par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. civ. 2, 13 décembre 2005, 05-12284
Dictionnaire Juridique

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Cour de cassation, 2ème chambre civile
13 décembre 2005, 05-12.284

Cette décision est visée dans la définition :
Accident du travail




AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, DEUXIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt confirmatif attaqué (Nancy, 18 janvier 2005), que Emile X... a travaillé, de 1953 à 1980, au service des Aciéries de Neuves Maisons, établissement alors exploité par la société Usinor, puis par la société Unimétal, aujourd'hui Sogepass ;

qu'il a été reconnu atteint d'une affection inscrite au tableau n° 30 des maladies professionnelles ; qu'après son décès, survenu le 20 février 2000, son épouse et son fils ont saisi la juridiction de sécurité sociale d'une demande d'indemnisation complémentaire en raison de la faute inexcusable de l'employeur ; que leur action a été dirigée contre la société des Aciéries d'Armature pour le Béton (société SAM), exploitant actuel des Aciéries de Neuves Maisons, en vertu d'un apport partiel d'actif par la société Unimétal de la branche complète et autonome d'activité de fabrication et vente de fil machine constituée de cet établissement industriel, à compter du 1er janvier 1993 ;

Sur le premier moyen :

Attendu que la société SAM fait grief à l'arrêt d'avoir refusé de la mettre hors de cause, alors, selon le moyen :

1 / que l'action en reconnaissance d'une faute inexcusable, ouverte aux salariés, est organisée par la loi aux termes de dispositions d'ordre public, et ne peut être engagée qu'à l'encontre de l'employeur à la date à laquelle les faits qui justifient l'action se sont produits ; qu'en décidant que l'action pouvait être exercée contre une entité qui n'était pas l'employeur du salarié à la date des faits, et qui n'a même jamais eu la qualité d'employeur du salarié, les juges du fond ont violé les articles L. 452-1 à L. 452-4 du Code de la sécurité sociale, ensemble l'article 1832 du Code civil et l'article L. 210-1 du Code de commerce ;

2 / qu'en application des dispositions de l'article L. 122-12 du Code du travail, seuls les contrats de travail en cours au jour de la cession sont transmis au cessionnaire ; qu'il en résulte notamment que les obligations de l'employeur nées à l'occasion ou en exécution d'un contrat de travail ne peuvent être transmise au cessionnaire que si ce contrat de travail est toujours en cours au jour de la cession ; qu'en l'espèce, la société SAM avait fait valoir qu'elle ne pouvait être tenue d'aucune obligation envers M. X... dès lors que son contrat de travail au sein de l'entité qui lui avait été cédée avait bien pris fin avant la cession à son profit de cette entité ; qu'en omettant de rechercher, ainsi qu'ils y étaient ce faisant invités, si la circonstance que le contrat de travail de M. X... n'avait pas été transmis à la société SAM par la suite de la cession, n'excluait pas que les obligations nées de ce contrat puissent lui incomber, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard de l'article L. 122-12 du Code du travail ;

Mais attendu que le droit d'un salarié victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle due à la faute inexcusable de son employeur d'obtenir des réparations complémentaires existe dès que le dommage a été causé ; que la cour d'appel, qui n'avait pas à se livrer à des recherches inopérantes, analysant les termes du traité d'apport partiel d'actif selon lesquels la société SAM avait reçu l'ensemble des biens, droits et obligations de toute nature constituant au 1er janvier 1993 la branche complète d'activités de fabrication et de vente de fil machine constituée par l'établissement de Neuves Maisons où travaillait le salarié lors de l'exposition au risque considéré, a exactement décidé, sans encourir les griefs du moyen, que la maladie déclarée trouvant sa cause dans l'activité apportée, la société SAM avait été subrogée aux société Usinor et Sogepass dans leur obligation éventuelle d'indemniser les consorts X... ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le deuxième moyen :

Attendu que la société SAM fait grief à l'arrêt d'avoir dit que la maladie de Emile X... était due à la faute inexcusable de l'employeur, alors, selon le moyen, que si le manquement de l'employeur à son obligation de sécurité de résultat envers un salarié à le caractère d'une faute inexcusable lorsqu'il avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié, et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver, c'est au salarié qu'il incombe de prouver que son employeur n'avait pas pris de telles mesures ; qu'en retenant en l'espèce la faute inexcusable de la société SAM, motif pris de ce qu'elle ne justifiait pas de mesures de préservation de la santé des salariés exposés en permanence à l'inhalation de poussières d'amiante ou encore de ce qu'elle ne rapportait pas la preuve, qui lui aurait incombé, de la mise à dispositions du salarié des moyens de protection individuelle et notamment d'un masque respiratoire, les juges du fond ont inversé la charge de la preuve et violé les articles L. 411-1 et L. 452-1 du Code de la sécurité sociale, ensemble l'article L. 230-2 du Code du travail et l'article 1315 du Code civil ;

Mais attendu qu'en vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l'employeur est tenu envers celui-ci d'une obligation de sécurité de résultat, et que le manquement à cette obligation a le caractère d'une faute inexcusable, au sens de l'article L. 452-1 du Code de la sécurité sociale, lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver ;

Et attendu qu'abstraction faite des motifs erronés mais surabondants critiqués par le moyen, les énonciations des juges du fond caractérisent le fait que l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé son salarié, et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver ; que la cour d'appel a pu en déduire, sans encourir les griefs du moyen, que l'employeur avait commis une faute inexcusable ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Et sur le troisième moyen :

Attendu que la société SAM fait encore grief à l'arrêt de lui avoir dit opposable la décision de reconnaissance de maladie professionnelle par la Caisse, alors, selon le moyen, qu'en application de l'article R. 441-11, alinéa 1er, du Code de la sécurité sociale, avant de se prononcer sur le caractère professionnel d'un accident ou d'une maladie, la caisse doit informer l'employeur de la fin de la procédure d'instruction, des éléments susceptibles de lui faire grief, de la possibilité de consulter le dossier et de la date à laquelle elle prévoit de prendre sa décision ; que le manquement en tout ou partie à cette obligation d'information prive la procédure de caractère contradictoire, rend inopposable à l'employeur la décision d'admettre le caractère professionnel de la maladie ou de l'accident du salarié et prive la caisse du droit de récupérer sur l'employeur, après reconnaissance de sa faute inexcusable, les compléments de rente et indemnités versés par elle ; qu'en l'espèce, après avoir exactement rappelé ce principe, les juges du fond ont malgré tout conclu- au respect -à l'absence de manquement de la caisse à son obligation d'information, pour la seule raison que la CPAM de Nancy aurait adressé à la société SAM les pièces constitutives du dossier d'instruction, qu'ils ont en revanche omis de rechercher, ainsi qu'ils y étaient pourtant invités si la Caisse avait par ailleurs informé la SAM de la date de clôture de son instruction, des éléments susceptibles de lui faire grief ou encore de la date à laquelle elle entendait prendre sa décision ;

qu'en statuant ainsi, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard de l'article R. 441-11, alinéa 1er, du Code de la sécurité sociale ;

Mais attendu que la cour d'appel a relevé que la Caisse avait communiqué le 15 mai 2000 la copie du dossier qu'elle avait constitué, avant de prendre sa décision le 2 juin 2000 ; qu'elle en a exactement déduit qu'elle avait respecté les dispositions de l'article R. 441-11 du Code de la sécurité sociale ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la Société SAM, société des aciers d'armature pour le béton aux dépens ;

Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de la Société SAM, société des aciers d'armature pour le béton ; la condamne à payer aux consorts X... la somme de 2 000 euros ; rejette la demande des sociétés Usinor et Sogepass ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du treize décembre deux mille cinq.



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Cette décision est visée dans la définition :
Accident du travail


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