par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. civ. 1, 17 janvier 2006, 04-11894
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Cour de cassation, 1ère chambre civile
17 janvier 2006, 04-11.894

Cette décision est visée dans la définition :
Exequatur




AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique pris en ses trois branches, tel que figurant au mémoire en demande et reproduit en annexe :

Attendu que par arrêt de la cour d'appel de Casablanca du 22 avril 1993, la société Groupe Gillette a été condamnée à payer 300 000 dirhams à M. X... ; que, par arrêt du 29 mars 2000, la Cour Suprême du Royaume du Maroc a rejeté le pourvoi formé contre cet arrêt par la société Gillette ; que, par jugement du 12 juin 2002, le tribunal de grande instance de Nanterre a rejeté la demande d'exequatur formée par M. X..., en l'état du dépôt d'une requête en rétractation de l'arrêt de la Cour Suprême ; que, par arrêt du 24 juillet 2002, la Cour Suprême du Maroc a rejeté cette requête ;

Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt attaqué (Versailles, 11 décembre 2003) d'avoir déclaré l'arrêt de la cour d'appel de Casablanca exécutoire en France alors, selon le moyen :

1 ) que selon l'article 19 de la Convention franco marocaine du 5 octobre 1957, une décision frappée de pourvoi dans son Etat d'origine ne peut recevoir l'exequatur ; que la décision doit être passée en force de chose jugée (article 16 c) et ne pas méconnaître les exigences de l'ordre public international français (article 16 d) ; que la conformité de la décision à l'ordre public s'apprécie tant au regard de son contenu que de la procédure au terme de laquelle elle a été adoptée ; qu'une décision à l'encontre de laquelle le pourvoi a été rejeté dans des conditions portant atteinte aux droits de la défense ne peut ainsi être considérée comme passée en force de chose jugée et constitue une violation de l'ordre public international français, circonstances faisant obstacle à son exequatur ;

que les conditions dans lesquelles la Cour Suprême a rejeté le pourvoi dirigé contre l'arrêt de la cour d'appel de Casablanca et la demande de rétractation, l'avocat de la société Gillette France n'ayant pas reçu de convocation pour l'audience et n'ayant pas eu connaissance de l'argumentation adverse, constituaient une violation des droits de la défense, faisant obstacle à ce que ces décisions puissent être prises en compte par le juge français pour considérer que l'arrêt de la cour d'appel de Casablanca était passé en force de chose jugée ; qu'en appréciant la régularité des décisions de la Cour Suprême marocaine au regard du code de procédure marocain, quand la régularité de ces décisions ne devait, s'agissant d'une demande d'exequatur, s'apprécier qu'au regard de l'ordre public international procédural français, la cour d'appel a violé les articles 16 et 19 de la convention franco-marocaine ensemble les principes de l'ordre public international français ;

2 ) que pour décider que les droits de la défense avaient été respectés devant la Cour Suprême marocaine, la cour d'appel a limité son contrôle aux mentions portées sur ces décisions sans rechercher, ainsi qu'elle y était pourtant invitée, si au-delà de l'affirmation par les décisions de leur propre régularité, ces mentions correspondaient à des diligences auxquelles il avait été effectivement procédé ; qu'en limitant son contrôle à une apparence de régularité sans en contrôler l'effectivité qui était contestée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 16 et 19 de la Convention franco-marocaine ensemble les principes de l'ordre public international français ;

3 ) que la preuve d'un fait négatif étant impossible, il incombe à la partie adverse d'établir le fait positif inverse ; qu'en reprochant à la société Gillette France de ne pas rapporter la preuve du fait négatif de ce que, contrairement aux énonciations des décisions de la Cour Suprême, elle n'avait pas eu connaissance de la date d'audience devant la Cour Suprême et de l'argumentation adverse, de sorte qu'elle n'avait pas été en mesure de faire valoir ses moyens, la cour d'appel a violé l'article 1315 du code civil ;

Mais attendu que l'arrêt retient que les deux décisions rendues par la Cour Suprême visent l'ordonnance de dessaisissement, la notification de l'inscription de l'affaire dans le rôle de l'audience publique, la convocation des parties et de leurs représentants ainsi que leur défaut ; que la cour d'appel en a exactement déduit, sans inverser la charge de la preuve ni méconnaître son office, que les énonciations de ces deux décisions faisaient foi et que leur régularité au regard du code de procédure civile marocain ne pouvait être remise en cause de sorte que l'arrêt rendu le 22 avril 1993 par la cour d'appel de Casablanca avait l'autorité de la chose jugée et était susceptible d'exécution ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Groupe Gillette France aux dépens ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept janvier deux mille six.



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Cette décision est visée dans la définition :
Exequatur


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