par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. com., 14 février 2006, 05-11822
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Cour de cassation, chambre commerciale
14 février 2006, 05-11.822

Cette décision est visée dans la définition :
Expertise de gestion (sociétés)




AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur les deux moyens, réunis :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 9 novembre 2004), que M. X..., détenteur de plus de 5 % des actions composant le capital de la société Hauterive Saint-James, a fait assigner cette société ainsi que le président de son conseil d'administration, M. Y..., devant le président du tribunal de commerce aux fins d'obtenir, sur le fondement de l'article L. 225-231 du Code de commerce, la désignation d'un expert chargé d'établir un rapport sur diverses opérations de gestion ; que la société Bouffard-Mandon, s'est, en sa qualité de liquidateur de M. X..., associée à cette demande ;

Attendu que la société Bouffard-Mandon fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande d'expertise de gestion, alors, selon le moyen :

1 / que peuvent faire l'objet d'une expertise de gestion les conditions du recouvrement de créances d'une société ; que dans sa lettre adressée le 6 juillet 2001 à M. Y..., président du conseil d'administration de la société Hauterive Saint-James, régulièrement produite aux débats, M. X... avait dénoncé "les retards aberrants dans le suivi des factures clients" mettant la société "dans une position d'inquiétude et d'inconfort" ; qu'en jugeant que ces propos n'équivalaient pas à une question suffisamment précise rendant recevable la demande d'expertise de gestion, la cour d'appel a violé l'article L. 225-231 du Code de commerce ;

2 / que constitue un acte de gestion la décision du mode de contrôle de la comptabilité de la société ; que, dans sa lettre du 6 juillet 2001, M. X... avait demandé à M. Y... à qui la charge de la comptabilité avait été confiée en ces termes : "Qui contrôle la comptabilité du Saint-James ?" ; qu'en jugeant que M. X... n'avait pas demandé de façon précise des explications sur des actes de gestion clairement identifiés, la cour d'appel a violé l'article L. 225-231 du Code de commerce ;

3 / que peut faire l'objet d'une expertise de gestion la convention d'approvisionnement liant deux sociétés -surtout quand le dirigeant de l'une est également dirigeant de l'autre- ; que dans sa lettre du 27 juillet 2001, M. X... indiquait : "Il est assez peu usuel qu'un client soit interpellé comme je l'ai été par l'un de ses fournisseurs exigeant de lui des explications ... Il s'est trouvé que la responsable de nos achats a constaté que Borehal avait subitement majoré le prix d'un produit qu'elle nous fournissait (vanille) ce qui nous a conduit à chercher ailleurs, à meilleur prix, un produit équivalent. Doit-on considérer que notre société ne peut s'approvisionner qu'auprès de la société Borehal quels que soient les prix pratiqués par cette dernière ?" ; qu'en jugeant que M. X... n'avait pas demandé de façon précise des explications sur des actes de gestion clairement identifiés, la cour d'appel a violé l'article L. 225-231 du Code de commerce ;

4 / qu'en jugeant que la dénonciation de "retards aberrants dans le suivi des factures clients" mettant la société "dans une position d'inquiétude et d'inconfort" n'équivalait pas à une question suffisamment précise sur une opération de gestion, la cour d'appel a dénaturé la lettre de M. X... du 6 juillet 2001 en violation de l'article 1134 du Code civil ;

5 / qu'en jugeant que M. X... n'avait pas demandé de façon précise des explications sur des actes de gestion clairement identifiés, quand la lettre de M. X... du 6 juillet 2001 à M. Y... demandait notamment "Qui contrôle la comptabilité du Saint-James ?", la cour d'appel a dénaturé ladite lettre en violation de l'article 1134 du Code civil ;

6 / qu'en jugeant que M. X... n'avait pas demandé de façon précise des explications sur des actes de gestion clairement identifiés, quand la lettre de M. X... du 27 juillet 2001 indiquait : "Il est assez peu usuel qu'un client soit interpellé comme je l'ai été par l'un de ses fournisseurs exigeant de lui des explications ... Il s'est trouvé que la responsable de nos achats a constaté que Borehal avait subitement majoré le prix d'un produit qu'elle nous fournissait (vanille) ce qui nous a conduit à chercher ailleurs, à meilleur prix, un produit équivalent. Doit-on considérer que notre société ne peut s'approvisionner qu'auprès de la société Borehal quels que soient les prix pratiqués par cette dernière ?", la cour d'appel a dénaturé ladite lettre en violation de l'article 1134 du Code civil ;

Mais attendu qu'il résulte de l'article L. 225-231 du code de commerce que si un ou plusieurs actionnaires représentant au moins 5 % du capital social peuvent demander en référé la désignation d'un ou plusieurs experts chargés de présenter un rapport sur une ou plusieurs opérations de gestion, cette faculté n'est ouverte qu'après que lesdits actionnaires ont posé par écrit au président du conseil d'administration ou au directoire des questions relatives à ces opérations et à défaut de réponse dans un délai d'un mois ou à défaut de communication d'éléments de réponse satisfaisants ; qu'en l'espèce, ayant relevé, par une appréciation souveraine exempte de dénaturation, que dans les courriers adressés préalablement à la demande d'expertise, M. X... n'avait fait que s'interroger de façon générale sur la politique de gestion de la société sans demander de façon précise des explications sur des actes de gestion clairement identifiés, la cour d'appel en a exactement déduit que la demande d'expertise de gestion ne pouvait être accueillie ;

que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Bouffard-Mandon, ès qualités, aux dépens ;

Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à la société Hauterive Saint-James et à M. Y... la somme globale de 2 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze février deux mille six.



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Cette décision est visée dans la définition :
Expertise de gestion (sociétés)


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