par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. civ. 1, 20 mars 2007, 05-21541
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Cour de cassation, 1ère chambre civile
20 mars 2007, 05-21.541

Cette décision est visée dans la définition :
Divertir/Divertissement




Attendu que M. X..., faisant état de l'atteinte à la présomption d'innocence dont il estimait avoir été victime par la publication dans un numéro du 20 décembre 2004 d'un article intitulé "le procureur de Bayonne fait scandale" et dans un numéro du 23 décembre 2004 d'un article intitulé "la prostituée accable le procureur de Bayonne", a fait assigner la SNC Le Parisien libéré, éditrice des quotidiens "Aujourd'hui en France" et "Le Parisien" devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Toulouse sur le fondement de l'article 9-1 du code civil aux fins d'obtenir sous astreinte l'insertion d'un communiqué dans cinq quotidiens ;

Sur le premier moyen :

Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt d'avoir écarté l'exception de nullité de l'assignation soulevée par la société Le Parisien libéré et dit que cette dernière avait porté atteinte à la présomption d'innocence, alors, selon le moyen :

1°/ que la cour d'appel qui a retenu en référé l'existence d'une atteinte à la présomption d'innocence et tendait à la réparation du préjudice en découlant sans en tirer les conséquences quant à la requalification des faits qui portaient atteinte à l'honneur et à la considération a violé les articles 29 et 53 de la loi du 29 juillet 1881 et 9-1 du code civil ;

2°/ que la cour d'appel qui a retenu l'existence d'une atteinte à la présomption d'innocence sans en tirer les conséquences quant à la régularité de l'assignation a violé l'article 53 de la loi du 29 juillet 1881 ;

Mais attendu que les abus de la liberté d'expression portant atteinte à la présomption d'innocence ne peuvent être réparés que sur le fondement de l'article 9-1 du code civil et que les règles de forme prévues par la loi du 29 juillet 1881 ne s'appliquent pas à l'assignation visant une telle atteinte ;

Que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le troisième moyen :

Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt d'avoir accueilli la demande alors que les articles de journaux incriminés ayant exclusivement pour objet de donner les résultats d'une enquête préliminaire en rapportant entre guillemets les propos tenus par les enquêteurs, ne portaient pas atteinte à la présomption d'innocence et en décidant le contraire la cour d'appel aurait violé l'article 9-1 du code civil ;

Mais attendu que les premiers juges ont relevé, relativement au premier article qu'il narrait les faits en les qualifiant de "consternante histoire de vol de carte bleue dont le magistrat s'est rendu coupable" ; que figure en intertitre la citation "c'est avec une carte de crédit subtilisée à un collègue allemand que ce monsieur s'est offert un joyeux divertissement" citation répétée et attribuée plus bas à un tiers ; que cet article comporte expressément le mot "coupable" accolé au nom de M. X... ; que l'ensemble de la narration conduit le lecteur à considérer que le procureur s'est rendu coupable non seulement de vol, mais également d'une escroquerie ; que le second, intitulé "la prostituée accable le procureur de Bayonne", comportait dès la première phrase et au passé composé de l'indicatif que "Pierre X... le procureur de la République de Bayonne a été pris dans une sordide affaire de vol de carte bleue utilisée dans un bar de nuit" ; que l'auteur de l'article écrit encore que "l'établissement où le magistrat français a utilisé la carte bleue qu'il venait de dérober se nomme le Bijou" ; que l'enquête est décrite comme "devant confondre celui qui avait utilisé la carte de crédit volée" ; qu'ils en ont exactement déduit que ces articles qui ne retenaient aucun élément à décharge ni aucun usage du conditionnel, contenaient des conclusions définitives tenant pour acquise la culpabilité de la personne visée ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur les deuxième et quatrième moyens :

Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt d'avoir dit que la société "Le Parisien libéré" avait porté atteinte à la présomption d'innocence bénéficiant à M. X... et d'avoir ordonné la publication à ses frais d'un communiqué faisant état de sa condamnation et de l'avoir condamnée à lui payer une provision de 20 000 euros alors, selon le deuxième moyen :

1°/ qu'en constatant qu'au moment où elle statue l'atteinte a cessé la cour d'appel a porté une atteinte disproportionnée à la liberté de la presse et violé l'article 10 § 2 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

2°/ qu'en prononçant une condamnation au paiement d'une provision sur le fondement de l'article 9-1 du code civil alors même que l'organe de presse se trouvait privé de l'exercice des droits de la défense propres à l'action en diffamation tirés de la preuve de la vérité des faits litigieux ou de l'excuse de bonne foi, la cour d'appel a méconnu le droit au procès équitable et violé l'article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

et alors, selon le quatrième moyen :

1°/ qu'en allouant une provision à M. X... au motif que le principe de la réparation n'est pas discutable sans constater que cette mesure était de nature à mettre fin à l'atteinte à la présomption d'innocence invoquée par ce dernier et sans préciser la nature du préjudice subi, la cour d'appel statuant en référé a excédé les pouvoirs qu'elle tenait de l'article 9-1 du code civil et violé ce texte ;

2°/ que la cour d'appel ayant affirmé que l'article 9-1 du code civil sur lequel M. X... fondait exclusivement son action, avait pour but de lui garantir l'équité du procès futur et qu'en saisissant le juge des référés il visait à préserver son droit fondamental à être entendu par des juges impartiaux, il ne pouvait être fait droit à hauteur de 20 000 euros à la demande de provision présentée par l'intéressé sans qu'il soit constaté que la publication des articles incriminés l'avait privé du procès équitable et du droit d'être entendu par des juges impartiaux sauf à entacher l'arrêt d'un manque de base légale au regard de l'article 9-1 du code civil ;

3°/ que la cour d'appel ayant constaté que l'atteinte avait cessé, la condamnation ne reposait sur aucun fondement, le préjudice subi ne pouvant être fonction du nombre d'exemplaires du quotidien vendus sauf à violer l'article 9-1 du code civil ;

Mais attendu que la cour d'appel, ayant constaté que le communiqué ordonné par le juge des référés avait été publié et la décision exécutée, en a justement déduit que l'atteinte avait cessé et qu'il n'y avait pas lieu à condamnation supplémentaire ; qu'en confirmant la condamnation au paiement d'une somme de 20 000 euros à valoir à titre provisionnel du préjudice moral en raison du dommage subi, elle a statué en application de l'article 9-1 du code civil sans violer ce texte, ni les articles 6 § 1 et 10 § 2 de la Convention européenne des droits de l'homme ; que ces moyens ne sont pas fondés ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi  ;

Condamne la société Le Parisien libéré aux dépens ;

Vu l'article 700 du nouveau code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt mars deux mille sept.



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Divertir/Divertissement


Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 11/05/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.