par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. soc., 12 juillet 2017, 16-10460
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Cour de cassation, chambre sociale
12 juillet 2017, 16-10.460

Cette décision est visée dans les définitions suivantes :
Avéré
Syndicat




LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le premier moyen :

Vu l'article L. 2132-3 du code du travail, ensemble l'article L. 1224-1 du même code ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Fedex gère un centre de tri et d'aiguillage au sein de l'aéroport de Roissy Charles de Gaulle par lequel transitent et sont redistribués des colis ; qu'à compter du 1er septembre 2009, elle a confié la sécurisation de son site, à la société Securitas transport aviation Security (STAS) qui assure des prestations de services spécialisées dans le domaine de la sécurité et de la sûreté aéroportuaire et relevant de la convention collective nationale des entreprises de prévention et de sécurité ; que le 21 novembre 2014, la société Fedex a mis fin à ce contrat pour confier le marché à la société Checkport France, ayant également une activité dans le domaine aéroportuaire à compter du 15 mars 2015 ; que les 8, 11 et 19 décembre 2014, la société STAS a transmis à la société Checkport France la liste des salariés affectés à l'activité et les dossiers de chacun d'entre eux en vue de leur transfert ; que par lettre du 22 décembre 2014, la société Checkport France lui a répondu qu'elle n'entendait reprendre que 29 salariés sur 84, étant précisé que par un courrier ultérieur du 3 mars 2015, elle lui notifiera qu'elle n'en reprendra en définitive que 23 ; que par assignations à jour fixe des 2 et 3 mars 2015 délivrées aux sociétés STAS et Checkport, la fédération Force ouvrière de l'équipement, de l'environnement, des transports et des services a saisi au fond le tribunal de grande instance de Bobigny aux fins de voir notamment juger que les dispositions de l'article L. 1224-1 du code du travail étaient applicables et que les contrats de travail des salariés de la société STAS affectés au marché « Fedex Corp Hub Roissy » devaient être repris par la société Checkport France ;

Attendu que pour déclarer la fédération Force ouvrière de l'équipement, de l'environnement, des transports et des services recevable à agir et faire droit à ses demandes, l'arrêt retient que sur le fondement des dispositions de l'article L. 2132-3 du code du travail, les syndicats professionnels peuvent notamment agir devant le tribunal de grande instance en vue de faire appliquer une disposition légale non-respectée ou en exécution d'une convention collective, dès lors que l'intérêt collectif de la profession qu'ils représentent est en cause, qu'au cas présent, la violation des dispositions de l'article L. 1224-1 du code du travail si elle s'avère caractérisée porte atteinte à l'intérêt collectif des salariés concernés ;

Attendu cependant que si la violation des dispositions de l'article L. 1224-1 du code du travail ayant pour objet le maintien des droits des travailleurs en cas de transfert de leur contrat de travail porte atteinte à l'intérêt collectif de la profession représentée par le syndicat, de sorte que l'intervention de ce dernier au côté du salarié à l'occasion d'un litige portant sur l'applicabilité de ce texte est recevable, l'action en revendication du transfert d'un contrat de travail est un droit exclusivement attaché à la personne du salarié ;

Qu'en statuant comme elle l'a fait, alors que l'action du syndicat avait pour objet la poursuite au sein de l'entreprise entrante des contrats de travail des salariés non parties à l'instance, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

Et attendu qu'en application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation à intervenir du chef du dispositif de l'arrêt déclarant recevable l'action de la fédération Force ouvrière, s'étend nécessairement aux chefs du dispositif faisant droit à ses demandes relatives au transfert des contrats de travail sur le fondement des dispositions de l'article L. 1224-1 du code du travail ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il soit nécessaire de statuer sur le second moyen :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare la fédération Force ouvrière de l'équipement, de l'environnement, des transports et des services recevable à agir, dit que le transfert du marché de prestations de sûreté aéroportuaire « Fedex Corp Hub de Roissy » de la société Securitas transport aviation Security à la société Checkport France s'analyse en un transfert d'une entité économique autonome et que les contrats de travail des salariés affectés par la société Securitas transport aviation Security à l'exécution du marché « Fedex Corp Hub de Roissy » doivent se poursuivre de plein droit avec la société Checkport France, l'arrêt rendu le 12 novembre 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

Condamne les défendeurs aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du douze juillet deux mille dix-sept.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour la société Checkport France

PREMIER MOYEN DE CASSATION

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré la Fédération Force Ouvrière de l'équipement de l'environnement des transports et des services recevable à agir, d'AVOIR dit que le transfert du marché de prestations de sûreté aéroportuaire « FEDEX CORP HUB de ROISSY » de la société Sécuritas transport aviation security à la société Checkport France s'analysait en un transfert d'une entité économique autonome et que les contrats de travail des salariés affectés par la société Sécuritas transport aviation security à l'exécution du marché « FEDEX CORP HUB de ROISSY » devaient se poursuivre de plein droit avec la société Checkport France, et d'AVOIR condamné la société Checkport France à payer, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, la somme de 10 000 € à la Fédération Force Ouvrière de l'équipement de l'environnement des transports et des services au titre des frais irrépétibles

AUX MOTIFS PROPRES QUE « En application de l'article L 2132-3 du code du travail, les syndicats professionnels ont le droit d'agir en justice et peuvent devant toutes les juridictions exercer tous les droits réservés à la partie civile concernant les faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif de la profession qu'ils représentent.
Sur le fondement de ces dispositions, ils peuvent notamment agir devant le tribunal de grande instance en vue de faire appliquer une disposition légale non-respectée ou en exécution d'une convention collective, dès lors que l'intérêt collectif de la profession qu'ils représentent est en cause.
Au cas présent, la violation des dispositions de l'article L 1224-1 du code du travail si elle s'avère caractérisée porte atteinte à l'intérêt collectif des salariés concernés.
Il en est de même d'un éventuel refus d'application de l'avenant du 28 janvier 201l (modifié le 03 décembre 2012) à l'accord du 05 mars 2002 relatif à la reprise du personnel, sur lequel la FEDERATION FORCE OUVRIERE DE L'EQUIPEMENT, DE L'ENVIRONNEMENT, DES TRANSPORTS ET DES SERVICES fonde à titre subsidiaire son action.
Dès lors, cette fédération syndicale a bien qualité et intérêt à agir, de sorte que le jugement entrepris sera confirmé sur ce point ».

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « la Fédération FO a le droit d'agir pour la collectivité des salariés pour l'application des dispositions de l'article L 1224-1 du Code du travail et en reconnaissance d'un droit tiré des dispositions légales d'ordre public ; qu'il s'agit en l'espèce d'une action tendant à prévenir ou faire cesser un dommage que l'ensemble des salariés compris dans le périmètre de la reprise subirait du fait d'une prétendue violation par la société Checkport France, de ses obligations légales ; qu'à ce titre la fédération FO justifie de sa qualité et de son intérêt à agir ; que la demande formée de ce chef est recevable »

ALORS QUE si la violation des dispositions de l'article L. 1224-1 du code du travail ayant pour objet le maintien des droits des travailleurs en cas de transfert de leur contrat de travail porte atteinte à l'intérêt collectif de la profession représentée par le syndicat, de sorte que l'intervention de ce dernier au côté du salarié à l'occasion d'un litige portant sur l'applicabilité de ce texte est recevable, l'action en revendication du transfert d'un contrat de travail est un droit exclusivement attaché à la personne du salarié ; qu'en jugeant dès lors recevable l'action de la Fédération FO tendant à voir juger par le tribunal de grande instance que le transfert du marché de prestation de sureté aéroportuaire « FEDEX Corp Hub de Roissy CDG » de la société Sécuritas Transport Aviation Sécurité à la société Checkport France s'analysait en un transfert d'entité économique autonome et que les contrats de travail des salariés de la société Sécuritas Transport Aviation Sécurité affectés à ce marché devaient être poursuivis par la société Checkport France, la Cour d'appel a violé les articles L 2132-3 du code du travail, ensemble l'article L. 1224-1 du même code.

SECOND MOYEN DE CASSATION

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que le transfert du marché de prestations de sûreté aéroportuaire « FEDEX CORP HUB de ROISSY » de la société Sécuritas transport aviation security à la société Checkport France s'analysait en un transfert d'une entité économique autonome et que les contrats de travail des salariés affectés par la société Sécuritas transport aviation security à l'exécution du marché « FEDEX CORP HUB de ROISSY » devaient se poursuivre de plein droit avec la société Checkport France, et d'AVOIR en conséquence condamné la société Checkport France à payer, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, la somme de 10 000 € à la Fédération Force Ouvrière de l'équipement de l'environnement des transports et des services et la somme de 5 000 € à la société Sécuritas transport aviation security au titre des frais irrépétibles

AUX MOTIFS PROPRES QUE « L'article L 1224-1 du code du travail dispose :
« Lorsque survient une modification dans la situation juridique de l'employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société de l'entreprise, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise. »
Ainsi que l'a dit pour droit la Cour de justice des Communautés européennes le 10 février 1988, puis encore le 1l mars 1997, doit être assimilé à la modification dans la situation juridique de l'employeur pour l'application de ce texte, même en l'absence de lien de droit entre les employeurs concernés, le transfert d'une entité économique ayant conservé son identité et dont l'activité a été poursuivie ou reprise, une telle entité économique devant être entendue, ainsi que le précise la directive 2001l23/ CE du 12 mars 2001, comme « un ensemble organisé de moyens en vue de la poursuite d'une activité économique, que celle-ci soit essentielle ou accessoire », le transfert d'une telle entité supposant, outre celui des personnes, celui de moyens propres, corporels ou incorporels, qui permettent la poursuite de l'activité transférée.
Constitue une entité économique autonome un ensemble organisé de personnes et d'éléments corporels ou incorporels poursuivant un objectif économique propre.
Si la perte d'un marché ou la seule poursuite de la même activité ne peut suffire à caractériser le transfert d'une entité économique autonome, il ressort en l'espèce des productions que conformément au contrat relatif à la sécurité conclu avec le donneur d'ordre et à ses annexes, la société SECURITAS TRANSPORT AVIATION SECURITY avait affecté 84 salariés exclusivement à l'exécution de la mission de sûreté sur le site FEDEX, qui est situé en dehors de l'aérogare.
Répartis en trois équipes (une équipe pour la matinée, la deuxième pour l'après-midi et la troisième pour la nuit) et placés sous la responsabilité de 3 chefs d'équipe, eux-mêmes sous l'autorité d'un responsable local des opérations M. X..., ces salariés suivaient un planning spécifique pour assurer la prestation 24 heures sur 24 et étaient entièrement dédiés à cette activité.
Ils disposaient des qualifications requises en matière de sûreté aéroportuaire, mais aussi d'une formation complète adaptée à la spécificité du site et aux demandes particulières de la société FEDEX.
Si à cet égard, M. Y...de la société FEDEX a pu écrire le 17 mars 2015 à la société CHECKPORT qu'aux termes du contrat CHECKPORT « (similaire au contrat de Securitas précédent) » les agents de sûreté assurant la prestation sur notre site devaient avoir tous reçus les formations à la réglementation à la sûreté aérienne (CQP ASA) et qu'aucune autre formation ou qualification spécifique n'était demandée (pièce n° 32 de la société CHECKPORT FRANCE), il n'en reste pas moins, à l'examen de l'article 16 de l'annexe A et du paragraphe II b de l'annexe B du contrat signé avec le donneur d'ordre, que celui-ci a imposé à la société SECURITAS TRANSPORT AVIATION SECURITY diverses exigences en matière de formation et de suivi à cet effet de chacun des agents affectés à l'activité.
Le paragraphe II b précité concernant les gardes stipule ainsi qu'« outre la formation standard dispensée aux gardes par l'agence, la formation suivante est exigée par FEDEX :
- disponibilité d'une personne formée et accréditée (premier intervenant et premiers secours)
pendant chaque service (vacation),
- formation à la sécurité et à la prévention incendie (une personne pendant chaque service),
- bonne connaissance du fonctionnement du système de télévision en circuit fermé, des appareils à rayons X et des magnétomètres utilisés pour le filtrage de sécurité ou les contrôles,
-4 heures de formation interne chez FEDEX,
- formation à l'étiquette au téléphone,
- au moins 4 heures de formation périodique et de contrôle des connaissances professionnelles chaque année,
- formation de la DGAC (rayons X, filtrage des employés, recherches AlC...) ».
C'est en vain que la société CHECKPORT FRANCE soutient sans cependant l'établir que les salariés considérés n'étaient pas affectés exclusivement à l'activité, dans la mesure où la société SECURITAS TRANSPORT AVIATION SECURITY justifie que la plupart d'entre eux étaient affectés à plein temps sur le site « ROISSY FEDEX »- le donneur d'ordre avait également des exigences à cet égard s'agissant des gardes selon le paragraphe II f de l'annexe B du contrat-que les non-affectations apparaissant sur les plannings versés aux débats correspondaient à des retards ou à des départs anticipés de l'agent et que quasiment toutes les autres mentions se rapportaient à des motifs d'absence ou à des formations suivies, et non à une affectation sur une autre mission.
Il importe peu dans ces conditions que M. X..., responsable local des opérations, ne figure pas sur la liste des salariés concernés par l'opération de transfert (pièces n° 12, 15, 17 de la société SECURITAS TRANSPORT AVIATION SECURITY).
D'ailleurs, contrairement à l'argumentation de cette dernière, il ne résulte pas de l'avenant du 29 novembre 2010 à son contrat de travail que Matthieu X... assurait ses fonctions d'encadrement exclusivement « pour l'exécution de la mission FEDEX » ou sur le site de FEDEX puisque cet avenant stipule qu'il occupe la fonction de responsable local des opérations et est chargé de relayer la direction dans la mise en oeuvre opérationnelle, la gestion et le suivi des prestations sur les sites (c'est la cour qui souligne) et que dans un courriel du 02 février 2015 (pièce n° 33 de la société CHECKPORT FRANCE), M. Y...(déjà cité) indique que M. X... était à mi-temps sur le site FEDEX.
Il est en outre établi que l'essentiel des moyens d'exploitation nécessaires à la poursuite de l'activité a fait l'objet d'un transfert indirect, les équipements fournis par le donneur d'ordre au prestataire et mis gracieusement à sa disposition (dispositifs d'inspection-filtrage des personnes et des bagages), dédiés à l'activité et indispensables à l'exécution des prestations, étant compte tenu de leur coût et de leur importance sans commune mesure avec les quelques outils et matériels confiés par le prestataire lui-même à ses salariés.

Enfin, la société CHECKPORT FRANCE ne saurait utilement soutenir qu'elle ne facture que des prestations, qui ne correspondraient pas à celles prévues par le contrat conclu entre la société FEDEX et la société SECURITAS TRANSPORT AVIATION SECURITY, sans verser aux débats les conventions qui la lient elle-même à la société FEDEX.
La cour relève certes à cet égard que selon un courriel de M. Y...adressé le 09 février 2015 à la société CHECKPORT FRANCE, la société FEDEX aurait dans un premier temps mis un terme par courrier recommandé du 17 juin 2014 à la prestation de filtrage de l'entrée assurée par la société sortante avant de lui retirer l'ensemble des prestations sur site les 28 octobre et 06 novembre 2014 (pièces n° 7 et 8 de la société CHECKPORT FRANCE), étant observé que dans son mémoire en intervention volontaire devant la juridiction administrative (page 9), la société CHECKPORT FRANCE expose que le filtrage de l'entrée du site FEDEX (le point H) a été perdu par la société SECURITAS TRANSPORT AVIATION SECURITY « depuis septembre 2014 » (sa pièce n° 77).
Cependant, ces éléments contestés ne sont pas suffisamment probants en l'absence au dossier du courrier notifiant à la société SECURITAS TRANSPORT AVIATION SECURITY la perte anticipée du seul filtrage de l'entrée du site.
En tout état de cause, à supposer même qu'il en soit ainsi, la circonstance que le donneur d'ordre ait procédé en deux temps, à quelques mois d'intervalle, pour retirer de façon anticipée à la société SECURITAS TRANSPORT AVIATION SECURITY l'ensemble des prestations afférentes à la sécurité et à la sûreté du site « ROISSY FEDEX » n'est pas de nature à faire perdre à l'opération de transfert litigieuse ses caractéristiques essentielles justifiant qu'elle soit régie par les dispositions de l'article L 1224-1 du code du travail.
Compte tenu de sa spécificité, la mission de sécurité et de sûreté confiée à la société SECURITAS TRANSPORT AVIATION SECURITY a nécessairement été poursuivie dans des conditions similaires par la société CHECKPORT FRANCE, le courriel précité du 17 mars 2015 de M. Y...à la société CHECKPORT FRANCE évoquant l'existence d'un contrat CHECKPORT « similaire au contrat de Securitas précédent » et la société SECURITAS TRANSPORT AVIATION SECURITY soutenant sans être contredite que le coût des prestations facturées par la société entrante est quasiment identique (page 31 de ses conclusions).
Il résulte de l'ensemble de ces développements que l'affectation exclusive de 84 salariés formés et dédiés à la mission de sûreté sur le site « ROISSY FEDEX », parmi lesquels les 3 chefs d'équipe, et le transfert indirect de la majeure partie des moyens d'exploitation indispensables à l'exécution de ce type d'activité caractérisent l'existence d'un ensemble organisé de personnes et d'éléments corporels permettant l'exercice d'une activité économique poursuivant un objectif propre et que cette entité économique autonome a conservé son identité après la reprise de l'activité par la société CHECKPORT FRANCE.

En conséquence, c'est à juste titre que les premiers juges, dont la décision est confirmée sur ces points, ont :
- dit que le transfert du marché de prestations de sûreté aéroportuaire « FEDEX CORP HUB de ROISSY » de la société SECURITAS TRANSPORT AVIATION SECURITY à la société CHECKPORT FRANCE s'analysait en un transfert d'une entité économique autonome,
- dit que les contrats de travail des salariés affectés par la société SECURITAS TRANSPORT AVIATION SECURITY à l'exécution du marché « FEDEX CORP HUB de ROISSY » devaient se poursuivre de plein droit avec la société CHECKPORT France »

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « aux termes de l'article L. 1224-1 du code du travail, « lorsque survient une modification dans la situation juridique de l'employeur ; notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société de l'entreprise, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise. »
Attendu que la mise en oeuvre de cet article, impliquant un transfert automatique des contrats de travail suppose l'existence d'une entité économique autonome, que cette entité conserve son identité, et que son activité soit poursuivie ;
Qu'ainsi la simple perte d'un marché n'emporte pas transfert automatique des contrats si la preuve du transfert d'une entité économique autonome n'est pas rapportée ;
Que l'entité économique autonome se définit comme un ensemble organisé de personnes et d'équipements corporels ou incorporels qui permettent l'exercice d'une activité économique qui poursuit un objectif propre, se traduisant par l'existence effective d'un personnel dédié, intégré dans une organisation fonctionnelle caractérisée par un encadrement et des horaires propres ;
Attendu qu'en l'espèce, les conditions d'exécution de la mission de sûreté confiée à STAS par FEDEX telles qu'elles ont été définies dans le cahier des charges techniques produit aux débats ont conduit à la mise en place d'une organisation spécifique ;
Qu'il est établi que pour l'exécution de la mission, consistant pour l'essentiel dans des opérations d'inspection-filtrage des personnels FEDEX, de contrôle de tous les types de véhicules entrant en zone réservée, de protection des aéronefs, de rondes, de patrouilles et de surveillance du site 24h/ 24 par le biais de caméras, quatre-vingt-quatre salariés ont été affectés à la prestation sur le site de FEDEX, exerçant au sein même des locaux de FEDEX, ayant en outre été formés spécifiquement à sa demande à tous les aspects de la sûreté aéroportuaire ; que l'activité s'exerce sous l'autorité d'un management dédié à l'exécution de la mission, plaçant les salariés répartis en trois équipes, sous la responsabilité d'abord de chefs d'équipes, puis d'un responsable local des opérations ;

Que le travail de ces quatre-vingt-quatre salariés est organisé selon un planning de service sur un cycle de quatre semaines, comme en attestent les avenants aux contrats d'agents de sûreté aéroportuaire à durée indéterminée ainsi que les plannings prévisionnels qui les accompagnent, dont le caractère probant ne saurait être sérieusement discuté ;
Qu'au surplus, si le personnel rattaché à l'activité visée doit lui être spécialement affecté, il n'est pas nécessaire qu'il le soit de manière exclusive, l'activité du salarié concerné devant s'accomplir pour l'essentiel dans le secteur d'activité cédé et qu'il importe peu, comme le relève en vain la société CHECKPORT FRANCE que certains salariés soient affectés à d'autres prestations dès lors qu'il est démontré qu'elles ne sont effectuées que pour un nombre résiduel d'heures de travail ; que si des salariés sont intervenus sur d'autres postes, ou au bénéfice d'autres clients, ils ne l'ont fait que de manière marginale, puisque le temps de travail de l'ensemble des 84 salariés qui n'a pas été consacré à l'activité FEDEX, représente un pourcentage très faible au regard de leur temps total de travail ;
Que c'est d'ailleurs en considération de ces éléments que l'inspection du travail par une décision du 1er août 2014, a conclu à l'autonomie de la collectivité des salariés composant cette entité économique, en relevant l'existence d'une implantation géographique spécifique, présentant une stabilité suffisante et justifiant d'une autonomie suffisante pour assurer le fonctionnement d'un comité d'établissement ;
Que sur ce point, la société STAS fait justement observer que si seize autres salariés présents sur le site mais affectés à des prestations pour d'autres clients ont été rattachés à ce comité, cette opération n'a eu aucun impact sur les effectifs affectés à la mission de sûreté de FEDEX, quatre vingt-quatre salariés y étant affectés comme en attestent les bulletins de salaire ainsi que la liste du personnel STAS transmise à FEDEX lors de l'organisation des élections professionnelles sur le site comportant quatre-vingt-quatre noms ;
Attendu que l'application de l'article L. 1224-1 du Code du travail suppose encore que l'activité économique soit effectivement transférée à l'identique au cessionnaire qui doit poursuivre la même activité dans les même conditions ; qu'il n'est pas nécessaire que la société cessionnaire du marché soit propriétaire des moyens d'exploitation ;
Qu'au cas présent, la société FEDEX met à disposition de la société exerçant la mission de sûreté quatre postes d'inspection-filtrage équipés d'un appareil à rayons X pour le personnel, un poste d'inspection-filtrage utilisé pour l'inspection-filtrage des véhicules, un portique servant à la détection des masses métalliques sur les personnes inspectées ainsi qu'un ordinateur mis à disposition des chefs d'équipe afin de gérer les prévisions et toute demande de la sécurité FEDEX ;
Que le matériel transféré à la société CHECKPORT pour la réalisation de l'activité de surveillance, constitue l'essentiel des moyens d'exploitation, nécessaires à l'activité et significatifs au regard de la mission poursuivie ; que conformément aux prévisions du contrat, FEDEX met également à disposition des locaux servant de bureaux de même que des locaux pour le personnel en service ; que la société STAS apporte à ses salariés, des outils complémentaires, à savoir trois véhicules pour effectuer les rondes, cinq magnétomètres, deux ordinateurs et un logiciel ronde patrouilles ; que la circonstance selon laquelle la société CHECKPORT, à son tour, a fourni du matériel en complément de celui qui lui a été transféré, n'empêche pas que l'essentiel des moyens d'exploitation nécessaires à la poursuite de l'activité et propres au contrôle de sécurité, provient du transfert de l'activité ;
Attendu que les modalités d'organisation des salariés et les matériels mis à disposition de ceuxci, ne sont que des moyens en vue d'accomplir une certaine activité, restée identique après le transfert, à la prestation effectuée par STAS ; que quand bien même la société CHECKPORT aurait développé son propre savoir-faire, l'amenant à gérer notamment l'activité de surveillance de manière spécifique ainsi qu'elle l'affirme, il n'en demeure pas moins que la finalité de l'activité exercée demeure strictement identique à celle précédemment poursuivie ;
Attendu qu'il se déduit de l'ensemble de ces éléments que l'activité de sûreté aéroportuaire exercée par la société STAS sur le site de la société FEDEX présente une autonomie économique, sociale et fonctionnelle suffisante pour constituer, une entité économique autonome, conservant son identité et dont l'activité est poursuivie ; que la reprise des prestations de services par la société CHECKPORT s'analyse en un transfert d'entité économique autonome ;
Qu'en conséquence, c'est à bon droit que la fédération FO et le comité d'établissement STAS demandent l'application des dispositions d'ordre public de l'article L. 1224-1 du code du travail ;
Que les contrats de travail des cinquante-deux salariés affectés par STAS à l'exécution du marché " FEDEX CORP HUB de ROISSY " doivent se poursuivre de plein droit avec la société CHECKPORTFRANCE ».

1/ ALORS QUE l'existence d'une entité économique autonome conditionnant l'application de l'article L 1224-1 du Code du travail s'apprécie à la date du prétendu transfert ; que la société Checkport France faisait valoir que dès avant la résiliation totale du marché de prestation de sureté aéroportuaire « Fedex Corp Hub Roissy » confié par la société Fedex à la société Sécuritas Transport Aviation Security, cette dernière avait perdu une bonne partie des prestations qui lui avaient été confiées initialement le 1er septembre 2009 par la société Fedex de sorte que l'activité exercée à la date du transfert était dépourvue de toute autonomie (conclusions d'appel de l'exposante p 26, 28-29) ; qu'en se fondant sur les conditions d'exécution de la mission de sûreté confiée à la société Sécuritas Transport Aviation Security par la société Fedex telles que définies dans le contrat relatif à la sécurité conclu entre elles le 1er septembre 2009 et à ses annexes, et en se fondant, par motifs adoptés, sur la décision de la DIRECCTE du 1er aout 2014 qui avait reconnu au sein de la société Sécuritas Transport Aviation Security l'existence d'un établissement distinct au niveau de son agence « Roissy Fedex » en considération d'une communauté autonome de salariés y affectée, pour en déduire l'existence d'une entité économique autonome, sans analyser la teneur des prestations dont la société Sécuritas Transport Aviation Security demeurait en charge pour le compte de la société Fedex à la date de la résiliation du marché, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L 1224-1 du Code du travail ;

2/ ALORS QUE l'existence d'une entité économique autonome s'apprécie au regard des conditions effectives d'exercice de l'activité ; que la société Checkport France contestait que la société Sécuritas Transport Aviation Security ait affecté au marché « Fedex Corp Hub Roissy » un personnel spécialement dédié en faisant valoir que celui-ci n'avait reçu aucune formation spécifique, ainsi que la société Fedex l'avait elle-même souligné dans un courriel du 17 mars 2015 adressé à la société Checkport France (conclusions d'appel de l'exposante p 33) ; qu'en se fondant exclusivement sur l'article 16 de l'annexe A et du paragraphe II b de l'annexe B du contrat conclu entre la société Fedex et la société Securitas Transport Aviation Security qui prévoyait diverses obligations à la charge du prestataire en matière de formation et de suivi de chacun de ses agents, pour juger que les salariés disposaient d'une formation complète adaptée à la spécificité du site et aux demandes particulières de la société Fedex, après avoir pourtant relevé que la société Fedex avait elle-même reconnu que les agents ne disposaient d'aucune formation spécifique, la Cour d'appel qui n'a pas apprécié l'existence d'une entité économique autonome au regard des conditions effectives d'exercice de l'activité, a privé sa décision de base légale au regard de l'article L 1224-1 du Code du travail ;

3/ ALORS QU'une entité économique autonome requiert l'affectation d'un personnel spécialement dédié à l'activité bénéficiant d'un encadrement qui lui est propre ; qu'il résulte des propres constatations de l'arrêt que le responsable local des opérations, M. X..., chargé d'encadrer les salariés de la société Sécuritas Transport Aviation Security affectés au marché « Fedex Corp Hub Roissy » n'était pas exclusivement chargé de l'encadrement du personnel affecté à ce marché auquel il n'était lui-même affecté qu'à mi-temps, mais qu'il était chargé de l'encadrement des prestations fournies par la société Sécuritas Transport Aviation Security sur plusieurs sites, et qu'il ne figurait pas sur la liste du personnel à reprendre transmise par la société Sécuritas Transport Aviation Security à la société Checkport France, ce dont il s'évinçait que le marché « Fedex Corp Hub Roissy » ne bénéficiait pas d'un management qui lui était propre ; qu'en retenant néanmoins l'existence d'une entité économique autonome, la Cour d'appel n'a pas tiré les conséquences qui s'évinçaient de ses propres constatations en violation de l'article L 1224-1 du Code du travail ;

4/ ALORS QUE la société Checkport France se prévalait en outre des déclarations faites par la société Sécuritas Transport Aviation Security dans le cadre du recours pour excès de pouvoir qu'elle avait formé devant le Tribunal administratif de Montreuil à l'encontre de la décision de la DIRECCTE du 1er aout 2014 ayant retenu l'existence d'un établissement distinct au niveau de son agence « Roissy Fedex », aux termes desquelles elle avait affirmé que ses agences étaient « titulaires d'un pouvoir limité en matière sociale qui les contraint à obtenir l'aval de leur hiérarchie pour la plupart des décisions », que « les entités dirigées par les directeurs locaux des opérations ne disposent pas d'une réelle autonomie » et que « l'organisation générale de la STAS en centralisant le pouvoir de décision au niveau de sa direction générale, ne laisse que peu de flexibilité aux agences » (conclusions d'appel de l'exposante p 35) ; qu'en ne répondant pas à ce moyen péremptoire de nature à exclure qu'une communauté autonome de salariés soit affectée au marché « Fedex Corp Hub Roissy », la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile ;


5/ ALORS QU'il appartient à celui qui se prévaut de l'application de l'article L 1224-1 du Code du travail d'établir l'existence d'une entité économique autonome ayant conservé son identité et dont l'activité a été poursuivie ou reprise ; qu'en l'espèce c'est la société Securitas Transport Aviation Security, initialement titulaire du marché de prestation de sureté aéroportuaire « Fedex Corp Hub Roissy » pour le compte de la société Fedex, qui soutenait que l'attribution de ce marché à la société Checkport France à compter du 15 mars 2015 avait emporté transfert d'une entité économique autonome devant entrainer la poursuite par la société Checkport France des contrats de travail de ses salariés affectés audit marché ; qu'en retenant l'existence d'une entité économique autonome dont l'activité avait été poursuivie par la société Checkport France dans les mêmes conditions après avoir relevé que la société Checkport France n'établissait pas que les prestations dont elle était en charge étaient différentes de celles confiées à la société Sécuritas Transport Aviation Security, la mission de sécurité et de sûreté confiée ayant « nécessairement » été poursuivie dans des conditions similaires, lorsqu'il appartenait à la société Sécuritas Transport Aviation Security d'établir l'identité des prestations fournies respectivement par elle puis par la société Checkport France, la Cour d'appel a inversé la charge de la preuve en violation de l'article 1315 du Code civil.



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Cette décision est visée dans les définitions suivantes :
Avéré
Syndicat


Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 28/04/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.