 implique que le prix ne peut être revendiqué que si les biens se retrouvent en nature au moment de l'ouverture de la procédure ; que précisant que ces marchandises ne se trouvant pas en nature dans le patrimoine de BCR au moment du jugement de redressement judiciaire, ils ne pouvaient être revendiqués et que de surcroît FRANCE GIFT n'apporte pas la preuve du non-paiement de ces marchandises ; que compte tenu de l'organisation mise en place par BCR pour les commandes, les livraisons et le règlement des approvisionnements, il n'est pas contesté que la marchandise a été livrée directement chez les sous-acquéreurs, à savoir en l'espèce chez BOIS ET CHIFFONS EXPLOITATION et la Sarl CANNES BC ; que sur nomination du Juge Commissaire, Monsieur Y... Commissairepriseur, a établi l'inventaire précis du patrimoine des sous-acquéreurs de BCR cidessus dénommés et importe peu que la marchandise existe eu nature dans le patrimoine du débiteur principal et qu'il la détienne lui-même ou qu'elle soit détenue par un tiers ; que si la charge de la preuve du non-paiement incombe à FRANCE GIFT, les éléments apportés par cette société aux débats permettent de prouver cet état de fait, lié de surcroît à l'absence de réponse de l'administrateur et de la société BCR, à, ses demandes ; que dans ces conditions le reproche fait à la motivation de l'Ordonnance de Monsieur le Juge-Commissaire ne sera pas retenue » ;

1°) ALORS QUE les biens vendus avec une clause de réserve de propriété ne peuvent être revendiqués que s'ils se trouvent encore en nature, c'est-à-dire présents dans l'actif du débiteur, au moment de l'ouverture de la procédure collective ; qu'en ordonnant à Maîtres Z... et A..., ès qualités de liquidateurs de la société BCR, la restitution en nature des marchandises vendues par la société France Gift, tout en constatant que les marchandises étaient détenues par les sociétés Cannes BC et BCE à qui elles avaient été revendues et livrées avant le jugement d'ouverture, ce dont il s'inférait que la restitution en nature était impossible, la Cour d'appel a violé l'article L. 624-16 du code de commerce ;

2°) ALORS, EN TOUT ETAT DE CAUSE, QUE lorsqu'il revendique, non les marchandises elles-mêmes vendues avec réserve de propriété mais la créance de leur prix, le vendeur doit prouver que cette créance a été payée en tout ou partie par les sous-acquéreurs après le jugement d'ouverture de la procédure collective ; qu'en ordonnant, à titre subsidiaire, le paiement du prix des marchandises revendues, sans constater que la société BCR aurait reçu paiement des sous-acquéreurs après le jugement d'ouverture de la procédure collective, la cour d'appel a violé l'article L. 624-18 du code de commerce.



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Sauvegarde des entreprises


Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 29/04/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.