par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles
Cass. soc., 13 juillet 2017, 16-20339
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Cour de cassation, chambre sociale
13 juillet 2017, 16-20.339
Cette décision est visée dans les définitions suivantes :
Plan de sauvegarde de l'emploi
Reclassement
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Vu la connexité, joint les pourvois n° G 16-20.334 et P 16-20.339 ;
Sur les deux moyens réunis, tels que reproduits en annexe :
Attendu, selon les arrêts attaqués (Versailles, 29 juin 2016), que MM. X... et Y..., salariés de la société Smurfit Kappa papier recyclé France, appartenant au groupe Smurfit Kappa, ont été licenciés par lettres du 1er septembre 2011 dans le cadre d'une procédure de licenciements pour motif économique, après la mise en oeuvre d'un plan de sauvegarde de l'emploi à la suite de la fermeture de l'établissement de Nanterre auquel ils étaient affectés ;
Attendu que la société fait grief aux arrêts de dire le licenciement des salariés dépourvu de cause réelle et sérieuse et de la condamner à leur payer une somme à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Mais attendu que, dans le cadre de son obligation de reclassement de tout salarié dont le licenciement économique est envisagé, il appartient à l'employeur, même si un plan de sauvegarde de l'emploi a été établi, de rechercher s'il existe des possibilités de reclassement prévues ou non dans ce plan, au sein de l'entreprise, ou, le cas échéant, du groupe, parmi les entreprises dont l'activité, l'organisation ou le lieu d'exploitation leur permettent d'effectuer la permutation de tout ou partie du personnel, et de proposer à chaque salarié dont le licenciement est envisagé des emplois disponibles adaptés à leur situation, de même catégorie ou à défaut de catégorie inférieure, en assurant au besoin l'adaptation des salariés à une évolution de leur emploi ;
Et attendu qu'ayant, d'une part, relevé que la mise en place d'un plan d'un plan de sauvegarde de sauvegarde de l'emploi, fût-il assorti d'un point info conseil, d'entretiens individuels et de bilans d'orientation, ne dispensait pas l'employeur de faire des propositions individualisées de reclassement aux salariés, d'autre part, constaté que l'employeur ne justifiait d'aucune lettre ou courriel adressé aux autres sociétés du groupe dont il ne produisait aucun organigramme, ni registres du personnel, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de répondre à un moyen que ses constatations rendaient inopérant, a, abstraction faite des motifs critiqués par le premier moyen mais surabondants, justifié, par ces seuls motifs, ses décisions ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE les pourvois ;
Condamne la société Smurfit Kappa papier recyclé France aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Smurfit Kappa papier recyclé France à payer à MM. X... et Y... la somme globale de 800 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du treize juillet deux mille dix-sept.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt.
Moyens produits au pourvoi n° G 16-20.334 par la SCP Briard, avocat aux Conseils, pour la société Smurfit Kappa papier recyclé France.
PREMIER MOYEN DE CASSATION (sur la cause économique du licenciement)
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré illégitime le licenciement de M. X... et, en conséquence, de lui avoir alloué une somme de 14.856 € à titre de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Aux motifs que « Sur la cause réelle et sérieuse du licenciement et la demande de dommages-intérêts afférente : Aux termes de l'article L. 1233-3 du code du travail, constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification refusée par le salarié, d'un élément essentiel de son contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques ; qu'une réorganisation de l'entreprise, lorsqu'elle n'est pas liée à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques, peut constituer une cause économique de licenciement, à condition qu'elle soit effectuée pour sauvegarder la compétitivité de l'entreprise ou pour prévenir des difficultés économiques liées à des évolutions technologiques et leurs conséquences sur l'emploi ; que selon l'article L. 1233-4 du code du travail, le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré dans l'entreprise ou les entreprises du groupe auquel l'entreprise appartient sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent ou, à défaut, et sous réserve de l'accord exprès du salarié, sur un emploi d'une catégorie inférieure ; que les offres de reclassement proposées au salarié sont écrites et précises ; que les possibilités de reclassement doivent être recherchées au sein de l'entreprise et, le cas échéant, du groupe auquel elle appartient parmi les entreprises dont les activités, l'organisation ou le lieu permettent d'effectuer la permutation de tout ou partie du personnel ; qu'il appartient à l'employeur, même quand un plan social a été établi, de rechercher effectivement s'il existe des possibilités de reclassement prévues ou non dans le plan social, et de proposer aux salariés dont le licenciement est envisagé, des emplois de même catégorie ou, à défaut, de catégorie inférieure ; que le manquement de l'employeur à son obligation de reclassement préalable au licenciement prive celui-ci de cause réelle et sérieuse et ouvre droit, au profit du salarié au paiement de dommages-intérêts ; que c'est à l'employeur de démontrer qu'il s'est acquitté de son obligation de reclassement, et notamment de justifier qu'il a recherché toutes les possibilités de reclassement existantes ; que la lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, expose notamment que la société SKPRF a été confrontée à un double problème tenant : - à la situation du marché du papier pour ondulé recyclé (PPOR) dont on constate la dégradation de la rentabilité liée à la surproduction, - à la situation spécifique de la papeterie de Nanterre dont la fermeture était nécessaire pour sauvegarder la compétitivité du secteur, ses coûts d'exploitation étant insupportables sur le long terme et le terrain étant susceptible d'être préempté dans le cadre de l'aménagement de la ZAD et du projet Seine Arche Défense, fermeture ayant conduit à la suppression de 105 emplois, dont celui du salarié ; que la lettre précise enfin que l'employeur a recherché des possibilités de reclassement auprès des autres entités de la société et du groupe, qu'il a offert un poste au salarié qui l'a refusé et qu'il s'est dès lors trouvé dans l'impossibilité de le reclasser ; que Monsieur X... soutient que son licenciement est dénué de cause réelle et sérieuse aux motifs que le secteur d'activité d'appréciation du motif économique n'est pas seulement celui du PPOR (papier pour ondulé recyclé) mais qu'il doit s'étendre à celui de l'emballage fabriqué à partir de papier et de carton, qu'il n'existait en tout état de cause et quel que soit le secteur d'appréciation ni difficultés économiques ni nécessité de sauvegarder la compétitivité, et que l'employeur enfin n'a pas respecté l'obligation de reclassement ; qu'il fait valoir à cet égard que le poste qui lui a été proposé ne comportait aucune précision sur ses caractéristiques, sur la nature du contrat, le lieu de travail, la rémunération proposée etc, que l'employeur n'a justifié d'aucune recherche de reclassement auprès des autres entreprises du groupe et qu'il n'a pas saisi la commission paritaire de l'emploi ; que la société SKPRF rétorque que le niveau d'appréciation du motif économique du licenciement est bien celui du PPOR confronté depuis plusieurs années à un contexte économique particulièrement difficile et que la fermeture du site de Nanterre s'imposait au groupe Smurfit pour sauvegarder la compétitivité des sociétés composant le secteur du PPOR européen ; qu'elle fait également valoir qu'elle a parfaitement respecté l'obligation de reclassement mise à sa charge ; qu'elle a notamment fait une proposition d'emploi similaire au salarié qu'il a refusée ; qu'elle a identifié 104 postes en France (88) et à l'étranger (16) qui auraient pu permettre le reclassement des salariés licenciés ; que le PSE prévoyait la mise en place d'un Point Information Conseil et d'entretiens individuels afin d'accompagner chaque salarié dans sa démarche de reclassement ; que ceux-ci, et notamment Monsieur X..., ont refusé une mobilité à l'international et d'être reclassés dans les filiales du groupe, privilégiant d'autres choix, notamment au regard des indemnités financières conséquentes proposées dans le cadre du PSE ; qu'une cellule de soutien psychologique a été mise en place pendant toute la durée du PSE ; que 84 % des salariés ont retrouvé une solution de reclassement et qu'elle n'avait pas à saisir la commission paritaire de l'emploi au moment des licenciements, cette obligation ne lui incombant que depuis le 19 février 2015 ;
Sur la cause économique
que la Cour observe en premier lieu qu'à supposer même que le secteur d'appréciation du motif économique du licenciement soit celui du PPOR, les tableaux d'évolution comparée de l'EBITDA¹ mettent en évidence que celui-ci est en hausse continue depuis 2009 et qu'il atteint en 2011 son niveau de 2008, l'année 2007 ne pouvant être retenue comme point de comparaison pour avoir été exceptionnellement favorable ; que tous les documents produits mettent au surplus en évidence que SKPRF est N° 1 en Europe pour le PPOR, l'employeur ne précisant à aucun moment quels étaient les concurrents face auxquels la sauvegarde de la compétitivité s'avérait nécessaire, ni a fortiori les circonstances qui auraient conduit les dits concurrents à menacer sa compétitivité ; qu'enfin, si le résultat net 2011 de la société SKPRF s'établit en perte de 18,5 millions d'euros contre un bénéfice de 1,3 millions d'euros en 2010, c'est en raison même des charges de restructuration liées à la fermeture de l'usine de Nanterre à raison de 17,3 millions d'euros et d'amortissements exceptionnels des actifs à hauteur de 6,7 millions d'euros ; qu'il en résulte que les résultats auraient été bénéficiaires sans ces deux postes de charges exceptionnelles ;
Sur le reclassement .... (v. le second moyen)
1°) Alors que la cause économique d'un licenciement s'apprécie au niveau de l'entreprise ou, si celle-ci fait partie d'un groupe, au niveau du secteur d'activité du groupe dans lequel elle intervient ; que le juge appelé à se prononcer sur la légitimité d'un licenciement pour motif économique doit déterminer le secteur d'activité dans le cadre duquel il a été prononcé ; que dès lors, en déclarant « qu'à supposer que le secteur d'appréciation du motif Earnings Before Interest, Taxes, Depreciation, and Amortization, (EBITDA), soit les revenus avant intérêts, impôts, dotations aux amortissements et provisions sur immobilisations économique soit celui du PPOR² » le licenciement était illégitime, sans déterminer le secteur d'activité dans lequel la réalité du motif économique invoqué par la société devait être appréciée, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences des textes et, ainsi, violé les articles L. 1233-3 et L. 1235-1 du code du travail ;
2°) Alors que lorsque des sociétés d'un groupe exerçant dans le même secteur d'activité sont confrontées tant à une baisse très sensible de leur volume de production qu'à des pertes importantes, le motif économique est caractérisé ; que dès lors en écartant l'année 2007 comme « exceptionnellement favorable » pour dire « que les tableaux d'évolution comparée de l'EBITDA mettent en évidence que celui est en hausse continue depuis 2009 et qu'en 2011, il a atteint le niveau de 2008 », quand il ressortait des données claires et précises de ce tableau EBITDA représentant les résultats avant frais financiers, impôts, dotations aux amortissements et provisions sur immobilisations, que les chiffres s'étaient effondrés entre 2007 et 2011 passant de 293,7 M/€ à 164 M/€, soit une baisse minimum de 40%, représentant une chute de 3,9 % pour la seule année de 2011 (pièce n° 10), la cour d'appel a dénaturé le tableau EBITDA produit par la société SKPRF (pièce n° 10) et, ainsi, violé l'article 1134 (ancien) du code civil applicable à la cause³ ;
3°) Alors qu'en énonçant qu'en 2011, le résultat net s'établissait en une perte de 18,5 millions d'euros et en écartant la réalité de la cause économique au motif que ce déficit résultait « des charges de restructuration liées à la fermeture de l'usine de Nanterre à raison de 17,3 millions d'euros et d'amortissements exceptionnels des actifs à hauteur de 6,7 millions d'euros » pour en déduire « que les résultats auraient été bénéficiaires sans ces deux postes de charges exceptionnelles », la cour d'appel qui s'est substituée à l'employeur dans son choix de gestion a violé les articles L. 1233-3 et L. 1235-1 du code du travail ;
4°) Alors que la cause économique d'un licenciement s'apprécie au niveau de l'entreprise ou, si celle-ci fait partie d'un groupe, au niveau du secteur d'activité du groupe dans lequel elle intervient ; que le juge appelé à se prononcer sur la légitimité d'un licenciement pour motif économique ne peut donc déduire le défaut de réalité d'un tel motif en s'appuyant sur les seuls résultats de la société dans le cadre laquelle le licenciement a été prononcé ; que dès lors, la cour d'appel ne pouvait écarter la réalité de la cause économique par le motif que "si le résultat net 2011 de la société SKPRF s'établit en perte de 18,5 millions d'euros contre un bénéfice de 1,3 millions d'euros en 2010, c'est en raison même des charges de restructuration liées à la fermeture de l'usine de Nanterre à raison de 17,3 millions d'euros et d'amortissements exceptionnels des actifs à hauteur de 6,7 millions d'euros ; qu'il en résulte que les résultats auraient été bénéficiaires sans ces deux postes de charges exceptionnelles " ; qu'en déduisant ainsi l'absence de motif économique des seuls résultats de la société SKPRF et non du secteur d'activité du groupe, la cour d'appel a violé les articles L. 1233-3 et L. 1235-1 du code du travail ;
5°) Alors qu'en déclarant que l'EBITDA mettait en évidence une hausse continue depuis 2009, sans répondre aux conclusions de la société invoquant et citant les décisions des juridictions administratives ayant admis qu' « à partir de 2007, ce secteur d'activité était 2 Papier Pour Ondulé Recyclé (PPOR) L'article 1134 du Code civil est abrogé depuis le 1er octobre 2016 (Ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016).. La dénaturation est désormais sanctionnée explicitement par le nouvel article 1192 : " On ne peut interpréter les clauses claires et précises à peine de dénaturation." marqué par une chute des prix, liée à une surcapacité industrielle et l'augmentation de la matière première », la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
6°) Alors qu'en déclarant que la société ne précisait pas « quels étaient les concurrents face auxquels la sauvegarde de la compétitivité s'avérait nécessaire » ni en quoi ils menaçaient sa compétitivité, la cour d'appel a dénaturé les conclusions de l'employeur selon lesquelles l'ensemble des papeteries européennes avaient été contraintes de fermer des sites (Papeterie de Veuze, DSS en Grande Bretagne, Romanello en Italie et Niederauer en Allemagne, outre Hamburger et Mondi), fermetures réduisant les coûts des concurrents et les rendant nécessairement plus compétitifs, d'où il résultait une réorganisation de la concurrence qui ne pouvait être sans conséquences pour la société SKPFR quand bien même elle était, ou avait été, leader dans ce domaine d'activité, la cour d'appel a violé l'article 4 du code de procédure civile ;
7°) Alors que pour se prononcer sur la légitimité d'un licenciement pour motif économique, le juge doit procéder à un examen complet de la réalité de celui-ci ; qu'en déclarant se limiter volontairement à une analyse partielle et inachevée des éléments de la cause « sans qu'il soit besoin d'examiner plus avant la réalité du motif économique du licenciement invoqué...», sans se prononcer, comme elle y était invitée, sur la réalité et le sérieux de la cause économique, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
¹Earnings Before Interest, Taxes, Depreciation, and Amortization, (EBITDA), soit les revenus avant intérêts, impôts, dotations aux amortissements et provisions sur immobilisations
²Papier Pour Ondulé Recyclé (PPOR)
³L'article 1134 du Code civil est abrogé depuis le 1er octobre 2016 (Ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016).. La dénaturation est désormais sanctionnée explicitement par le nouvel article 1192 : " On ne peut interpréter les clauses claires et précises à peine de dénaturation."
SECOND MOYEN DE CASSATION (Sur l'obligation de reclassement)
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré illégitime le licenciement de M. X... et, en conséquence, de lui avoir alloué une somme de 14.856 € à titre de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Aux motifs que « Sur la cause réelle et sérieuse du licenciement et la demande de dommages-intérêts afférente : Aux termes de l'article L.1233-3 du code du travail, constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification refusée par le salarié, d'un élément essentiel de son contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques ; qu'une réorganisation de l'entreprise, lorsqu'elle n'est pas liée à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques, peut constituer une cause économique de licenciement, à condition qu'elle soit effectuée pour sauvegarder la compétitivité de l'entreprise ou pour prévenir des difficultés économiques liées à des évolutions technologiques et leurs conséquences sur l'emploi ; que selon l'article L. 1233-4 du code du travail, le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré dans l'entreprise ou les entreprises du groupe auquel l'entreprise appartient sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent ou, à défaut, et sous réserve de l'accord exprès du salarié, sur un emploi d'une catégorie inférieure ; que les offres de reclassement proposées au salarié sont écrites et précises ; que les possibilités de reclassement doivent être recherchées au sein de l'entreprise et, le cas échéant, du groupe auquel elle appartient parmi les entreprises dont les activités, l'organisation ou le lieu permettent d'effectuer la permutation de tout ou partie du personnel ; qu'il appartient à l'employeur, même quand un plan social a été établi, de rechercher effectivement s'il existe des possibilités de reclassement prévues ou non dans le plan social, et de proposer aux salariés dont le licenciement est envisagé, des emplois de même catégorie ou, à défaut, de catégorie inférieure ; que le manquement de l'employeur à son obligation de reclassement préalable au licenciement prive celui-ci de cause réelle et sérieuse et ouvre droit, au profit du salarié au paiement de dommages-intérêts ; que c'est à l'employeur de démontrer qu'il s'est acquitté de son obligation de reclassement, et notamment de justifier qu'il a recherché toutes les possibilités de reclassement existantes ; que la lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, expose notamment que la société SKPRF a été confrontée à un double problème tenant : - à la situation du marché du papier pour ondulé recyclé (PPOR) dont on constate la dégradation de la rentabilité liée à la surproduction, - à la situation spécifique de la papeterie de Nanterre dont la fermeture était nécessaire pour sauvegarder la compétitivité du secteur, ses coûts d'exploitation étant insupportables sur le long terme et le terrain étant susceptible d'être préempté dans le cadre de l'aménagement de la ZAD et du projet Seine Arche Défense, fermeture ayant conduit à la suppression de 105 emplois, dont celui du salarié ; que la lettre précise enfin que l'employeur a recherché des possibilités de reclassement auprès des autres entités de la société et du groupe, qu'il a offert un poste au salarié qui l'a refusé et qu'il s'est dès lors trouvé dans l'impossibilité de le reclasser ; que Monsieur X... soutient que son licenciement est dénué de cause réelle et sérieuse aux motifs que le secteur d'activité d'appréciation du motif économique n'est pas seulement celui du PPOR (papier pour ondulé recyclé) mais qu'il doit s'étendre à celui de l'emballage fabriqué à partir de papier et de carton, qu'il n'existait en tout état de cause et quel que soit le secteur d'appréciation ni difficultés économiques ni nécessité de sauvegarder la compétitivité, et que l'employeur enfin n'a pas respecté l'obligation de reclassement ; qu'il fait valoir à cet égard que le poste qui lui a été proposé ne comportait aucune précision sur ses caractéristiques, sur la nature du contrat, le lieu de travail, la rémunération proposée etc, que l'employeur n'a justifié d'aucune recherche de reclassement auprès des autres entreprises du groupe et qu'il n'a pas saisi la commission paritaire de l'emploi ; que la société SKPRF rétorque que le niveau d'appréciation du motif économique du licenciement est bien celui du PPOR confronté depuis plusieurs années à un contexte économique particulièrement difficile et que la fermeture du site de Nanterre s'imposait au groupe Smurfit pour sauvegarder la compétitivité des sociétés composant le secteur du PPOR européen ; qu'elle fait également valoir qu'elle a parfaitement respecté l'obligation de reclassement mise à sa charge ; qu'elle a notamment fait une proposition d'emploi similaire au salarié qu'il a refusée ; qu'elle a identifié 104 postes en France (88) et à l'étranger (16) qui auraient pu permettre le reclassement des salariés licenciés ; que le PSE prévoyait la mise en place d'un Point Information Conseil et d'entretiens individuels afin d'accompagner chaque salarié dans sa démarche de reclassement ; que ceux-ci, et notamment Monsieur X..., ont refusé une mobilité à l'international et d'être reclassés dans les filiales du groupe, privilégiant d'autres choix, notamment au regard des indemnités financières conséquentes proposées dans le cadre du PSE ; qu'une cellule de soutien psychologique a été mise en place pendant toute la durée du PSE ; que 84 % des salariés ont retrouvé une solution de reclassement et qu'elle n'avait pas à saisir la commission paritaire de l'emploi au moment des licenciements, cette obligation ne lui incombant que depuis le 19 février 2015 ;
Sur la cause économique (v. le premier moyen)
Sur le reclassement
que cependant, sans qu'il soit besoin d'examiner plus avant la réalité du motif économique du licenciement invoqué, la cour constate que l'employeur ne justifie pas avoir recherché toutes les possibilités de reclassement existantes ; qu'à cet égard, il y a lieu de relever que : - la mise en place du PSE, fût-il assorti d'un Point Info Conseil, d'entretiens individuels et de bilans d'orientation, ne dispensait pas l'employeur de faire des propositions individualisées de reclassement au salarié, d'autant que le dit PSE rappelait qu'il appartiendrait à la société SKPRF d'une part de rechercher systématiquement toutes les possibilités de reclassement interne et d'autres part d'adresser des offres d'emploi aux salariés par courrier et à leur domicile, - le refus du salarié d'accepter le principe d'un travail à l'étranger ne saurait davantage l'exonérer de l'obligation de reclassement, - une seule offre de reclassement a été proposée par écrit au salarié et hormis l'intitulé du poste et sa localisation, elle ne comportait aucune précision sur les caractéristiques de l'emploi proposé, la rémunération, les horaires de travail, etc, alors même que le PSE rappelait que les offres d'emploi proposées aux salariés devraient comporter toutes ces précisions, - cette seule proposition, fût-elle refusée par le salarié, est insuffisante à établir que l'obligation de reclassement a été respectée, compte tenu de l'importance du groupe dont il sera rappelé qu'il emploie 41000 salariés, et des possibilités d'emplois qu'il était en capacité d'offrir, l'employeur ne justifiant pas même de propositions de postes de catégorie inférieure, - la liste des 104 emplois répertoriés par l'employeur ne suffit pas à démontrer qu'il a recherché toutes les possibilités de reclassement existantes, sachant qu'il ne justifie d'aucun courrier ou courriel aux autres sociétés du groupe dont il ne produit d'ailleurs pas l'organigramme, pas même pour les seuls établissements français dont les registres du personnel ne sont pas versés au dossier ; qu'à cet égard, les deux attestations des responsables des ressources humaines, Monsieur Z... et Madame A..., qui soutiennent que la collecte des postes et leur actualisation ont été effectuées via le réseau Intranet du groupe sont insuffisantes à établir qu'une recherche loyale et systématique a été diligentée ; qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments que la société SKPRF ne démontre pas s'être acquittée de son obligation de reclassement en recherchant notamment toutes les possibilités de reclassement existantes ; qu'il s'ensuit qu'il y a lieu d'infirmer le jugement pour dire le licenciement dénué de cause réelle et sérieuse ; que le salarié peut dans ces conditions prétendre à l'indemnité prévue à l'article L. 1235-3 du code du travail ; que compte tenu notamment de l'effectif de l'entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée au salarié, de son âge (59 ans), de son ancienneté (7 ans), de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle, et des conséquences du licenciement à son égard (départ en retraite) telles qu'elles résultent des pièces et explications fournies, il y a lieu de lui allouer la somme de 14 856 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; qu'en application des dispositions de l'article L. 1235-4 du code du travail, il y a lieu d'ordonner à l'employeur de rembourser aux organismes sociaux concernés, parties au litige par l'effet de la loi, les indemnités de chômage qu'ils ont versées le cas échéant au salarié à compter de son licenciement à concurrence de 2 mois » ; (arrêt p. 2, dern. al., p. 3, p. 4 et p. 5).
1°) Alors qu'en déclarant qu'une seule offre de reclassement « ne comportant aucune précision sur les caractéristiques de l'emploi proposé, la rémunération, les horaires de travail » avait été proposée au salarié, sans répondre aux conclusions circonstanciées et personnalisées de la société SKPRF faisant valoir qu'elle avait assuré au salarié le maintien de sa rémunération jusqu'à ce qu'il bénéficie d'une retraite à taux plein, éléments établissant que l'employeur avait rempli ses obligations en matière de reclassement ; qu'en s'abstenant de répondre à ces conclusions, d'analyser les documents auxquels elles se référaient et de réfuter les motifs du jugement du conseil de prud'hommes qui avait constaté le respect par l'employeur de son obligation de reclassement, la cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile ;
2°) Alors qu'à l'intérieur du groupe les recherches de reclassement doivent être opérées parmi les entreprises dont les activités, l'organisation ou le lieu d'exploitation leur permettent la permutation de tout ou partie du personnel ; que dès lors énonçant que l'unique proposition de reclassement était insuffisante au regard de la taille du groupe employant 41.000 salariés quand les offres de reclassement ne devaient être opérées que parmi les sociétés exerçant la même activité et où la permutation du personnel était envisageable, soit au sein des seules sociétés françaises, M. B... ayant refusé un reclassement à l'étranger, la cour d'appel a violé les articles L. 1233-2, L. 1233-3 et L. 1235-1 du code du travail.
Moyens produits au pourvoi n° P 16-20.339 par la SCP Briard, avocat aux Conseils, pour la société Smurfit Kappa papier recyclé France.
PREMIER MOYEN DE CASSATION (sur la cause économique du licenciement)
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré illégitime le licenciement de M. Y... et, en conséquence, de lui avoir alloué une somme de 18.354 € à titre de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Aux motifs que « Sur la cause réelle et sérieuse du licenciement et la demande de dommages-intérêts afférente : Aux termes de l'article L. 1233-3 du code du travail, constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification refusée par le salarié, d'un élément essentiel de son contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques ; qu'une réorganisation de l'entreprise, lorsqu'elle n'est pas liée à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques, peut constituer une cause économique de licenciement, à condition qu'elle soit effectuée pour sauvegarder la compétitivité de l'entreprise ou pour prévenir des difficultés économiques liées à des évolutions technologiques et leurs conséquences sur l'emploi ; que selon l'article L. 1233-4 du code du travail, le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré dans l'entreprise ou les entreprises du groupe auquel l'entreprise appartient sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent ou, à défaut, et sous réserve de l'accord exprès du salarié, sur un emploi d'une catégorie inférieure ; que les offres de reclassement proposées au salarié sont écrites et précises ; que les possibilités de reclassement doivent être recherchées au sein de l'entreprise et, le cas échéant, du groupe auquel elle appartient parmi les entreprises dont les activités, l'organisation ou le lieu permettent d'effectuer la permutation de tout ou partie du personnel ; qu'il appartient à l'employeur, même quand un plan social a été établi, de rechercher effectivement s'il existe des possibilités de reclassement prévues ou non dans le plan social, et de proposer aux salariés dont le licenciement est envisagé, des emplois de même catégorie ou, à défaut, de catégorie inférieure ; que le manquement de l'employeur à son obligation de reclassement préalable au licenciement prive celui-ci de cause réelle et sérieuse et ouvre droit, au profit du salarié au paiement de dommages-intérêts ; que c'est à l'employeur de démontrer qu'il s'est acquitté de son obligation de reclassement, et notamment de justifier qu'il a recherché toutes les possibilités de reclassement existantes ; que la lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, expose notamment que la société SKPRF a été confrontée à un double problème tenant : - à la situation du marché du papier pour ondulé recyclé (PPOR) dont on constate la dégradation de la rentabilité liée à la surproduction, - à la situation spécifique de la papeterie de Nanterre dont la fermeture était nécessaire pour sauvegarder la compétitivité du secteur, ses coûts d'exploitation étant insupportables sur le long terme et le terrain étant susceptible d'être préempté dans le cadre de l'aménagement de la ZAD et du projet Seine Arche Défense, fermeture ayant conduit à la suppression de 105 emplois, dont celui du salarié ; que la lettre précise enfin que l'employeur a recherché des possibilités de reclassement auprès des autres entités de la société et du groupe, qu'il a offert un poste au salarié qui l'a refusé et qu'il s'est dès lors trouvé dans l'impossibilité de le reclasser ; que Monsieur Y... soutient que son licenciement est dénué de cause réelle et sérieuse aux motifs que le secteur d'activité d'appréciation du motif économique n'est pas seulement celui du PPOR (papier pour ondulé recyclé) mais qu'il doit s'étendre à celui de l'emballage fabriqué à partir de papier et de carton, qu'il n'existait en tout état de cause et quel que soit le secteur d'appréciation ni difficultés économiques ni nécessité de sauvegarder la compétitivité, et que l'employeur enfin n'a pas respecté l'obligation de reclassement ; qu'il fait valoir à cet égard que le poste qui lui a été proposé ne comportait aucune précision sur ses caractéristiques, sur la nature du contrat, le lieu de travail, la rémunération proposée etc, que l'employeur n'a justifié d'aucune recherche de reclassement auprès des autres entreprises du groupe et qu'il n'a pas saisi la commission paritaire de l'emploi ; que la société SKPRF rétorque que le niveau d'appréciation du motif économique du licenciement est bien celui du PPOR confronté depuis plusieurs années à un contexte économique particulièrement difficile et que la fermeture du site de Nanterre s'imposait au groupe Smurfit pour sauvegarder la compétitivité des sociétés composant le secteur du PPOR européen ; qu'elle fait également valoir qu'elle a parfaitement respecté l'obligation de reclassement mise à sa charge ; qu'elle a notamment fait une proposition d'emploi similaire au salarié qu'il a refusée ; qu'elle a identifié 104 postes en France (88) et à l'étranger (16) qui auraient pu permettre le reclassement des salariés licenciés ; que le PSE prévoyait la mise en place d'un Point Information Conseil et d'entretiens individuels afin d'accompagner chaque salarié dans sa démarche de reclassement ; que ceux-ci, et notamment Monsieur Y..., ont refusé une mobilité à l'international et d'être reclassés dans les filiales du groupe, privilégiant d'autres choix, notamment au regard des indemnités financières conséquentes proposées dans le cadre du PSE ; qu'une cellule de soutien psychologique a été mise en place pendant toute la durée du PSE ; que 84 % des salariés ont retrouvé une solution de reclassement et qu'elle n'avait pas à saisir la commission paritaire de l'emploi au moment des licenciements, cette obligation ne lui incombant que depuis le 19 février 2015 ;
Sur la cause économique
que la Cour observe en premier lieu qu'à supposer même que le secteur d'appréciation du motif économique du licenciement soit celui du PPOR, les tableaux d'évolution comparée de l'EBITDA¹ mettent en évidence que celui-ci est en hausse continue depuis 2009 et qu'il atteint en 2011 son niveau de 2008, l'année 2007 ne pouvant être retenue comme point de comparaison pour avoir été exceptionnellement favorable ; que tous les documents produits mettent au surplus en évidence que SKPRF est N° 1 en Europe pour le PPOR, l'employeur ne précisant à aucun moment quels étaient les concurrents face auxquels la sauvegarde de la compétitivité s'avérait nécessaire, ni a fortiori les circonstances qui auraient conduit les dits concurrents à menacer sa compétitivité ; qu'enfin, si le résultat net 2011 de la société SKPRF s'établit en perte de 18,5 millions d'euros contre un bénéfice de 1,3 millions d'euros en 2010, c'est en raison même des charges de restructuration liées à la fermeture de l'usine de Nanterre à raison de 17,3 millions d'euros et d'amortissements exceptionnels des actifs à hauteur de 6,7 millions d'euros ; qu'il en résulte que les résultats auraient été bénéficiaires sans ces deux postes de charges exceptionnelles ;
Sur le reclassement .... (v. le second moyen)
1°) Alors que la cause économique d'un licenciement s'apprécie au niveau de l'entreprise ou, si celle-ci fait partie d'un groupe, au niveau du secteur d'activité du groupe dans lequel elle intervient ; que le juge appelé à se prononcer sur la légitimité d'un licenciement pour motif économique doit déterminer le secteur d'activité dans le cadre duquel il a été prononcé ; que dès lors, en déclarant « qu'à supposer que le secteur d'appréciation du motif Earnings Before Interest, Taxes, Depreciation, and Amortization, (EBITDA), soit les revenus avant intérêts, impôts, dotations aux amortissements et provisions sur immobilisations économique soit celui du PPOR² » le licenciement était illégitime, sans déterminer le secteur d'activité dans lequel la réalité du motif économique invoqué par la société devait être appréciée, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences des textes et, ainsi, violé les articles L. 1233-3 et L. 1235-1 du code du travail ;
2°) Alors que lorsque des sociétés d'un groupe exerçant dans le même secteur d'activité sont confrontées tant à une baisse très sensible de leur volume de production qu'à des pertes importantes, le motif économique est caractérisé ; que dès lors en écartant l'année 2007 comme « exceptionnellement favorable » pour dire « que les tableaux d'évolution comparée de l'EBITDA mettent en évidence que celui est en hausse continue depuis 2009 et qu'en 2011, il a atteint le niveau de 2008 », quand il ressortait des données claires et précises de ce tableau EBITDA représentant les résultats avant frais financiers, impôts, dotations aux amortissements et provisions sur immobilisations, que les chiffres s'étaient effondrés entre 2007 et 2011 passant de 293,7 M/€ à 164 M/€, soit une baisse minimum de 40%, représentant une chute de 3,9 % pour la seule année de 2011 (pièce n° 10), la cour d'appel a dénaturé le tableau EBITDA produit par la société SKPRF (pièce n° 10) et, ainsi, violé l'article 1134 (ancien) du code civil applicable à la cause³ ;
3°) Alors qu'en énonçant qu'en 2011, le résultat net s'établissait en une perte de 18,5 millions d'euros et en écartant la réalité de la cause économique au motif que ce déficit résultait « des charges de restructuration liées à la fermeture de l'usine de Nanterre à raison de 17,3 millions d'euros et d'amortissements exceptionnels des actifs à hauteur de 6,7 millions d'euros » pour en déduire « que les résultats auraient été bénéficiaires sans ces deux postes de charges exceptionnelles », la cour d'appel qui s'est substituée à l'employeur dans son choix de gestion a violé les articles L. 1233-3 et L. 1235-1 du code du travail ;
4°) Alors que la cause économique d'un licenciement s'apprécie au niveau de l'entreprise ou, si celle-ci fait partie d'un groupe, au niveau du secteur d'activité du groupe dans lequel elle intervient ; que le juge appelé à se prononcer sur la légitimité d'un licenciement pour motif économique ne peut donc déduire le défaut de réalité d'un tel motif en s'appuyant sur les seuls résultats de la société dans le cadre laquelle le licenciement a été prononcé ; que dès lors, la cour d'appel ne pouvait écarter la réalité de la cause économique par le motif que "si le résultat net 2011 de la société SKPRF s'établit en perte de 18,5 millions d'euros contre un bénéfice de 1,3 millions d'euros en 2010, c'est en raison même des charges de restructuration liées à la fermeture de l'usine de Nanterre à raison de 17,3 millions d'euros et d'amortissements exceptionnels des actifs à hauteur de 6,7 millions d'euros ; qu'il en résulte que les résultats auraient été bénéficiaires sans ces deux postes de charges exceptionnelles " ; qu'en déduisant ainsi l'absence de motif économique des seuls résultats de la société SKPRF et non du secteur d'activité du groupe, la cour d'appel a violé les articles L. 1233-3 et L. 1235-1 du code du travail ;
5°) Alors qu'en déclarant que l'EBITDA mettait en évidence une hausse continue depuis 2009, sans répondre aux conclusions de la société invoquant et citant les décisions des juridictions administratives ayant admis qu' « à partir de 2007, ce secteur d'activité était 2 Papier Pour Ondulé Recyclé (PPOR) L'article 1134 du Code civil est abrogé depuis le 1er octobre 2016 (Ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016).. La dénaturation est désormais sanctionnée explicitement par le nouvel article 1192 : " On ne peut interpréter les clauses claires et précises à peine de dénaturation." marqué par une chute des prix, liée à une surcapacité industrielle et l'augmentation de la matière première », la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
6°) Alors qu'en déclarant que la société ne précisait pas « quels étaient les concurrents face auxquels la sauvegarde de la compétitivité s'avérait nécessaire » ni en quoi ils menaçaient sa compétitivité, la cour d'appel a dénaturé les conclusions de l'employeur selon lesquelles l'ensemble des papeteries européennes avaient été contraintes de fermer des sites (Papeterie de Veuze, DSS en Grande Bretagne, Romanello en Italie et Niederauer en Allemagne, outre Hamburger et Mondi), fermetures réduisant les coûts des concurrents et les rendant nécessairement plus compétitifs, d'où il résultait une réorganisation de la concurrence qui ne pouvait être sans conséquences pour la société SKPFR quand bien même elle était, ou avait été, leader dans ce domaine d'activité, la cour d'appel a violé l'article 4 du code de procédure civile ;
7°) Alors que pour se prononcer sur la légitimité d'un licenciement pour motif économique, le juge doit procéder à un examen complet de la réalité de celui-ci ; qu'en déclarant se limiter volontairement à une analyse partielle et inachevée des éléments de la cause « sans qu'il soit besoin d'examiner plus avant la réalité du motif économique du licenciement invoqué...», sans se prononcer, comme elle y était invitée, sur la réalité et le sérieux de la cause économique, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
¹Earnings Before Interest, Taxes, Depreciation, and Amortization, (EBITDA), soit les revenus avant intérêts, impôts, dotations aux amortissements et provisions sur immobilisations
²Papier Pour Ondulé Recyclé (PPOR)
³L'article 1134 du Code civil est abrogé depuis le 1er octobre 2016 (Ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016).. La dénaturation est désormais sanctionnée explicitement par le nouvel article 1192 : " On ne peut interpréter les clauses claires et précises à peine de dénaturation."
SECOND MOYEN DE CASSATION (Sur l'obligation de reclassement)
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré illégitime le licenciement de M. Y... et, en conséquence, de lui avoir alloué une somme de 18.354 € à titre de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Aux motifs que « Sur la cause réelle et sérieuse du licenciement et la demande de dommages-intérêts afférente : Aux termes de l'article L.1233-3 du code du travail, constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification refusée par le salarié, d'un élément essentiel de son contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques ; qu'une réorganisation de l'entreprise, lorsqu'elle n'est pas liée à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques, peut constituer une cause économique de licenciement, à condition qu'elle soit effectuée pour sauvegarder la compétitivité de l'entreprise ou pour prévenir des difficultés économiques liées à des évolutions technologiques et leurs conséquences sur l'emploi ; que selon l'article L. 1233-4 du code du travail, le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré dans l'entreprise ou les entreprises du groupe auquel l'entreprise appartient sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent ou, à défaut, et sous réserve de l'accord exprès du salarié, sur un emploi d'une catégorie inférieure ; que les offres de reclassement proposées au salarié sont écrites et précises ; que les possibilités de reclassement doivent être recherchées au sein de l'entreprise et, le cas échéant, du groupe auquel elle appartient parmi les entreprises dont les activités, l'organisation ou le lieu permettent d'effectuer la permutation de tout ou partie du personnel ; qu'il appartient à l'employeur, même quand un plan social a été établi, de rechercher effectivement s'il existe des possibilités de reclassement prévues ou non dans le plan social, et de proposer aux salariés dont le licenciement est envisagé, des emplois de même catégorie ou, à défaut, de catégorie inférieure ; que le manquement de l'employeur à son obligation de reclassement préalable au licenciement prive celui-ci de cause réelle et sérieuse et ouvre droit, au profit du salarié au paiement de dommages-intérêts ; que c'est à l'employeur de démontrer qu'il s'est acquitté de son obligation de reclassement, et notamment de justifier qu'il a recherché toutes les possibilités de reclassement existantes ; que la lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, expose notamment que la société SKPRF a été confrontée à un double problème tenant : - à la situation du marché du papier pour ondulé recyclé (PPOR) dont on constate la dégradation de la rentabilité liée à la surproduction, - à la situation spécifique de la papeterie de Nanterre dont la fermeture était nécessaire pour sauvegarder la compétitivité du secteur, ses coûts d'exploitation étant insupportables sur le long terme et le terrain étant susceptible d'être préempté dans le cadre de l'aménagement de la ZAD et du projet Seine Arche Défense, fermeture ayant conduit à la suppression de 105 emplois, dont celui du salarié ; que la lettre précise enfin que l'employeur a recherché des possibilités de reclassement auprès des autres entités de la société et du groupe, qu'il a offert un poste au salarié qui l'a refusé et qu'il s'est dès lors trouvé dans l'impossibilité de le reclasser ; que Monsieur Y... soutient que son licenciement est dénué de cause réelle et sérieuse aux motifs que le secteur d'activité d'appréciation du motif économique n'est pas seulement celui du PPOR (papier pour ondulé recyclé) mais qu'il doit s'étendre à celui de l'emballage fabriqué à partir de papier et de carton, qu'il n'existait en tout état de cause et quel que soit le secteur d'appréciation ni difficultés économiques ni nécessité de sauvegarder la compétitivité, et que l'employeur enfin n'a pas respecté l'obligation de reclassement ; qu'il fait valoir à cet égard que le poste qui lui a été proposé ne comportait aucune précision sur ses caractéristiques, sur la nature du contrat, le lieu de travail, la rémunération proposée etc, que l'employeur n'a justifié d'aucune recherche de reclassement auprès des autres entreprises du groupe et qu'il n'a pas saisi la commission paritaire de l'emploi ; que la société SKPRF rétorque que le niveau d'appréciation du motif économique du licenciement est bien celui du PPOR confronté depuis plusieurs années à un contexte économique particulièrement difficile et que la fermeture du site de Nanterre s'imposait au groupe Smurfit pour sauvegarder la compétitivité des sociétés composant le secteur du PPOR européen ; qu'elle fait également valoir qu'elle a parfaitement respecté l'obligation de reclassement mise à sa charge ; qu'elle a notamment fait une proposition d'emploi similaire au salarié qu'il a refusée ; qu'elle a identifié 104 postes en France (88) et à l'étranger (16) qui auraient pu permettre le reclassement des salariés licenciés ; que le PSE prévoyait la mise en place d'un Point Information Conseil et d'entretiens individuels afin d'accompagner chaque salarié dans sa démarche de reclassement ; que ceux-ci, et notamment Monsieur Y..., ont refusé une mobilité à l'international et d'être reclassés dans les filiales du groupe, privilégiant d'autres choix, notamment au regard des indemnités financières conséquentes proposées dans le cadre du PSE ; qu'une cellule de soutien psychologique a été mise en place pendant toute la durée du PSE ; que 84 % des salariés ont retrouvé une solution de reclassement et qu'elle n'avait pas à saisir la commission paritaire de l'emploi au moment des licenciements, cette obligation ne lui incombant que depuis le 19 février 2015 ;
Sur la cause économique (v. le premier moyen)
Sur le reclassement
que cependant, sans qu'il soit besoin d'examiner plus avant la réalité du motif économique du licenciement invoqué, la cour constate que l'employeur ne justifie pas avoir recherché toutes les possibilités de reclassement existantes ; qu'à cet égard, il y a lieu de relever que : - la mise en place du PSE, fût-il assorti d'un Point Info Conseil, d'entretiens individuels et de bilans d'orientation, ne dispensait pas l'employeur de faire des propositions individualisées de reclassement au salarié, d'autant que le dit PSE rappelait qu'il appartiendrait à la société SKPRF d'une part de rechercher systématiquement toutes les possibilités de reclassement interne et d'autres part d'adresser des offres d'emploi aux salariés par courrier et à leur domicile, - le refus du salarié d'accepter le principe d'un travail à l'étranger ne saurait davantage l'exonérer de l'obligation de reclassement, - une seule offre de reclassement a été proposée par écrit au salarié et hormis l'intitulé du poste et sa localisation, elle ne comportait aucune précision sur les caractéristiques de l'emploi proposé, la rémunération, les horaires de travail, etc, alors même que le PSE rappelait que les offres d'emploi proposées aux salariés devraient comporter toutes ces précisions, - cette seule proposition, fût-elle refusée par le salarié, est insuffisante à établir que l'obligation de reclassement a été respectée, compte tenu de l'importance du groupe dont il sera rappelé qu'il emploie 41000 salariés, et des possibilités d'emplois qu'il était en capacité d'offrir, l'employeur ne justifiant pas même de propositions de postes de catégorie inférieure, - la liste des 104 emplois répertoriés par l'employeur ne suffit pas à démontrer qu'il a recherché toutes les possibilités de reclassement existantes, sachant qu'il ne justifie d'aucun courrier ou courriel aux autres sociétés du groupe dont il ne produit d'ailleurs pas l'organigramme, pas même pour les seuls établissements français dont les registres du personnel ne sont pas versés au dossier ; qu'à cet égard, les deux attestations des responsables des ressources humaines, Monsieur Z... et Madame A..., qui soutiennent que la collecte des postes et leur actualisation ont été effectuées via le réseau Intranet du groupe sont insuffisantes à établir qu'une recherche loyale et systématique a été diligentée ; qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments que la société SKPRF ne démontre pas s'être acquittée de son obligation de reclassement en recherchant notamment toutes les possibilités de reclassement existantes ; qu'il s'ensuit qu'il y a lieu d'infirmer le jugement pour dire le licenciement dénué de cause réelle et sérieuse ; que le salarié peut dans ces conditions prétendre à l'indemnité prévue à l'article L. 1235-3 du code du travail ; que compte tenu notamment de l'effectif de l'entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée au salarié, de son âge (59 ans), de son ancienneté (14 ans), de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle, et des conséquences du licenciement à son égard telles qu'elles résultent des pièces et explications fournies (départ en retraite), il y a lieu de lui allouer la somme de 18 354 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; qu'en application des dispositions de l'article L. 1235-4 du code du travail, il y a lieu d'ordonner à l'employeur de rembourser aux organismes sociaux concernés, parties au litige par l'effet de la loi, les indemnités de chômage qu'ils ont versées le cas échéant au salarié à compter de son licenciement à concurrence de deux mois » ; (arrêt p. 2, dern. al., p. 3, p. 4 et p. 5).
1°) Alors qu'en déclarant qu'une seule offre de reclassement « ne comportant aucune précision sur les caractéristiques de l'emploi proposé, la rémunération, les horaires de travail » avait été proposée au salarié, sans répondre aux conclusions circonstanciées et personnalisées de la société SKPRF faisant valoir qu'elle avait assuré au salarié le maintien de sa rémunération jusqu'à ce qu'il bénéficie d'une retraite à taux plein, éléments établissant que l'employeur avait rempli ses obligations en matière de reclassement ; qu'en s'abstenant de répondre à ces conclusions, d'analyser les documents auxquels elles se référaient et de réfuter les motifs du jugement du conseil de prud'hommes qui avait constaté le respect par l'employeur de son obligation de reclassement, la cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile ;
2°) Alors qu'à l'intérieur du groupe les recherches de reclassement doivent être opérées parmi les entreprises dont les activités, l'organisation ou le lieu d'exploitation leur permettent la permutation de tout ou partie du personnel ; que dès lors énonçant que l'unique proposition de reclassement était insuffisante au regard de la taille du groupe employant 41.000 salariés quand les offres de reclassement ne devaient être opérées que parmi les sociétés exerçant la même activité et où la permutation du personnel était envisageable, soit au sein des seules sociétés françaises, M. B... ayant refusé un reclassement à l'étranger, la cour d'appel a violé les articles L. 1233-2, L. 1233-3 et L. 1235-1 du code du travail.
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Cette décision est visée dans les définitions suivantes :
Plan de sauvegarde de l'emploi
Reclassement
Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 28/04/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.