par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. civ. 1, 15 mai 2008, 06-20806
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Cour de cassation, 1ère chambre civile
15 mai 2008, 06-20.806

Cette décision est visée dans la définition :
Porte-fort




LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu que le 19 septembre 1998, M. X... a cédé à M. Y... 500 des 4 990 actions qu'il possédait dans la Société touristique d'hôtellerie et de casino de la Réunion (STHCR) ; que le même jour, ils ont signé un pacte d'actionnaires, signifié le même jour à la société, fixant les droits et obligations des parties dans le cadre de cette association ; que le 8 janvier 2004, M. X... et la STHCR ont fait assigner M. Y... devant un tribunal de grande instance en annulation du pacte d'actionnaires en application de son article 11 et en restitution des dividendes indûment perçus ;

Sur le premier moyen :

Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt attaqué (Saint-Denis, 11 août 2006) de débouter M. X... et la STHCR de toutes leurs demandes alors que la cour d'appel, en refusant de prononcer la nullité du pacte d'actionnaires après avoir constaté celle de la clause compromissoire, a violé les articles 1134 du code civil et 1442 du code de procédure civile dès lors que l'article 11 du pacte d'actionnaires stipulait que la nullité d'une seule clause entraînerait celle du pacte ;

Mais attendu que l'arrêt retient que la clause compromissoire, clause procédurale, n'est qu'accessoire au contrat et non la cause de l'acte ; que la cour d'appel en déduit exactement que, même si l'article 11 du pacte d'actionnaires stipule que la nullité d'une seule clause entraînera celle du pacte lui-même, l'autonomie de la clause par rapport au contrat qui la contient ne permet pas d'admettre que sa nullité entraîne la nullité totale du contrat ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le deuxième moyen :

Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt d'avoir ainsi statué alors que le droit de retrait de l'actionnaire minoritaire, prévu à l'article 8-1 du pacte d'actionnaires, l'exonérait de toute contribution aux pertes en violation de l'article 1844-1 du code civil selon lequel les stipulations exonérant un associé de la totalité des pertes sont réputées non écrites ;

Mais attendu que l'arrêt relève qu'il n'est ni illicite ni contraire à l'objet social ou aux statuts de prévoir qu'un actionnaire pourra percevoir des dividendes au-delà de sa participation et que la clause assortissant les actions acquises par M. Y... d'un droit de priorité n'est pas nulle ; qu'il retient qu'il ne résulte pas des dispositions combinées du pacte que M. Y... recevrait la totalité du profit de la STHCR ou serait exonéré de la totalité de ses pertes ; que la cour d'appel en a déduit justement que M. Y... se trouve soumis à l'aléa social, la rétribution de ses parts sociales par la société dépendant des bénéfices distribuables et de leur variation, alors au surplus que ni la faculté de rachat des parts par M. X... ni la faculté de retrait encadrée dans le temps consentie à M. Y... ne sont de nature à exonérer celui-ci de tout risque de perte ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le troisième moyen :

Attendu qu'il est encore fait grief à l'arrêt d'avoir statué ainsi alors que 1) l'arrêt a utilisé un motif inopérant et n'a pas justifié la décision au regard de l'article 1130 du code civil en retenant que la stipulation critiquée ne pouvait pas constituer un pacte sur succession future, celui-ci s'entendant d'une convention portant sur une succession non ouverte ; 2) l'article 9 du pacte prévoyant que ses stipulations engageaient les héritiers et l'article 8-1 offrant à M. Y... une faculté de retrait dans les trois mois à compter de la signification du renouvellement ou du non-renouvellement de la licence des jeux, cet engagement devait passer aux héritiers de M. X... et constituait donc un pacte sur succession future, l'obligation de ces derniers pouvant naître après le décès de leur auteur ; qu'en décidant qu'il n'y avait pas un tel pacte, la cour d'appel a violé l'article 1130 du code civil ;

Mais attendu que, contrairement aux prétentions des demandeurs, la clause litigieuse se limite à stipuler une promesse de vente à terme, déterminée dans son objet et dans son prix, de la part de l'une des parties au profit de l'autre et dont seule l'exécution est différée ; que la cour d'appel a exactement dit qu'elle ne constituait pas un pacte sur succession future dès lors que la promesse de vente qui peut être levée avant la mort du promettant dans certaines circonstances ou, à défaut, après son décès constitue une convention post mortem parfaitement valable ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;



Sur le quatrième moyen :

Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté la demande de requalification du pacte d'actionnaires en prêt déguisé accordé à un taux usuraire en violation des articles 12 du code de procédure civile et 1582 du code civil en déclarant sans incidence sur la qualification de la convention l'obligation fait à M. X... de verser le prix d'acquisition dans les caisses de la STHCR, alors que ne constitue pas une vente l'opération par laquelle une personne cède à une autre des actions moyennant un prix qu'il s'oblige à remettre à la disposition d'un tiers ;

Mais attendu que l'arrêt relève qu'il n'est pas établi, comme le suppose l'argumentation des demandeurs, que la STHCR soit redevable du prix des actions à M. Y... dans le cadre du pacte ni que celles-ci aient été payées sur la trésorerie de la société ; qu'il retient que le fait que le prix des actions doive servir à reconstituer la trésorerie de la société et que M. Y... bénéficie d'une priorité de participation à des éventuels financements futurs est sans incidence ; que la cour d'appel a exactement décidé que, l'absence d'aléa social n'étant pas justifié, M. Y... était un associé et non un simple prêteur, l'affectio societatis étant au surplus démontré par les clauses anti-dilution, de priorité, d'information, de contrôle et de préférence ;

Sur les cinquième et sixième moyens :

Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt d'avoir condamné la STHCR à verser des dividendes à M. Y... 1) sans répondre aux conclusions par lesquelles la STHCR soutenait que n'ayant pas ratifié la promesse de porte-fort, elle n'était pas engagée par le pacte d'actionnaires auquel elle était tiers et sans satisfaire aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile ; 2) sans examiner l'incidence du refus de la STHCR de ratifier l'engagement pris par M. X... alors que, du fait de ce refus, elle n'était pas engagée par le pacte d'actionnaire ce dont il résultait que le porte-fort d'exécution n'avait pas à exécuter une obligation principale inexistante et sans justifier légalement sa décision au regard des articles 1120 et 1134 du code civil ;

Mais attendu que l'arrêt relève que, sur les résultats des années 2001 à 2004, la STHCR a versé à M. Y... la somme de 67 634, 31 euros ; que, sans avoir à répondre aux conclusions prétendument délaissées, la cour d'appel en a implicitement déduit que ces paiements valaient ratification par la société de la promesse de porte-fort ;

Et attendu qu'après avoir rappelé que M. X... s'est engagé personnellement à ce que les dividendes soient payés le 15 mai de chaque année à M. Y..., l'arrêt retient exactement que cet engagement, notifié à la STHCR, de faire exécuter par la société un engagement auquel il n'était pas partie, constitue un porte-fort d'exécution, valable comme comportant la mention manuscrite de cet engagement mais limité au montant des dividendes dus par la STHCR ; que la cour d'appel a légalement justifié sa décision ;

Que les moyens ne sont pas fondés ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la STHCR et M. X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la STHCR et de M. X... et les condamne à payer à M. Y... la somme de 2 500 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quinze mai deux mille huit.



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Cette décision est visée dans la définition :
Porte-fort


Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 11/05/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.