par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. soc., 21 septembre 2017, 16-15130
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Cour de cassation, chambre sociale
21 septembre 2017, 16-15.130

Cette décision est visée dans la définition :
Fonds d'indemnisation des victimes de l'Amiante




LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Vu leur connexité, joint les pourvois n° B 16-15. 130 à G 16-15. 136 ;


Donne acte à MM. X..., Y..., Z..., Mme A..., MM. B... et Pierre C..., M. D...du désistement de leur pourvoi incident ;

Sur le moyen relevé d'office, après avis donné aux parties :

Vu l'article L. 4121-1 du code du travail, ensemble l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 ;

Attendu que le préjudice moral résultant pour un salarié du risque de développer une maladie induite par son exposition à l'amiante est constitué par le seul préjudice d'anxiété dont l'indemnisation, qui n'est ouverte qu'au salarié qui a travaillé dans l'un des établissements mentionnés à l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 et figurant sur une liste établie par arrêté ministériel pendant une période où y étaient fabriqués ou traités l'amiante ou des matériaux contenant de l'amiante, répare l'ensemble des troubles psychologiques résultant de la connaissance d'un tel risque ;

Attendu, selon les arrêts attaqués, que M. X...et six autres salariés du syndicat des copropriétaires de la tour Montparnasse s'estimant, du fait de leur activité, exposés à un risque résultant de la présence de fibres d'amiante sur leur lieu de travail, ont saisi la juridiction prud'homale d'une demande de dommages-intérêts pour préjudice d'anxiété, pour avoir indirectement exposé leurs familles à l'amiante et pour manquement de l'employeur consistant à leur avoir de manière volontaire caché la présence d'amiante et les dangers encourus ; que les salariés ont, devant la cour d'appel, abandonné leur demande au titre du préjudice d'anxiété et ont formé diverses demandes en réparation du préjudice résultant du bouleversement de leurs conditions d'existence et de dommages-intérêts pour carences de l'employeur dans la mise en oeuvre du document unique d'évaluation des risques, dans la formation à la prévention des risques et à la sécurité en présence d'amiante, dans la remise des équipements de protection individuelle et collective, dans la prévention santé amiante et dans la mise en place de la fiche d'exposition à l'amiante ainsi que pour exécution de mauvaise foi du contrat de travail et violation délibérée de la législation sur l'amiante ;

Attendu que pour condamner l'employeur à payer aux salariés des sommes à titre de dommages-intérêts, les arrêts retiennent que la présence d'amiante dans la tour Montparnasse est avérée comme l'ont établi les différentes analyses réalisées par les experts dans plusieurs lieux de l'édifice, que cependant aucune pièce n'est produite établissant la présence de fibres ou d'un taux de fibres excédant les seuils tolérés dans les espaces dans lesquels les salariés sont amenés à exécuter leur prestation de travail, qu'en revanche, l'employeur ne justifie pas de ses diligences postérieurement aux arrêtés préfectoraux des 13 août 2013 et 15 mai 2014, que ce dernier arrêté visait expressément les mesures de prévention adaptées afin de supprimer le risque d'exposition passive aux poussières d'amiante et notamment celles relatives à l'information et la formation à la prévention du risque (article 11 de l'arrêté), qu'il résulte du procès-verbal de la réunion des délégués du personnel du 30 janvier 2014 que les représentants du personnel ont interrogé l'employeur sur les conclusions du contrôle effectué dans l'atelier ainsi que dans divers locaux, concernant ainsi directement les intéressés, la mise à disposition des fiches individuelles et nominatives d'exposition amiante, la validation de stages amiante de certains personnels, que rien ne permet de constater que de telles fiches étaient à disposition des salariés ni que l'employeur a pris les mesures préconisées par l'inspecteur du travail le 13 août 2013 tendant à prévenir de nouvelles pollutions, assurer des « mesurages » réguliers, procéder à des travaux de retrait d'amiante, appliquer les dispositions de l'article R. 4228-19 faisant interdiction à l'employeur de laisser les travailleurs prendre leur repas dans les locaux affectés au travail ni qu'il a organisé les stages « amiante-habilitation électrique » réclamés par les délégués du personnel lors de la réunion du 24 avril 2013, que dès lors si les salariés n'apportent pas la preuve de la réalité du préjudice résultant du bouleversement dans leurs conditions d'existence, faute d'établir qu'ils ont été directement exposés à des poussières d'amiante, en revanche les manquements de l'employeur à ses obligations légales telles que visées dans son arrêté par le préfet de la région d'Ile-de-France (articles R. 1334-15 à R. 1334-29 du code de la santé publique et R. 4412-124 du code du travail) et celles rappelées expressément par l'inspection du travail, ainsi qu'à son obligation d'exécution loyale du contrat de travail ont occasionné aux salariés un préjudice direct et certain qu'il convient de réparer, toutes causes confondues ;

Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui n'a pas constaté que les salariés avaient travaillé dans l'un des établissements mentionnés à l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998, en sorte qu'ils ne pouvaient prétendre à l'indemnisation d'un préjudice moral au titre de l'exposition à l'amiante, y compris sur le fondement d'un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité, a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :


CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'ils condamnent le syndicat des copropriétaires de la tour Montparnasse à payer à chacun des salariés-MM. X..., Y..., Z..., Mme A..., MM. B... et Pierre C..., M. D...-la somme de 7 000 euros à titre de dommages-intérêts, les arrêts rendus le 8 février 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant lesdits arrêts et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

Condamne MM. X..., Y..., Z..., Mme A..., MM. B... et Pierre C..., M. D...aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite des arrêts partiellement cassés ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un septembre deux mille dix-sept.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour le syndicat des copropriétaires Ensemble immobilier Tour Maine-Montparnasse, demandeur aux pourvois n° B 16-15. 130 à G 16-15. 136


IL EST FAIT GRIEF aux arrêts infirmatifs attaqués d'AVOIR condamné le syndicat des copropriétaires exposant à payer à chaque salarié des dommages et intérêts et une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

AUX MOTIFS QU'ainsi que l'a relevé à juste titre le conseil de prud'hommes, la présence d'amiante dans la tour Montparnasse Tour est avérée comme l'ont établi les différentes analyses réalisées par les experts dans plusieurs lieux de l'édifice ; que cependant aucune pièce n'est produite établissant la présence de fibres ou d'un taux de fibres excédant les seuils tolérés dans les espaces dans lesquels [le salarié] est amené à exécuter sa prestation de travail ; qu'en revanche, le syndicat des copropriétaires de la tour Montparnasse ne justifie pas de ses diligences postérieurement aux arrêtés préfectoraux des 13 août 2013 et 15 mai 2014 ; que ce dernier arrêté visait expressément les « mesures de prévention adaptées afin de supprimer le risque d'exposition passive aux poussières d'amiante », et notamment celles relatives l'information et la formation à la prévention du risque (article 11 de l'arrêté) ; qu'or il résulte du procès-verbal de la réunion des délégués du personnel, en date du 30 janvier 2014 communiqué par le syndicat de copropriétaires, que les représentants du personnel ont interrogé le syndicat de copropriétaires sur les conclusions du contrôle effectué dans l'atelier ainsi que dans divers locaux, concernant ainsi directement l'intéressé, la mise à disposition de la fiche individuelle et nominative d'exposition amiante, la validation de stages amiante de certain personnel ; que force est de constater que rien ne permet de constater que, ainsi que le syndicat de copropriétaires l'a affirmé de telles fiches, étaient à disposition des salariés, ni qu'il a pris les mesures préconisées par l'inspecteur du travail le 13 août 2013 tendant à prévenir de nouvelles pollutions, assurer des « mesurages » réguliers, procéder à des travaux de retrait d'amiante, appliquer les dispositions de l'article R. 4228-19 faisant interdiction à l'employeur de laisser les travailleurs prendre leur repas dans les locaux affectés au travail, ni qu'il a organisé les stages « amiante-habilitation électrique » réclamés par les délégués du personnel lors de la réunion du 2 [5] avril 2013 ; que dès lors si [le salarié] n'apporte pas la preuve de la réalité du préjudice résultant du bouleversement dans ses conditions d'existence, faute d'établir qu'il a été directement exposé à des poussières d'amiante, en revanche les manquements du syndicat de copropriétaires à ses obligations légales telles que visées dans son arrêté par le préfet de la région d'Ile de France (article R. 1334-15 à R. 1334-29 du code de la santé publique et R. 4412-124 du code du travail) et celles rappelées expressément par l'inspection du travail, ainsi qu'à son obligation d'exécution loyale du contrat de travail ont occasionné [au salarié] un préjudice direct et certain qu'il convient de réparer, toutes causes confondues, par l'allocation d'une somme globale de 7 000 euro ;

1. ALORS QUE la cour d'appel a constaté qu'il n'était pas justifié de la présence de fibres ou d'un taux de fibres excédant les seuils tolérés dans les espaces dans lesquels les salariés étaient amenés à exécuter leur prestation de travail ; qu'en considérant cependant que le syndicat des copropriétaires employeur ne justifiant pas de ses diligences postérieurement aux arrêtés préfectoraux des 13 août 2013 et 15 mai 2014, son manquement aux obligations visées dans son arrêté par le préfet de la région d'Ile de France (articles R. 1334-15 à R. 1334-29 du code de la santé publique et R. 4412-124 du code du travail) et celles rappelées expressément par l'inspection du travail, ainsi qu'à son obligation d'exécution loyale du contrat de travail avaient causé un préjudice aux salariés, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations dont il s'évinçait l'absence de préjudice en lien de causalité avec les manquements retenus, et violé les textes précités, ensemble les articles 1147 du code civil et L. 1222-1 du code du travail ;

2. ALORS QUE les juges du fond ne peuvent modifier les termes du litige tels qu'ils résultent des conclusions des parties ; qu'en l'espèce, dans leurs conclusions dont l'arrêt constate (p. 2) qu'elles ont été oralement soutenues, les salariés ne prétendaient pas que l'employeur aurait manqué aux obligations résultant des articles R. 1334-15 à R. 1334-29 du code de la santé publique et R. 4412-124 du code du travail ; qu'en se fondant sur de tels manquements, la cour d'appel a modifié l'objet du litige en violation de l'article 4 du code de procédure civile ;

3. ALORS à tout le moins QUE le juge, qui doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction, ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté (p. 2) que les parties avaient soutenu oralement à l'audience les moyens développés dans leurs conclusions ; que les salariés ne prétendaient pas que l'employeur aurait manqué aux obligations résultant des articles R. 1334-15 à R. 1334-29 du code de la santé publique et R. 4412-124 du code du travail ; qu'en fondant sa décision sur de tels manquements, sans provoquer les observations des parties sur ce moyen relevé d'office, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;

4. ALORS QUE les juges ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner et analyser tous les éléments de preuve qui leur sont fournis par les parties au soutien de leurs prétentions ; qu'en l'espèce, l'employeur produisait un tableau de suivi de la mise en oeuvre de l'arrêté préfectoral du 15 mai 2014 (prod. 7) ; qu'en énonçant que le syndicat des copropriétaires employeur ne justifiait pas de ses diligences postérieurement aux arrêtés préfectoraux des 13 août 2013 et 15 mai 2014, sans viser ni examiner cette pièce, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;

5. ALORS QUE dans sa lettre du 13 août 2013, l'inspectrice du travail, ayant relevé qu'après une opération de dépollution de juin 2013, l'empoussièrement avait été mesuré et que les rapports d'analyse n'avaient pas indiqué de concentration en fibre d'amiante dans l'air, se bornait à indiquer « vous m'indiquerez quelles mesures seront prises pour prévenir de nouvelles pollutions, si des mesurages réguliers sont envisagés et enfin si des travaux de retrait des matériaux amiantés sont prévus », sans délivrer de mise en demeure à cet égard ; qu'en retenant à l'appui de sa décision que rien ne permettait de constater que l'employeur avait pris les mesures préconisées par l'inspecteur du travail le 13 août 2013 tendant à prévenir de nouvelles pollutions, assurer des mesurages réguliers, procéder à des travaux de retrait d'amiante, sans indiquer sur quel fondement l'employeur aurait eu l'obligation de procéder aux mesures évoquées, sans caractère contraignant, par l'inspecteur du travail, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1147 du code civil et L. 1222-1 du code du travail ;

6. ALORS en toute hypothèse QUE les juges ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner et analyser tous les éléments de preuve qui leur sont fournis par les parties au soutien de leurs prétentions ; qu'en l'espèce, l'employeur produisait deux synthèses des mesures d'air effectuées dans la tour Maine-Montparnasse de 2013 à 2015 (prod. 9) ; qu'en affirmant que rien ne permettait de constater que l'employeur avait pris les mesures préconisées par l'inspecteur du travail le 13 août 2013 tendant à prévenir de nouvelles pollutions et à assurer des « mesurages » réguliers, sans viser ni analyser ces pièces, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

7. ALORS de même QUE s'agissant de la mise en demeure faite par l'inspecteur du travail à l'employeur d'appliquer les dispositions de l'article R. 4228-19 du code du travail portant interdiction de laisser les travailleurs prendre leur repas dans les locaux affectés au travail et de fournir dans les trois mois un autre lieu de restauration, l'employeur soulignait (conclusions d'appel c/ Mme A...p. 27, conclusions d'appel c/ les autres salariés p. 28-29) qu'après évocation du sujet lors d'une réunion des délégués du personnel du 26 septembre 2013, une information individuelle et une note de service avaient été adressée aux salariés concernés les 30 octobre 2013 et 10 décembre 2013, ainsi qu'une réponse à l'inspection du travail (prod. 10 à 13) ; qu'il ajoutait que malgré ces consignes très claires, les salariés concernés avaient réorganisé la consommation d'aliments sur place, ce qui avait conduit à les sanctionner (prod. 14 et 15) ; qu'en affirmant que rien ne permettait de constater que l'employeur avait appliqué les dispositions de l'article R. 4228-19 faisant interdiction à l'employeur de laisser les travailleurs prendre leur repas dans les locaux affectés au travail, sans viser ni analyser les pièces invoquées par l'employeur, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;

8. ALORS par ailleurs QUE les juges du fond ne peuvent modifier les termes du litige tels qu'ils résultent des conclusions des parties ; qu'en l'espèce, dans leurs conclusions dont l'arrêt constate (p. 2) qu'elles ont été oralement soutenues, les salariés ne se prévalaient pas d'un défaut d'organisation des stages amiante-habilitation électrique réclamés par les délégués du personnel lors de la réunion du 2 [5] avril 2013 ; qu'en reprochant à l'employeur de ne pas justifier avoir organisé ces stages, la cour d'appel a modifié l'objet du litige en violation de l'article 4 du code de procédure civile ;

9. ALORS à tout le moins QU'en statuant de la sorte, sans provoquer les observations des parties sur ce moyen relevé d'office, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;


10. ALORS en toute hypothèse QUE l'employeur versait aux débats le procès-verbal de réunion des délégués du personnel du 26 septembre 2013 (prod. 10) indiquant au point 2 que s'agissant du stage amiante évoqué lors de la réunion du 2 [5] avril 2013, contact avait été pris avec ITGA (organisme de formation) pour organiser ce stage avant la fin novembre 2013, le procès-verbal de réunion des délégués du personnel du 30 janvier 2014 (prod. 16) faisant état au point 4 de ce que le stage amiante avait été effectué fin 2013, et des attestations de présence délivrées aux salariés notamment pour cette formation ITGA (prod. 17) ; qu'en reprochant à l'employeur de ne pas justifier avoir organisé les stages amiante-habilitation électrique réclamés par les délégués du personnel lors de la réunion du 25 avril 2013, sans examiner ces pièces, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile.



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Cette décision est visée dans la définition :
Fonds d'indemnisation des victimes de l'Amiante


Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 28/04/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.